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- 333. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de la Fédération internationale des associations de pilotes de ligne (IFALPA) du 14 décembre 1993. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication du 6 juillet 1994.
- 334. La Turquie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de la fédération plaignante
A. Allégations de la fédération plaignante
- 335. Dans sa communication du 14 décembre 1993, la Fédération internationale des associations de pilotes de ligne (IFALPA) indique que la compagnie Turkish Airlines et le Syndicat des travailleurs de l'aviation de Turquie (Hava-is) avaient entamé des négociations prolongées qui n'avaient pas abouti, le syndicat s'étant montré peu réceptif à la proposition de la compagnie de réduire le temps de travail pour compenser l'insuffisance de l'augmentation de salaire offerte qui était inférieure au niveau de l'inflation en Turquie. Il a donc décidé d'appeler ses membres à voter pour déterminer si le déclenchement d'une grève bénéficierait d'un soutien suffisant, et pour faire pression en faveur de ses revendications. La fédération plaignante indique que l'issue du scrutin a conduit à renoncer à la grève à cause d'une petite différence de voix en défaveur. Elle signale également que, conformément aux statuts en vigueur, le dépouillement du scrutin avait eu lieu en présence d'un certain nombre de représentants des pilotes et du personnel de cabine, de membres du conseil d'administration et du personnel de direction de Turkish Airlines, et de certains inspecteurs du gouvernement, qui étaient tous là en qualité d'observateurs.
- 336. La fédération plaignante allègue que, peu après le scrutin, certains pilotes et membres du personnel de cabine qui avaient assisté au dépouillement ont été licenciés (deux pilotes, dirigeants de l'Association des pilotes de ligne de Turquie (TALPA), cinq membres du personnel de cabine qui étaient affiliés à l'Association du personnel de cabine, dont son président, un autre membre du personnel de cabine et deux manutentionnaires); d'autres ont subi un préjudice, la compagnie ayant décidé de leur interdire d'effectuer des vols (quatre pilotes syndicalistes et trois membres du personnel de cabine, tous dirigeants syndicaux de Hava-is). La fédération syndicale explique que les pilotes licenciés, membres de l'Association des pilotes de ligne de Turquie (TALPA) - même s'ils en étaient les porte-parole -, n'exerçaient aucune fonction dans l'organisation syndicale Hava-is; ils ont donc été licenciés conformément à la législation turque qui autorise le licenciement moyennant le versement des indemnités prévues. Quant aux quatre pilotes dirigeants de Hava-is, la compagnie a éprouvé davantage de difficulté pour les licencier; elle leur a donc refusé des promotions, et le service des tableaux de vol a reçu l'ordre de rayer leur nom de la liste du personnel volant sans les informer de cette décision au préalable et sans en expliquer les motifs. La fédération plaignante ajoute qu'aucun des six pilotes ayant subi un préjudice n'a reçu de lettre officielle l'informant des décisions qui avaient été adoptées à son encontre ni même des raisons qui les avaient motivées.
- 337. Enfin, la fédération plaignante indique qu'un membre de la direction de la compagnie a déclaré que celle-ci avait perdu confiance dans les six pilotes en question, de sorte qu'il était impossible de les maintenir à un poste opérationnel, et que le pilote qui était président de TALPA avait été licencié parce qu'il s'était adressé au directeur général de la compagnie en des termes irrespectueux et excessifs. En fait, ce cadre dirigeant a fait état de cette perte de confiance à la suite d'un défi lancé publiquement par l'association TALPA à la direction de la compagnie, lui proposant un débat ouvert sur ce que l'association considère comme des procédés opérationnels illégaux. De même, la fédération plaignante estime que les six membres de TALPA ont été punis parce qu'ils avaient eu le courage de faire connaître leur désapprobation relative à diverses pratiques opérationnelles et d'emploi utilisées par l'entreprise.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 338. Dans sa communication du 6 juillet 1994, le gouvernement explique que la compagnie Turkish Airlines est un établissement public autonome, et que le gouvernement n'a pas compétence pour intervenir directement dans les procédures internes relatives à l'emploi du personnel. Il déclare qu'il ressort des informations qu'il a demandées à la compagnie: 1) que la direction n'a exercé aucune pression sur les membres de son personnel qui mènent des activités syndicales et que ces activités se déroulent en toute liberté dans le cadre légal établi; 2) que les procédures disciplinaires évoquées par la fédération plaignante et qui ont été appliquées par la compagnie ne sauraient être considérées comme un moyen de pression à l'encontre du personnel qui exerce des activités syndicales, car elles s'inscrivent dans le cadre de l'exercice légal des droits de la compagnie; 3) qu'il a été mis un terme au contrat des pilotes, des membres du personnel de cabine et de l'ex-président de l'Association des pilotes de ligne de Turquie (TALPA), parce que ces travailleurs ont tenu des propos agressifs et ont eu un comportement incorrect à l'égard du conseil d'administration de la compagnie et de ses membres.
- 339. Le gouvernement fait savoir que les deux pilotes dont le contrat de travail a été résilié ont reçu les indemnités prévues par la loi; par ailleurs, la compagnie a également résilié le contrat de travail des cinq travailleurs qui faisaient partie du personnel de cabine, après leur avoir envoyé un préavis de licenciement. Ces cinq travailleurs ont intenté un recours en justice. Le gouvernement indique aussi que la compagnie a retiré sa confiance aux quatre autres pilotes qui exerçaient des fonctions de représentation au sein de l'organisation syndicale parce qu'ils ne sont pas intervenus lorsque des propos agressifs ont été tenus à l'égard du conseil d'administration de la compagnie et de son président. Le gouvernement précise que ces pilotes n'ont pas été licenciés, mais que le conseil d'administration a décidé de leur interdire d'effectuer des vols, comme il en avait le droit, parce qu'il n'avait plus confiance en eux; cependant, les intéressés bénéficient toujours des primes d'ancienneté et des primes de vol, de sorte qu'ils n'ont pas subi de perte économique majeure. Enfin, le gouvernement affirme que la législation turque prévoit des mesures de protection contre les actes de discrimination antisyndicale et que les pilotes et les membres du personnel de cabine qui s'estiment lésés peuvent introduire des recours en justice pour exiger le respect de leurs droits, comme d'ailleurs certains d'entre eux l'ont fait.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 340. Le comité observe que les allégations dans le présent cas se réfèrent à certaines mesures prises par la compagnie Turkish Airlines qui frappent des dirigeants et des militants syndicaux ainsi que des travailleurs, à la suite d'un scrutin organisé par les membres du Syndicat des travailleurs de l'aviation de Turquie (Hava-is) pour décider du déclenchement d'une grève. Concrètement, la fédération plaignante allègue le licenciement de sept dirigeants syndicaux (deux pilotes et cinq membres du personnel de cabine) et de trois autres travailleurs (un membre du personnel de cabine et deux manutentionnaires), ainsi que l'interdiction d'effectuer des vols prononcée à l'encontre de quatre pilotes et de trois membres du personnel de cabine qui sont dirigeants syndicaux.
- 341. Le comité prend note des observations du gouvernement selon lesquelles: 1) la direction de la compagnie n'a exercé aucune pression sur le personnel qui mène librement des activités syndicales dans le cadre légal; 2) les procédures disciplinaires évoquées par la fédération plaignante et appliquées par la compagnie ne sauraient être considérées comme un moyen de pression à l'encontre du personnel qui exerce des activités syndicales, car elles s'inscrivent dans le cadre légal des droits de la compagnie; 3) le contrat de travail des pilotes, du personnel de cabine et de l'ex-président de l'Association des pilotes de ligne de Turquie (TALPA) a été résilié en raison des propos agressifs et du comportement incorrect de ces travailleurs à l'égard du conseil d'administration de la compagnie et de ses membres; 4) deux pilotes dont le contrat de travail a été résilié ont été indemnisés conformément à la loi; 5) le contrat de travail de cinq travailleurs qui faisaient partie du personnel de cabine a été résilié, après qu'ils aient reçu un préavis de licenciement. Par la suite, ces travailleurs ont intenté une action en justice qui est encore en cours; 6) le conseil d'administration de la compagnie a décidé d'interdire à quatre pilotes dirigeants syndicaux d'effectuer des vols parce qu'il n'a plus confiance en eux, mais ils continuent de bénéficier de la prime d'ancienneté et des primes de vol.
- 342. Le comité observe que les licenciements faisant l'objet du présent cas ont eu lieu à la suite d'un conflit entre le Syndicat des travailleurs de l'aviation de Turquie (Hava-is) et la compagnie Turkish Airlines et, plus précisément, après un scrutin organisé pour décider du déclenchement d'une grève. Par ailleurs, le comité observe que, selon le gouvernement, les pilotes et les travailleurs appartenant au personnel de cabine ont été licenciés en raison de propos agressifs et d'un comportement incorrect à l'encontre du conseil d'administration de la compagnie et de ses membres. Les éléments de caractère général communiqués par le gouvernement ne permettent pas au comité d'apprécier la gravité des termes utilisés par les dirigeants syndicaux et les syndicalistes licenciés ni leur conduite dans le cadre du conflit collectif. Le comité souhaite rappeler que, "en ce qui concerne les motifs de licenciement, les activités des dirigeants syndicaux doivent être examinées dans le contexte des situations particulières qui peuvent être spécialement tendues et difficiles en cas de différend du travail et de grève". (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 561.)
- 343. Compte tenu de ce qui précède, et puisqu'il existe des indices manifestes du caractère antisyndical des licenciements, attendu qu'ils se sont produits après un scrutin qui devait décider du déclenchement d'une grève et que les travailleurs licenciés ont assisté au dépouillement, le comité attire l'attention du gouvernement sur le fait que nul ne devrait faire l'objet de sanctions pour avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime. Il prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour encourager les parties à la conclusion d'un accord de façon à ce que tous les dirigeants et les militants syndicaux, ainsi que les travailleurs licenciés dans cette affaire soient réintégrés dans leurs emplois. De même, le comité veut croire que les autorités judiciaires tiendront compte du principe mentionné au paragraphe antérieur dans le cadre des actions introduites par certains des travailleurs licenciés, et il demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue de ces recours.
- 344. Par ailleurs, s'agissant de la décision prise par la compagnie d'interdire à quatre pilotes et à trois membres du personnel de cabine (qui sont tous des dirigeants syndicaux de Hava-is) d'effectuer des vols au motif qu'elle n'a plus confiance en ces travailleurs et que, de ce fait, ils ne peuvent plus assumer un poste opérationnel, le comité ne peut qu'estimer que cette décision - comme la décision du licenciement des autres dirigeants syndicaux et des syndicalistes - semble avoir été adoptée pour sanctionner les activités syndicales des travailleurs en question et, plus concrètement, l'organisation d'un scrutin pour décider d'une grève. Par conséquent, le comité rappelle une fois de plus au gouvernement que "nul ne doit être licencié ou faire l'objet d'autres mesures préjudiciables en matière d'emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l'exercice d'activités syndicales légitimes, (et il est important) que tous les actes de discrimination en matière d'emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique". (Voir 270e rapport, cas no 1460 (Uruguay), paragr. 63, et 272e rapport, cas no 1506 (El Salvador), paragr. 132.) Il demande au gouvernement de s'efforcer de rapprocher les parties en conflit et de faire en sorte qu'ils puissent reprendre leur service de vol s'ils le souhaitent.
- 345. Enfin, le comité observe que le gouvernement ne s'est pas référé dans ses observations aux allégations de licenciement de trois travailleurs (un membre du personnel de cabine et deux manutentionnaires) ni à l'interdiction d'effectuer des vols prononcée à l'encontre de trois travailleurs membres du personnel de cabine (syndicalistes membres de Hava-is), qui avaient participé au dépouillement du scrutin. Constatant que ces travailleurs ont fait l'objet de représailles dans les mêmes circonstances que celles qui sont mentionnées plus haut, le comité estime que ses conclusions s'appliquent intégralement à ces autres cas et il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 346. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour encourager les parties à conclure un accord de façon à ce que tous les dirigeants et les militants syndicaux, ainsi que les travailleurs qui ont été licenciés à la suite de l'organisation d'un scrutin pour décider du déclenchement d'une grève à Turkish Airlines, soient réintégrés dans leurs postes de travail.
- b) Le comité veut croire que les autorités judiciaires tiendront compte du principe mentionné dans ses conclusions lorsqu'elles traiteront des actions introduites par certains des travailleurs licenciés, et il demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue de ces procédures.
- c) S'agissant de la décision de la compagnie aux termes de laquelle quatre pilotes syndicalistes ne sont plus autorisés à voler, le comité rappelle que nul ne doit faire l'objet de mesures préjudiciables en matière d'emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l'exercice d'activités syndicales légitimes, et il demande au gouvernement de s'efforcer de rapprocher les parties en conflit et de faire en sorte qu'ils puissent reprendre leur service de vol s'ils le souhaitent. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- d) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la situation des trois travailleurs (dont un membre du personnel de cabine) qui ont été licenciés et des trois membres du personnel de cabine qui s'étaient vu interdire la possibilité d'effectuer des vols et concernant lesquels le gouvernement n'a pas communiqué ses observations.