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Report in which the committee requests to be kept informed of development - REPORT_NO286, March 1993

CASE_NUMBER 1632 (Greece) - COMPLAINT_DATE: 06-MRZ-92 - Closed

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  1. 230. Dans une communication datée du 6 mars 1992, la Confédération générale du travail de Grèce (GSEE) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Grèce. Cette organisation a fourni un complément d'information à l'appui de sa plainte dans une communication datée du 27 mars 1992.
  2. 231. Le gouvernement a fait connaître ses observations dans une communication en date du 9 octobre 1992.
  3. 232. La Grèce a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 233. Dans sa plainte, la GSEE affirme qu'en promulguant la loi no 2025 de 1992 le gouvernement a violé les conventions nos 87 et 98, ainsi que la Constitution grecque et la législation définissant le cadre institutionnel de la négociation collective.
  2. 234. L'organisation plaignante déclare que cette intervention législative interdit la libre conduite de négociations collectives en vue de la conclusion d'une nouvelle convention collective et supprime les augmentations salariales jusqu'à la fin de 1992 pour les travailleurs du secteur public au sens large, des entreprises d'utilité publique, des organismes de l'administration locale et des banques d'Etat.
  3. 235. Plus précisément, cette loi, qui prive les organisations syndicales de l'un de leurs droits fondamentaux, à savoir le droit de négociation collective, enfreint la convention no 87 qui interdit l'ingérence de l'Etat dans le fonctionnement des organisations syndicales et dans l'exercice des droits syndicaux.
  4. 236. En outre, cette loi enfreint la convention no 98 en interdisant toute augmentation de salaire en faveur des travailleurs des entreprises susmentionnées. Cette interdiction englobe l'autorisation et la négociation d'augmentations salariales prévues par les dispositions, les clauses ou les termes d'une convention collective, par voie de conciliation, d'arbitrage, par une décision ministérielle ou une mesure administrative de nature réglementaire ou encore par un contrat ou un accord de travail individuel.
  5. 237. De plus, la loi dispose que les procédures en cours liées aux augmentations salariales précitées sont annulées et que des sanctions administratives et des amendes peuvent être infligées aux employeurs qui contreviennent aux dispositions de la loi. La GSEE indique que la loi suspend également la mise en oeuvre des dispositions essentielles de la loi no 1876 de 1990, qui définit le cadre institutionnel de la libre négociation collective pour les travailleurs du secteur public au sens large, des organismes de l'administration locale et des banques d'Etat.
  6. 238. La GSEE soutient que le gouvernement a adopté une politique unilatérale d'austérité économique qui défavorise les travailleurs et qui a entraîné une baisse de 20 pour cent de leurs revenus au cours des deux dernières années. Elle déclare qu'au cours des douze mois qui ont précédé la 78e session de la Conférence internationale du Travail elle avait dénoncé à cinq reprises devant l'OIT des mesures prises par le gouvernement grec qui portaient gravement atteinte à l'autonomie des partenaires sociaux et aux intérêts des travailleurs. Ces dénonciations concernaient en particulier les dispositions de la loi no 1915 de 1990, qui imposaient une limitation radicale du droit de grève, et plus particulièrement celles qui fixent le personnel minimum à maintenir en cas de grève dans les services essentiels.
  7. 239. L'organisation plaignante conclut en affirmant que toutes les mesures susmentionnées témoignent de la politique anti-ouvrière du gouvernement, de la suppression systématique des droits des travailleurs et de son ingérence persistante dans des institutions qui sont protégées par la Constitution et les conventions internationales du travail. Elles prouvent en particulier l'incapacité constante du gouvernement de respecter ses obligations. C'est pourquoi l'organisation plaignante exprime ses fermes réserves quant à l'intention réelle du gouvernement de lever avant la fin de 1992 l'interdiction de négociation collective.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 240. Dans sa communication du 9 octobre 1992, le gouvernement indique tout d'abord qu'il est contraint d'appliquer une politique de restriction des salaires dans la fonction publique et le secteur public au sens large, car il s'efforce de réduire l'inflation et l'énorme déficit du secteur public et d'améliorer la compétitivité de l'économie nationale. Le gouvernement ajoute que cette restriction n'est en vigueur que pour l'année 1992. En outre, les salariés susmentionnés ont déjà perçu, depuis le 1er janvier 1992, une allocation spéciale de 9.000 drachmes. Cette allocation, associée à un allègement fiscal, aura pour effet d'augmenter sensiblement leur salaire, et ce d'un pourcentage supérieur au taux d'inflation prévu pour 1992.
  2. 241. Par ailleurs, les travailleurs du secteur privé, qui forment de loin la majorité de la main-d'oeuvre, n'ont été touchés par aucune de ces mesures restrictives. Le fait que la négociation collective demeure entièrement libre entre les travailleurs du secteur privé et leurs employeurs prouve l'attachement du gouvernement au principe de la négociation collective.
  3. 242. Le gouvernement souligne que les allégations selon lesquelles ces mesures restrictives seraient contraires aux dispositions de la Constitution et des conventions internationales du travail ne sauraient être retenues pour les raisons suivantes: les instances suprêmes du pays (Cour de cassation et Conseil d'Etat) ont jugé qu'en pareil cas, et afin de préserver l'intérêt social supérieur et d'assurer la planification et la coordination de l'activité économique du pays, l'interdiction totale par voie législative des augmentations salariales de certaines catégories de travailleurs est possible et qu'elle n'est pas contraire à l'article 22, paragraphe 2, de la Constitution, pour autant qu'une telle mesure soit jugée nécessaire pour faire face aux dangers qui menacent l'économie nationale.
  4. 243. Ces instances ont aussi admis que de telles mesures de protection ne transgressent pas les dispositions des conventions nos 87 et 98 car elles n'abolissent pas le droit d'organisation et de négociation collective. En outre, la législation nationale est conforme à l'article 4 de la convention no 98, puisque l'article 22, paragraphe 2, de la Constitution consacre l'institution des conventions collectives; de plus, en matière de réglementation des salaires, le législateur grec est soumis aux limites susmentionnées telles que la protection de l'intérêt social supérieur. Ces mesures restrictives n'ayant pas été jugées anticonstitutionnelles au regard de la jurisprudence de ces instances, il ne saurait être question de violation des dispositions de la convention no 98.
  5. 244. Le gouvernement soutient ensuite que les allégations présentées par l'organisation plaignante en ce qui concerne le droit de grève ne sont pas valables car les dispositions de la loi no 1915 de 1990 ne visent pas à infirmer la législation en vigueur régissant le droit de grève, mais à la compléter et à la clarifier. Le gouvernement admet que la liste des entreprises publiques et des sociétés d'utilité publique figurant au chapitre 19, paragraphe 2, de la loi no 1264 de 1982 a été élargie par la loi no 1915 de 1990 et comprend désormais d'autres services tels que la collecte et le transport des déchets, la Banque de Grèce, l'aviation civile et les services de comptabilité chargés du versement des salaires du personnel du secteur public au sens large. Cet élargissement a été jugé nécessaire, eu égard au caractère essentiel de ces services qui satisfont aux besoins fondamentaux de la population. Leur interruption risquerait d'avoir de graves conséquences pour l'économie du pays: mise en danger de la santé de la population, paralysie des transports publics, perte de denrées périssables et de matières premières, suspension ou retard du versement des salaires et autres prestations dues aux travailleurs, etc.
  6. 245. En outre, le gouvernement indique qu'en vertu du chapitre 4 de la loi no 1915 de 1990 la désignation du personnel minimum nécessaire à maintenir en fonction en cas de grève dans le secteur public ou dans les services d'utilité publique est de la compétence de l'employeur. Il ne faut cependant pas y voir une restriction du droit de grève, mais simplement l'exercice du droit de l'employeur d'assurer le bon fonctionnement de son entreprise, celui-ci étant imposé au surplus par la nécessité de satisfaire aux besoins fondamentaux de la population qui sont menacés par la grève. Par ailleurs, ce droit de l'employeur d'assurer le fonctionnement de son entreprise a déjà été reconnu dans les décisions prises par des tribunaux administratifs en application des dispositions de la loi no 1264 de 1984.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 246. Le comité note que le présent cas porte essentiellement sur l'interdiction de la négociation collective et la suppression des augmentations salariales jusqu'à la fin de 1992 pour les travailleurs du secteur public au sens large, des entreprises d'utilité publique, des organisations de l'administration locale et des banques d'Etat, faisant suite à l'adoption de la loi no 2025 de 1992. Le gouvernement prétend pour sa part que cette mesure restrictive est nécessaire et justifiée dans le cadre des efforts qu'il déploie pour réduire l'inflation, diminuer l'énorme déficit du secteur public et relancer l'économie.
  2. 247. En ce qui concerne les mesures de stabilisation économique qui restreignent le droit de négociation collective, le comité a reconnu que, si pour des raisons impérieuses d'intérêt économique national et au nom d'une politique de stabilisation un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut pas être fixé librement par la négociation collective, toute restriction devrait être appliquée comme une mesure d'exception, limitée à l'indispensable, et ne devrait pas excéder une période raisonnable et être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs. (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 1985, troisième édition, paragr. 641.)
  3. 248. Le comité note qu'aux termes de cette loi la négociation collective est interdite du 5 mars au 31 décembre 1992. Bien que la durée de cette mesure restrictive n'excède pas une période raisonnable, elle ne peut pour autant être considérée comme une mesure exceptionnelle. L'organisation plaignante présente des allégations que le gouvernement ne réfute pas concernant le non-respect répété de ses obligations en matière de négociation collective et de liberté syndicale. En outre, le comité relève l'observation formulée en 1991 par la commission d'experts dans laquelle celle-ci déplorait les interventions successives des pouvoirs publics dans les négociations salariales et rappelait que la persuasion était préférable à la contrainte. Le comité croit devoir signaler qu'un recours répété à pareilles restrictions législatives et à des interventions fréquentes du législateur pour suspendre ou annuler l'exercice de droits reconnus aux syndicats et à leurs adhérents ne peuvent à la longue que nuire au climat des relations professionnelles.
  4. 249. Le comité souhaite également mentionner à cet égard la position adoptée en 1991 par le gouvernement devant la Commission de l'application des normes de la Conférence. En réponse aux allégations présentées par des organisations syndicales selon lesquelles le gouvernement avait agi de manière arbitraire à deux reprises au moins pour réduire les augmentations salariales prévues dans la convention collective nationale, ce qui avait fait perdre aux travailleurs 13 pour cent de leur pouvoir d'achat, le gouvernement avait exprimé le ferme espoir qu'une libre négociation collective serait établie et avait indiqué que les organisations les plus représentatives du pays, à savoir la Ligue des industries grecques et la Confédération générale du travail de Grèce (GSEE), avaient signé, à l'issue d'une libre négociation collective, une nouvelle convention collective nationale couvrant les deux années 1991 et 1992.
  5. 250. Toutefois, le comité note avec préoccupation que, si les travailleurs du secteur privé ne sont pas touchés, les augmentations salariales des travailleurs du secteur public ont à nouveau été supprimées, cette fois-ci du 5 mars au 31 décembre 1992, par la loi no 2025 de 1992. Cette suppression s'étend aux augmentations salariales de tous ordres qui auraient été fixées par les dispositions, les clauses ou les termes d'une convention collective, par voie de conciliation, d'arbitrage, de décision ministérielle ou par une mesure administrative de nature réglementaire, ou par un contrat ou un accord individuel.
  6. 251. Pour les raisons susmentionnées, le comité considère que la loi no 2025 de 1992 a dépassé ce qui avait été précédemment considéré comme des limites normalement acceptables pouvant être provisoirement imposées à la négociation collective. Il veut croire que la loi no 2025 de 1992 a effectivement cessé de s'appliquer le 31 décembre 1992 et que la négociation collective a été rétablie conformément aux principes de la liberté syndicale. Le comité demande au gouvernement de confirmer cet état de fait et de s'abstenir à l'avenir d'adopter des mesures de ce type.
  7. 252. Pour ce qui est des allégations relatives aux dispositions de la loi no 1915 de 1990 qui limitent le droit de grève et fixent le personnel minimum à maintenir en cas de grève dans les services essentiels, le comité note qu'il a déjà abordé ces allégations quant au fond lors d'un cas précédent. (Voir 283e rapport, paragr. 147-176.) Il avait alors considéré que les dispositions limitant le droit de grève dans les services essentiels ne constituaient pas une violation des principes de la liberté syndicale. Il avait observé néanmoins que l'article 4 de cette loi disposait que la désignation d'un personnel minimum en cas de grève dans le secteur public ou dans les services d'utilité publique incombait uniquement à l'employeur. Le comité avait donc demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir la participation des organisations de travailleurs à la détermination des services minima à maintenir en cas de grève, et il lui avait également demandé de le tenir informé de toute mesure prise en ce sens.
  8. 253. Le comité note avec regret que, dans le présent cas, le gouvernement non seulement n'a pris aucune mesure à cet égard, mais encore qu'il avance exactement les mêmes arguments qu'auparavant pour justifier la désignation d'un personnel minimum en cas de grève. Le comité prie donc une nouvelle fois le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir, aussi bien en droit que dans la pratique, la participation des organisations de travailleurs à la définition des services minima à maintenir en cas de grève dans les services énumérés au chapitre 4 de la loi no 1915 de 1990 et de le tenir informé de toute mesure prise en ce sens.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 254. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Rappelant les principes de la liberté syndicale en matière de négociation collective exprimés dans ses conclusions, le comité veut croire que la loi no 2025 de 1992 a effectivement cessé de s'appliquer le 31 décembre 1992 et que la négociation collective a été rétablie conformément aux principes de la liberté syndicale. Le comité prie le gouvernement de confirmer que c'est effectivement le cas et lui demande de s'abstenir d'adopter des mesures de ce type à l'avenir.
    • b) Le comité considère que la loi no 2025 de 1992 a dépassé ce qui était précédemment considéré comme des limites normalement acceptables pouvant être provisoirement imposées à la négociation collective.
    • c) Le comité demande une nouvelle fois au gouvernement de garantir, aussi bien en droit que dans la pratique, la participation des organisations de travailleurs à la définition des services à maintenir en cas de grève dans les services considérés comme essentiels dans la législation grecque et de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.
    • d) Le comité signale à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations les aspects législatifs de ce cas.
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