DISPLAYINEnglish - Spanish
- 263. Le comité a déjà examiné ce cas quant au fond à sa réunion de novembre 1993 et a présenté ses conclusions intérimaires au Conseil d'administration. (Voir 291e rapport, paragr. 516-551, approuvé par le Conseil d'administration à sa session de novembre 1993.)
- 264. Le SYNES a présenté des allégations complémentaires par des communications datées des 2 mars et 18 avril 1994, auxquelles le gouvernement n'a pas répondu.
- 265. Le Cameroun a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. En revanche, il n'a pas ratifié la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 266. Dans sa plainte initiale, le Syndicat national des enseignants du supérieur (SYNES) avait formulé plusieurs allégations contre le gouvernement: refus de reconnaître le SYNES; interdiction de toute activité syndicale; tracasseries administratives et harcèlement contre ses membres; absence d'enquête judiciaire sur une tentative d'assassinat contre le président du SYNES.
- 267. A sa session de novembre 1993, au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration a approuvé les recommandations suivantes:
- a) Constatant avec regret que le Syndicat national des enseignants du supérieur ne jouit toujours pas de la personnalité juridique, alors qu'il a déposé sa demande de reconnaissance en juin 1991, il y a plus de deux ans, le comité demande instamment au gouvernement de reconnaître aux enseignants du supérieur, qu'il s'agisse de fonctionnaires ou de contractuels, le droit de se syndiquer dans le syndicat de leur choix sans autorisation préalable pour la défense de leurs intérêts professionnels et de modifier sa législation et sa pratique en conséquence. Il lui demande en outre de garantir que les enseignants du supérieur bénéficient des locaux leur permettant d'exercer leurs activités syndicales. Il prie le gouvernement de le tenir informé de tout développement à cet égard.
- b) Le comité demande au gouvernement d'abroger la loi no 68/LF/19 du 18 novembre 1968 qui soumet l'existence juridique d'un syndicat de fonctionnaires à l'agrément préalable du ministre de l'Administration territoriale et d'abroger l'article 6 (2) de la loi no 92/007 du 14 août 1992 portant Code du travail qui permet de poursuivre judiciairement les promoteurs d'un syndicat non enregistré qui se comporteraient comme si le syndicat était enregistré, contrairement aux dispositions des conventions nos 87 et 98. Il prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises à cet égard.
- c) Le comité demande au gouvernement d'envoyer ses observations sur les allégations du syndicat plaignant concernant la tentative d'assassinat, devant son domicile, dont a été victime son président du comité exécutif ainsi que sur les agressions, intimidations et pressions dont ses membres sont l'objet.
- d) Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas au regard des conventions nos 87 et 98.
B. Allégations complémentaires
B. Allégations complémentaires
- 268. Dans sa communication du 2 mars 1994, le SYNES indique que son président, M. Jongwane Dipoko, a été arbitrairement suspendu pour une période de deux ans. Les motifs avancés dans la décision no 68 du 23 décembre 1993 sont un manquement à ses obligations professionnelles lors des examens de la période 1991-92 et une incitation à la révolte et à l'insubordination de ses collègues d'université. En réalité, M. Dipoko a participé en tant qu'enseignant syndiqué à la grève des activités académiques pour exiger le paiement des salaires dus au personnel enseignant. Quant aux actes de "révolte et d'insubordination" qui lui sont reprochés, il s'agit en fait d'une allusion voilée à ses activités syndicales comme président et membre fondateur du SYNES, mouvement que les autorités n'ont cessé de réprimer depuis trois ans.
- 269. Quant à la forme de la décision de suspension, le SYNES souligne que, le Conseil de discipline s'étant réuni le 21 décembre 1993, il devait aux termes de la loi (article 26 du Statut du personnel enseignant, décret no 93/036 du 29 janvier 1993) notifier toute décision dans les seize jours calendaires. Ce n'est que le 28 février 1994 que les autorités universitaires ont notifié la décision de suspension, antidatée au 23 décembre 1993. La Confédération syndicale des travailleurs du Cameroun a appuyé, dans une communication du 10 mars 1994, la demande d'annulation de la mesure de suspension, formulée par le SYNES et son président.
- 270. Dans sa communication du 18 avril 1994, le SYNES indique que les autorités ont intensifié la répression contre le mouvement syndical camerounais. De nombreux responsables du SYNES et du Syndicat national autonome de l'enseignement secondaire (SNAES) ainsi que plusieurs centaines de leurs membres font actuellement l'objet de mesures allant de la suspension de salaires à la révocation de la fonction publique; ces mesures font suite à un mouvement général de revendication ayant suivi une baisse drastique des salaires (de 40 à 60 pour cent) à la fin de 1993. Cette accentuation de la répression est survenue après qu'une rencontre, le 10 mars 1994, eût abouti à un accord préliminaire, au terme duquel les syndicats suspendaient leur mot d'ordre de grève générale et le gouvernement s'engageait à lever toutes les sanctions antérieures, sans discrimination, tandis que les discussions étaient censées se poursuivre dès le 21 mars au sein de commissions créées à cet effet. Les discussions n'ont toujours pas repris.
- 271. Depuis la publication des résolutions et recommandations du comité concernant la plainte du SYNES, les autorités n'ont, selon ce dernier, manifesté aucune intention de réviser la loi syndicale, ni de mettre fin à la répression antisyndicale. L'existence même du SYNES est régulièrement remise en cause, toute légalité lui ayant été refusée.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 272. A sa session de juin 1994, le comité avait lancé un appel pressant au gouvernement, l'invitant de nouveau à formuler les observations demandées antérieurement et attirant son attention sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d'administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de la plainte, même si les observations du gouvernement n'étaient pas reçues à temps. (Voir 294e rapport, paragr. 12, approuvé par le Conseil d'administration à sa 260e session.)
- 273. Le comité regrette profondément que le gouvernement, malgré le temps écoulé depuis l'examen de la plainte quant au fond, et bien qu'il ait été invité à plusieurs reprises à formuler ses commentaires et observations, y compris par un appel pressant, n'ait pas communiqué les observations demandées dans sa décision intérimaire, ni formulé de commentaires sur les nouvelles allégations.
- 274. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable (voir paragr. 17 du 127e rapport du comité, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session), le comité se voit contraint de présenter un rapport sur le fond de cette affaire en l'absence des informations qu'il espérait recevoir du gouvernement.
- 275. Le comité rappelle tout d'abord au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure instituée à l'OIT pour l'examen des allégations faisant état d'atteintes à la liberté syndicale est d'assurer le respect de celle-ci, en droit comme en fait. Si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître de leur côté qu'il importe, pour leur propre crédibilité, qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. (Voir premier rapport du comité, paragr. 31.)
- 276. S'agissant de la reconnaissance du Syndicat national des enseignants du supérieur, le comité ne peut que constater, en le déplorant, qu'elle n'est toujours pas acquise en dépit du fait que le SYNES a déposé ses statuts et règlements voici plus de trois ans, le 11 juin 1991. Le comité renvoie pour l'essentiel à ses conclusions antérieures sur ce cas (291e rapport, paragr. 537-551) et rappelle que le premier des droits syndicaux, celui sans lequel les autres garanties des conventions nos 87 et 98 perdraient toute signification, est le droit des travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, de constituer librement des organisations de leur choix, sans autorisation préalable des pouvoirs publics. Le comité a maintes fois souligné l'importance qu'il attache à ce que les travailleurs et les employeurs puissent effectivement former en toute liberté des organisations de leur choix et y adhérer librement. (Voir, par exemple, Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 222.) Il a rappelé plus récemment ce principe fondamental dans le cadre d'une plainte concernant des professeurs du niveau universitaire. (Voir cas no 1547, Canada/Colombie- Britannique, 277e rapport, paragr. 99-114.)
- 277. Les conditions, de droit et de fait, n'étant pas réunies en l'espèce pour assurer le respect de ces garanties essentielles de la liberté syndicale, prévues par la convention no 87 ratifiée par le Cameroun, le comité demande de nouveau instamment au gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires pour permettre aux enseignants du supérieur de constituer l'organisation de leur choix et d'y adhérer. En outre, il lui demande instamment de garantir que des locaux leur soient accordés pour leur permettre d'exercer leurs activités. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toutes les mesures prises à cet égard.
- 278. En ce qui concerne le régime d'autorisation préalable conditionnant le statut juridique des syndicats et les dispositions permettant en certaines circonstances les poursuites judiciaires contre les promoteurs d'un syndicat non enregistré, le comité renvoie à ses conclusions antérieures et demande de nouveau au gouvernement d'abroger rapidement la loi no 68/LF/19 du 18 novembre 1968, ainsi que l'article 6 (2) de la loi no 92/007 du 14 août 1992 portant Code du travail. Il prie le gouvernement de communiquer des informations sur toute mesure prise à cet égard.
- 279. Le comité souligne une fois de plus avec regret que le gouvernement n'a toujours pas répondu aux allégations relatives à la tentative d'assassinat dont aurait été victime le président du comité exécutif du SYNES, ainsi qu'aux agressions, pressions et mesures d'intimidation dont auraient fait l'objet les membres de ce syndicat. Rappelant que la liberté syndicale ne peut s'exercer que dans un climat dénué de violence et de crainte, et qu'une enquête judiciaire indépendante est une méthode particulièrement appropriée pour établir les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de tels faits, le comité demande de nouveau au gouvernement de l'informer des mesures prises à cet égard.
- 280. S'agissant des nouvelles allégations, le comité exprime de nouveau son regret de ne pouvoir disposer des observations et commentaires du gouvernement pour, ainsi, procéder à un examen objectif des faits nouveaux intervenus depuis sa précédente décision. Ce mutisme du gouvernement est d'autant plus regrettable qu'il s'agit en l'espèce d'allégations particulièrement graves, soit la suspension pour deux ans de toute activité d'enseignement et de recherche pour ce qui, selon les éléments de preuve disponibles, constitue des activités syndicales légitimes. La nature des actes reprochés à M. Jongwane Dipoko, leur concomitance avec la mesure de suspension et les doutes sur la régularité de la décision de suspension autorisent le comité à conclure à l'existence d'une mesure de discrimination antisyndicale.
- 281. Comme le comité l'a souvent souligné, si la protection accordée aux travailleurs contre ces actes est importante, elle est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les dirigeants syndicaux afin que ceux-ci, assurés de ne pas subir de préjudice en raison de leur mandat syndical, puissent remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance. (Voir Recueil, ibid., paragr. 556-566.) Etant donné l'ensemble des circonstances, le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soit rapidement rapportée la mesure de suspension prise contre M. Dipoko et que celui-ci soit réintégré dans ses fonctions avec dédommagement pour le préjudice subi. Il prie le gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.
- 282. S'agissant des autres allégations complémentaires, le comité note qu'elles confirment le fait que les autorités n'ont toujours pas donné suite à ses recommandations relatives à la reconnaissance du SYNES, et que les actes de harcèlement et de pression contre ce dernier se poursuivent. Le comité réitère ses conclusions et recommandations antérieures à cet égard et demande instamment au gouvernement de prendre rapidement des mesures concrètes pour s'assurer que le SYNES soit légalement reconnu et puisse exercer librement ses activités.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 283. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande de nouveau instamment au gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires pour permettre aux enseignants du supérieur du Cameroun de constituer l'organisation de leur choix et d'y adhérer. En outre, il lui demande instamment de garantir que des locaux leur soient accordés pour leur permettre d'exercer pleinement et librement leurs activités. Il prie le gouvernement de le tenir informé de toutes les mesures prises à cet égard.
- b) Le comité demande de nouveau au gouvernement d'abroger rapidement la loi no 68/LF/19 du 18 novembre 1968, ainsi que l'article 6 (2) de la loi no 92/007 du 14 août 1992 portant Code du travail. Il prie le gouvernement de communiquer des informations sur toute mesure prise à cet égard.
- c) Quant aux allégations relatives à la tentative d'assassinat dont aurait été victime le président du comité exécutif du SYNES, ainsi qu'aux agressions, pressions et mesures d'intimidation dont auraient été l'objet les membres de ce syndicat, le comité prie le gouvernement de communiquer des informations sur toute mesure prise en vue d'instituer des enquêtes à cet égard.
- d) Le comité prie instamment le gouvernement de rapporter rapidement la mesure de suspension prise contre M. Jongwane Dipoko, président du SYNES, et de s'assurer qu'il soit dédommagé pour le préjudice subi. Il prie le gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.
- e) Le comité demande instamment au gouvernement de prendre rapidement des mesures concrètes pour s'assurer que le SYNES soit légalement reconnu et puisse exercer librement ses activités.