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- 189. Le 5 mars 1991, la Confédération démocratique du travail (CDT) et l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) ont déposé devant le Comité de la liberté syndicale une plainte en violation des droits syndicaux dirigée contre le gouvernement du Maroc. La CDT a communiqué des informations complémentaires en date du 21 mai 1991. Le 16 mai 1991, la Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE) et la Confédération mondiale du travail (CMT) se soint jointes à la plainte ainsi que la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) en date du 21 juin 1991.
- 190. Le gouvernement a fourni ses commentaires dans une communication datée du 23 octobre 1991.
- 191. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes
- 192. Dans leur plainte, la CDT et l'UGTM allèguent la violation par le gouvernement du Maroc de la liberté syndicale, l'absence de négociations collectives, les restrictions en matière de liberté d'association et d'expression et les restrictions au droit de recours à la grève pour défendre leurs revendications légitimes.
- 193. Les organisations plaignantes déclarent que le gouvernement mène une campagne de restrictions de l'exercice du droit syndical se manifestant par des licenciements et des exactions commises lors de la constitution d'un bureau syndical, par la non-exécution, même de la part de l'administration, des décisions judiciaires en faveur de travailleurs et par le refus par les autorités de tout dialogue. Elles reconnaissent que le dahir du 17 juillet 1957 prévoit le principe de la libre constitution des organisations syndicales, mais allèguent que les pratiques administratives restreignent cette liberté en exigeant des formalités compliquées. En outre, les dirigeants syndicaux sont souvent convoqués pour interrogatoire et ils sont menacés par la police ou la gendarmerie en vue de les pousser à présenter leur démission. Comme ce dahir ne prévoit aucune garantie dont fait mention l'article 1 de la convention no 98, les dirigeants et membres des syndicats sont victimes de mesures arbitraires. Les organisations plaignantes indiquent aussi que, aucune loi ne traitant du bureau syndical dans l'entreprise, les autorités et les employeurs privent les travailleurs des droits syndicaux les plus élémentaires tels que le droit de disposer de locaux, le droit de distribuer des publications et documents syndicaux, de vendre des cartes d'adhésion, etc. Les responsables syndicaux sont parfois poursuivis et condamnés pour l'exercice d'activités syndicales. La même discrimination se ferait également à l'encontre des délégués du personnel, en violation du chapitre 12 du dahir du 29 octobre 1962 relatif aux délégués du personnel.
- 194. Une deuxième allégation générale porte sur l'absence de toute négociation collective et le refus de la part du gouvernement de tout dialogue sérieux au sujet des revendications syndicales portant sur le problème des libertés syndicales, des conditions de l'emploi, des salaires, de la sécurité sociale, de la garantie d'exécution des décisions judiciaires en faveur des travailleurs, etc. Toute tentative syndicale de créer un dialogue reçoit systématiquement des réponses négatives et, même lorsqu'un dialogue est ouvert, les autorités ne tiennent pas leurs promesses et engagements. Au niveau de l'entreprise et des établissements contrôlés par l'Etat, les employeurs refuseraient de reconnaître au syndicat le rôle d'interlocuteur social. Au niveau national, les organismes de dialogue et de négociation, prévus par la loi, n'auraient aucune existence dans la pratique ou n'auraient jamais été constitués. Les organisations plaignantes déclarent que cette situation a entraîné, dans le climat d'aggravation des problèmes sociaux, une baisse importante des salaires et un accroissement constant du prix des différents articles et services, des violations de la législation sociale, etc.
- 195. En ce qui concerne ces deux allégations générales, les organisations plaignantes estiment également que le gouvernement favorise l'Union marocaine du travail (UMT) qui, selon elles, monopolise toutes les allocations pour les activités syndicales quotidiennes, alors que la CDT et l'UGTM sont privées de toute aide, rencontrant des problèmes pour trouver des locaux, malgré le principe de la multiplicité syndicale inscrit dans la Constitution. Elles sont d'avis que, si une seule centrale bénéficie du soutien des autorités, les principes du fonctionnement démocratique syndical par voie d'élections honnêtes auxquelles participent tous les syndicalistes, comme l'exige la loi, sont entravés. Ce favoritisme se retrouverait également dans l'octroi de la qualité de délégués des travailleurs auprès de la Conférence internationale du Travail et des autres conférences régionales et internationales.
- 196. Les organisations plaignantes expliquent que, face à l'accumulation des revendications et des problèmes sociaux, à l'absence de dialogue, au fait même que les dossiers des personnes arrêtées n'avaient pas été réglés, malgré l'augmentation du nombre de grèves sectorielles, les employeurs et les autorités n'ont pas changé leur attitude. Les licenciements massifs des responsables syndicaux ont continué, les problèmes du travail se sont compliqués, la situation sociale des salariés s'est détériorée et les libertés syndicales ont fait l'objet de restrictions supplémentaires. Les organisations plaignantes ont donc décidé de fixer le 14 décembre 1990 comme journée de grève générale.
- 197. Suite à cette décision, le gouvernement a convoqué des syndicats fictifs à négocier, lancé des menaces, interdit le recours à la grève dans le secteur public et semi-public et utilisé les médias pour créer un climat de terreur, de menace et de doute face à l'exercice du droit de grève. La plainte indique que, après la publication d'un communiqué de la CDT et de l'UGTM dénonçant le comportement des autorités, le gouvernement a reconnu la légalité de la grève, considérant toutefois qu'il fallait la traiter de manière spécifique à cause de ces caractéristiques particulières, et a demandé aux organisations syndicales de faire des concessions. Comme leur nouvelle lettre contenant des concessions n'a pas trouvé d'écho, les organisations plaignantes estiment que le gouvernement a ainsi manifesté son opposition aux revendications ouvrières.
- 198. Afin de briser la grève, le gouvernement aurait utilisé différents moyens, dont la mobilisation des services de l'autorité administrative pour menacer les travailleurs et les commerçants, la distribution de certaines gratifications et le versement des salaires de certains travailleurs le jour de la grève, l'application de lois qui datent de la colonisation concernant les mesures de travail forcé, le recours à de nouveaux travailleurs pour remplacer les travailleurs grévistes, l'augmentation des salaires des travailleurs journaliers affectés au déchargement des marchandises dans le port et l'utilisation des médias.
- 199. Les organisations plaignantes indiquent que toutes ces mesures ont abouti à des confrontations sanglantes en plusieurs villes, à l'intervention de l'armée à l'aide de blindés et de jeeps, à des coups de feu arbitraires, à une campagne d'arrestations touchant certains syndicalistes dont M. Al Alawi Mohamed Titana, secrétaire de l'UGTM à Fès, pour une déclaration à la radio, à la poursuite judiciaire de M. Abdel Karim Galab, directeur d'un journal, pour avoir publié le récit des événements. Le nombre des arrestations aurait atteint 1.590. Moins de 20 détenus seulement auraient été innocentés; les autres se sont vus condamnés à des peines entre trois mois et dix ans, après des jugements sommaires et rapides en violation des droits de la défense et des garanties de la liberté individuelle. Le bilan des événements sanglants serait de dizaines de tués.
- 200. Selon la CDT et l'UGTM, les grévistes se sont comportés avec calme, de manière responsable et disciplinée. Elles indiquent que les actions commises par le gouvernement se sont poursuivies et intensifiées après la grève: des travailleurs grévistes ont été arrêtés, d'autres interrogés ou privés de gratifications et d'indemnités. La CDT et l'UGTM ont été convoquées à deux réunions avec le gouvernement (les 26 et 28 décembre 1990), au cours desquelles celui-ci s'est engagé à répondre à leurs revendications dans le délai d'une semaine. Une semaine après, selon les organisations plaignantes, le gouvernement n'avait fourni aucune réponse.
- 201. Dans sa communication du 21 mai 1991, la CDT fournit des listes de personnes détenues et tuées lors de l'intervention des forces de l'ordre à Fès en vue de briser la grève générale du 14 décembre 1990. Dans cette lettre, la CDT allègue également que la direction de plusieurs établissements de certains secteurs stratégiques sous tutelle de l'Etat (la Raffinerie Samir, le Royal Air Maroc, les Sucreries du Maroc, les Phosphates, l'Office national des Chemins de fer et autres) refuse de dialoguer avec ces syndicats.
- 202. La CDT et l'UGTM déclarent en conclusion que le gouvernement a donc violé, par tous ces agissements, les conventions nos 11, 87 et 98.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 203. Le gouvernement, dans sa réponse communiquée en date du 23 octobre 1991, relève d'abord que la liberté syndicale au Maroc est considérée comme l'un des principes et droits fondamentaux reconnus par la législation nationale qui s'exerce dans tous les domaines et à tous les niveaux.
- 204. Il explique ensuite que la législation marocaine garantit le droit de création des organisations syndicales, d'affiliation et de retrait sans aucune restriction ou condition; la seule condition porte sur la communication aux autorités locales des statuts du syndicat dont on a décidé la création. Le nombre de syndicats existant effectivement est, selon le gouvernement, la preuve de l'exercice de la liberté syndicale au Maroc.
- 205. Pour ce qui est du rôle des syndicats dans la vie économique et sociale, le gouvernement indique que le Maroc a voulu, afin que les organisations assument mieux leur rôle de défense des intérêts économiques de leurs membres, que la plupart des syndicats, notamment l'Union générale des travailleurs du Maroc et la Confédération démocratique du travail, soient représentés dans plusieurs conseils nationaux dont la Chambre des députés, le Conseil supérieur du développement national et de la planification et le Conseil supérieur des droits de l'homme.
- 206. Concernant le droit de grève, le gouvernement indique qu'il représente l'un des droits garantis par la Constitution qui s'exerce dans la pratique. Les syndicats y recourent en toute liberté et le gouvernement s'appuie sur des statistiques de l'inspection du travail relatives aux différends collectifs du travail pour le démontrer.
- 207. Convaincu que le dialogue est un moyen efficace pour trouver des solutions adéquates aux problèmes posés, le gouvernement explique qu'il a procédé à la création d'une commission ministérielle sous la présidence du Premier ministre, groupant des représentants de toutes les administrations concernées et de toutes les organisations professionnelles de travailleurs et d'employeurs. Cette commission a examiné différentes revendications syndicales dont certaines ont été satisfaites sur le champ et d'autres transmises à des sous-comités. Le gouvernement déclare également que la plupart des différends entre les employeurs et les travailleurs trouvent des solutions adéquates par le dialogue.
- 208. En ce qui concerne les mesures immédiates prises dans l'intérêt des travailleurs, le gouvernement cite la réintégration des travailleurs qui avaient fait l'objet de mesures disciplinaires, l'augmentation des salaires minima, le relèvement des allocations familiales et du montant de l'assistance accordée aux ayants droit du travailleur décédé, le versement de l'indemnité pour maladie ou accident non imputés au travail à partir du premier jour de la maladie et non plus à partir du huitième jour et le relèvement du montant de cette indemnité, le relèvement de l'indemnité de maternité et du montant des salaires versés par la Caisse nationale de sécurité sociale. Le gouvernement explique également que trois comités spécialisés ont été constitués pour examiner et trouver une solution aux autres problèmes posés. Il s'agit du Comité de la protection sociale, du Comité des relations professionnelles et du Comité sectoriel, tous tripartites. Ces comités continuent à se réunir de manière régulière et sont parvenus à plusieurs propositions et solutions au sujet d'un nombre de problèmes qui leur étaient soumis. A l'issue de leurs réunions, ils sont tenus de présenter un rapport au Premier ministre en vue de l'adoption des mesures adéquates.
- 209. S'agissant des allégations relatives aux événements du 14 décembre 1990, le gouvernement déclare que, malgré les négociations et contacts continus avec tous les groupes économiques et sociaux, notamment avec l'UGTM et la CDT, ces deux syndicats ont tenu à lancer la grève. Il indique que tous les observateurs ont remarqué que celle-ci a été très limitée et que la plupart des services ont continué à fonctionner normalement. Selon le gouvernement, certains individus auraient profité de la situation pour commettre dans quelques villes, et en particulier à Fès, des actes de désordre et de sabotage. Les forces de l'ordre sont intervenues en vue d'assurer la protection des citoyens et de sauvegarder l'ordre public. Les personnes ayant commis de tels actes ont été jugées dans le respect des dispositions légales en vigueur, y compris leur droit à la défense, le droit d'appel et le droit de pourvoi en cassation devant le Conseil supérieur. Les personnes convaincues d'avoir commis des actes interdits par la loi ont été condamnées alors que d'autres ont été innocentées faute de preuve.
- 210. Le gouvernement est d'avis que les événements sont une preuve que l'appel au dialogue et à la consultation était un appel sage et un choix raisonnable et que s'il avait été entendu, ces événements regrettables auraient pu être évités. Dans le but d'informer l'opinion publique de la réalité de ce qui s'était passé le 14 décembre, la Chambre des députés s'est réunie en session spéciale au cours de laquelle elle a entendu, toujours selon le gouvernement, la déclaration gouvernementale à ce propos et la proposition de créer un comité d'enquête au sujet des événements du 14 décembre.
- 211. S'agissant enfin de la composition de la délégation des travailleurs aux conférences de l'OIT, le gouvernement déclare qu'elle se fait toujours selon les normes et que toute décision à ce sujet est prise après consultation des organisations professionnelles les plus représentatives. Il estime important de souligner que la CDT et l'UGTM ont contesté devant la Commission de vérification des pouvoirs la composition de la délégation des travailleurs du Maroc et que cette commission a rejeté leur demande en estimant que la composition de la délégation en question a été établie conformément à la Constitution de l'OIT. Il ajoute que, dans le cadre du dialogue avec les deux centrales mentionnées, il a été convenu que celles-ci se joignent à la délégation marocaine pendant la 78e session de la Conférence de l'OIT.
- 212. Le gouvernement conclut sa réponse en indiquant que, convaincu de l'efficacité du dialogue, le ministère du Travail est en contact permanent avec l'UGTM et avec la CDT en vue de leur adhésion aux comités créés dans le but d'examiner les revendications qu'elles ont présentées et d'y trouver des solutions adéquates.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 213. Le comité relève qu'une première série d'allégations a trait au déni des droits syndicaux et qu'elle s'articule autour du droit de constituer des syndicats, de l'exercice des droits syndicaux et des droits fondamentaux des membres et dirigeants syndicaux. Le comité observe en premier lieu que les organisations plaignantes allèguent que les autorités restreignent la libre constitution des syndicats prévue par le dahir du 17 juillet 1957 en exigeant des formalités compliquées. Le gouvernement, de son côté, remarque que la seule condition porte sur la communication des statuts du syndicat dont la création a été décidée aux autorités locales. Ayant examiné le dahir du 17 juillet 1957, le comité est d'avis que la seule condition de dépôt des statuts du syndicat dans les bureaux de l'autorité locale compétente ne saurait être considérée comme un préalable à une autorisation qui serait donnée par les autorités publiques. Etant donné que la plainte ne spécifie pas dans quelle mesure l'application de ce dahir constitue une atteinte à la liberté syndicale, le comité est d'avis que cet aspect de la plainte n'appelle plus un examen approfondi.
- 214. Le comité note que les organisations plaignantes alléguent que les syndicats font souvent l'objet de mesures les empêchant de disposer de locaux syndicaux, de diffuser des documents et des publications syndicaux et de vendre des cartes d'adhésion. Il observe également que, selon les plaignants, un grand nombre de mesures de discrimination antisyndicale sont prises à l'encontre des membres et dirigeants syndicaux: licenciements massifs, exactions, menaces par les forces de l'ordre, arrestations, interrogatoires, poursuites judiciaires et condamnations pour l'exercice d'activités syndicales. Le comité prend note de l'observation des plaignants selon laquelle toutes ces mesures sont encore aggravées par le fait que le dahir de 1957 sur les syndicats ne prévoit aucune garantie dont fait mention l'article 1 de la convention no 98, qu'aucune loi ne protège les bureaux syndicaux d'entreprise et que le dahir du 29 octobre 1962 relatif aux délégués du personnel n'est pas appliqué. Le comité note que le gouvernement, dans sa réponse, indique que la liberté syndicale au Maroc est considérée comme l'un des principes et droits fondamentaux reconnus par la législation nationale s'exerçant dans tous les domaines et à tous les niveaux et que le nombre de syndicats existant effectivement prouve l'exercice de la liberté syndicale au Maroc.
- 215. Le comité rappelle qu'au cours des dernières années il a examiné plusieurs plaintes relatives au Maroc concernant des mesures de discrimination antisyndicale. Il a toujours insisté, devant l'insuffisance de la législation nationale, sur la nécessité d'adopter des dispositions spécifiques assorties de sanctions suffisamment dissuasives pour garantir une protection adéquate contre tout acte de discrimination antisyndicale de la part des employeurs, conformément à l'article 1 de la convention no 98. Dans ces conditions, le comité, à l'instar de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, insiste une fois de plus auprès du gouvernement afin que soient adoptées des dispositions spécifiques en ce sens.
- 216. Le comité observe qu'une deuxième série d'allégations porte sur le déni du droit de négociation collective, accusant le gouvernement et les employeurs de refuser systématiquement toute proposition syndicale de dialogue aussi bien sur le plan national qu'au niveau de l'entreprise. Le comité note la réponse du gouvernement selon laquelle la CDT et l'UGTM, afin qu'elles puissent mieux assumer leur rôle de défense des intérêts économiques de leurs membres, sont représentées dans plusieurs conseils nationaux et qu'une commission ministérielle tripartite a été créée. Cette commission aurait déjà donné satisfaction à certaines des revendications syndicales. Le comité prend également note d'une série de mesures gouvernementales prises dans l'intérêt des travailleurs, ainsi que de la création de trois comités tripartites spécialisés ayant pour tâche de trouver une solution aux problèmes n'ayant pas encore été réglés. Estimant en outre que les allégations formulées sont d'un ordre très général et notant qu'elles ne s'accompagnent pas d'exemples spécifiques, le comité est d'avis que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 217. Le comité prend note de l'allégation selon laquelle le gouvernement a favorisé l'Union marocaine du travail (UMT) par différents moyens, au détriment des autres organisations professionnelles, et que ce même favoritisme se retrouve dans l'octroi de la qualité de délégués de travailleurs auprès de la Conférence internationale du Travail et des autres conférences régionales et internationales. Etant donné que la question de représentation à la Conférence internationale du Travail relève de la compétence de la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence, il n'appartient pas au comité de se prononcer sur cet aspect de la plainte.
- 218. Le comité constate par ailleurs que les autres allégations de favoritisme envers une fédération syndicale sont de nature très générale et ne sont pas étayées d'exemples concrets. Il estime donc que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 219. Quant aux allégations relatives aux restrictions du droit de grève, le comité note que, selon le gouvernement, ce droit est garanti par la Constitution, s'exerce dans la pratique et les syndicats y recourent en toute liberté. Il note également que les organisations plaignantes accusent le gouvernement d'avoir entravé la grève du 14 décembre 1990 par une série de moyens de pression visant à obtenir la renonciation à la grève. Le comité rappelle tout d'abord que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 363.) Il est d'avis que des mesures pour briser des grèves légitimes et pacifiques dans les services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme, telles que les mesures alléguées dans le cas présent, ne sont pas en conformité avec le respect de la liberté syndicale.
- 220. Le comité note que le jour même du 14 décembre 1990 des confrontations ont eu lieu en plusieurs villes. Il observe que les versions sur ces événements diffèrent. Selon les organisations plaignantes, les actions du gouvernement pour empêcher la grève ont causé un climat de terreur et de provocation de la part des autorités, entraînant l'intervention de l'armée, une campagne d'arrestations touchant certains syndicalistes dont M. Al Alawi Mohamed Titana, secrétaire de l'UGTM à Fès, et M. Abdel Karim Galab, directeur d'un journal. Le nombre des arrestations aurait atteint 1.590. Les arrestations et licenciements pour fait de grève auraient continué après la grève. La grande majorité des détenus aurait été condamnée, après des jugements en violation des droits de la défense, à des peines entre trois mois et dix ans. Le bilan des événements serait de dizaines de tués, dont enfants et personnes âgées. Le comité note que le gouvernement, de son côté, indique que les forces de l'ordre sont intervenues en vue d'assurer la protection des citoyens et de sauvegarder l'ordre public après la tentative de certains individus, profitant de la grève, de commettre des actes de désordre et de sabotage dans certaines villes, et en particulier à Fès, et que les personnes convaincues d'avoir commis des actes interdits par la loi ont été condamnées alors que d'autres ont été innocentées faute de preuve.
- 221. En ce qui concerne les arrestations, le comité estime que les autorités ne devraient pas recourir aux mesures d'arrestation et d'emprisonnement en cas d'organisation ou de participation à une grève pacifique et que de telles mesures comportent de graves risques d'abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale. Il demande par conséquent au gouvernement de l'informer si les syndicalistes arrêtés lors du 14 décembre ou après, et en particulier M. Al Alawi Mohamed Titana, secrétaire de l'UGTM à Fès, ainsi que M. Abdel Karim Galab, ont été libérés, d'indiquer si une commission d'enquête au sujet des événements du 14 décembre a déjà été créée et, dans l'affirmative, de le tenir informé des résultats de ses travaux.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 222. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Rappelant la nécessité d'assurer par des dispositions spécifiques assorties de sanctions suffisamment dissuasives la protection des travailleurs contre des actes de discrimination antisyndicale de la part des employeurs, conformément à l'article 1 de la convention no 98, et en l'absence de telles dispositions dans la législation nationale, le comité prie instamment le gouvernement d'adopter dans un proche avenir des mesures législatives ou autres pour assurer l'application de cette disposition de la convention no 98.
- b) En ce qui concerne les arrestations pour fait de participation à une grève, le comité demande au gouvernement de l'informer si les syndicalistes arrêtés lors du 14 décembre ou après, et en particulier M. Al Alawi Mohamed Titana, secrétaire de l'UGTM à Fès, ainsi que M. Abdel Karim Galab, ont été libérés, et d'indiquer si une commission d'enquête au sujet des événements du 14 décembre a déjà été créée et, dans l'affirmative, de le tenir informé des résultats de ses travaux.