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Definitive Report - REPORT_NO279, November 1991

CASE_NUMBER 1556 (Iraq) - COMPLAINT_DATE: 23-OKT-90 - Closed

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  1. 37. Dans des communications des 17 septembre et 23 octobre 1990, l'Union internationale des syndicats des travailleurs de la fonction publique et assimilés (UISTFPA) a présenté des allégations en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de l'Iraq. De surcroît, à sa 248e session (novembre 1990), le Conseil d'administration du BIT a décidé de saisir le Comité de la liberté syndicale d'une note contenant des allégations en violation de la liberté syndicale présentée conjointement le 8 novembre 1990 par le gouvernement du Koweït, la Fédération syndicale et la Chambre de commerce et d'industrie de ce pays. L'Organisation internationale des employeurs (OIE) a présenté pour sa part une plainte en violation de la liberté syndicale dans une communication du 8 janvier 1991. Des informations complémentaires ont été fournies par le gouvernement du Koweït dans des lettres des 18 et 28 décembre 1990 et du 20 janvier 1991, et par la Fédération syndicale du Koweït dans une lettre du 25 janvier 1991.
  2. 38. Le gouvernement de l'Iraq a communiqué certaines observations sur ce cas dans des lettres des 11 janvier et 17 mai 1991.
  3. 39. L'Iraq n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. En revanche, elle a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 40. Dans des lettres des 17 septembre et 23 octobre 1990, l'UISTFPA accusait le gouvernement de l'Iraq d'avoir violé ouvertement les conventions nos 87 et 98. Elle affirmait que l'agression de l'Iraq contre le Koweït avait entraîné la dissolution de tous les syndicats du Koweït, parmi lesquels ceux de la fonction publique qui lui sont tous affiliés. Elle protestait contre l'occupation et l'annexion du Koweït et exigeait en outre qu'il soit mis fin de manière immédiate et inconditionnelle à cette occupation afin que les droits syndicaux soient rétablis. L'Union ajoutait qu'après l'invasion du 2 août les forces armées iraquiennes avaient détruit les bureaux de tous les syndicats qui lui sont affiliés, endommageant le bâtiment qui les abrite, brûlant les documents et détériorant le matériel technique. Les entraves à l'activité syndicale avaient obligé les dirigeants syndicaux restés au Koweït à travailler dans la clandestinité, à cacher leur identité et à quitter leur domicile. Nombre d'entre eux avaient dû fuir le pays pour échapper aux troupes iraquiennes qui cherchaient à les arrêter; au 20 septembre, un militant syndical avait été incarcéré. Les publications des syndicats koweïtiens étaient interdites, mais les militants syndicaux publiaient de petites brochures et, malgré la dissolution de tous les syndicats, quelques militants syndicaux des services d'incendie et des services de santé s'efforçaient de poursuivre leurs activités syndicales.
  2. 41. Dans une note du 8 novembre 1990, le gouvernement du Koweït, la Fédération syndicale et la Chambre de commerce et d'industrie de ce pays déclaraient que les organisations d'employeurs et de travailleurs koweïtiennes avaient été anéanties par les forces iraquiennes qui avaient pillé et détruit leurs locaux et arrêté ou expulsé leurs dirigeants avec leurs familles. Selon les plaignants, les autorités d'occupation iraquiennes avaient aussi détruit des installations civiles, des établissements industriels et commerciaux et tous les moyens de transport, privant ainsi un million d'habitants du Koweït de leur épargne et de leurs moyens d'existence.
  3. 42. Notant que ces agissements avaient été condamnés par les organes compétents des Nations Unies, les plaignants demandaient au Conseil d'administration de condamner également leurs effets sur la situation des organisations de travailleurs et d'employeurs du Koweït occupé et d'envoyer une mission dans le pays pour faire rapport sur les difficultés auxquelles étaient confrontées ces organisations.
  4. 43. Dans sa communication complémentaire du 18 décembre 1990, le gouvernement du Koweït fournissait des précisions sur les injustices commises quotidiennement par les forces d'occupation contre la classe ouvrière koweïtienne. Il rappellait les résolutions des Nations Unies sur la question et condamnait l'utilisation des étrangers au Koweït comme "boucliers humains" sur certains sites stratégiques, la persécution et le départ forcé des travailleurs migrants étrangers et le sort de leurs pays d'origine qui perdaient une source importante de revenus économiques. La note mentionnait en particulier les points suivants:
    • - les autorités d'occupation s'étaient emparées de l'Institut d'éducation ouvrière qui avait reçu une aide de l'OIT pour sa création; le contenu de sa bibliothèque avait été emporté à Bagdad et sa publication Al Amel ("Le travailleur") avait été interdite;
    • - les autorités d'occupation avaient vidé les locaux du siège de la Fédération des travailleurs de la fonction publique et en avaient fait un centre de détention et de torture;
    • - les autorités d'occupation avaient occupé les sièges de 11 syndicats, en avaient dérobé le matériel et le mobilier et en avaient fait des centres de détention et de torture ou des postes de commandement militaire;
    • - les autorités d'occupation avaient confisqué tous les comptes bancaires des syndicats et dérobé au cours des premières heures de l'occupation toutes les sommes en liquide qui se trouvaient dans les coffres des organisations de travailleurs; pétrole, avait été exécuté devant son domicile en présence de sa famille;
    • - Nasser Al Faraj, ancien président de la Fédération syndicale du Koweït, qui souffrait d'un cancer, avait été privé de traitement médical, les forces d'occupation s'étant emparées de tous les médicaments et des appareils de l'hôpital Hossein Maké, spécialisé dans le traitement du cancer;
    • - Nohad Makrad, ancien secrétaire du Syndicat des fonctionnaires du ministère de l'Eau et de l'Electricité, avait été arrêté aux premiers jours de l'occupation, et l'on était sans nouvelles de lui depuis lors;
    • - Saleh Al Darbas, secrétaire du syndicat susmentionné, avait été arrêté, torturé et il était maintenant paralysé;
    • - Hamad Soyane, président de la Fédération des travailleurs du pétrole, avait été arrêté à plusieurs reprises, et l'on ignorait où il se trouvait actuellement;
    • - Jalal Al Sabli, membre du comité exécutif de la Fédération des travailleurs du pétrole, avait été contraint, ainsi que les membres de sa famille, de quitter sa voiture à un poste de contrôle; cette voiture avait été confisquée et ses occupants abandonnés au bord de la route;
    • - la maison d'Ahmad Saïd Al Asbahi, secrétaire de l'Institut d'éducation ouvrière - lié à la Fédération syndicale du Koweït -, avait été attaquée. Il en avait été expulsé avec sa famille, tandis que le contenu de la maison et ses voitures étaient confisqués.
  5. 44. Dans sa communication du 28 décembre 1990, le gouvernement du Koweït dénonçait le décès, faute de traitement médical, du dirigeant syndical Nasser Moubarak Al Faraj, dont il avait été question dans sa communication précédente. Il ajoutait les informations suivantes:
    • - Mohamad Abdel Mohsen Al Osaymi, ancien président de la Fédération syndicale du Koweït et du syndicat du personnel du ministère de l'Education, avait été arrêté et torturé, tandis que sa résidence était incendiée;
    • - Nasser Hamad Mojib, ancien président de la Fédération des travailleurs du pétrole et de l'industrie pétrochimique et du syndicat de l'industrie chimique, avait été arrêté et son domicile incendié;
    • - Ali Mahdi Al Ajami, président du Syndicat des travailleurs de la Compagnie pétrolière du Koweït et vice-président de la Fédération des travailleurs du pétrole, avait été arrêté et contraint de fuir le Koweït et son domicile avait été incendié;
    • - Mofrih Al Tahous Al Otaybi, secrétaire aux relations internes de la Fédération syndicale du Koweït et secrétaire général du Syndicat du personnel du ministère de l'Education, avait été contraint de fuir le Koweït et sa maison avait été incendiée;
    • - Naachi Al Saad Al Ahsan, ancien syndicaliste de la Compagnie pétrolière du Koweït, avait été contraint de fuir le Koweït et sa maison avait été incendiée.
      • Le gouvernement ajoutait que nombre d'autres dirigeants et militants syndicaux du Koweït occupé, dont il ne pouvait révéler les noms par crainte de représailles contre leurs familles, avaient disparu sans laisser de traces.
    • 45. Dans sa lettre du 8 janvier 1991, l'OIE accusait le gouvernement de l'Iraq d'avoir porté atteinte à la liberté syndicale de l'un de ses membres, la Chambre de commerce et d'industrie du Koweït (KCCI). Après l'invasion du 2 août 1990, les forces iraquiennes avaient contraint la KCCI à s'exiler et cherché à intégrer ses activités aux institutions iraquiennes. C'est ainsi que trois personnes représentant la Fédération iraquienne de l'industrie et la Fédération iraquienne des Chambres de commerce, appuyées par les forces d'occupation armées, avaient pénétré de force dans les locaux de la KCCI et avaient annoncé à ceux qui se trouvaient là qu'elle était désormais subordonnée aux organisations iraquiennes; elles avaient exigé qu'on leur remette les documents de la KCCI et ordonné que cette institution soit scindée en deux branches, l'une pour le commerce et l'autre pour l'industrie, selon le modèle iraquien. Les intrus avaient également cherché, mais sans succès, à convaincre les responsables présents à créer un comité fantoche pour donner l'impression que les employeurs koweïtiens étaient du côté des envahisseurs. Comme tous ceux qui refusaient de coopérer avec les autorités étaient arrêtés, emprisonnés, torturés et assassinés, les dirigeants de la KCCI s'étaient vu contraints de quitter le pays et de poursuivre leurs activités à partir d'un bureau temporaire situé à Dubaï. Selon l'OIE, ni le conseil élu ni l'assemblée générale de la KCCI ne pouvaient tenir de réunions ou d'élections ou autres activités.
  6. 46. Dans une communication ultérieure en date du 20 janvier 1991, le gouvernement du Koweït affirmait que le dirigeant syndical Manihan Ramadan Al Arabi était mort après s'être évadé de l'un des camps de concentration des forces d'occupation iraquiennes.
  7. 47. Dans une lettre du 25 janvier 1991, la Fédération syndicale du Koweït alléguait des violations des droits syndicaux à la suite de l'occupation iraquienne. Elle expliquait de manière aussi détaillée que possible dans le climat d'insécurité qui régnait alors et la nécessité de protéger les dirigeants syndicaux demeurés au Koweït contre les commandos qui les pourchassent pour les torturer et les exécuter. Après avoir évoqué la mort de nombreux travailleurs sur leurs lieux de travail lors de l'invasion proprement dite, ce plaignant fournissait des précisions sur certains des cas susmentionnés:
    • - le décès de Nasser Moubarak Al Faraj, survenu lorsque des escadrons de la mort l'avait poursuivi dans l'hôpital où il se trouvait et avait débranché l'appareil qui le maintenait en vie;
    • - le décès de Moleihan Ramadan Al Arbi qui, souffrant d'une maladie cardiaque, avait été tiré du lit qu'il occupait à l'hôpital Al Jahra lorsque celui-ci avait été transformé en hôpital militaire. Il avait dû fuir à travers le désert vers l'Arabie saoudite, effort auquel il n'avait pas survécu.
  8. 48. Le plaignant affirmait aussi que quelque 400.000 Koweïtiens, contraints de fuir leur pays, avaient perdu leur travail et leurs biens lors du pillage du Koweït organisé par les autorités iraquiennes. Il rappelait par exemple comment les dirigeants syndicaux susmentionnés - Mohamed Abdel Mohsen Al Osaymi, Nasser Hamad Mojeb, Ali Mahdi Al Ajami, Mofreh Tahous Al Oteibi et Nachi Al Saad Al Ahsan - avaient été arrêtés et torturés et avaient perdu leurs biens; il rappellait aussi que l'on ignorait le sort de certains des syndicalistes susmentionnés restés an Koweït et que l'on craignait pour leur sécurité. Il fournissait une nouvelle liste de syndicalistes portés disparus:
  9. 1) Ali Abdel Rahman Al Kandari, secrétaire général de la Fédération syndicale du Koweït;
  10. 2) Sabet Ibrahim Al Haroun, président de la Fédération des syndicats du secteur public et secrétaire aux relations extérieures de la Fédération syndicale du Koweït;
  11. 3) Moslem Mohamed Al Barak, membre du comité exécutif de la Fédération syndicale du Koweït et directeur de l'Institut d'éducation ouvrière;
  12. 4) Abdallah Al Dougaichim, membre du comité exécutif de la Fédération syndicale du Koweït;
  13. 5) Bader Hamad Al Najdi, président du Syndicat des travailleurs des communications et secrétaire aux relations extérieures du Syndicat du personnel du secteur public;
  14. 6) Kaled Al Chamri, secrétaire du Syndicat de l'eau et de l'électricité;
  15. 7) Mohamed Abdellah Al Ojeylane, président du Syndicat des travailleurs des finances;
  16. 8) Hossein Saker Abdel Latif, ancien président de la Fédération syndicale du Koweït, ancien directeur général adjoint de l'Organisation arabe du travail;
  17. 9) Ali Hossein Al Yohat, membre du comité exécutif du Syndicat des travailleurs municipaux et des sapeurs-pompiers;
  18. 10) Hasan Falah Al Ahsan, ancien président du Syndicat des travailleurs de la Compagnie koweïtienne des pétroles et de la Fédération des travailleurs du pétrole et ancien membre du comité exécutif de la Fédération syndicale du Koweït;
  19. 11) Ibrahim Ali Al Kandari, vice-président du Syndicat des travailleurs de l'eau et de l'électricité;
  20. 12) Ali Mohamed Al Mohana, directeur administratif de l'Institut d'éducation ouvrière et membre du comité exécutif de la Fédération syndicale du Koweït;
  21. 13) Abdallah Al Saad Al Ahsan, ancien président de la Fédération syndicale du Koweït et du Syndicat national des travailleurs du pétrole;
  22. 14) Bandar Ibrahim Al Kayran, vice-président du Syndicat national des travailleurs du pétrole;
  23. 15) Ibrahim Ali Abdallah, membre du comité exécutif du Syndicat des travailleurs de la Compagnie koweïtienne des pétroles et de l'Institut d'éducation ouvrière;
  24. 16) Amar Hamoud Al Ajami, ancien membre du comité exécutif de la Fédération des travailleurs du pétrole;
  25. 17) Fahed Faleh Al Sahli, membre du comité exécutif du Syndicat des travailleurs de la pétrochimie et ancien membre de la Fédération des travailleurs du pétrole.
  26. 49. Enfin, ce plaignant ajoutait que les locaux de différents syndicats de l'Institut d'éducation ouvrière et de la publication des travailleurs "Al Amel" avaient été pillés et que le matériel moderne qui s'y trouvait (machines à écrire, photocopieuses, téléphones et télécopieurs, ordinateurs, magnétoscopes, appareils de climatisation, etc.) avait été enlevé. Les dossiers et documents syndicaux avaient été détruits ou dérobés.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 50. Dans une communication initiale du 11 janvier 1991, le gouvernement fournissait des informations très générales sur la situation qui avait donné lieu aux plaintes.
  2. 51. Il contestait tout d'abord le droit du gouvernement du Koweït de faire appel au comité puisque, ayant été mis en place par le régime colonial britannique dans un territoire enlevé à l'Iraq, ce gouvernement n'avait plus ni légalité ni légitimité maintenant que, du fait de l'unification, le Koweït était de nouveau partie intégrante de l'Iraq dont il constituait la 19e province. Le gouvernement de l'Iraq ajoutait que toutes les conventions ratifiées étaient appliquées sur l'ensemble de son territoire, en particulier dans le cadre de la loi no 52 de 1987 sur les syndicats. Maintenant que les travailleurs koweïtiens faisaient partie du peuple iraquien, ils bénéficiaient des droits énoncés dans la Constitution iraquienne, comme l'égalité devant la loi. C'est ce qu'avait rappelé un décret présidentiel du 5 août 1990. Le gouvernement de l'Iraq considérait donc que les accusations de traitements inhumains sont sans fondement.
  3. 52. Le gouvernement de l'Iraq soulignait que les décisions administratives prises dans la province du Koweït étaient des actes souverains liés à l'invasion américaine de la région qui avait nécessité l'adoption de mesures tendant à garantir la sécurité du pays et des citoyens. Il soulignait également qu'il n'avait pris aucune mesure pour obliger les travailleurs arabes et étrangers à quitter leur emploi et le pays; il estimait que c'était l'intervention militaire de certains gouvernements étrangers et l'injuste blocus aérien, terrestre et maritime qui avaient provoqué le départ des travailleurs. Les salaires et autres sommes qui leur étaient dus leur avaient été versés en monnaie nationale. Le gouvernement estimait que ce départ temporaire devait prendre fin lorsque les menaces de guerre auraient disparu avec le retrait des troupes étrangères. En réponse à certaines autres allégations, le gouvernement déclarait que l'Assemblée nationale avait décidé, à la suite d'une demande présidentielle du 6 décembre 1990, d'autoriser les étrangers qui le désiraient à quitter l'Iraq. Il estimait donc inutile d'envoyer une mission enquêter sur les allégations présentées, qu'il contestait et rejetait totalement.
  4. 53. Dans une communication ultérieure en date du 17 mai 1991, le gouvernement réitère ses observations sur la situation des travailleurs arabes et étrangers au Koweït et affirme qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de cette question étant donné les faits nouveaux qui se sont produits et le retrait iraquien du Koweït. En ce qui concerne les autres allégations présentées par les différents plaignants, le gouvernement ajoute qu'elles font partie d'une campagne de dénigrement menée contre l'Iraq depuis le 2 août 1990; étant donné le changement de situation rappelé ci-dessus, il déclare ne pas souhaiter aborder de nouveau cette question.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 54. Le comité note que les allégations présentées dans ce cas émanent d'organisations internationales et nationales de travailleurs et d'employeurs et d'un gouvernement, et qu'elles portent sur un certain nombre de faits graves qui ont suivi l'invasion du Koweït par l'Iraq le 2 août 1990.
  2. 55. Ces allégations peuvent être groupées autour de quatre aspects principaux de la liberté syndicale: a) la dissolution de toutes les organisations de travailleurs et d'employeurs du pays qui a obligé leurs dirigeants à s'enfuir ou à travailler dans la clandestinité; b) l'occupation et la destruction des locaux et des biens appartenant aux organisations professionnelles (dont l'Institut d'éducation ouvrière), la confiscation des comptes bancaires des syndicats, l'interdiction des publications syndicales; c) la mort de trois dirigeants syndicaux, MM. Ali M. Al Ajami, Nassar M. Al Faraj et M. Ramadan Al Arbi; d) l'arrestation et/ou la disparition de 23 syndicalistes nommément désignés (les noms de trois d'entre eux apparaissent dans la lettre du 18 décembre 1990, de trois autres dans celle du 28 décembre 1990 et de 17 autres dans celle du 25 janvier 1991).
  3. 56. Ni l'une ni l'autre des deux communications du gouvernement n'a répondu avec précision aux allégations détaillées concernant les dirigeants syndicaux et les syndicalistes nommément désignés. La première réponse du gouvernement rejette les allégations en termes généraux, estimant que la Constitution et la législation du travail de l'Iraq garantissent suffisamment la liberté syndicale des travailleurs en question. Le gouvernement justifie les mesures administratives par les opérations militaires en cours à l'époque. La seconde réponse rappelle que l'Iraq s'est retiré du Koweït et soutient qu'il n'y a ainsi plus lieu de poursuivre l'examen du cas. Le gouvernement ajoute que les allégations présentées font partie d'une campagne de dénigrement menée contre l'Iraq à la suite des événements du 2 août 1990 et dit ne pas souhaiter approfondir la question.
  4. 57. Le comité doit en premier lieu exprimer le regret que, à l'exception de brèves communications émettant l'avis qu'il n'y a plus lieu d'examiner le cas en raison du retrait iraquien du Koweït, le gouvernement n'ait pas répondu de manière précise aux nombreuses et graves allégations présentées par les organisations de travailleurs et d'employeurs du Koweït et par le gouvernement du Koweït lui-même. Le comité rappelle l'importance que revêt l'envoi par les gouvernements de réponses détaillées et précises en vue d'un examen approfondi des affaires qui lui sont soumises.
  5. 58. Le comité souhaite souligner aussi en premier lieu la gravité des allégations formulées dans le présent cas. Il déplore de la manière la plus ferme les actes de violence commis à l'encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes et rappelle que les droits syndicaux ne peuvent s'exercer que dans un climat dénué de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des syndicalistes; il appartient aux gouvernements d'assurer le respect de ce principe (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 3e édition, 1985, paragr. 70). Il appelle l'attention du gouvernement sur la teneur de la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1970, qui affirme que l'absence de libertés civiles enlève toute signification au concept des droits syndicaux et que les droits conférés aux organisations de travailleurs et d'employeurs doivent se fonder sur le respect des libertés civiles, comme le droit à la sécurité de la personne et la garantie contre les arrestations et les détentions arbitraires (Recueil, paragr. 72).
  6. 59. S'agissant de la première des principales allégations de l'affaire, le comité note que, selon les plaignants, toutes les organisations de travailleurs et d'employeurs du Koweït ont été dissoutes après l'invasion et que leurs dirigeants ont été contraints de fuir le pays ou de travailler dans la clandestinité. Le gouvernement est silencieux à ce sujet. Il semble toutefois qu'après la fin des hostilités ces organisations ont pu reprendre leurs activités et revenir dans le pays. C'est ainsi par exemple que les représentants de la Chambre de commerce et d'industrie du Koweït et de l'Union générale des travailleurs du Koweït ont participé, conjointement avec la délégation gouvernementale koweïtienne, à la 78e session de la Conférence internationale du Travail en juin 1991. Le comité doit appeler l'attention du gouvernement de l'Iraq sur le principe selon lequel des mesures de suspension ou de dissolution par voie administrative constituent de graves violations aux principes de la liberté syndicale.
  7. 60. En second lieu, en ce qui concerne la mort de trois dirigeants syndicaux - MM. Ali Al Ajami, Nassar M. Al Faraj et M. Ramadan Al Arbi - dans des circonstances liées à l'invasion elle-même, le comité ne peut que déplorer ces faits, d'autant plus que le gouvernement n'a formulé aucun commentaire à cet effet. Il rappelle qu'un climat de violence, tel que celui que reflète l'assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux, constitue un grave obstacle à l'exercice des droits syndicaux; de tels actes exigent de sévères mesures de la part des autorités (Recueil, op. cit., paragr. 76).
  8. 61. En troisième lieu, s'agissant des 23 syndicalistes arrêtés et/ou disparus énumérés par les plaignants, le comité déplore à nouveau le manque de coopération du gouvernement pour fournir des informations sur l'endroit où ils se trouvent, sur les charges qui pèsent sur eux et leur situation juridique actuelle. Il appelle l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel la détention de dirigeants syndicaux pour activités liées à l'exercice de leurs droits syndicaux est contraire aux principes de la liberté syndicale (Recueil, op. cit., paragr. 87). En outre, l'arrestation et la détention de syndicalistes, même pour des raisons de sécurité intérieure, risquent d'impliquer une grave ingérence dans l'exercice des droits syndicaux, si une telle mesure ne s'accompagne pas de garanties judiciaires appropriées (Recueil, op. cit., paragr. 94). Le comité rappelle particulièrement que les syndicalistes détenus doivent, à l'instar des autres personnes, bénéficier d'une procédure judiciaire régulière et avoir le droit à une bonne administration de la justice, à savoir notamment être informés des accusations qui pèsent contre eux, disposer du temps nécessaire à la préparation de leur défense, communiquer sans entrave avec le conseil de leur choix et être jugés sans retard (par une autorité judiciaire impartiale et indépendante) (Recueil, op. cit., paragr. 110). Le comité demande au gouvernement de l'Iraq de libérer ces syndicalistes au cas où ils seraient encore détenus.
  9. 62. Enfin, s'agissant des différentes allégations relatives à la destruction de biens, de locaux et de matériel et à la confiscation des fonds des organisations de travailleurs et d'employeurs du Koweït, le comité rappelle la résolution de 1970 concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, qui déclare que le droit à la protection des biens des syndicats est l'une des libertés civiles qui sont essentielles à l'exercice normal des droits syndicaux. Le comité demande par conséquent aux autorités iraquiennes, lorsque l'identification des documents, du matériel et des fonds confisqués sera possible, de restituer ces biens aux organisations de travailleurs et d'employeurs auxquelles ils appartiennent et, lorsqu'une telle identification ne sera pas possible, de leur attribuer une compensation équitable.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 63. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité doit exprimer le regret qu'à l'exception de deux brèves communications émettant l'avis qu'il n'y avait plus lieu d'examiner le cas en raison du retrait iraquien du Koweït le gouvernement de l'Iraq n'ait pas répondu de manière précise aux nombreuses et graves allégations présentées par les organisations de travailleurs et d'employeurs du Koweït et par le gouvernement du Koweït lui-même.
    • b) Le comité déplore les actes de violence commis à l'encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, en particulier la mort de trois personnalités syndicales de premier plan.
    • c) S'agissant de la dissolution de toutes les organisations d'employeurs et de travailleurs, le comité appelle l'attention du gouvernement de l'Iraq sur le principe selon lequel des mesures de suspension ou de dissolution par voie administrative constituent de graves violations des principes de la liberté syndicale.
    • d) S'agissant des vingt-trois syndicalistes arrêtés et/ou disparus à la suite de l'invasion iraquienne, le comité déplore une fois de plus le manque de coopération du gouvernement pour fournir des informations sur le lieu où ils se trouvent, sur les charges qui pèsent sur eux et sur leur situation juridique actuelle. Il demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour libérer ces syndicalistes, au cas où ils seraient encore détenus.
    • e) Quant aux autres actes de harcèlement et à la confiscation des actifs et des biens des syndicats et des associations d'employeurs qui violent les principes de la liberté syndicale, le comité demande aux autorités iraquiennes, lorsque l'identification des documents, du matériel et des fonds confisqués sera possible, de restituer ces biens aux organisations d'employeurs et de travailleurs auxquelles ils appartiennent, ou, lorsqu'une telle identification ne sera pas possible, de leur attribuer une compensation équitable.
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