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- 55. La Fédération nationale des travailleurs maritimes et portuaires du Pérou (FEMAPOR) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale dans une communication en date du 18 avril 1991. Ultérieurement, elle a adressé de nouvelles allégations et informations par des communications des 24 mai et 27 juillet 1991. Le gouvernement a transmis ses observations par des communications des 15 octobre 1991 et 20 janvier 1992.
- 56. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de la fédération plaignante
A. Allégations de la fédération plaignante
- 57. La fédération plaignante expose que le régime de travail a les caractéristiques suivantes dans tous les ports du pays: les conditions de travail sont régies par une convention collective (rémunérations, obligation d'embaucher du personnel adhérant aux syndicats affiliés à la FEMAPOR, horaires de travail, etc.); les travaux maritimes et fluviaux (embarquement, débarquement, manutention des chargements, etc.) sont effectués par des travailleurs inscrits aux syndicats affiliés à la FEMAPOR, et il existe une autorité portuaire tripartite, nommée Commission de contrôle du travail maritime.
- 58. La fédération plaignante ajoute qu'en application des décrets suprêmes nos 025-90-TC, 026-90-TC, 027-90-TC, 032-90-TC, 045-90-TC, 054-90-TC et du décret-loi no 645, un changement illégal du régime de travail a été opéré, sans négociation avec les organisations syndicales représentatives et au détriment des conditions de travail et des rémunérations fixées par les conventions collectives. Ce changement, qui s'appuie sur la création d'entreprises et de coopératives, met fin à l'inscription syndicale des travailleurs maritimes et fluviaux qui effectuent des travaux portuaires.
- 59. La fédération plaignante déclare en outre que le nouveau régime de travail est fondé sur une interprétation abusive de la loi no 25327, qui déléguait certaines compétences législatives au pouvoir exécutif, et qu'il a pour conséquences la disparition des syndicats et le licenciement de nombreux travailleurs. Enfin, la fédération plaignante signale qu'elle a déposé devant l'autorité judiciaire plusieurs recours en inconstitutionnalité contre les décrets en question.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 60. Dans ses communications des 15 octobre 1991 et 20 janvier 1992, le gouvernement explique que, par la loi no 25327, le Congrès de la République a délégué au pouvoir exécutif certaines compétences afin qu'il légifère pour, entre autres, favoriser l'emploi et accroître l'investissement privé. C'est ainsi que le pouvoir exécutif a légiféré dans le domaine du travail maritime et portuaire au Pérou, afin de créer de nouvelles possibilités d'emploi, tout en garantissant le pluralisme économique grâce à la coexistence démocratique de diverses coopératives. La promotion, la protection et le libre développement du coopératisme, et l'autonomie des entreprises coopératives complétaient cette action.
- 61. Le gouvernement déclare que, dans ce contexte, le décret-loi no 645, spécialement consacré au travail dans les ports maritimes, fluviaux ou lacustres, et aux travaux d'embarquement, de débarquement, de transbordement et de manutention des cargaisons des navires marchands, prévoyait que les entreprises, coopératives ou autres pouvaient entreprendre les activités susmentionnées. Le gouvernement ajoute que cette décision brise le monopole qu'exerçait la Fédération nationale des travailleurs maritimes et portuaires du Pérou qui, en tant qu'entité syndicale, détenait le contrôle de l'accès au travail, le subordonnant à l'affiliation des travailleurs.
- 62. Le gouvernement affirme par ailleurs qu'il n'y a pas eu de licenciements massifs en application du décret-loi no 645, comme le prétend la fédération plaignante. Il explique que le dispositif légal en question a créé de nouvelles possibilités d'emploi, favorisé la constitution d'entreprises, coopératives ou autres, de travail maritime et fluvial dans un cadre de concurrence loyale et a, en même temps, entraîné une augmentation de la productivité du travail, sans priver de possibilités d'emploi ceux qui travaillaient déjà dans ce secteur.
- 63. Enfin, le gouvernement indique que le décret-loi no 660 a déclaré d'intérêt national la dissolution de la Commission de contrôle du travail maritime. Le gouvernement précise que les recours auxquels fait allusion la fédération plaignante sont actuellement soumis à l'autorité judiciaire.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 64. La présente plainte allègue un changement illégal du régime de travail en vigueur dans les services portuaires maritimes, fluviaux et lacustres, en vertu de plusieurs décrets. Concrètement, il s'agit du passage d'un régime de travail caractérisé par l'obligation d'adhésion des travailleurs portuaires à des syndicats affiliés à la FEMAPOR (conformément à la convention collective qui régissait les conditions de travail, sous la surveillance d'une commission tripartite de contrôle du travail maritime) à un régime de travail où est supprimée l'obligation d'adhérer à une organisation affiliée à la FEMAPOR pour pouvoir accéder aux postes de travail portuaire et où ne s'applique plus la convention collective qui était en vigueur, la Commission de contrôle du travail maritime ayant également été dissoute. Le comité souhaite signaler qu'il n'a pas à se prononcer sur la question de savoir si les décrets auxquels se réfèrent les fédérations plaignantes et qui instituent un nouveau régime professionnel dans les ports vont au-delà de la compétence déléguée par le Congrès de la République au pouvoir exécutif pour légiférer à ce sujet. Il s'agit là d'une question qui doit être résolue par l'autorité judiciaire nationale à la suite du recours en inconstitutionnalité formé par la fédération plaignante. Quoi qu'il en soit, le comité souhaite signaler que, si le changement de régime de travail dans l'activité portuaire a des conséquences indirectes sur le syndicalisme, et plus concrètement sur la possibilité d'appliquer les dispositions de la convention collective en vigueur, en particulier celles qui posent comme condition d'accès au travail l'obligation d'être adhérent à l'un des syndicats affiliés à la FEMAPOR, il doit souligner ce qui suit:
- 1) Le comité rappelle que la Commission des relations professionnelles de la Conférence internationale du Travail, lors de l'adoption de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, tenant compte du débat qui avait eu lieu en son sein sur la question des clauses de sécurité syndicale, "s'est généralement mise d'accord pour exprimer dans son rapport l'opinion que la convention ne devrait en aucune façon être interprétée comme autorisant ou interdisant les clauses de sécurité syndicale et que de telles questions relèvent de la réglementation et de la pratique nationales" (Voir BIT, Compte rendu des travaux CIT, 32e session, 1949, p. 464).
- 2) Le comité observe que dans le cas d'espèce les travailleurs ne sont pas actuellement privés du droit de constituer des organisations syndicales et de s'y affilier.
- 3) Le comité observe que, selon le gouvernement, le changement de régime de travail est une mesure qui vise à abaisser les coûts portuaires et à créer de nouvelles possibilités d'emploi, avec une meilleure productivité du travail, sans priver de leurs possibilités d'emploi ceux qui travaillent déjà dans ce secteur.
- 65. Dans ces conditions, étant donné que, selon ce qui découle des travaux préparatoires concernant la convention no 98, l'admissibilité des clauses de sécurité syndicale en vertu de conventions collectives est laissée à l'appréciation des Etats qui l'ont ratifiée, le comité considère que le changement de régime du travail portuaire qui a eu lieu au Pérou n'est pas contraire au principe de la liberté syndicale, dans la mesure où les travailleurs peuvent toujours s'affilier aux organisations syndicales de leur choix. Cependant, le comité déplore que, le changement en question ayant eu pour conséquence la méconnaissance de clauses contenues dans une convention collective en vigueur, le gouvernement n'ait pas attendu que celle-ci vienne à son terme ou n'ait pas essayé d'associer les organisations syndicales intéressées à ce changement de régime. Le comité souligne l'importance qu'il porte au respect des conventions collectives en vigueur.
- 66. Quant au licenciement allégué de nombreux travailleurs portuaires et à la disparition de syndicats dans ce secteur, le comité observe que l'organisation plaignante ne donne pas de précisions sur les travailleurs et les organisations en question, et que tout semble indiquer qu'il s'agit des conséquences du changement de régime du travail portuaire qui est examiné au paragraphe précédent.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 67. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité souligne l'importance qu'il porte au respect des conventions collectives en vigueur et demande au gouvernement qu'à l'avenir toute mesure impliquant, pour des raisons d'urgence économique, la suspension de clauses de conventions collectives soit prise avec la participation des organisations syndicales et des organisations d'employeurs intéressées.