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Definitive Report - REPORT_NO286, March 1993

CASE_NUMBER 1681 (Canada) - COMPLAINT_DATE: 03-NOV-92 - Closed

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  1. 153. Le Congrès du travail du Canada (CTC) - au nom de son affilié, le Syndicat des transports et des communications (STC) - a présenté contre le gouvernement du Canada une plainte datée du 3 novembre 1992 en violation de la liberté syndicale.
  2. 154. Le gouvernement du Canada a envoyé sa réponse le 24 décembre 1992.
  3. 155. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il n'a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 156. Dans sa communication du 3 novembre 1992, le CTC allègue que le gouvernement du Canada a enfreint le principe de la liberté syndicale en imposant, le 11 octobre 1992, une loi de reprise du travail, dénommée loi sur les opérations de manutention des céréales à Thunder Bay (projet de loi C-37).
  2. 157. Une convention collective conclue par le STC et l'association - comptant six membres - Lakehead Terminal Elevator Association (LTEA), qui couvre 900 travailleurs de Thunder Bay (Ontario), est venue à expiration le 31 janvier 1991. Les négociations contractuelles engagées ont duré 18 jours en tout entre janvier et août 1991, et ont été rompues le 22 août en raison d'absence d'accord sur des questions de sécurité d'emploi, de pensions, de formation et de salaires. Le 24 septembre, le ministre fédéral du Travail a publié un rapport dit "sans objet", ce qui signifie qu'il avait décidé de ne pas nommer de conciliateur ou de bureau de conciliation et que les travailleurs du secteur des céréales obtiendraient dans un délai d'une semaine l'autorisation de faire grève. Entre-temps, il a été mis fin à une grève légale entreprise par des employés fédéraux appartenant à l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) - grève qui avait interrompu, en septembre et au début du mois d'octobre, toutes les activités céréalières à Thunder Bay - par un ordre de reprise du travail donné par le gouvernement le 2 octobre. Le STC a commencé sa grève le lendemain, soit le 3 octobre.
  3. 158. Le soir du 8 octobre, le ministre du Travail a contacté Herbert Daniher, vice-président principal de la Division des céréales du STC, pour informer le syndicat qu'il y avait eu une percée dans les négociations et que la LTEA était disposée à examiner toutes les questions en suspens. Au lieu de cela, le conciliateur principal du gouvernement est arrivé à Thunder Bay pour indiquer à M. Daniher le lendemain matin que les parties devaient se mettre d'accord le soir même, faute de quoi le ministre du Travail introduirait une loi imposant le retour au travail. En outre, le ministre des Céréales et des Oléagineux a annoncé ce jour-là, devant plusieurs milliers d'agriculteurs rassemblés dans le Manitoba, qu'une loi de retour au travail était introduite sans délai. Le CTC affirme que toute possibilité de conclure une convention collective a été sapée par l'annonce du ministre des Céréales. Le gouvernement a effectivement déposé un projet de loi dans la soirée du 9 octobre, lequel a été voté par le Parlement à la suite de débats et d'un commentaire comportant une déclaration hostile à M. Daniher. L'assentiment royal a été donné le 11 octobre. Les manutentionnaires de céréales ont repris le travail le 12 octobre.
  4. 159. Dans des documents joints en annexe, le CTC souligne que, jusque-là, les négociations entre les syndicats et la LTEA avaient toujours abouti à des règlements sans que le gouvernement intervienne, et qu'au cours des 25 dernières années il y avait eu en tout et pour tout trois grèves. Dans le cas présent, les principaux points de désaccord portaient sur le licenciement de certains des travailleurs les plus anciens et sur l'insuffisance des pensions versées par les entreprises. Les manutentionnaires de céréales de Thunder Bay avaient vu fondre leurs effectifs durant les sept années écoulées (de 1.800 à 900 emplois), la moitié des travailleurs qui restaient n'exerçant que six mois par an. Dans sa déposition devant le Sénat, M. Daniher, du STC, a souligné que la grève n'était pas dirigée contre le gouvernement mais contre la LTEA, et que le gouvernement n'aurait pas dû y mettre fin.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 160. Dans sa communication du 24 décembre 1992, le gouvernement déclare qu'il a donné aux manutentionnaires de céréales et à leurs employeurs "toutes les occasions" de concilier leurs désaccords sans règlement imposé, et qu'il n'a enfreint aucun droit de négociation collective. Le gouvernement a fourni des services de médiation et de conciliation aux parties dans la phase initiale des négociations et a de nouveau proposé de tels services au début de la grève. Le 8 octobre, pour faire comprendre aux parties la gravité de la situation du point de vue du gouvernement, le directeur général de la Section de médiation et de conciliation a été envoyé à Thunder Bay. Aucun accord n'étant intervenu, le gouvernement a introduit le projet de loi de retour au travail. En vertu d'une formule de médiation-arbitrage prévue par la loi, les parties sont parvenues en définitive à un accord sur de nombreuses questions, dont la durée de la convention collective, la santé et les prestations sociales, l'assurance maladie et accident, l'assurance des soins dentaires, l'assurance groupe, l'incapacité prolongée, les primes de travail posté et les allocations repas.
  2. 161. Le gouvernement a mis fin sans attendre à la grève du STC parce que les silos de Thunder Bay étaient essentiels pour faire parvenir les céréales de la région aux marchés intérieurs et internationaux. En outre, la grève déclenchée le mois précédent par des employés fédéraux menaçait la santé de l'économie locale et régionale ainsi que la réputation du Canada en tant que fournisseur fiable de céréales d'exportation. Le Canada est le deuxième exportateur mondial de céréales et Thunder Bay est le plus grand port de manutention de céréales du monde.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 162. Le comité note que le présent cas concerne des restrictions à la négociation collective, imposées par le gouvernement aux termes d'une loi de reprise du travail, à 900 travailleurs de la LTEA (Lakehead Terminal Elevator Association). Le Congrès du travail du Canada (CTC) affirme que le gouvernement a violé la liberté syndicale en mettant fin à la grève qui durait depuis neuf jours. Le gouvernement assure qu'il a été contraint de prendre ces mesures pour faire face à la crise engendrée par la fermeture prolongée d'un port essentiel pour l'économie canadienne, et que ces mesures étaient conformes aux principes fondamentaux de l'OIT.
  2. 163. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas privilégié la négociation collective en tant que moyen de régler les conditions d'emploi des travailleurs en cause, mais qu'il se soit senti obligé d'adopter la loi sur les opérations de manutention des céréales à Thunder Bay (projet de loi C-37).
  3. 164. Le comité note par ailleurs que la réponse du gouvernement donne à entendre que les mesures qu'il a prises peuvent se justifier par le principe selon lequel la manutention des céréales est un service essentiel. Le gouvernement évoque à plusieurs reprises les caractéristiques "essentielles" du port: les silos "sont essentiels pour faire parvenir les céréales de la Prairie aux marchés intérieurs et internationaux", et la reprise des activités est "essentielle" pour la réputation du Canada en tant que fournisseur de céréales. En réalité, la réponse du gouvernement fait écho au débat parlementaire sur le projet de loi de reprise du travail, au cours duquel les auteurs du projet de loi ont fait valoir que la manutention des céréales était un service essentiel (voir les commentaires de M. H.A. Olson, Débats du Sénat, 11 octobre 1991, p. 418 - documents joints en annexe à la plainte).
  4. 165. Le comité rappelle que les services essentiels sont ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. La manutention des céréales n'est pas un service essentiel au sens strict du terme (voir Recueil, paragr. 400-410).
  5. 166. Compte tenu du fait que le gouvernement a utilisé ce type de législation à plusieurs reprises dans un passé récent, le comité lui demande instamment de s'abstenir à l'avenir d'avoir recours à de telles lois dans les services qui ne sont pas essentiels.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 167. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas privilégié la négociation collective en tant que moyen de régler les conditions d'emploi de ces travailleurs, de préférence à la loi sur les opérations de manutention des céréales à Thunder Bay (projet de loi C-37), qu'il a cru devoir adopter.
    • b) Notant que le gouvernement a utilisé ce type de législation à plusieurs reprises dans un passé récent, le comité lui demande instamment de s'abstenir à l'avenir d'avoir recours à de telles lois dans les services qui ne sont pas essentiels.
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