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- 381. L'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et des branches connexes (UITA) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Grèce dans une communication reçue le 4 décembre 1990. Elle a fourni un complément d'information dans des lettres datées des 7 janvier et 22 avril 1991.
- 382. Le gouvernement a fait connaître ses observations dans une communication datée du 12 juin 1991.
- 383. La Grèce a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 384. Dans sa lettre, qui a été reçue le 4 décembre 1990, l'UITA affirme que les conventions nos 87 et 98, ratifiées par la Grèce, ont été violées par suite des mesures illégales prises contre un de ses membres - la Fédération panhellénique des travailleurs de l'industrie de la restauration et du tourisme - par Olympic Catering, filiale de l'entreprise publique Olympic Airlines, à savoir le licenciement collectif de 950 travailleurs dont la totalité des membres du comité exécutif du syndicat des travailleurs d'Olympic Catering. L'UITA déclare que le gouvernement participe directement au capital et à la gestion de l'entreprise et est responsable des décisions qui font l'objet de la plainte.
- 385. Le plaignant explique que l'entreprise en question, jusqu'à une date récente, employait 2.067 personnes travaillant dans les bars et restaurants ainsi que dans les services auxiliaires de tous les aéroports grecs. En octobre 1990, elle a fait état de lourdes pertes, a licencié 950 salariés et a annoncé qu'elle envisageait de vendre 66 pour cent de ses parts. Le syndicat estime que la direction visait en fait à privatiser et à vendre l'entreprise tout en assurant publiquement les travailleurs et le Parlement que telle n'était pas son intention. Selon le plaignant, l'entreprise aurait pu être rentable et le syndicat a donc proposé diverses mesures nécessaires pour sa modernisation et sa réorganisation. La direction n'en a tenu aucun compte. Le syndicat a même offert, contre 1,2 milliard de drachmes de salaires, d'assumer la responsabilité de la gestion de l'entreprise. Quand le projet de vente de l'entreprise a commencé à se concrétiser, les salariés ont proposé de la racheter et ont présenté à cet effet, en temps voulu, une offre en bonne et due forme plus avantageuse que toutes les autres. La direction n'a pas répondu à la proposition du syndicat mais a fait savoir, par l'intermédiaire de tiers, que l'entreprise serait vendue à d'autres.
- 386. Selon le plaignant, différentes mesures ont alors été prises à l'encontre du syndicat: la direction a refusé de le rencontrer et de négocier sérieusement avec lui, bien que cela soit prévu par la loi no 1264 de 1982, et les ministères compétents ont également refusé de le rencontrer; de fausses accusations ont été portées contre le comité exécutif du syndicat, dont les dix membres ont été licenciés illégalement; le président de la fédération, M. Stelios Koletsis, a lui aussi été licencié; le local dont disposait le syndicat sur les lieux de travail a été fermé et mis sous scellés, ce qui contrevient aux dispositions de la loi no 1264.
- 387. Le plaignant considère que les 950 licenciements sont illégaux parce que la loi no 1876 de 1990 exige que les travailleurs jugés en surnombre dans une entreprise du secteur public soient mutés dans une autre entreprise de ce même secteur. Un comité s'est effectivement réuni une fois pour examiner cette possibilité, mais l'employeur est allé de l'avant en licenciant des salariés titulaires de contrats à durée indéterminée qui travaillaient depuis cinq à sept ans dans l'entreprise. Un certain nombre de personnes ont été embauchées pour les remplacer.
- 388. Dans sa lettre du 7 janvier 1991, l'UITA précise pourquoi les licenciements sont contraires aux principes de la liberté syndicale et à la législation nationale du travail. Après une seule réunion du comité constitué conformément aux dispositions de l'article 34 de la loi no 1876 de 1990 pour examiner les possibilités de mutation du personnel en surnombre dans d'autres branches du secteur public, la direction a cessé de participer à ce comité et s'est contentée d'envoyer des lettres de licenciement aux 950 travailleurs concernés. Elle a justifié cette mesure en déclarant que l'entreprise Olympic Catering appartenait au "secteur privé", ce qui est inexact. L'UITA souligne que, en tout état de cause, la loi no 1387 de 1983 interdit aussi les licenciements collectifs dans le secteur privé. Elle ajoute que les travailleurs licenciés, quand ils se sont présentés sur leur lieu de travail, ont été expulsés manu militari par la police et que du fil de fer barbelé a été disposé autour de l'entreprise empêchant ainsi le syndicat d'accéder à son local. Elle indique que ni le syndicat, ni les salariés mis à pied n'ont été informés des raisons pour lesquelles ces travailleurs en particulier avaient été licenciés. Elle estime que les mesures arbitraires prises par la direction dans cette entreprise du secteur public ont empoisonné le climat qui doit présider aux négociations collectives visant à régler les différends de manière ordonnée et efficace. Le gouvernement a donc porté atteinte aux droits syndicaux et à la liberté de négociation collective et a refusé d'accorder aux représentants des travailleurs la protection et les facilités qui doivent leur être garanties aux termes de la convention no 135, également ratifiée par la Grèce.
- 389. L'UITA a joint à ses lettres du 22 avril 1991 divers documents expliquant la procédure juridique en cours à propos de cette affaire ainsi qu'une lettre de soutien de la Confédération générale du travail de Grèce (CGTG). L'une des annexes est une lettre, en date du 23 août 1990, dans laquelle la direction explique au syndicat pourquoi certains licenciements seraient nécessaires compte tenu des très graves difficultés financières de l'entreprise et du nombre disproportionné des travailleurs récemment embauchés et l'invite à une réunion, le 27 août, pour discuter des licenciements proposés, conformément aux dispositions de la loi no 1387 de 1983. Une autre annexe est une copie de la décision no 2401 de 1991 du Tribunal de première instance d'Athènes qui déboute l'entreprise Olympic Catering de l'appel qu'elle avait interjeté contre une précédente injonction temporaire ordonnant la réintégration de certains travailleurs qui avaient apparemment été licenciés en raison de leurs activités syndicales en tant que membres du comité exécutif du syndicat concerné.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 390. Dans sa lettre du 12 juin 1991, le gouvernement déclare, au sujet des licenciements, que, une fois obtenues des informations détaillées des autorités compétentes, la procédure prévue par la loi no 1387 de 1983 pour le contrôle des licenciements collectifs a été suivie. L'entreprise voulait licencier 950 travailleurs en surnombre car elle était confrontée à un déficit de 7.200 millions de drachmes, dû en particulier aux sureffectifs. Le gouvernement souligne que l'ancienneté a été le critère utilisé pour les licenciements: des travailleurs récemment embauchés ont été mis à pied et n'ont pas ensuite été remplacés.
- 391. Selon le gouvernement, la résiliation des contrats de travail des membres du comité du syndicat est conforme à la loi car ces personnes se sont rendues coupables à l'égard de l'entreprise de deux délits, à savoir le recours illégal à la force et les dégâts considérables occasionnés à la propriété d'autrui.
- 392. En ce qui concerne les plaintes relatives à la vente de l'entreprise, le gouvernement répond que les graves problèmes financiers que connaissait celle-ci ont conduit à la conclusion qu'il fallait la vendre à une autre entreprise jouissant d'un prestige international et spécialisée en la matière, de manière à assurer la suite de son fonctionnement (Olympic Catering conservant une partie des actions) et à rehausser le niveau des services offerts.
- 393. Enfin, en ce qui concerne les allégations relatives au transfert des locaux mis à la disposition du syndicat sur les lieux de travail, le gouvernement souligne que ce transfert était nécessaire en raison des besoins de l'entreprise et que d'autres locaux convenables et propres à l'exercice des activités syndicales ont été offerts au syndicat afin de lui permettre de rester en contact avec ses membres sans compromettre les activités de production de l'entreprise. Le gouvernement fait observer que, conformément à l'article 16, paragraphe 8, de la loi no 1264 de 1982, si les syndicats jugent que les locaux qui leur sont offerts ne sont pas adaptés à leurs besoins, l'inspecteur du travail compétent tranche dans les dix jours du recours y relatif. Or, suivant les informations à la disposition du gouvernement, le syndicat en question n'a jamais déposé un tel recours.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 394. Le comité note que le cas présent concerne des licenciements collectifs et autres actes jugés antisyndicaux par le plaignant, tels que le licenciement de la totalité des membres du comité exécutif du syndicat, la reprise en possession de certains locaux mis précédemment à la disposition du syndicat à l'intérieur de l'entreprise et le refus de négocier, à la suite de la privatisation partielle de l'entreprise Olympic Catering. Il prend note des explications du gouvernement indiquant que les 950 licenciements étaient une nécessité économique, que le licenciement de dix dirigeants syndicaux se justifie par les actes illégaux qu'ils ont commis contre l'entreprise et qu'il y a eu transfert et non pas suppression des locaux mis à la disposition du syndicat pour ses activités.
- 395. En ce qui concerne les 950 licenciements, le comité note que l'application de la procédure prévue à l'article 34 de la loi no 1876 de 1990 à propos des mutations de personnel excédentaire entre entreprises du secteur public s'est limitée dans le cas présent à une seule réunion du comité tripartite. Malgré cette absence de volonté de se réunir au niveau national, ce qui aurait pu apporter des éclaircissements sur la situation du personnel prétendument excédentaire, le comité estime que certains de ces licenciements avaient un caractère antisyndical. En effet, il observe que le gouvernement, même s'il insiste sur le caractère économique des licenciements d'octobre 1990 et indique que le critère utilisé par l'employeur a été l'ancienneté, ne nie pas que d'autres personnes ont été embauchées pour remplacer certains des travailleurs syndiqués titulaires d'un contrat à durée indéterminée ainsi licenciés. Il ne fournit pas non plus d'informations détaillées propres à expliquer pourquoi les licenciements ont eu lieu peu après l'agitation déclenchée par le syndicat pour éviter la vente de l'entreprise. En outre, le calendrier choisi ne permettait guère que puissent avoir lieu les discussions mentionnées plus haut que la direction, dans sa lettre du 23 août 1990 au syndicat, proposait d'organiser dans l'après-midi du 27. Enfin, le gouvernement ne répond pas aux allégations selon lesquelles les ministères compétents auraient même refusé de rencontrer le syndicat à propos des licenciements proposés.
- 396. Le comité rappelle que, dans des situations de ce genre, où il est souvent difficile aux travailleurs concernés d'apporter la preuve que le licenciement dont ils ont été victimes avait un motif antisyndical, il a suggéré qu'un des moyens possibles de prévenir les licenciements abusifs pourrait consister à obliger l'employeur à apporter la preuve de la nature non syndicale du motif qui sous-tend son intention de licencier un travailleur (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 567 et 569).
- 397. En ce qui concerne en particulier le licenciement des dix membres du comité exécutif du syndicat d'Olympic Catering, le comité prend note du document daté du 11 février 1991 que le plaignant lui a communiqué et qui indique que le Tribunal de première instance d'Athènes a tranché en faveur de leur réintégration, attendu que leur licenciement était motivé par leurs activités syndicales. Compte tenu de cette contradiction manifeste avec l'affirmation du gouvernement selon lequel ces travailleurs ont été licenciés parce qu'ils avaient recouru illégalement à la force et causé des dommages aux biens de l'entreprise, le comité appelle l'attention du gouvernement sur le principe que nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes (Recueil, op.cit., paragr. 538). Il demande au gouvernement de le tenir informé de la suite donnée à la décision du Tribunal d'Athènes concernant la réintégration des syndicalistes en question.
- 398. Le comité note que le plaignant et le gouvernement émettent des affirmations contradictoires en ce qui concerne les locaux fournis par Olympic Catering pour les activités syndicales. Selon le plaignant, les locaux du syndicat ont été fermés et mis sous scellés et le syndicat ne dispose d'aucun local pour le moment; selon le gouvernement, il y a eu changement de locaux seulement et le syndicat a toujours des locaux qui lui permettent de rester en contact avec ses membres, il dispose des facilités nécessaires à son fonctionnement et il n'a pas eu recours aux procédures juridiques qu'il aurait pu intenter en la matière sur le plan interne. Le comité rappelle sur un plan général que la convention no 135, ratifiée par la Grèce, demande aux Etats Membres qui l'ont ratifiée de veiller à ce que des facilités soient accordées, dans l'entreprise, aux représentants des travailleurs de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions, et ce sans entraver le fonctionnement efficace de l'entreprise intéressée. Il demande au gouvernement de le tenir informé des facilités mises à la disposition du syndicat à Olympic Catering.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 399. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Compte tenu du caractère antisyndical de certains licenciements décidés par Olympic Catering à la suite de sa privatisation partielle, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour un réexamen de cette question et de le tenir informé de la situation du syndicat à Olympic Catering depuis que cette entreprise a changé de propriétaire.
- b) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la suite donnée à la décision du Tribunal d'Athènes confirmant l'ordre de réintégration des dirigeants du syndicat des travailleurs d'Olympic Catering.
- c) Rappelant, sur un plan général, que les Etats Membres ayant ratifié la convention no 135 doivent veiller à ce que des facilités soient accordées dans l'entreprise aux représentants des travailleurs, de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions sans entraver le fonctionnement efficace de l'entreprise intéressée, le comité demande au gouvernement de le tenir informé des facilités mises à la disposition du syndicat depuis qu'Olympic Catering a changé de propriétaire.