ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Report in which the committee requests to be kept informed of development - REPORT_NO279, November 1991

CASE_NUMBER 1581 (Thailand) - COMPLAINT_DATE: 14-MAI-91 - Closed

DISPLAYINEnglish - Spanish

  1. 441. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL), l'Internationale des services publics (ISP), l'Internationale du personnel des postes, télégraphes et téléphones (IPTT), la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) et la Fédération internationale des employés, techniciens et cadres (FIET) ont présenté au nom de leurs affiliés thaïlandais une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de la Thaïlande dans une communication du 14 mai 1991. Par la suite, dans une communication du 24 juin 1991, la Fédération internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (FITBB) s'est associée à cette plainte au nom de ses affiliés thaïlandais.
  2. 442. Le gouvernement a envoyé ses observations sur le présent cas dans une communication datée du 16 septembre 1991.
  3. 443. La Thaïlande n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 444. Dans leur communication conjointe du 14 mai 1991, les plaignants se sont montrés vivement préoccupés par l'adoption de deux lois, votées récemment par l'Assemblée législative thaïlandaise désignée par le pouvoir militaire, et visant à dissoudre les quelque 120 syndicats implantés dans près de 65 entreprises d'Etat, en les excluant du champ d'application de la loi sur les relations professionnelles. Ceux-ci se voient interdire de négocier collectivement et de faire grève, ainsi que d'exercer des activités syndicales dans ces entreprises sous de lourdes peines. Les plaignants ajoutent que le gouvernement a élaboré unilatéralement ces lois nouvelles et les a présentées au parlement au début de l'année 1991, sans consulter les syndicats légitimes des secteurs considérés.
  2. 445. Ils déclarent que ce changement de cap est en contradiction flagrante avec la promesse faite par les autorités, le 25 février 1991, lors d'une réunion avec les dirigeants syndicaux, de ne pas restreindre les droits et les activités syndicaux tant que la loi martiale serait en vigueur.
  3. 446. Aux termes de la nouvelle législation, plus de 200.000 travailleurs des entreprises d'Etat occupés dans les services de l'électricité, des eaux, des communications, des banques nationalisées, des transports, y compris les ports et les autorités chargés du transit à Bangkok, ou encore dans les services publics en général, sont privés des droits fondamentaux énoncés dans les conventions nos 87 et 98: tous les syndicats des entreprises d'Etat sont dissous (article 55 de la loi sur les relations professionnelles dans les entreprises d'Etat); la seule solution qui leur est offerte est de constituer des "associations de travailleurs des entreprises d'Etat" qui ne sauraient en aucun cas être considérées comme indépendantes ou représentatives des intérêts des travailleurs; les biens des anciens syndicats sont transférés à ces associations instituées par le gouvernement et les syndicats qui refusent de se transformer en associations voient leurs fonds liquidés conformément à leurs statuts; ou, en l'absence de dispositions dans lesdits statuts saisis et transférés à des oeuvres de bienfaisance telles que la Croix-Rouge (article 55).
  4. 447. Les plaignants joignent une traduction anglaise de la loi du 15 avril 1991 sur les relations professionnelles dans les entreprises d'Etat, ainsi qu'une traduction de la déclaration no 54 publiée le 28 février 1991 par le Conseil national pour le maintien de la paix et visant à modifier la loi de 1975 sur les relations professionnelles, de même que l'amendement du 12 mars 1991 sur la demande d'autorisation de tenir des réunions et des séminaires syndicaux, ainsi que la déclaration publiée le 7 mars 1991 par le ministère du Travail et portant application de la déclaration no 54. Ce dernier instrument impose des conditions sévères à l'éligibilité des conseillers ou des experts syndicaux, sur l'enregistrement, la durée de leur mandat et leur nombre. Selon l'article 21 de la loi, chaque entreprise ne peut disposer de plus d'une association, et, selon l'article 26, seule l'association qui, la première, déposera une demande d'enregistrement et remplira les conditions légales sera enregistrée. Les plaignants estiment que des associations de ce type ne peuvent être considérées comme indépendantes ni représentatives car, aux termes de la nouvelle loi, elles se voient privées du droit de participer à toute action collective (article 19) et elles ne peuvent tenir des assemblées générales sauf les jours de fêtes légales ou traditionnelles (article 28). Ils pensent que ces nouvelles associations ne seront qu'un simple rouage d'un mécanisme autorisant les travailleurs à faire part de leurs suggestions à la direction (article 18), sans qu'il y ait de véritables négocations collectives, de procédures d'examen des réclamations ou autres activités liées aux relations professionnelles.
  5. 448. Selon les plaignants, ces associations constituent donc un déni des droits des travailleurs, tels qu'ils sont énoncés aux articles 1 à 8 de la convention no 87 et aux articles 1 à 4 de la convention no 98. L'assertion du gouvernement selon laquelle la plupart des entreprises d'Etat seraient chargées de fournir des services essentiels n'est pas exacte et elle ne saurait être invoquée pour justifier ce déni de leurs droits fondamentaux aux travailleurs de ces secteurs.
  6. 449. En outre, les associations constituées aux termes de la loi nouvelle ne peuvent pas adhérer aux centrales syndicales nationales existant en Thaïlande, et il n'est pas certain qu'elles puissent constituer leurs propres fédérations nationales.
  7. 450. Outre la perte de leurs fonctions au sein des centrales syndicales nationales, les syndicalistes employés dans des entreprises d'Etat doivent également renoncer à leurs fonctions au sein des organismes tripartites, tels que le Conseil consultatif pour le développement social, la Commission nationale des salaires, la Commission des relations professionnelles et le Tribunal central du travail. Ils ne peuvent pas non plus continuer de siéger en qualité de juges assesseurs dans les tribunaux du travail. Le chapitre I de la loi sur les relations professionnelles dans les entreprises d'Etat prévoit la création d'une "commission des relations professionnelles dans les entreprises d'Etat". Ses membres doivent être nommés par le ministre de l'Intérieur pour un mandat de deux ans, sans pouvoir toutefois remplir plus de deux mandats consécutifs, et ne comprendront pas de représentants des organisations de travailleurs normalement constituées. Il semble que cinq membres seulement sur 21 représentent les travailleurs; or la commission doit, évidemment, remplir des fonctions dans des domaines aussi différents que la négociation collective, les procédures d'examen des réclamations individuelles et les relations professionnelles (article 11). Au niveau de l'entreprise, ces mêmes fonctions sont du ressort de la "Commission des relations professionnelles" qui doit être mise sur pied dans chaque entreprise d'Etat dans les conditions arbitraires et contraignantes qui ont été décrites plus haut (article 14).

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 451. Dans sa lettre du 16 septembre 1991, le gouvernement déclare qu'il a toujours respecté la Constitution de l'OIT dont il approuve entièrement les principes fondamentaux tels qu'ils sont énoncés dans la Déclaration de Philadelphie, et notamment au dernier paragraphe de la Déclaration où il est dit que, si les principes énoncés sont pleinement applicables à tous les peuples du monde, il doit être dûment tenu compte, dans les modalités de leur application, du degré de développement social et économique de chaque peuple.
  2. 452. Le gouvernement explique que, quand la loi sur les relations professionnelles a été adoptée, en 1975, elle couvrait les travailleurs des entreprises d'Etat de même que d'autres travailleurs thaïlandais du secteur privé. L'expérience a montré qu'il s'avérait nécessaire d'édicter une législation spécifique et distincte qui réponde aux besoins particuliers des travailleurs et qui tienne compte des différences fondamentales qui existent dans les relations professionnelles entre, d'une part, les travailleurs des entreprises d'Etat et l'Etat et, d'autre part, les employeurs et les travailleurs du secteur privé. En Thaïlande, les entreprises d'Etat sont la propriété du gouvernement qui leur accorde des subventions, des exonérations fiscales, et qui a le monopole de la gestion puisque leur principal objectif consiste à fournir des services publics. Elles sont donc différentes des entreprises privées par leur structure et par leurs objectifs.
  3. 453. La loi sur les relations professionnelles dans les entreprises d'Etat a été adoptée en avril 1991 afin de tenir compte des différences fondamentales de structure et d'objectif entre les entreprises d'Etat et les entreprises privées, et afin de fournir aux travailleurs des entreprises d'Etat, comme l'a dit lui-même le Premier ministre, "leur propre maison; une maison qui soit indépendante et dans laquelle, je pense, ils pourront vivre avec plus de fierté et de dignité". Aux termes de la loi sur les relations professionnelles dans les entreprises d'Etat, les travailleurs de ces entreprises bénéficient encore de la liberté syndicale et du droit de négocier leurs conditions d'emploi, tout comme ils le faisaient dans le cadre de la loi de 1975 sur les relations professionnelles. Dans chaque entreprise d'Etat, les travailleurs peuvent constituer librement, sans intervention du gouvernement, leur propre association pour protéger et promouvoir leurs droits et leur bien-être. La nouvelle loi dispose qu'il ne peut y avoir qu'une seule association par entreprise de façon à encourager la solidarité et à créer une certaine unité parmi les travailleurs, et à augmenter ainsi leur pouvoir de négociation. Or, par le passé, le grand nombre de syndicats qui avaient proliféré au sein d'une même entreprise d'Etat ne permettait pas à chacun d'entre eux d'être véritablement représentatif des intérêts de l'ensemble des travailleurs de l'entreprise, ce qui compliquait le processus de négociation.
  4. 454. D'après le gouvernement, la loi nouvelle n'interdit pas aux associations de travailleurs des entreprises d'Etat de constituer leurs propres fédérations, bien qu'il n'existe pas encore de disposition légale régissant l'enregistrement de ces fédérations. En outre, il n'est pas interdit aux associations ou aux fédérations de travailleurs des entreprises d'Etat de s'affilier aux organisations internationales de travailleurs. A cet égard, le gouvernement déclare que les associations de travailleurs nouvellement constituées et représentatives des trois entreprises d'Etat assurant la fourniture d'électricité en Thaïlande, de la Compagnie métropolitaine des eaux et de l'Administration nationale chargée du logement continuent d'adhérer à l'ISP; l'Association des employés des téléphones de Thaïlande est toujours membre de l'IPTT; les associations du personnel de la Caisse d'épargne du gouvernement et de la Krung Thai Bank sont membres de la FIET; et les associations de travailleurs de l'Organisation des plantations de caoutchouc et du Fonds pour les plantations de caoutchouc font partie de la Fédération internationale des travailleurs des plantations de l'agriculture et des branches connexes (FITPAC).
  5. 455. Le gouvernement déclare que les travailleurs des entreprises d'Etat ne perdent, aux termes de la loi nouvelle, aucun des droits dont ils bénéficiaient en vertu de la loi de 1975 sur les relations professionnelles. En fait, ni dans l'une ni dans l'autre de ces deux lois il n'avaient le droit de recourir à la grève. Si dans les entreprises d'Etat subventionnées par l'argent des contribuables afin de fournir des services publics il était possible de faire grève ou d'aider les syndicats du secteur privé à avoir recours à la grève, la population thaïlandaise réagirait négativement, comme ce fut le cas dans le passé. En revanche, la loi nouvelle n'interdit pas aux associations de travailleurs des entreprises d'Etat d'aider les syndicats du secteur privé à promouvoir le bien-être et l'éducation ouvrière. La loi nouvelle n'interdit pas non plus aux travailleurs des entreprises d'Etat que les travailleurs du secteur privé soient appelés à participer aux divers organismes tripartites, tels que le Conseil consultatif national pour le développement social, la Commission des salaires et le Tribunal du travail, d'en faire partie.
  6. 456. Si par la suite les entreprises d'Etat doivent partiellement ou totalement être privatisées, les travailleurs de ces entreprises seront automatiquement couverts par la loi sur les relations professionnelles et ne dépendront plus de la loi de 1991 sur les relations professionnelles dans les entreprises d'Etat, à la condition toutefois que, dans les entreprises partiellement privatisées, le gouvernement ne détienne plus la majorité des parts (soit 51 pour cent).
  7. 457. C'est surtout la lenteur des décisions sur les plaintes et les revendications salariales présentées par les travailleurs des entreprises d'Etat qui a justifié l'adoption de la loi nouvelle, explique le gouvernement. En effet, aux termes de la loi sur les relations professionnelles, les revendications ou les plaintes ayant des implications budgétaires ne peuvent être traitées par la Commission nationale des relations professionnelles et elles doivent être soumises au ministère des Finances pour examen. Non seulement cette procédure ralentissait les décisions, mais elle gênait en outre la participation des représentants des travailleurs des entreprises d'Etat au processus de décision lui-même, dans tous les domaines qui les touchent, et notamment ceux ayant des implications budgétaires. A cet égard, la loi nouvelle permet d'accélérer la prise de décisions et aux représentants des travailleurs des entreprises d'Etat de participer au processus au plus haut niveau, par l'intermédiaire d'une commission nationale appelée "Commission des relations professionnelles des entreprises d'Etat". C'est elle qui est désormais chargée de prendre la décision finale et d'arbitrer. Cette commission est composée de représentants du ministère des Finances (notamment du secrétaire permanent et du président de la Cour des comptes), et elle est habilitée à prendre des décisions sur toutes les questions ayant des implication budgétaire sans avoir à en référer au ministère des Finances, comme c'était naguère le cas. Comme les travailleurs des entreprises d'Etat sont représentés à cette commission par cinq de 1eurs collègues, ils participent désormais et pour la première fois aux décisions relatives à leurs revendications et plaintes. En outre, si ces travailleurs ne sont pas satisfaits de la décision prise par cette commission au plus haut niveau, ils peuvent porter l'affaire devant les tribunaux.
  8. 458. Le gouvernement déclare que, outre le fait qu'elle facilite la participation des travailleurs à tous les niveaux de la prise de décisions, dans toutes les affaires qui les intéressent, la loi nouvelle encourage aussi l'ensemble des travailleurs à s'intéresser au processus de décision. Ainsi, cette loi dispose que les membres de la Commission des relations professionnelles occuperont leurs fonctions pendant une durée de deux ans et qu'ils pourront être réélus, à condition de ne pas remplir plus de deux mandats consécutifs. De même, les membres de la Commission des relations professionnelles dans les entreprises d'Etat doivent occuper leurs fonctions pour une durée de deux ans, sans pouvoir remplir plus de deux mandats consécutifs. Ces dispositions visent à éviter que certains travailleurs ou groupes de travailleurs ne s'attribuent le monopole des fonctions dirigeantes et à faire en sorte que les travailleurs soient le plus nombreux possible à occuper lesdites fonctions qui sont directement liées à leurs intérêts.
  9. 459. La loi nouvelle vise également à assurer que les intérêts des travailleurs des entreprises d'Etat continuent d'être représentés pendant la période transitoire de transformation des syndicats des entreprises d'Etat en associations de travailleurs. Pour ce faire, elle dispose que les biens qui restent après la liquidation des syndicats des entreprises d'Etat doivent être transférés à l'association formée au sein de l'entreprise d'Etat ou à toute autre personne morale, désignée par les statuts des syndicats en question, si le transfert des biens à l'association ne peut pas être opéré dans l'année qui suit la date de liquidation. En outre, en l'absence d'une telle disposition ou si les statuts ne désignent pas de personne morale susceptible de recevoir les biens, la loi exige que les biens en question soient transférés à la Croix-Rouge.
  10. 460. Le gouvernement ajoute que la déclaration no 54 du Conseil national pour le maintien de la paix modifie la loi de 1975 sur les relations professionnelles comme suit:
    • - elle exige que les consultants des employeurs ou des travailleurs qui participent aux négociations sur les conditions d'emploi aient les qualifications requises par le directeur général du ministère du Travail, et qu'ils soient inscrits auprès de la direction générale. Cette mesure vise à empêcher des consultants non qualifiés de politiser les négociations techniques;
    • - elle exige qu'une grève ne puisse être déclenchée qu'après que l'ensemble des syndiqués eurent voté à bulletin secret et qu'à la condition que plus de la moitié des syndiqués se fussent prononcés en faveur de la grève. Cette disposition vise à garantir que la grève qui touche l'ensemble des syndiqués soit le résultat d'une décision démocratique et rationnelle et non d'une initiative de quelques membres dont les opinions ne refléteraient pas nécessairement la volonté de la majorité des membres du syndicat;
    • - elle impose aux membres du bureau de l'association, de la fédération ou du congrès des employeurs, de même qu'aux membres du bureau du syndicat, de la fédération ou du congrès des travailleurs, qui auront été révoqués par le greffier des syndicats pour avoir violé la loi sur les relations professionnelles, d'attendre une année après leur révocation avant de pouvoir devenir à nouveau membres du bureau. Cette mesure vise à donner le temps aux membres révoqués de s'amender avant de pouvoir participer à nouveau à des activités syndicales.
  11. 461. Le gouvernement a adopté la loi de 1991 sur les relations professionnelles dans les entreprises d'Etat parce qu'il a estimé que la loi sur les relations professionnelles qui, pendant seize ans, avait régi ces relations dans les entreprises d'Etat n'était plus adaptée à ces travailleurs. Ce décalage tenait au fait que les entreprises d'Etat et les entreprises privées ont des objectifs, des structures et des relations professionnelles fondamentalement différents. Le gouvernement estime qu'il faut s'accorder un délai suffisant pour vérifier comment cette loi nouvelle est appliquée dans la pratique avant de porter un jugement. La loi est en cours d'application. Quarante-deux groupes issus de 36 entreprises ont déposé des demandes pour constituer des associations de travailleurs correspondant aux anciens syndicats. Le 31 août 1991, on recensait 32 associations de travailleurs des entreprises d'Etat déjà enregistrées. En outre, ces associations de travailleurs ont déjà élu, parmi leurs représentants, cinq membres de la Commission nationale des relations professionnelles dans les entreprises d'Etat; celle-ci s'est déjà réunie deux fois. Le gouvernement surveille de près l'application de cette loi pour voir si d'autres améliorations ou de nouveaux amendements sont nécessaires. A cet égard, il se réjouit des conseils et assistance technique que le BIT pourrait fournir pour l'aider à améliorer le sort de tous les travailleurs thaïlandais, qu'ils appartiennent aux entreprises d'Etat ou au secteur privé.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 462. En premier lieu, le comité doit expliquer, en réponse aux commentaires du gouvernement relatifs à l'application des principes de la liberté syndicale liée au degré de développement social et économique, que les droits syndicaux, comme les autres droits de l'homme, doivent être respectés quel que soit le niveau du développement du pays concerné.
  2. 463. Le comité constate avec regret que la loi sur les relations professionnelles dans les entreprises d'Etat, adoptée le 15 avril 1991, soulève de nombreux et graves problèmes de compatibilité avec les principes de l'OIT en matière de liberté syndicale du point de vue tant du droit des travailleurs des entreprises d'Etat de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier que du droit de négocier collectivement et de celui de promouvoir et défendre les intérêts des travailleurs par le recours à la grève. Le comité est particulièrement préoccupé par les faits suivants: la dissolution administrative des syndicats; l'obligation de constituer une seule association de travailleurs par entreprise; le transfert des biens des syndicats à la Société thaïlandaise de la Croix-Rouge; l'impossibilité pour ces associations de s'affilier à des fédérations nationales; le contrôle sévère exercé par le ministère de l'Intérieur et par le greffier des syndicats sur la création et le fonctionnement des nouvelles associations; l'absence de véritable négociation; la composition inéquitable de la Commission nationale des relations professionnelles dans les entreprises d'Etat; et l'interdiction de toute grève dans les entreprises d'Etat.
  3. 464. Le comité constate aussi que les plaignants craignent que les syndicalistes ne perdent leurs sièges dans les divers organismes tripartites. Etant donné que le gouvernement réfute catégoriquement cette allégation et que les plaignants ne fournissent aucun renseignement pour l'étayer, le comité considère qu'il n'y a pas lieu d'examiner cette question à ce stade.
  4. 465. Le comité a pris note des arguments avancés par le gouvernement pour justifier l'adoption de la loi, à savoir: que le contexte particulier des entreprises d'Etat nécessite de soumettre les relations professionnelles à une loi différente de la loi sur les relations professionnelles qui régit le secteur privé; la nouvelle loi autorise encore la liberté syndicale qui peut être exercée par l'intermédiaire des associations de travailleurs, et la négociation collective par le biais des activités de ces associations; en l'absence de dispositions légales à se sujet, la nouvelle loi n'interdit pas à ces associations de constituer leurs propres fédérations et elles ont en fait maintenu leurs affiliations internationales (à l'ISP, l'IPTT et la FIET, qui sont des organisations plaignantes dans cette affaire, ainsi qu'à la FITPAC); que la loi sur les relations professionnelles interdisait déjà aux travailleurs des entreprises d'Etat de recourir à la grève; que, compte tenu des privatisations qui doivent avoir lieu dans un proche avenir, les travailleurs concernés par ces mesures seront à nouveau couverts par la loi sur les relations professionnelles; et qu'enfin la loi nouvelle améliore (en accélérant et en suscitant une plus large participation) la prise de décisions ayant des implications budgétaires pour le gouvernement.
  5. 466. Pour ce qui est des biens des syndicats, le comité prend note des explications du gouvernement selon lesquelles la loi veille à assurer la continuité des activités pendant la "transformation des syndicats d'entreprises d'Etat en associations de travailleurs", en ordonnant le transfert de leurs biens à l'association nouvellement constituée; si un tel transfert ne peut s'effectuer dans l'année qui suit, les biens seront attribués à la personne morale mentionnée dans les statuts des syndicats visés et, en cas d'absence de dispositions à cet égard, les biens seront assignés à la Croix-Rouge.
  6. 467. Le comité prend note également des arguments avancés par le gouvernement pour justifier sa seconde décision relative à la déclaration no 54, qui modifie la loi sur les relations professionnelles: ces mesures seraient destinées à empêcher que des consultants non qualifiés viennent politiser les négociations techniques, à donner le temps aux syndicalistes ayant été révoqués "de s'amender" avant de pouvoir participer à nouveau à des activités syndicales, et à faire en sorte que les grèves ne soient pas organisées par un petit nombre de syndicalistes dont les opinions pourraient ne pas traduire la volonté de la majorité.
  7. 468. Le comité constate également que le gouvernement fournit des chiffres relatifs à l'application de la loi nouvelle: 32 associations de travailleurs des entreprises d'Etat ont déjà été enregistrées et 42 groupes issus de 36 entreprises ont déposé une demande d'enregistrement. Ces chiffres, ainsi que les arguments du gouvernement résumés ci-dessus, ne sont pas de nature à modifier l'opinion du comité au sujet de la loi nouvelle et de la déclaration no 54, car les termes sans équivoque employés dans les textes, et commentés ci-dessous, ont un effet directement négatif sur les droits des travailleurs du secteur en question.
  8. 469. Examinant tout d'abord la dissolution des syndicats dans les entreprises d'Etat, aux termes de l'article 55 de la loi, le comité note qu'elle est rédigée en ces termes:
    • Tous les syndicats des entreprises d'Etat constitués aux termes de la loi sur les relations professionnelles cesseront d'exister, sauf aux fins de leur liquidation.
    • Les biens subsistant après la liquidation seront transférés à l'association constituée dans l'entreprise d'Etat, conformément à cette loi. Si le transfert des biens ne peut être opéré dans l'année qui suit la date de liquidation, ils seront transférés à d'autres personnes morales, conformément aux statuts du syndicat en question. En l'absence de dispositions dans les statuts, les biens seront transférés à la Croix-Rouge thaïlandaise.
    • Le comité estime que la dissolution d'organisations syndicales est une mesure qui ne devrait intervenir que dans des cas de gravité extrême. Une telle dissolution ne devrait pouvoir intervenir qu'à la suite d'une décision judiciaire afin de garantir pleinement les droits de la défense.
  9. 470. Cependant, le comité estime que l'article 55 concernant la dévolution des biens des syndicats dissous est contraire aux principes de la liberté syndicale. Il ressort clairement de la législation que lorsqu'une organisation cesse d'exister, ses biens peuvent être transférés à l'association qui lui succède, ou répartis conformément aux dispositions contenues dans les statuts de ladite organisation; en l'absence de telles dispositions spécifiques, les biens des syndicats sont transférés à la Société de la Croix-Rouge. En ce qui concerne cette dernière hypothèse, le comité estime que les biens devraient rester à la disposition des travailleurs au lieu d'être transférés d'une telle façon.
  10. 471. Pour ce qui est de la possibilité des travailleurs des entreprises d'Etat de choisir entre plusieurs organisations, le comité note que l'article 21 de la loi est rédigé en ces termes:
    • Une association de travailleurs d'une entreprises d'Etat ne pourra être constituée qu'en vertu des dispositions de la présente loi, et devra avoir pour objectifs: 1) de promouvoir de bonnes relations entre les travailleurs et la direction, et entre les travailleurs eux-mêmes; 2) d'étudier l'aide à apporter aux travailleurs qui se seraient plaints d'avoir été lésés dans leurs droits et les prestations qui leur sont dues; et 3) de sauvegarder et protéger les droits et les prestations dues aux travailleurs.
    • Il n'y aura qu'une seule association de travailleurs d'entreprises d'Etat dans chaque entreprise d'Etat.
    • Le comité note également que, en vertu de l'article 46, toute personne qui exercerait des activités dans ces entreprises, tout comme elle le ferait dans une association, mais en dehors du cadre légal d'enregistrement, serait en infraction et pourrait se voir infliger une amende allant jusqu'à 1.000 baht ou un mois de prison, ou les deux à la fois. De l'avis du comité, cette interdiction de constituer d'autres organisations de travailleurs dans l'entreprise équivaut à une situation dans laquelle un individu se voit refuser toute possibilité de choix entre différentes organisations, la législation n'autorisant l'existence que d'une seule organisation dans sa branche professionnelle. Cette disposition est donc manifestement incompatible avec le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier (Recueil de décisions et principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, paragr. 226). Il en va de même pour l'article 26 de cette loi qui dispose que le greffier des syndicats devra enregistrer la première demande d'enregistrement qu'il recevra et qui remplisse les conditions requises par la loi, privilégiant ainsi le principe du "premier arrivé, premier servi" au détriment peut-être d'un groupe qui comprendrait un plus grand nombre de membres et remplirait également toutes les conditions légales, mais qui aurait été simplement plus lent à déposer sa demande (voir à cet égard le Recueil, op. cit., paragr. 229).
  11. 472. L'article 22 soulève un autre problème: il exige qu'une association compte au moins 30 pour cent de l'ensemble des travailleurs de l'entreprise d'Etat concernée et qu'elle soit enregistrée (il convient de noter que, aux termes de l'article 24, les demandes d'enregistrement peuvent être déposées par 10 membres fondateurs du moment que leur demande est appuyée par 10 pour cent au moins des travailleurs de l'entreprise et que le nombre des membres atteigne le niveau des 30 pour cent au cours des douze mois qui suivent le dépôt de la demande). Le comité, de même que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, considère qu'un critère numérique aussi élevé constitue une restriction à la création d'organisations de travailleurs dans les grandes entreprises (voir Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1983, paragr. 123 et 124). En outre, la législation semble accorder la représentativité et l'enregistrement à perpétuité. Les groupes minoritaires n'ont plus le droit de représenter les intérêts individuels de leurs propres membres et ne peuvent pas concurrencer l'association enregistrée la première, même après un laps de temps raisonnable, droits que les organes de contrôle de l'OIT estiment pourtant nécessaires afin de garantir la possibilité de choix (étude d'ensemble, paragr. 141).
  12. 473. L'article 23 de la loi dispose que seules les personnes de nationalité thaïlandaise sont autorisées à constituer une association dans une entreprise d'Etat (la loi sur les relations professionnelles comprend une restriction similaire). Le comité a toujours estimé que le droit de constituer des organisations de travailleurs et de s'y affilier sans distinction d'aucune sorte signifiait que la liberté syndicale devait être reconnue sans discrimination d'aucune sorte quant à l'occupation, au sexe, à la couleur, à la race, aux croyances, aux opinions politiques et à la nationalité, non seulement aux travailleurs du secteur privé de l'économie, mais aussi aux fonctionnaires et aux agents des services publics en général (Recueil, op. cit., paragr. 210). Ainsi, bien que les plaignants n'aient pas évoqué cette disposition en alléguant des violations de l'article 2 de la convention no 87 en général, il est manifeste que ce point constitue une autre violation de la loi.
  13. 474. Pour ce qui est du droit de constituer des fédérations et de s'y affilier, le comité note avec préoccupation que les associations ne peuvent pas adhérer à des fédérations du secteur privé, du fait que les articles 5 et 113 de la loi sur les relations professionnelles précisent que les fédérations ne peuvent être constituées que de syndicats enregistrés aux termes de cette loi. Ceci apparaît comme un déni sans équivoque du droit des organisations de travailleurs de créer les fédérations et les confédérations de leur choix (Recueil, op. cit., paragr. 512, 513, 515 et 517). La loi nouvelle n'indique pas si les associations pourront former leurs propres fédérations, et le gouvernement affirme que ce silence signifie que rien ne les empêche de le faire. Il ne précise pas cependant si de telles fédérations se sont déjà formées. Quant à l'affiliation internationale, l'absence de dispositions législatives ne semble pas avoir empêché certaines associations de travailleurs des entreprises d'Etat de maintenir leur affiliation à des organisations syndicales internationales, y compris à certaines des organisations plaignantes parties au présent cas.
  14. 475. Eu égard à la liberté d'organiser leurs activités d'associations des travailleurs des entreprises d'Etat, le comité note que le troisième paragraphe de l'article 28 de la loi est ainsi conçu:
    • En tout état de cause, les assemblées générales ne pourront avoir lieu que les jours de fêtes légales ou traditionnelles.
    • De l'avis du comité, ceci constitue un obstacle majeur au fonctionnement effectif des associations qui devraient pouvoir organiser leur activité elles-mêmes, sans intervention des pouvoirs publics, dans les limites de la loi du pays, lorsque cette loi ne constitue pas un obstacle à l'exercice des droits des travailleurs. Le comité a souvent déclaré que le droit des syndicats d'organiser librement des réunions dans leurs propres locaux pour examiner des questions syndicales touchant aux intérêts de leurs membres, sans nécessité d'une autorisation préalable et sans ingérence de la part des autorités publiques, constituait un élément fondamental de la liberté syndicale (Recueil, op. cit., paragr. 142).
  15. 476. En outre, le comité fait observer qu'aux termes des articles 25 (9), 26, 36, 39 (4) et 40 le greffier des syndicats dispose de pouvoirs discrétionnaires de contrôle des activités internes des associations aussi bien lorsqu'elles demandent à être enregistrées que lorsqu'elles essaient d'exercer leur activité. Ces pouvoirs visent les situations suivantes: le greffier peut exiger que les statuts des associations prévoient que le bureau de l'association doit comporter un certain nombre de personnes, nombre qui ne doit pas excéder 30, et que ceux-ci ne doivent pas remplir plus de deux mandats consécutifs; le greffier doit être convaincu que les objectifs d'une association qui dépose une demande "ne sont pas contraires à l'ordre public ou à la morale", or ces concepts ne sont pas définis par la loi; les associations peuvent accomplir certains actes (y compris recevoir une aide financière de la part de personnes ou groupes non thaïlandais) seulement si une résolution de l'assemblée générale les y autorise; le greffier peut dissoudre les associations si elles commettent, entre autres, des actes qui "perturbent l'ordre public, sont contraires à la morale ou mettent en danger l'économie ou la sécurité nationale"; le greffier peut révoquer tout membre de la commission qui exerce, entre autres, des activités contraires à l'ordre public ou la morale ou mettent en danger l'économie ou la sécurité nationale. Comme la loi ne dit pas si ces pouvoirs discrétionnaires peuvent être contestés devant un organisme impartial (il est possible d'exercer un recours devant le ministre du Travail contre un refus d'enregistrement d'une demande au titre de l'article 26, et devant la Commission des relations professionnelles des entreprises d'Etat contre une révocation de fonctions au titre de l'article 40; l'impartialité de cette démarche fera l'objet d'un examen ultérieur), le comité ne peut que conclure que la loi ne prévoit aucun moyen de prévenir les risques d'abus. Il attire par conséquent l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel les organisations de travailleurs devraient être en mesure de se constituer et de s'organiser sans autorisation préalable (Recueil, op. cit., paragr. 262 à 283).
  16. 477. Le comité note que l'article 19 de la loi est ainsi conçu: Les travailleurs ne devront en aucun cas déclencher une grève ou s'engager dans une activité de même nature qu'une grève.
    • Le comité observe aussi que les peines encourues pour fait de grève, en application de l'article 45, sont extrêmement sévères puisqu'il s'agit d'une peine pouvant aller jusqu'à un an de prison ou d'une amende pouvant s'élever jusqu'à 20.000 baht (or le salaire minimum légal est de 100 baht par jour) ou des deux à la fois. Ces peines sont doublées en cas d'incitation, d'encouragement ou de soutien à la grève. Ceci constitue sans équivoque une restriction au droit des syndicats d'organiser leur gestion et leurs activités. Les arguments du gouvernement selon lesquels ces entreprises fournissent des services publics indispensables sont peut-être fondés dans certains établissements qui fournissent des services dont l'interruption risque de mettre en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé des personnes, comme c'est le cas pour les employés de l'électricité ou des eaux et pour le personnel hospitalier (Recueil, op. cit., paragr. 394, et étude d'ensemble, paragr. 214). Mais, dans ce cas, les organes de contrôle de l'OIT insistent pour qu'une telle restriction au droit de grève des travailleurs en question soit compensée par des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et rapides, aux diverses étapes desquelles les intéressés doivent pouvoir participer, et pour que les décisions arbitrales soient dans tous les cas obligatoires pour les deux parties (étude d'ensemble, paragr. 214). La loi ne prévoit pas de compensation de cette sorte. Le comité souhaite également appeler l'attention du gouvernement sur l'importance de prévoir des sanctions proportionnées au délit et de ne pas avoir recours à des mesures d'emprisonnement en cas de grève pacifique (Recueil, op. cit., paragr. 447, et étude d'ensemble, op. cit., paragr. 223).
  17. 478. Au sujet des allégations relatives à l'absence de négociation collective, le comité observe que l'article 14 de la loi prévoit l'existence d'une commission des relations professionnelles dans chaque entreprise d'Etat, composée d'un membre du conseil d'administration de l'entreprise et d'un nombre égal de représentants de la direction et des travailleurs. Même si le gouvernement prétend que des négociations ont lieu dans les entreprises d'Etat, il ressort nettement de l'article 18 que les commissions des relations professionnelles n'ont qu'un rôle consultatif: elles peuvent formuler des propositions, examiner les plaintes des travailleurs ou des associations et étudier les propositions des associations visant à améliorer les droits et les prestations des travailleurs. Le comité observe cependant que si ces propositions ont des implications budgétaires, la commission des relations professionnelles doit soumettre les résultats de ces délibérations à la commission nationale des relations professionnelles dans les entreprises d'Etat pour approbation. En outre, aux termes du paragraphe 3 de l'article 18, les propositions formulées par les commissions des relations professionnelles devront aussi être soumises aux responsables de l'entreprise et au ministre compétent "qui prendront les mesures qui s'imposent en dernier ressort". Cette absence évidente d'un pouvoir de décisions autonome est contraire à la promotion de la négociation volontaire des conditions d'emploi des travailleurs telle qu'elle est envisagée dans les principes de l'OIT en matière de libre négociation collective.
  18. 479. Au sujet des allégations relatives à la Commission des relations professionnelles dans les entreprises d'Etat, le comité observe qu'elle est présidée par le ministre de l'Intérieur et composée de cinq représentants du gouvernement (dont le ministre mentionné ci-dessus, les secrétaires permanents des ministères des Finances et de l'Intérieur, le président de la Cour des comptes et le directeur général du ministère du Travail), cinq experts nommés par le gouvernement, cinq représentants de la direction des entreprises d'Etat, cinq représentants des travailleurs ainsi que le responsable du secrétariat de la commission, qui fait aussi fonction de secrétaire. Comme l'ont souligné les plaignants, un déséquilibre aussi prononcé en faveur des employeurs ne peut pas garantir un débat équilibré sur les questions touchant aux intérêts des travailleurs. Par ailleurs, le comité estime que les dispositions législatives telles qu'elles sont formulées n'étayent nullement la thèse du gouvernement selon laquelle ce nouveau système devrait améliorer la participation des travailleurs et accélérer la prise de décisions, car les négociations se feront avec ceux qui sont habilités à prendre la décision finale. Aux termes de l'article 11, les fonctions de la Commission des relations professionnelles dans les entreprises d'Etat consistent à: 1) définir les normes régissant les droits et prestations des travailleurs des entreprises d'Etat; 2) examiner et approuver les délibérations des commissions des relations professionnelles, aux termes de l'article 18; 3) prendre des décisions au sujet des recours exercés par les travailleurs qui ont été révoqués, aux termes de l'article 41. Il ressort clairement du paragraphe 2 de l'article 11 que c'est le gouvernement qui détermine en dernier ressort les conditions d'emploi et les prestations des travailleurs des entreprises d'Etat. Cette disposition se lit comme suit:
    • Les normes régissant les droits et les prestations visées à l'alinéa (1) seront, après approbation du Conseil des ministres, applicables à chaque entreprise d'Etat.
    • S'agissant des propositions de la Commission des relations professionnelles ayant des implications budgétaires, la disposition pertinente est ainsi conçue
    • La disposition visée à l'alinéa (2) devra tenir compte des normes visées à l'alinéa (1).
    • Le comité conclut que les commissions au niveau de l'entreprise ne peuvent pas engager de véritables négociations, et que la Commission des relations professionnelles dans les entreprises d'Etat elle-même ne constitue pas un forum équilibré permettant d'engager d'authentiques négociations collectives.
  19. 480. Le comité constate que les plaignants reprochent en termes généraux à la loi d'enfreindre les articles 1 à 3 de la convention no 98 qui traitent du droit d'organisation et de la protection contre tout acte de discrimination syndicale. Aux termes de l'article 20 de la loi, une protection en cas de renvoi ou de transfert d'un travailleur pour exercice de certaines activités syndicales est prévue. Le comité estime toutefois que cette disposition n'est pas suffisante car elle n'assure aucune protection contre les préjugés antisyndicaux lors de l'embauche et qu'elle est loin d'égaler la protection dont bénéficient aux termes de la loi sur les relations professionnelles les travailleurs du secteur privé. Par ailleurs, le chapitre de la loi consacré aux sanctions ne prévoit aucune pénalité pour infraction à cet article. Le fait qu'aux termes de la loi le travailleur lésé ne pourra avoir recours qu'à la Commission des relations professionnelles dans les entreprises d'Etat - qui est, comme on l'a vu plus haut, nettement favorable à l'Etat en tant qu'employeur - fait craindre au comité que les plaintes de cette nature ne soient pas examinées par un mécanisme national impartial, tel que l'exigent les principes de la liberté syndicale (Recueil, paragr. 571).
  20. 481. Enfin, le comité observe que les modifications apportées à la loi sur les relations professionnelles par la déclaration no 54, et par la déclaration promulguée le 7 mars 1991 par le ministère du Travail portant application de la déclaration no 54 qui concerne aussi les activités des travailleurs du secteur privé, visent à améliorer la compétence des négociateurs. Elles ne sont pas nécessairement incompatibles avec les principes de la liberté syndicale dès lors qu'il s'agirait d'imposer des restrictions raisonnables au choix des personnes capables de conseiller les organisations de travailleurs dans la conduite des négociations collectives. Cependant, Le comité considère qu'il convient de s'assurer que ces restrictions ne s'exercent pas, en fait, aux dépens de l'autonomie des syndicats et du droit des organisations de travailleurs d'administrer leurs propres affaires internes. Or, aux termes des conditions requises par les nouveaux textes, les consultants doivent, entre autres: être de nationalité thaïlandaise; avoir plus de 20 ans; ne jamais avoir été insolvables, toxicomanes ou alcooliques; ne jamais avoir été condamnés à une peine de prison (avec quelques exceptions); offrir toutes garanties de moralité; adhérer aux principes de la monarchie constitutionnelle; faire partie du bureau d'une centrale nationale d'employeurs ou de travailleurs ou, à défaut, avoir effectué un stage organisé par le gouvernement; ne donner, en aucun cas, de conseils contraires aux dispositions légales, à la bonne conduite des relations de travail ou à la paix sociale. Le comité considère que de telles exigences vont clairement au-delà de ce qui peut être considéré comme raisonnable dans le contexte des négociations dans les entreprises d'Etat et entravent les principes de la liberté syndicale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 482. Au vu des des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité note avec une vive préoccupation les nombreuses et graves incompatibilités avec les principes de la liberté syndicale contenues dans la loi sur les relations professionnelles dans les entreprises d'Etat et les déclarations ministérielles de 1991, en particulier la dissolution automatique des syndicats existant dans les entreprises d'Etat, les restrictions apportées à la constitution et au fonctionnement des "associations" destinées à les remplacer et les limitations de leur droit de négocier collectivement et librement.
    • b) Le comité demande instamment au gouvernement de prendre le plus rapidement possible des mesures pour abroger cette loi et pour amenderles déclarations en question pour que soit rétablie la situation des syndicats dissous et pour que leurs biens leur soient restitués.
    • c) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour donner suite à ces recommandations.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer