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- 358. Le 27 mai 1993, l'Union nationale des travailleurs du Cap-Vert - Centrale syndicale (UNTC-CS) a déposé devant le Comité de la liberté syndicale une plainte en violation des droits syndicaux dirigée contre le gouvernement du Cap-Vert. Elle a communiqué des informations complémentaires en date du 1er juillet 1993.
- 359. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication datée du 20 juillet 1993.
- 360. Le Cap-Vert n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 361. Dans ses communications des 27 mai et 1er juillet 1993, l'Union nationale des travailleurs du Cap-Vert - Centrale syndicale (UNTC-CS) allègue l'ingérence du gouvernement dans son fonctionnement en violation de la liberté syndicale et l'exercice des droits syndicaux.
- 362. L'organisation plaignante allègue plus particulièrement que le nouveau décret-loi no 170/91 du 27 novembre 1991 sur les syndicats exige des organisations existantes une procédure d'enregistrement contraignante pour l'obtention de la personnalité juridique et que cette procédure est une violation des normes établies par l'OIT. Ayant été créée en 1978, l'UNTC-CS estime qu'elle devrait pouvoir obtenir la personnalité juridique sans avoir à se soumettre à la nouvelle procédure en vertu du décret-loi no 170/91 qui, d'après elle, s'applique uniquement aux organisations nouvellement créées. Après le refus des autorités de prendre en compte son point de vue et afin de faire valoir valablement ses droits et obligations, l'organisation plaignante a été contrainte de se soumettre aux dispositions du décret-loi no 170/91 et de déposer une demande d'enregistrement conformément au décret-loi. Elle indique que, suite à cette démarche, ses statuts ont été à nouveau officiellement publiés dans le Journal officiel du 12 mai 1992.
- 363. L'organisation plaignante déclare que le gouvernement a interprété sa décision de se soumettre au décret-loi no 170/91 comme un acte de dissolution suivi de la création d'une nouvelle centrale syndicale sous la même dénomination. Le gouvernement a imposé à l'UNTC-CS les conditions exigées d'une organisation syndicale créée pour la première fois et a exigé qu'elle élimine des documents présentés en vue de l'enregistrement de ses statuts toute référence aux décisions du IIe Congrès et la remplace par le terme "Congrès constitutif", ce qui a été refusé par l'UNTC-CS. Elle est d'avis que l'interprétation du gouvernement et l'application des dispositions du décret-loi no 170/91 constituent une ingérence dans ses affaires internes.
- 364. L'UNTC-CS explique ensuite que le gouvernement persiste à suivre cette interprétation. Ainsi, en 1993, les autorités ont reconnu les statuts d'une nouvelle centrale syndicale dénommée Confédération cap-verdienne des syndicats libres (CCSL) en les publiant dans le Journal officiel. L'article 55.4 de ces statuts stipule que "la CCSL s'assume comme un des propriétaires de tous les biens mobiliers et immobiliers qui appartenaient à l'UNTC-CS dissoute, régie par le décret-loi no 50/80 du 12 juillet 1980". L'organisation plaignante explique que l'article 41 du décret-loi no 170/91 abroge le décret-loi no 50/80 du 12 juillet 1980 qui avait attribué à l'UNTC-CS la personnalité juridique. Cette disposition ayant été interprétée par le gouvernement comme l'extinction pure et simple de l'UNTC-CS, la CCSL en a fait mention dans ses statuts.
- 365. A cet égard, l'organisation plaignante déclare qu'une procédure est en cours devant le tribunal contre certains dirigeants régionaux de l'île de Santiago qui avaient occupé illégalement une partie des installations du Centre social de l'UNTC-CS à Praia (Centre 1er mai). Les dirigeants en question ont fondé la CCSL. En 1991, le tribunal a ordonné l'éviction des occupants et, en attendant l'examen quant au fond de l'affaire, les scellés ont été apposés sur cette partie du centre social. D'après l'organisation plaignante, le gouvernement, en acceptant la publication de l'article 55.4 des statuts de la CCSL et en prenant ainsi partie pour cette dernière, a manqué à ses obligations puisque l'affaire était toujours en instance devant l'autorité judiciaire.
- 366. L'UNTC-CS allègue que les actions du gouvernement et la situation créée par celui-ci visent à la mettre en difficulté afin de la déstabiliser, de miner sa représentativité à travers le pays et de nuire à ses intérêts ainsi qu'aux intérêts de ses membres.
- 367. L'organisation plaignante fait également état d'autres incidents qui, d'après elle, confirment son point de vue. Elle indique qu'en avril 1993 le secrétaire d'Etat à l'agriculture a invité uniquement la CCSL à participer aux négociations sur les revendications des travailleurs de l'entreprise Justino Lopes alors que cette centrale ne revendique que 22 adhérents sur un total de 190 travailleurs employés par cette entreprise. Le gouvernement veut ainsi ignorer le Syndicat de l'industrie, service, commerce, agriculture et pêche qui est affilié à l'UNTC-CS et auquel sont affiliés 122 travailleurs sur un total de 190 travailleurs dans l'entreprise, ce qui constitue une majorité absolue.
- 368. Elle déclare aussi que, le 5 mai 1993, le directeur général des CTT (postes et télécommunications) a décidé de ne pas reconnaître l'élection d'un délégué syndical qui avait été élu en conformité avec les dispositions de la loi sur les syndicats. De plus, sans en avoir été informé au préalable, le délégué en question a été transféré dans un autre service. L'UNTC-CS estime que l'élection d'un délégué syndical est une affaire exclusive d'un syndicat et que l'employeur n'a nullement le droit de s'y ingérer.
- 369. En mai 1993 également la direction de l'entreprise Enapor a décidé unilatéralement de remettre la moitié des cotisations syndicales à la CCSL bien que, selon l'UNTC-CS, tous les travailleurs soient membres du syndicat SIMETEC qui lui est affilié.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 370. Dans sa communication du 20 juillet 1993, le gouvernement déclare tout d'abord que la plainte de l'UNTC-CS s'inscrit dans une politique générale d'opposition de cette organisation vis-à-vis du gouvernement démocratique dans le but d'établir l'image d'un gouvernement autoritaire qui entrave les droits syndicaux.
- 371. Le gouvernement dresse ensuite le cadre historique dans lequel doivent être situées les accusations formulées par l'UNTC-CS. En 1975, sous le régime de parti unique, le gouvernement avait publié le décret-loi no 41/75 qui conférait au Groupe d'action syndicale la personnalité juridique et le transformait en Comité organisateur des syndicats du Cap-Vert qui, par la suite, est devenu la seule organisation syndicale du pays. En 1980, toujours dans le cadre du régime de parti unique, le décret-loi no 50/80 du 12 juillet a reconnu l'UNTC-CS, créée à l'initiative du comité organisateur susmentionné, comme l'organisation syndicale unique et unifiée de tous les travailleurs du Cap-Vert. Il est donc clair que l'UNTC-CS a été créée et guidée par le parti au pouvoir dont les dirigeants et leaders dirigeaient la centrale. Cette structure syndicale a existé jusqu'en 1991 lorsque, suite à l'avènement d'un régime démocratique et pluraliste, le décret-loi no 170/91 a autorisé, en abrogeant le décret-loi no 50/80, la libre organisation des syndicats. Le gouvernement explique que selon lui tel était le seul chemin à suivre afin de mettre fin à un système d'unicité syndicale obligeant tous les travailleurs à s'affilier à l'UNTC-CS et de garantir aux travailleurs la liberté de choix pour ce qui est de la défense de leurs intérêts.
- 372. Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle le décret-loi no 170/91 prévoit une procédure d'enregistrement contraignante pour l'obtention de la personnalité juridique, le gouvernement déclare qu'elle ne correspond pas à la vérité comme il est démontré par le fait que l'UNTC-CS, qui a gardé son ancien nom, a été la première centrale syndicale à obtenir la personnalité juridique en vertu du nouveau décret-loi qui, en plus, n'impose pas de délai à cet égard. Les seules conditions exigées pour l'enregistrement sont la tenue d'une assemblée constitutive et la présentation d'une copie du procès-verbal de cette réunion, de la liste des présences et des statuts. La reconnaissance, par l'enregistrement, est accordée après une simple demande accompagnée des documents mentionnés. Le ministre du Travail ne peut refuser l'enregistrement que dans le cas où l'organisation porte le nom d'une association qui existe déjà ou un nom qui peut être confondu avec un nom faisant déjà partie du registre. Le décret-loi prévoit également que le contrôle de la légalité est exercé par les tribunaux et non par les autorités administratives.
- 373. Le gouvernement explique également que l'UNTC-CS était obligée d'adapter son organisation et son fonctionnement aux principes démocratiques contenus dans la nouvelle législation. A cette fin, la procédure la plus logique et appropriée avait fait l'objet de discussions avec les dirigeants de l'UNTC-CS et a été adoptée par le gouvernement. Il a été indiqué à l'UNTC-CS qu'il était indispensable qu'elle regroupe, en tant que centrale, au moins deux syndicats de base reconnus avant de pouvoir être reconnue elle-même.
- 374. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le gouvernement a autorisé l'enregistrement de la CCSL dont les statuts stipulent qu'elle est une des propriétaires de tous les biens mobiliers et immobiliers de l'ancienne UNTC-CS, le gouvernement déclare qu'elle est dépourvue de fondement et qu'elle concerne une question de contrôle de la légalité des statuts syndicaux qui n'appartient pas au gouvernement mais au pouvoir judiciaire. Le gouvernement ajoute à titre d'information que la CCSL a été créée par des dirigeants dissidents de l'UNTC-CS qui était responsable du fonctionnement du Centre 1er mai et que, au sujet de ce centre, l'UNTC-CS a introduit une procédure qui est toujours en instance devant les tribunaux.
- 375. S'agissant des négociations sur les revendications des travailleurs de l'entreprise Justino Lopes, le gouvernement déclare que le secrétaire d'Etat à l'agriculture a invité uniquement la CCSL à y participer en raison du fait que c'était la centrale même qui avait demandé une telle négociation. De plus, il n'y a jamais eu de refus de participation d'une autre centrale syndicale.
- 376. S'agissant de la décision du directeur général des CTT de ne pas reconnaître l'élection d'un délégué syndical, le gouvernement indique qu'en vertu du décret-loi no 170/91 chaque section syndicale a le droit d'élire un nombre maximal de trois délégués. Le SITHUR, affilié à l'UNTC-CS, avait élu cinq délégués, contrairement à ce que dispose l'article 27 du décret-loi. Etant donné que les délégués syndicaux jouissent de certaines prérogatives et facilités qui alourdissent les charges d'une entreprise, le directeur des CTT a informé le SITHUR ainsi que la Direction générale du travail qu'il lui était impossible de reconnaître des élections qui sont en violation avec la loi en vigueur et que la situation devrait être régularisée.
- 377. Pour ce qui est du transfert d'un délégué élu du SITHUR dans un autre service, le gouvernement déclare que la personne en question occupait un poste de direction et qu'il est légal et normal qu'il soit mis un terme à de telles fonctions lorsque les organes compétents l'estiment nécessaire. Il ne s'agit par conséquent pas d'un transfert d'un délégué syndical puisque l'intéressé a été assigné à une autre fonction dans le même immeuble et dans le même lieu de travail. D'après le directeur de l'entreprise, de fortes raisons ont motivé cette décision.
- 378. Enfin, s'agissant de l'allégation relative à la décision unilatérale de la direction de l'entreprise Enapor de remettre la moitié des cotisations syndicales à la CCSL, bien que tous les travailleurs soient membres du syndicat SIMETEC, affilié à l'UNTC-CS, le gouvernement indique qu'elle repose sur une base erronnée. En premier lieu, il ressort des documents du SIMETEC, envoyés à Enapor en date du 2 février 1993, que ce syndicat prétend que 149 travailleurs lui sont affiliés alors que l'entreprise compte plus de 300 travailleurs. Le STCT, affilié à la CCSL, prétend de son côté que 125 travailleurs de l'entreprise lui sont affiliés. A la lumière des divergences entre ces différents chiffres, la direction de l'entreprise a demandé à chaque travailleur de déclarer à qui devraient être versées leurs cotisations syndicales. Sur la base de ces déclarations, qui semblent être crédibles, la direction a décidé de partager les cotisations entre les deux syndicats.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 379. Le comité note que les allégations dans la présente affaire portent sur les entraves apportées au fonctionnement de l'Union nationale des travailleurs du Cap-Vert - Centrale syndicale (UNTC-CS) en exigeant son enregistrement, sur des mesures de favoritisme du gouvernement visant à nuire à l'organisation plaignante, sur la question du sort des biens de l'UNTC-CS et sur une série de mesures prises par certains employeurs visant à discriminer l'UNTC-CS et ses syndicats d'entreprise.
- 380. Pour ce qui est de l'historique des faits qui fondent les allégations dans le cas présent, le comité croit comprendre que jusqu'à l'avènement d'un système politique démocratique et pluraliste, et l'adoption, en 1991, du décret-loi no 170/91 du 27 novembre 1991 permettant la possibilité du pluralisme syndical et l'autonomie des syndicats vis-à-vis des organes de l'Etat, le Cap-Vert a connu un régime politique de parti unique ainsi que d'unicité syndicale dans lequel existait une seule organisation, "l'Union nationale des travailleurs du Cap-Vert - Centrale syndicale", créée en 1978 et reconnue en vertu du décret-loi no 50/80 du 12 juillet 1980 comme la centrale unique et unitaire des travailleurs du Cap-Vert.
- 381. Le comité note que le gouvernement indique qu'il a estimé nécessaire, afin de mettre fin à l'unicité syndicale imposée par la loi et de garantir à tous les travailleurs le droit de constituer les organisations syndicales de leur choix et d'y adhérer, de procéder à l'abrogation, par le décret-loi no 170/91, du décret-loi no 50/80. L'organisation plaignante estime de son côté que, ayant existé depuis son premier congrès constitutif de 1978, elle aurait dû pouvoir garder la personnalité juridique sans avoir à se soumettre à la nouvelle procédure instituée par le décret-loi no 170/91.
- 382. Le comité note toutefois que, après le refus des autorités d'accepter ce point de vue et afin de faire valoir ses droits, l'organisation plaignante s'est soumise aux dispositions du décret-loi no 170/91 et a déposé une demande d'enregistrement auprès du Département gouvernemental du travail. Il ressort des documents fournis par l'organisation plaignante que, dans un premier temps, ce département a refusé de considérer le procès-verbal du IIe Congrès de l'UNTC-CS, tenu en février 1992, comme le procès-verbal de l'assemblée constitutive exigé par l'article 5.2 du décret-loi no 170/91, mais qu'il a finalement décidé de procéder à l'enregistrement de cet acte en indiquant "qu'il s'agit d'une matière qui se situe à la frontière entre l'appréciation des aspects formels de la procédure et le contrôle de sa légalité qui n'appartient pas au département gouvernemental mais aux tribunaux". Les statuts de l'organisation plaignante ont alors été publiés dans le Journal officiel du 12 mai 1992.
- 383. Le comité relève par ailleurs que, aux fins de l'enregistrement et de l'obtention de la personnalité juridique, le décret-loi no 170/91 prévoit un simple dépôt des statuts, du procès-verbal de l'assemblée constitutive ainsi que de la liste des personnes y ayant participé, et que l'autorité compétente ne dispose pas d'un pouvoir discrétionnaire pour refuser l'enregistrement. Le comité est par conséquent d'avis que la nouvelle procédure d'enregistrement n'est en soi pas contraire aux principes de la liberté syndicale.
- 384. Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle le gouvernement a voulu nuire aux intérêts de l'organisation plaignante en autorisant l'enregistrement et la publication des statuts de la Confédération cap-verdienne des syndicats libres (CCSL), dont l'article 55.4 stipule que "la CCSL s'assume comme un des propriétaires de tous les biens mobiliers et immobiliers qui appartenaient à l'UNTC-CS dissoute, régie par le décret-loi no 50/80 du 12 juillet 1980", le comité note la réponse du gouvernement selon laquelle il s'agit d'une question de contrôle de la légalité des statuts syndicaux qui ne relève pas du gouvernement mais du pouvoir judiciaire.
- 385. Le comité observe tout d'abord que l'article 41 du décret-loi no 170/91 abroge le décret-loi no 50/80 du 12 juillet 1980. Aux termes des articles 1 et 2 de ce décret, l'UNTC-CS avait été reconnue comme la centrale syndicale unique et unitaire de tous les travailleurs du Cap-Vert; par là même, elle avait obtenu la personnalité juridique. Le comité observe que le processus de démocratisation dans le pays a eu pour conséquence l'introduction de la possibilité du pluralisme syndical.
- 386. Le comité note également que les statuts de l'UNTC-CS, publiés le 12 mai 1992, stipulent en leur article 60 que "l'UNTC-CS, restructurée et adaptée, par ses statuts, à la nouvelle situation, demeurera propriétaire de tout le patrimoine et de tous les biens de l'UNTC-CS, créée et reconnue en vertu du décret-loi no 80/50 du 12 juillet 1980, et assumera tous les droits et l'obligation de celle-ci". Le comité relève donc une incompatibilité entre cet article et l'article 55.4 des statuts de la CCSL, publiés le 26 février 1993 par lequel la centrale rivale se considère comme un des propriétaires des biens de l'"UNTC-CS dissoute". Il apparaît par conséquent au comité qu'aucun règlement n'a encore été trouvé quant au sort des biens qui appartenaient auparavant à l'ancienne UNTC-CS. Il note en outre qu'une procédure judiciaire relative à une partie du Centre 1er mai à Praia est toujours en instance devant les tribunaux.
- 387. Le comité a souligné l'importance qu'il attache au principe selon lequel, dans le cadre d'un processus de démocratisation en cours, toute dévolution du patrimoine syndical et redistribution des biens syndicaux devraient avoir comme objectif de garantir, sur un pied d'égalité, à l'ensemble des syndicats la possibilité d'exercer effectivement leurs activités en toute indépendance. (Voir, par exemple, 286e rapport du comité, cas no 1623 (Bulgarie), paragr. 511, et 287e rapport, cas no 1637 (Togo), paragr. 80.)
- 388. Le comité note que, depuis le dépôt de la présente plainte, un Conseil de concertation sociale a été établi en juin 1993 en vertu du décret-loi no 35/93. Aux termes de l'article 4 de ce texte, le conseil est composé, entre autres, de représentants de l'Etat, de l'UNTC-CS et de la CCSL. L'article 7 a) dispose que "le conseil tentera de trouver un consensus sur toute question que les parties décident de traiter et qui les concerne, moyennant, dans la mesure du possible, le dialogue et la recherche de solutions équilibrées".
- 389. A la lumière du processus de démocratisation en cours au Cap-Vert et de la nouvelle situation syndicale, le comité estime qu'il serait souhaitable que le gouvernement et l'ensemble des organisations syndicales intéressées s'efforcent d'aboutir, aussitôt que possible, à un accord définitif qui réglerait l'affectation du patrimoine de l'ancienne UNTC-CS afin que l'ensemble des organisations syndicales du pays puissent exercer leurs activités syndicales sur un pied d'égalité. Le comité estime à cet égard que le nouveau Conseil de concertation sociale pourrait offrir un cadre particulièrement approprié de dialogue et de négociation. Il demande au gouvernement de le tenir informé de tout développement intervenu dans ce domaine. Il le prie également de communiquer une copie du jugement définitif, dès qu'il sera rendu, dans la procédure judiciaire relative au Centre 1er mai à Praia.
- 390. Concernant l'allégation selon laquelle le secrétaire d'Etat à l'agriculture n'a invité que la CCSL à participer aux négociations sur les revendications des travailleurs de l'entreprise Justino Lopes alors que, d'après l'organisation syndicale, le syndicat de l'entreprise qui lui est affilié compte 122 membres sur un total de 190 travailleurs, le comité note que le gouvernement indique que seule la CCSL avait demandé une négociation et qu'il n'y a jamais eu de refus de participation d'une autre centrale syndicale. Dans ces conditions, le comité, tout en rappelant que les employeurs, y compris les autorités publiques agissant en tant qu'employeurs, devraient reconnaître, aux fins de négociation collective, les organisations représentatives des travailleurs qu'ils occupent, demande au gouvernement de veiller à ce que toutes les parties intéressées les plus représentatives soient en mesure de participer aux négociations d'un règlement du conflit.
- 391. S'agissant des élections syndicales au sein des CTT, le comité note que l'organisation plaignante allègue que la direction des CTT a refusé de reconnaître l'élection d'un délégué élu qui a fait ensuite l'objet d'un transfert antisyndical. Le gouvernement de son côté indique que le refus de non-reconnaissance des élections syndicales était motivé par la non-conformité de celles-ci avec le décret-loi no 170/91 et que la personne en question tenait un poste de direction et a été assignée à une autre fonction dans le même immeuble et dans le même lieu de travail. Le comité, notant que cette allégation est formulée d'une façon vague, ne peut que rappeler le principe selon lequel la liberté syndicale implique le droit pour les travailleurs et les employeurs d'élire leurs représentants en pleine liberté.
- 392. Pour ce qui est de la décision de la direction de l'entreprise Enapor de partager les cotisations syndicales entre l'UNTC-CS et la CCSL alors que, d'après l'UNTC-CS, tous les travailleurs sont membres du SIMETEC, qui lui est affilié, le comité prend note de la réponse détaillée du gouvernement selon laquelle la décision de partage avait été prise sur la base des déclarations faites par les travailleurs eux-mêmes et desquelles il est ressorti que les deux syndicats comptaient un nombre quasi égal d'adhérents. Le comité est d'avis que la solution retenue par la direction d'Enapor pour attribuer les cotisations syndicales ne constitue ni une violation du principe selon lequel les organisations syndicales doivent avoir le droit d'organiser librement leur gestion ni un acte d'ingérence de l'employeur vis-à-vis des organisations syndicales qui représentent ses employés. Estimant que le partage équitable fondé sur une déclaration de chaque travailleur syndiqué garantit l'exercice, sur un pied d'égalité, des activités de l'ensemble des syndicats de l'entreprise, le comité considère que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 393. D'une manière générale, le comité souhaite attirer l'attention du gouvernement sur le fait que, en favorisant ou en défavorisant une organisation donnée par rapport aux autres, ce dernier pourra influencer le choix des travailleurs en ce qui concerne l'organisation à laquelle ils entendent appartenir. En outre, un gouvernement qui, sciemment, agirait de la sorte porterait aussi atteinte au principe de la liberté syndicale établi selon lequel les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter les droits syndicaux ou à en entraver l'exercice légal, de même, plus indirectement, qu'au principe qui prévoit que la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties de la liberté syndicale. Il serait souhaitable, si un gouvernement désire accorder certaines facilités à des organisations syndicales, que ces organisations soient, à cet égard, placées sur un pied d'égalité. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 254.) Le comité invite le gouvernement à s'abstenir de toute mesure qui pourrait influencer les travailleurs dans le choix des organisations syndicales auxquelles ils entendent appartenir.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 394. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) A la lumière du processus de démocratisation en cours au Cap-Vert, le comité estime qu'il serait souhaitable que le gouvernement et l'ensemble des organisations syndicales intéressées s'efforcent d'aboutir, aussitôt que possible, à un accord définitif qui réglerait l'affectation du patrimoine de l'ancienne UNTC-CS afin que l'ensemble des organisations syndicales du pays puissent exercer leurs activités syndicales sur un pied d'égalité. Le comité estime à cet égard que le Conseil de concertation sociale, créé en juin 1993, pourrait offrir un cadre particulièrement approprié de dialogue et de négociation. Il demande au gouvernement de le tenir informé de tout développement intervenu dans ce domaine.
- b) Le comité demande au gouvernement de lui communiquer une copie du jugement définitif, dès qu'il sera rendu, dans la procédure judiciaire relative au Centre 1er mai à Praia.
- c) Tout en rappelant que les employeurs, y compris les autorités publiques agissant en tant qu'employeurs, devraient reconnaître, aux fins de négociation collective, les organisations représentatives des travailleurs qu'ils occupent, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que toutes les parties intéressées les plus représentatives soient en mesure de participer à la négociation collective.
- d) Le comité invite le gouvernement à s'abstenir de toute mesure qui pourrait influencer les travailleurs dans le choix des organisations syndicales auxquelles ils entendent appartenir.