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Interim Report - REPORT_NO278, June 1991

CASE_NUMBER 1514 (India) - COMPLAINT_DATE: 10-JAN-89 - Closed

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  1. 287. Dans des communications en date des 10 janvier et 16 octobre 1989, le Syndicat des travailleurs de l'ingénierie de l'Hindoustan (HEETU) a présenté contre le gouvernement de l'Inde des allégations portant sur des violations des droits syndicaux. Il a envoyé de nouvelles informations sur cette plainte dans une communication datée du 25 novembre 1989. Le gouvernement a envoyé ses observations sur ces allégations dans des communications en date des 15 et 29 janvier 1990, 29 octobre 1990 et 13 février 1991.
  2. 288. L'Inde n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 289. Dans le cas présent, les allégations du syndicat plaignant portent sur des pratiques antisyndicales auxquelles se livrerait la direction de l'Institut de technologie appliquée de l'Hindoustan, établissement d'enseignement privé situé à Madras, dans l'Etat du Tamil-Nadu.
  2. 290. Selon l'organisation plaignante, la direction de l'institut a une longue tradition d'hostilité envers le syndicalisme. Les modalités et les conditions d'emploi dans l'établissement sont connues pour être extrêmement médiocres, et les licenciements arbitraires y sont monnaie courante. L'HEETU a été fondé en mai 1988 et enregistré le 5 décembre 1988, conformément à la loi indienne de 1926 sur les syndicats. M. Charles Ayyampilly fut l'un des fondateurs de l'HEETU et son premier secrétaire général. En août 1988, M. Ayyampilly a pris des jours de congé accumulés à l'institut pour suivre un stage de formation organisé par le mouvement syndical en Australie. Peu après son retour à Madras, il a été licencié "illégalement et sans aucun préavis ou motif valable". M. Ayyampilly a tenté de contester ce licenciement illégal en s'appuyant sur la loi sur les différends du travail, tout en continuant à participer aux activités de l'HEETU.
  3. 291. Le 7 janvier 1989, la direction de l'institut a émis la circulaire suivante, destinée à l'ensemble du personnel enseignant:
    • Tout le personnel enseignant est, par la présente, mis en garde contre l'affiliation à tout syndicat ou la participation à toute activité syndicale quelle qu'elle soit, notamment sur ce complexe éducatif.
    • De strictes mesures disciplinaires, telles que suspension ou licenciement immédiats, seront prises contre tout membre du personnel enseignant qui ne tiendrait pas compte des instructions données ci-dessus ou refuserait de s'y soumettre.
    • Toutes les réclamations, plaintes ou requêtes personnelles devront être remises sous forme écrite par les personnes intéressées au responsable administratif pour examen et suite à donner.
  4. 292. Au cours de l'année 1988, l'HEETU a présenté à la direction une liste de revendications. Selon le syndicat plaignant, la direction a alors cherché à faire traîner en longueur les procédures devant le commissaire au travail. Le 23 février 1989, les membres du syndicat ont entamé une grève légale pour appuyer leurs revendications. Le 2 mars 1989, la direction et le syndicat signaient un accord pour mettre fin à la grève. La direction acceptait notamment de ne pas prendre de sanctions contre les salariés qui avaient pris part à la grève et d'annuler les suspensions infligées à six salariés à la veille de la grève. Pour sa part, le syndicat acceptait de suspendre la grève sans délai et de coopérer avec la direction pour régler à l'amiable les autres problèmes évoqués dans la liste de revendications.
  5. 293. Le 28 avril 1989, la direction a "d'une manière illégale, arbitraire et sans aucun motif valable" envoyé des préavis indiquant que les contrats de quelque 59 salariés de l'institut ne seraient pas renouvelés à la date d'expiration, le 30 avril 1989. Le 5 mai 1989, 13 nouveaux salariés ont fait l'objet d'une suspension avec effet immédiat; ils ont tous été licenciés par la suite. Parmi les 72 salariés licenciés figuraient tous les dirigeants et responsables de l'HEETU.
  6. 294. Le 5 août 1989, un certain M. Dass, agent de sécurité au service de l'institut, a détruit un drapeau et une hampe de drapeau appartenant à l'HEETU. Selon le syndicat plaignant, M. Dass agissait sur les instructions du directeur de l'institut, M. K.C.G. Verghese. Après que le syndicat eut officiellement porté plainte à la police, M. Verghese paya pour le remplacement du drapeau et de la hampe. M. Dass fut toutefois licencié pour avoir avoué à la police que M. Verghese était l'instigateur de ce méfait.
  7. 295. L'organisation plaignante affirme que plusieurs responsables et membres de l'HEETU ont été victimes de diverses formes de brimades et d'actes de violence de la part de la direction de l'institut, ou à son instigation. M. Verghese aurait notamment participé, par l'intermédiaire d'un adjoint, à la fabrication d'accusations mensongères contre le secrétaire général du syndicat. Ces accusations portaient sur un détournement des fonds auxquels M. Ayyampilly avait accès lorsqu'il travaillait à l'institut. Malgré les pressions considérables exercées par M. Verghese et ses adjoints et l'arrestation, puis la détention de M. Ayyampilly en décembre 1988, la police a abandonné les poursuites dans cette affaire, ce qui prouve le caractère mensonger de ces accusations.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 296. Dans sa communication du 29 octobre 1990, le gouvernement reconnaît que les allégations selon lesquelles la direction de l'institut a fait preuve d'intolérance vis-à-vis des activités du syndicat et a résilié le contrat de plusieurs responsables syndicaux sans respecter les principes élémentaires de la justice semblent fondées. Le gouvernement souligne toutefois que la loi sur les différends du travail institue des voies de recours dans ce genre de cas, que M. Ayyampilly et d'autres personnes ont effectivement utilisées.
  2. 297. Dans la même communication, le gouvernement affirme que le commissaire adjoint au travail avait adressé un "rapport de conciliation" au gouvernement du Tamil-Nadu, qui l'examine actuellement. Il est vrai que les procédures de conciliation se sont prolongées en raison des demandes d'ajournement formulées par l'institut, mais l'HEETU n'avait alors formulé aucune objection à ces ajournements. Le gouvernement ne donne aucune indication sur le contenu de ce rapport, ni sur les questions qui y sont examinées.
  3. 298. S'agissant des accusations portées contre M. Ayyampilly par un adjoint de M. Verghese, le gouvernement explique qu'elles ont été portées aux termes des dispositions du Code pénal indien relatives au vol et à la falsification de comptes. M. Ayyampilly a été arrêté pour une affaire qui paraissait, à première vue, fondée, puis placé en détention préventive le 26 décembre 1988. Il a été remis en liberté sous caution le jour suivant. Cette affaire a été ensuite classée par la police après consultation des autorités judiciaires compétentes, aucune preuve n'ayant été retenue contre M. Ayyampilly.
  4. 299. Enfin, le gouvernement indique qu'il a prié le gouvernement du Tamil-Nadu de lui adresser un rapport plus précis sur cette affaire.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 300. Le cas présent porte sur des actes de discrimination antisyndicale qui auraient été commis par la direction d'un établissement d'enseignement privé de Madras, connu sous le nom d'Institut de technologie appliquée de l'Hindoustan.
  2. 301. Tout d'abord, le comité exprime sa préoccupation devant le fait qu'il est seulement maintenant en mesure d'examiner les allégations dans ce cas, bien que la plainte ait été présentée officiellement en octobre 1989 et que plus de deux années se soient écoulées depuis les événements qui motivent les allégations de l'organisation plaignante. Cela est d'autant plus préoccupant que certaines allégations concernent le licenciement d'un nombre important de travailleurs en raison de leur appartenance à un syndicat et de leurs activités syndicales. Le comité note que le gouvernement a effectivement apporté des réponses partielles en janvier 1990 (à deux reprises), en octobre 1990 et en février 1991. Cependant, le gouvernement n'a toujours pas, à ce stade tardif, présenté de réponse complète à toutes les allégations portées contre lui. En conséquence, le comité prie instamment le gouvernement de lui envoyer une réponse complète à toutes les allégations formulées dans ce cas avant sa prochaine session. Il prie aussi le gouvernement de bien vouloir s'assurer que de tels retards ne se reproduiront plus.
  3. 302. Le gouvernement reconnaît que la direction de l'Institut de technologie appliquée de l'Hindoustan a adopté une position extrêmement hostile envers les tentatives faites par ses employés pour créer des syndicats ou s'y affilier. Cette hostilité s'est manifestée sous diverses formes, notamment: i) la publication de circulaires visant expressément à dissuader les salariés de s'affilier à un syndicat ou de participer à ses activités; ii) l'adoption d'une attitude d'obstruction totale vis-à-vis des tentatives de l'HEETU d'engager des négociations collectives au nom de ses membres; iii) le licenciement de quelque 72 travailleurs, notamment tous les dirigeants et responsables de l'HEETU, en raison de leur participation à ce qui semble avoir été une grève légale en février et mars 1989; et iv) l'incitation d'un salarié de l'institut à détruire des biens appartenant à l'HEETU. La direction serait aussi responsable du licenciement du secrétaire général de l'HEETU et du harcèlement dont il a été victime par la suite.
  4. 303. Le comité estime que la circulaire émise par la direction de l'institut le 7 janvier 1989 constituait manifestement une violation des principes de la liberté syndicale. Il en va de même pour le licenciement de 72 travailleurs en avril et mai 1989 pour avoir exercé leur droit de grève, en toute légalité semble-t-il, et pour la destruction délibérée de biens appartenant à l'HEETU, le 5 août 1989.
  5. 304. Le gouvernement indique que la loi sur les différends du travail institue des voies de recours dans ce genre d'affaire, et que M. Ayyampilly et d'autres personnes ont effectivement cherché à obtenir réparation aux termes de ces dispositions. Cependant, le gouvernement n'a apporté aucune indication sur la nature des mesures de redressement pouvant être obtenues en vertu de cette loi, ni sur le résultat des procédures entamées par M. Ayyampilly et d'autres membres du syndicat. En conséquence, le comité prie le gouvernement de lui communiquer le texte de toutes les dispositions législatives pertinentes, ainsi que des renseignements précis sur le résultat de toutes les procédures juridiques entrant dans le cadre des allégations formulées dans le cas présent. Ces informations devraient comprendre des éclaircissements sur la nature et le contenu du "rapport de conciliation" évoqué par le gouvernement dans sa communication du 29 octobre 1990.
  6. 305. S'agissant de l'attitude d'obstruction adoptée par la direction vis-à-vis des tentatives de l'HEETU d'engager des négociations collectives au nom de ses membres, le comité a toujours attaché une grande importance au principe selon lequel employeurs et syndicats doivent négocier de bonne foi en s'efforçant d'arriver à un accord. (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 3e édition, 1985, paragr. 590.) D'autre part, il estime aussi que l'attitude conciliante ou intransigeante de l'une des parties vis-à-vis des revendications présentées par l'autre est affaire de négociation entre ces deux parties dans le cadre de la loi du pays. (Recueil, op. cit., paragr. 589.) Il en découle que l'attitude d'obstruction de la direction manifestée à l'égard de la négociation collective n'impliquait pas par elle-même une violation des principes de la liberté syndicale, bien qu'elle fût, sans aucun doute, caractéristique de l'attitude extrêmement négative de ladite direction vis-à-vis des syndicats en général.
  7. 306. En ce qui concerne les poursuites pénales intentées contre M. Ayyampilly en décembre 1988, le comité rappelle qu'il a toujours estimé qu'en cas d'allégations relatives à la poursuite et à la condamnation de dirigeants syndicaux la seule question qui se pose est de savoir quelle est la véritable raison des mesures en question. Ce n'est que si ces mesures sont motivées par des activités proprement syndicales qu'il y a atteinte à la liberté syndicale. (Recueil, op. cit., paragr. 121.) L'hostilité apparente manifestée par la direction de l'institut contre M. Ayyampilly et le fait que la police n'a pu trouver aucune preuve pour corroborer les accusations portées contre lui semblent confirmer que les accusations dans le cas présent visaient effectivement à brimer M. Ayyampilly en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales. Etant donné que les accusations ont été abandonnées, le comité considère qu'il n'y a pas lieu de poursuivre plus avant l'examen de cet aspect du cas, mais, ce faisant, il attire l'attention du gouvernement sur le principe voulant que des allégations de comportement criminel ne doivent pas être utilisées pour harceler des syndicalistes à cause de leur affiliation ou leurs activités syndicales.
  8. 307. Le comité note que M. Ayyampilly a porté plainte auprès du commissaire au travail au sujet de son licenciement à son retour d'Australie, en septembre 1988. Cependant, le comité n'a reçu aucun renseignement sur le résultat de cette procédure. Le gouvernement est donc prié de communiquer ces informations avant la prochaine session du comité.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 308. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité exprime sa préoccupation en ce qui concerne le temps écoulé depuis les événements qui ont motivé cette plainte, et prie instamment le gouvernement d'apporter une réponse exhaustive à toutes les allégations du plaignant afin de permettre au comité d'achever l'examen de ce cas à sa prochaine session.
    • b) Le gouvernement est prié d'exposer clairement les moyens de recours juridiques à la disposition de l'HEETU, de ses membres et de ses dirigeants, s'agissant des violations des principes de la liberté syndicale constituées par: i) la publication, le 7 janvier 1989, d'une circulaire visant explicitement à dissuader les salariés de s'affilier à un syndicat ou de participer à des activités syndicales; ii) le licenciement de 72 salariés, dont les responsables et tous les dirigeants de l'HEETU, pour avoir exercé légitimement, semble-t-il, leur droit de grève en février et mars 1989; et iii) l'incitation d'un salarié de l'institut à détruire, en août 1989, des biens appartenant à l'HEETU.
    • c) Le gouvernement est prié de communiquer des renseignements précis sur le résultat de toutes les procédures juridiques se rapportant aux points énumérés dans le paragraphe b). Au nombre de ces informations devraient figurer des éclaircissements sur la nature et le contenu du "rapport de conciliation" évoqué par le gouvernement dans sa communication en date du 29 octobre 1990.
    • d) Le comité note qu'aucune suite n'a été donnée aux accusations portées contre le secrétaire général de l'HEETU. Toutefois, il attire l'attention du gouvernement sur le principe voulant que des allégations de comportement criminel ne devraient pas être utilisées pour harceler les syndicalistes en raison de leur affiliation ou activités syndicales.
    • e) Le gouvernement est prié de communiquer des détails complets sur l'issue de la plainte déposée par le secrétaire général de l'HEETU en 1988 au sujet de son licenciement.
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