DISPLAYINEnglish - Spanish
- 469. Dans une communication datée du 3 septembre 1992, la Confédération démocratique du travail (CDT) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Maroc.
- 470. A sa réunion de février 1993 (voir 286e rapport, paragr. 10), le comité a observé que, en dépit du temps écoulé depuis le dépôt de la plainte, il n'avait toujours pas reçu les observations et informations du gouvernement. Le comité a attiré l'attention du gouvernement sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l'affaire en instance, même si les observations du gouvernement n'étaient pas reçues à temps. Depuis cet appel pressant, le comité a reçu certaines observations du gouvernement sur cette affaire dans une communication du 19 mai 1993.
- 471. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 472. Dans sa communication du 3 septembre 1992, la Confédération démocratique du travail (CDT) allègue des violations du droit d'expression et des entraves à l'exercice des activités syndicales.
- 473. La CDT relate que, le 2 septembre 1992, les autorités de la ville de Casablanca ont fait irruption dans le siège de l'organisation et ont fait appel à des pompiers pour enlever et confisquer les affiches de la CDT qui avaient été apposées sur les murs de l'immeuble. La CDT estime que les autorités de Casablanca ont ainsi violé l'un des droits de l'homme les plus fondamentaux ainsi que les droits syndicaux.
- 474. L'organisation explique que les affiches en question exprimaient la position de la CDT vis-à-vis du projet de nouvelle Constitution qui allait faire l'objet d'un référendum en date du 4 septembre 1992. Le Conseil national de la CDT avait appelé au boycottage du référendum pour des raisons qui ont été indiquées dans une déclaration du Conseil national de la CDT.
- 475. Dans la ville de Mecknes, les autorités auraient également tenté de faire enlever un tableau d'affichage de l'entrée de l'immeuble de la CDT. Les messages au tableau appelaient également au boycottage du référendum et exprimaient le point de vue de la CDT.
- 476. La CDT indique que, lorsqu'il distribuait des tracts contenant la déclaration du Conseil national dans le département de Mecknes, M. Mobarak Abdel Aziz, un responsable syndicaliste, a été arrêté.
- 477. Toujours selon l'organisation plaignante, les autorités de la ville de Khariba ont refusé de donner à la CDT l'autorisation d'organiser une réunion dans la salle communale en date du 2 septembre 1992. Elles ont également utilisé la force pour empêcher le déroulement de cette réunion et un rassemblement devant les locaux de la CDT. Plusieurs membres de la police et des unités de sécurité ont alors encerclé les locaux et essayé d'enlever le tableau d'affichage de l'entrée de l'immeuble.
- 478. La CDT déclare que les autorités de Khariba ont arrêté MM. Gayar, Sadik, Yolkagam et Gabroun, des responsables et militants syndicaux, pendant qu'ils distribuaient la déclaration de la CDT concernant le boycottage du référendum sur le projet de nouvelle Constitution. Les personnes en question ont été interrogées et remises en liberté seulement après plusieurs heures; les tracts ont été confisqués.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 479. Le gouvernement déclare qu'en ce qui concerne les allégations portant sur la liberté d'expression la Constitution marocaine garantit, dans son article 9, à tous les citoyens la liberté d'opinion et la liberté d'expression sous toutes ses formes. Cette liberté s'exerce dans la pratique dans les limites du respect des droits des autres par tous les organismes syndicaux, que ce soit au moyen de la presse ou des autres moyens d'informations audiovisuels. Ainsi, le 1er mai 1993, les responsables syndicaux ont eu la possibilité de recourir à la télévision pour présenter les programmes et les dossiers revendicatifs des organisations syndicales et exprimer les positions de celles-ci au sujet des questions économiques et sociales, grâce à la couverture médiatique totale des manifestations organisées à cette occasion.
- 480. Pour ce qui est des autres allégations concernant en particulier l'enlèvement des tableaux d'affichage, le gouvernement déclare qu'au cours de la campagne référendaire sur la révision de la Constitution des responsables syndicaux de la Confédération démocratique du travail ont posé une pancarte sur la voie publique, sans se conformer à la loi applicable à ce sujet. Les autorités compétentes ne sont intervenues que pour assurer le respect des lois relatives à la pose de pancartes sur les lieux publics.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 481. Le comité regrette que le gouvernement, malgré le temps écoulé depuis le dépôt de la plainte, et bien qu'il y ait été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, n'ait formulé que des commentaires généraux à propos des allégations de l'organisation plaignante.
- 482. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable (voir paragr. 17 du 127e rapport du comité, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session), le comité se voit contraint de présenter un rapport sur le fond de cette affaire en l'absence des informations précises qu'il espérait recevoir du gouvernement.
- 483. Le comité rappelle tout d'abord au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure instituée à l'OIT pour l'examen des allégations faisant état d'atteintes à la liberté syndicale est d'assurer le respect de celle-ci, en droit comme en fait. Si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître de leur côté qu'il importe, pour leur propre réputation, qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. (Voir premier rapport du comité, paragr. 31.)
- 484. Le comité note que le cas présent concerne des allégations qui portent sur la violation du droit des syndicats de s'exprimer et de tenir des réunions, sur des irruptions dans les locaux syndicaux et sur l'arrestation de syndicalistes.
- 485. Le comité note que, d'après l'organisation plaignante, les autorités de la ville de Casablanca ont pénétré dans le siège de la CDT et ont enlevé, avec l'aide de pompiers, des affiches des murs de cet immeuble. Les autorités des villes de Mecknes et Khariba auraient également enlevé des tableaux d'affichage dans les locaux de la CDT; dans cette dernière ville, une réunion syndicale dans la salle communale aurait été interdite et les forces de l'ordre seraient intervenues pour empêcher la tenue de cette réunion et le rassemblement devant les locaux syndicaux qui auraient été encerclés. Le comité note également que les affiches et tableaux d'affichage exprimaient le point de vue de la CDT sur le projet de nouvelle Constitution qui allait être soumis à un référendum pour lequel la CDT avait appelé à un boycottage. Des tracts y relatifs distribués par la CDT auraient également été saisis.
- 486. Le comité souligne tout d'abord l'importance qu'il attache au principe selon lequel le plein exercice des droits syndicaux exige la libre circulation des informations, des opinions et des idées, si bien que les travailleurs et les employeurs, tout comme leurs organisations, devraient jouir de la liberté d'opinion et d'expression dans leurs réunions, publications et autres activités syndicales. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 175.)
- 487. Le comité relève que la CDT fait état de l'arrestation de syndicalistes pendant qu'ils étaient en train de distribuer des tracts appelant au boycottage du référendum sur le projet de Constitution. Il note qu'il s'agit de M. Mobarak Abdel Aziz (arrêté à Mecknes) et de MM. Gayar, Sadik, Yolkagam et Gabroun (arrêtés et interrogés à Khariba et remis en liberté quelques heures après). Le comité rappelle que l'arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes (même si c'est pour une courte durée) dans l'exercice d'activités syndicales légitimes constitue une violation des principes de la liberté syndicale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 88.) Pour pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause dans le cas présent, le comité demande à l'organisation plaignante de fournir une copie de la déclaration de son conseil national relative au boycottage du référendum sur le projet de nouvelle Constitution, à laquelle elle a fait référence sans ses allégations.
- 488. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la situation de M. Mobarak Abdel Aziz, arrêté à Casablanca, et au sujet duquel il ne ressort pas des informations fournies par l'organisation plaignante qu'il a été remis en liberté.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 489. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Afin de pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause dans le cas présent, le comité demande à l'organisation plaignante de fournir une copie de la déclaration de son conseil national relative au boycottage du référendum sur le projet de nouvelle Constitution, à laquelle elle a fait référence dans ses allégations.
- b) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la situation de M. Mobarak Abdel Aziz, arrêté à Casablanca.