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- 210. L'Organisation internationale des mineurs (OIM) a
- présenté une plainte
- en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du
- Maroc au nom de
- son affilié, le Syndicat des mineurs de la Confédération
- démocratique du
- travail (CDT), dans une communication du 17 février 1989. Le
- même jour, la CDT
- a décidé, après avoir plusieurs fois envoyé au Directeur
- général du BIT des
- demandes d'intervention à propos de ce cas, notamment par
- des télégrammes des
- 27 décembre 1988 et 3 et 24 janvier 1989, de porter plainte
- elle-même contre
- les atteintes aux droits syndicaux perpétrées par le
- gouvernement.
- Parallèlement, la Fédération syndicale mondiale (FSM), par un
- câble du 26
- janvier 1989, a fait part au BIT de sa grave préoccupation
- concernant cette
- affaire. Enfin, l'Organisation de l'unité syndicale africaine
- (OUSA) a indiqué
- dans une communication du 22 mars 1989 qu'elle appuyait la
- plainte de la CDT.
- 211. Le gouvernement a envoyé une réponse sur ce cas
- du 12 avril 1989.
- 212. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la
- liberté syndicale
- et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié
- la
- convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation
- collective,
- 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 213. Dès le 27 décembre 1988, le BIT a été saisi par la CDT
- d'une demande
- d'intervention à propos d'un grave conflit du travail qui se
- développait au
- Maroc dans les mines de Jérada. Par la suite, l'OIM et la CDT
- ont porté
- plainte contre la Société des charbonnages du Maroc à
- Jérada en tant que
- partenaire directement concerné et contre le gouvernement du
- Maroc à qui
- incombe l'obligation juridique et morale de veiller au respect et
- à
- l'application des lois et normes internationales du travail, pour
- atteinte aux
- droits syndicaux et violation des conventions de l'OIT lors dudit
- conflit
- social opposant des mineurs à la Société des mines de Jérada
- (province
- d'Oujda).
- 214. Plus précisément, l'OIM considère que les conventions
- nos 87, 98, 143
- et 155 de l'OIT ont été violées par le gouvernement du Maroc.
- D'après cette
- organisation, ce sont les conditions de travail et de vie
- inhumaines des
- mineurs qui ont poussé les intéressés à la grève qui dure
- depuis le 19
- décembre 1988. En effet, d'après l'OIM, les mineurs doivent
- payer eux-mêmes
- leur casque, acheter leurs outils de travail et même leurs
- bottes. Les douches
- se trouvent à trois kilomètres; pour y parvenir, les mineurs sont
- conduits en
- camion-benne comme le charbon, sans protection et par tous
- les temps. Ils
- vivent dans des logements insalubres. Eux et leurs familles ont
- faim et froid
- car la dotation de charbon a été supprimée par la direction.
- 215. La CDT, quant à elle, fournit sur cette affaire les
- précisions
- suivantes: la Société des charbonnages du Maroc à Jérada,
- explique-t-elle, est
- une société anonyme dont l'Etat détient 98 pour cent des
- actions. Cette
- société devrait être normalement gérée par un conseil
- d'administration sous la
- tutelle du ministère de l'Energie et des Mines; en outre, la
- direction prend
- unilatéralement toutes les décisions en passant outre à toute
- consultation ou
- doléance des représentants des travailleurs et de leur
- syndicat, refusant
- systématiquement tout dialogue, notamment avec les
- responsables de la CDT.
- Cette attitude intransigeante, ainsi que la mauvaise gestion de
- cette
- entreprise, sont à l'origine du conflit social qui s'est développé
- au sein de
- cette mine. La détérioration de la société en général et des
- conditions de
- travail s'est répercutée dramatiquement sur la situation des
- travailleurs dont
- l'effectif est près de 7.000 (5.500 mineurs plus 1.500 cadres et
- techniciens).
- 216. La CDT explique les causes et faits du conflit de la
- manière suivante.
- En ce qui concerne les revendications des travailleurs, le
- bureau syndical de
- la section de Jérada a déposé un cahier de revendications
- auprès de la
- direction dès 1985, en demandant l'ouverture d'un dialogue
- sur les conditions
- de travail et de vie des travailleurs, en particulier:
- - la révision des salaires et des indemnités;
- - des logements normaux et des moyens de transports
- convenables;
- - la prise en charge par la direction des outils et équipements
- individuels
- qui sont payés par les mineurs;
- - des mesures préventives dans le domaine de la sécurité et
- de l'hygiène et
- curatives contre les accidents du travail et la silicose, en
- demandant une
- médecine du travail plus humaine;
- - un litre de lait par jour;
- - une indemnité plus juste contre la silicose (à 30 pour cent
- de la maladie
- les mineurs continuent encore à travailler);
- - l'élection d'une commission pour la participation des
- délégués des
- travailleurs à la gestion des oeuvres sociales;
- - la révision du système de retraite;
- - le respect de la dignité des travailleurs qui font l'objet de
- provocation
- et d'intimidation de la part de la direction et de ses cadres,
- surtout s'ils
- sont membres de la CDT;
- - enfin, le respect des droits syndicaux et la reconnaissance
- de la CDT en
- tant que partenaire social.
- 217. La CDT ajoute que la direction a opté pour une attitude
- obstinée et
- intransigeante en ce qui concerne sa reconnaissance et
- l'ouverture du dialogue
- et qu'elle a refusé toute négociation sur les revendications
- précitées avec
- les responsables syndicaux, arguant du fait que le dialogue
- social est
- toujours ouvert avec les délégués du personnel au sein des
- commissions
- paritaires. Or, d'après la CDT, la négociation sur le cahier de
- revendications
- ne dépend aucunement de la compétence des délégués du
- personnel au sein des
- commissions paritaires comme le prétend la direction, puisque
- les attributions
- des commissions paritaires sont définies comme suit: veiller à
- l'application
- du statut, examiner toute réclamation du personnel relevant de
- leur compétence
- concernant l'embauchage, la titularisation, l'avancement et le
- licenciement et
- les sanctions disciplinaires, et s'efforcer de régler les différends
- collectifs de toute nature. Donc, d'après la CDT, la
- négociation du cahier de
- doléances avec la direction ne pouvait être que de la
- compétence du syndicat
- qui est le seul outil pour défendre les revendications des
- travailleurs.
- 218. La CDT poursuit en expliquant que, face à l'obstination
- de la
- direction, les mineurs ont décidé de déclencher une grève
- préventive de trois
- jours du 1er au 3 décembre 1988, qui a été suivie à 98 pour
- cent. La direction
- a alors eu recours à des actes de provocation, d'intimidation et
- de menaces
- envers les travailleurs grévistes. Le ministère de tutelle, à
- savoir le
- ministère des Mines, a fait de même en prenant la décision
- arbitraire de
- suspendre pour une durée de trois mois les trois délégués
- "cédétistes" à
- l'hygiène et à la sécurité, dont le secrétaire général de la
- section CDT de
- Jérada. Dans sa décision de suspension, le ministère de tutelle
- a fait
- référence à l'article 32 du Statut du mineur pour sanctionner
- les délégués qui
- ont fait preuve - selon son interprétation - de négligences
- graves dans
- l'exercice de leurs fonctions en refusant de procéder aux
- tournées
- réglementaires en date des 1er, 2 et 3 décembre 1988. Or la
- date citée dans la
- décision (du 1er au 3 décembre 1988) correspondait justement
- aux trois jours
- de grève menée par la CDT, les trois délégués s'étant joints à
- leurs camarades
- grévistes. La CDT estime que le ministère de tutelle aurait dû
- avoir le
- courage de mentionner dans sa décision que les délégués
- étaient suspendus pour
- faits de grève.
- 219. Toujours d'après la CDT, la tension s'est accrue dans
- les mines de
- Jérada. La grève a repris le 19 décembre 1988 pour
- l'ouverture du dialogue sur
- le cahier de revendications et la réintégration des délégués
- suspendus. Le
- bureau exécutif de la CDT a cependant décidé d'entrer en
- contact avec le
- ministère de tutelle, le ministère de l'Energie et des Mines, ainsi
- qu'avec le
- ministère de l'Intérieur et de l'Information et la préfecture
- d'Oujda afin
- d'intervenir auprès de la Direction des charbonnages pour
- régler ce conflit. A
- la suite de cette rencontre, le 26 décembre 1988, la CDT a
- décidé la reprise
- du travail en signe de détente, tout en espérant que la
- direction allait faire
- de même pour débloquer la situation par l'ouverture du
- dialogue. Cependant,
- alors que les travailleurs regagnaient leur poste de travail dans
- le calme,
- ils ont été assiégés et même brutalisés avec violence par des
- cadres mobilisés
- par la direction. Ceci a entravé la reprise du travail et a été à
- l'origine du
- débrayage collectif des mineurs au fond des galeries en signe
- de protestation
- contre les actes de répression et la fermeture de tous les puits
- sur ordre de
- la direction. Cette mesure ne laissait aucun choix aux
- travailleurs, si ce
- n'est celui de poursuivre la grève.
- 220. Le 28 décembre 1988, la direction a accompli un autre
- acte répressif
- avec la complicité des autorités locales et provinciales:
- l'arrestation de 14
- militants de la CDT qui ont été traduits devant le tribunal de
- première
- instance d'Oujda pour répondre d'accusations infondées et
- fabriquées de toutes
- pièces. Les quatre premiers accusés ont été jugés le 16
- janvier 1989 pour
- distribution de tracts de nature à nuire à l'ordre public, trois
- d'entre eux
- ont été condamnés à trois mois de prison ferme, le quatrième a
- été acquitté.
- Quant aux dix autres personnes poursuivies pour entrave à la
- liberté du
- travail et séquestration, neuf d'entre elles ont été condamnées
- à trois mois
- de prison ferme et à 500 dirhams d'amende et la dixième à
- deux mois de prison
- ferme et 400 dirhams d'amende.
- 221. A propos du déroulement des deux procès, l'accusation
- s'est fondée sur
- un texte de 1939 relatif aux tracts subversifs pour poursuivre
- quatre des
- grévistes dont le seul crime avait été de distribuer un tract
- syndical dont le
- contenu ne trouble en aucun cas l'ordre public. Il s'agit là en
- fait d'une
- entrave à l'exercice du droit syndical. Les débats, le 16 janvier
- 1989, au
- tribunal d'Oujda, ont démontré que le dossier a été ouvert à
- l'instigation de
- la Société des charbonnages de Jérada qui a fabriqué de
- toutes pièces
- l'histoire de la séquestration et de l'entrave à la liberté du
- travail. L'une
- des prétendues victimes a été trouvée dans la salle réservée
- aux témoins. Le
- premier témoin de l'accusation avait inscrit sur sa main le
- numéro de
- matricule d'un ouvrier inculpé, alors qu'il était censé connaître
- ce numéro
- qu'il aurait indiqué à la gendarmerie. La Société des
- charbonnages a osé
- demander au tribunal des indemnités au titre du préjudice subi
- à la suite de
- l'arrêt de travail, comme si la grève constituait, en elle même,
- une
- infraction. Enfin, les procès-verbaux ont été élaborés en
- langue française,
- langue ignorée par tous les accusés.
- 222. La CDT indique encore qu'à l'époque de sa
- communication, les mineurs
- étaient toujours en grève depuis le 1er décembre 1988 pour
- obtenir le respect
- de leurs droits syndicaux et la satisfaction de leur cahier de
- revendications.
- Par ailleurs, la Cour d'appel, qui devait se prononcer le 13
- février 1989 sur
- le dossier des mineurs sanctionnés par le Tribunal de première
- instance, avait
- reporté son verdict au 16 février 1989.
- 223. Toujours selon la CDT, la seule réaction officielle des
- autorités
- compétentes a été la réunion d'une Commission parlementaire
- des affaires
- économiques, de l'emploi, de l'énergie et des mines le 9 février
- 1989, à la
- demande des députés de la CDT et de l'opposition, qui siège à
- la Chambre des
- représentants. Selon cette commission parlementaire qui a
- consacré une séance
- à examiner la situation prévalant à Jérada, il avait été décidé
- de tenir une
- réunion le 16 février 1989 à Oujda, présidée par le directeur du
- Département
- des mines du ministère concerné, et à laquelle devaient
- prendre part les
- représentants de la Direction des charbonnages de Jérada et
- leurs
- représentants syndicaux pour examiner le cahier de
- revendications des mineurs
- de Jérada.
- 224. Pour conclure, la CDT déclare que, durant le
- déroulement du conflit
- opposant les mineurs à la Direction des charbonnages, elle a
- constaté les
- violations suivantes:
- - violation de ;
- - violation des conventions nos 87 et 98 par le refus de
- reconnaître le
- bureau syndical de la CDT d'ouvrir le dialogue avec lui, par
- l'arrestation,
- l'inculpation des délégués syndicaux pour distribution d'un tract
- syndical
- légal, et par l'encerclement du local de la CDT à Jerada en
- vue d'empêcher les
- travailleurs d'y accéder pour tenir leurs réunions syndicales;
- - violation de la convention no 95 et de la recommandation
- no 85 concernant
- la protection des salaires en obligeant les mineurs à payer leurs
- outils de
- travail (bottes, pioches, casques, lampes);
- - violation de la convention et de la recommandation nos
- 111 concernant la
- discrimination, en suivant une politique discriminatoire vis-à-vis
- des
- travailleurs affiliés à la CDT;
- - violation de la recommandation no 102, notamment en
- n'assurant pas des
- moyens de transport convenables aux mineurs (les travailleurs
- sont transportés
- dans des camions-bennes);
- - violation de la recommandation no 115 concernant le
- logement des
- travailleurs (la majorité des logements des mineurs ne
- répondent pas aux
- normes minima d'habitation, actuellement 13 m2 pour un
- couple et quatre
- enfants);
- - violation de la convention no 155 et des recommandations
- nos 97 et 112,
- en n'assurant pas les moyens de protection et de sécurité et
- de santé des
- travailleurs et les services compétents de médecine du travail.
- B. Réponse du gouvernement
- 225. Dans sa réponse du 12 avril 1989, le gouvernement
- confirme que le 24
- mars 1988, le "Syndicat des travailleurs de la mine de Jérada",
- affilié à la
- CDT, a présenté à la Direction des charbonnages du Maroc
- (DCM) un cahier de
- revendications de 23 points portant essentiellement sur
- l'augmentation des
- salaires (20 pour cent) et autres indemnités, l'instauration d'un
- nouvel
- horaire de travail, la création d'un comité des oeuvres sociales,
- l'amélioration des prestations médicales et des conditions de
- travail, etc.
- 226. Selon le gouvernement, les charbonnages ont estimé
- nécessaire de passer
- par la Commission du statut et du personnel pour examiner ces
- revendications,
- conformément à l'article 3 du dahir no 1-60-007 du 5 Rejeb
- 1380 (24 décembre
- 1960) portant statut du personnel des entreprises minières
- (Statut du mineur).
- Cette position a été communiquée à la CDT par l'intermédiaire
- du service du
- personnel, mais ce syndicat qui n'est pas représenté dans la
- Commission du
- statut et du personnel a continué à exiger le dialogue direct
- avec les
- charbonnages.
- 227. Le gouvernement indique que, pour appuyer ses
- revendications, la CDT a
- déclenché une grève de 72 heures à partir du 1er décembre
- 1988; ce mouvement a
- touché exclusivement le personnel du fond (environ 45 pour
- cent du personnel).
- Pendant ce débrayage, le chef du Service régional des mines
- d'Oujda devait
- procéder à des visites de contrôle de sécurité au fond. Comme
- à l'accoutumée,
- il a demandé aux délégués à la sécurité de l'accompagner sur
- les lieux de
- travail. A son vif étonnement, les trois délégués ont refusé
- d'exécuter cette
- instruction, ignorant ainsi leurs obligations professionnelles et
- leur
- position d'auxiliaires de l'administration, en vertu de l'article 34
- du Statut
- du mineur. Devant cette attitude considérée comme une
- négligence grave, les
- intéressés ont été sanctionnés, conformément aux dispositions
- de l'article 32
- du Statut du mineur. Cet article prévoit dans de telles situations
- des
- sanctions dont la moins sévère a été appliquée à l'encontre
- des intéressés, à
- savoir une suspension de la fonction de délégué de la sécurité
- pendant une
- période de trois mois à compter du 8 décembre 1989.
- 228. Toujours d'après le gouvernement, après une brève
- 5 au 13 décembre 1988, un incident a été relevé le 14
- décembre lorsqu'un
- groupe de 150 ouvriers a occupé la base d'une galerie de
- mine en pente au
- siège no V pendant 7 heures et a empêché les autres agents
- de rejoindre leur
- poste. La situation s'est toutefois normalisée après
- l'intervention du service
- des mines et le travail a repris jusqu'au 19 décembre 1988,
- date à laquelle un
- nouveau débrayage pour une durée de six jours a été
- observée. A la reprise le
- 26 décembre 1988, la situation paraissait normale au bassin
- Nord et au siège
- no IV, cependant qu'au siège no V, après la descente du
- personnel, un groupe
- d'ouvriers a occupé la base de la galerie de la mine. Au
- deuxième poste, les
- autres sièges ont connu les mêmes événements. C'est ainsi
- que, pendant 24
- heures, 445 grévistes sont restés au fond. Toutes les
- tentatives entreprises
- pour les faire remonter n'ont pas abouti. De plus, les intéressés
- ont
- détérioré les lignes téléphoniques et procédé à la
- séquestration de cinq
- agents de maîtrise et des machinistes chargés du transport du
- personnel.
- L'occupation du fond s'est ainsi prolongée jusqu'au 27
- décembre 1988 à 17 h
- 30. Devant cette escalade de tension et pour sauvegarder la
- sécurité de
- l'exploitation et du personnel, les autorités provinciales ont
- conseillé aux
- charbonnages de suspendre les descentes au fond, du 28
- décembre 1988 au 7
- janvier 1989. A la reprise de l'activité, le taux de présence n'a
- pas dépassé
- 53 pour cent des effectifs. La grève a touché essentiellement
- les abatteurs et
- des mineurs de creusement, paralysant de ce fait la
- production.
- 229. Le gouvernement poursuit en expliquant qu'un dialogue
- s'est toutefois
- instauré, qui a permis le dénouement de ce conflit social. En
- effet, le 27
- décembre 1988, le ministre de l'Energie et des Mines a reçu
- les membres du
- bureau national de la CDT. Ceux-ci lui ont demandé d'annuler
- les décisions de
- suspension prises à l'encontre des trois délégués syndicaux.
- Lors de cette
- entrevue, le ministre a insisté sur la nécessité de détendre le
- climat social
- à Jérada, après quoi une suite favorable pourrait être
- éventuellement donnée à
- cette doléance. Pour sa part, le gouverneur de la province
- d'Oujda a reçu les
- intéressés le 3 janvier 1989 et les a invités à oeuvrer pour
- l'assainissement
- du climat social à Jérada. Le gouvernement confirme les
- indications des
- plaignants en indiquant qu'afin d'élever le niveau des débats
- en ce qui
- concerne les revendications des syndicats, la Commission des
- affaires
- économiques de la Chambre des représentants s'est réunie le
- 9 février 1989 en
- présence du ministre de l'Energie et des Mines. Au cours des
- discussions,
- toute la lumière a été jetée sur la situation financière des
- charbonnages et
- sur l'importance des investissements en cours dans cette
- exploitation
- lourdement déficitaire. Il a aussi été démontré, chiffres à
- l'appui, que le
- maintien de cette activité ne vise avant tout qu'un objectif
- social.
- Cependant, pour répondre aux doléances des travailleurs et
- sur proposition du
- ministre, les membres de la Commission des affaires
- économiques de la Chambre
- des représentants ont décidé de poursuivre le dialogue à
- Oujda au niveau d'une
- commission présidée par le directeur des mines et regroupant
- les responsables
- des charbonnages ainsi que les différents syndicats (Union
- marocaine des
- travailleurs, Union générale des travailleurs marocains,
- Confédération
- démocratique des travailleurs et Union nationale des
- travailleurs marocains).
- 230. Les travaux de cette commission ont abouti à la
- signature de protocoles
- d'accord entre les différentes parties et à la reprise du travail à
- partir du
- 18 février 1989, explique le gouvernement. Aux termes de ces
- protocoles, le
- personnel bénéficie d'une augmentation de 5 pour cent des
- salaires, 50 pour
- cent des indemnités de logement, 10 pour cent des indemnités
- de voyages pour
- congés et 133 pour cent des prêts pour Aód Al Adha. En
- outre, d'autres
- décisions ont été prises concernant la participation des
- ouvriers à la gestion
- des oeuvres sociales, l'augmentation du nombre de pèlerins
- (six à dix), etc.
- De leur côté, les représentants du personnel ont assuré les
- responsables des
- charbonnages de tout mettre en oeuvre pour rattraper le retard
- de production
- enregistré, grâce à l'amélioration des rendements et à une
- meilleure
- assiduité.
- 231. Le gouvernement souhaite, par ailleurs, donner les
- précisions suivantes
- en ce qui concerne le respect de la liberté syndicale et les
- poursuites
- judiciaires. Selon lui, à la suite des requêtes individuelles
- déposées par les
- agents séquestrés au fond le 26 décembre 1988, dix agents
- ont été interpellés
- par le tribunal qui les a condamnés puis remis en liberté
- provisoire. Quatre
- autres arrestations ont eu lieu pour atteinte à la liberté du
- travail. L'un
- des inculpés a été libéré, trois autres ont été condamnés à un
- mois de prison
- ferme. Enfin, le secrétaire général local de la CDT a Jérada n'a
- jamais été
- arrêté. Il a exercé ses activités durant toute la durée du conflit.
- En outre,
- le local de la CDT n'a pas été fermé.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 232. Le comité observe que la présente affaire concerne des
- mesures de
- représailles antisyndicales prises par la Société des
- charbonnages du Maroc à
- Jérada et par le gouvernement du Maroc lors d'un conflit du
- travail dans cette
- société, conflit qui s'est déroulé en décembre 1988 et en
- janvier 1989. Il
- s'agit essentiellement d'un refus de la part de la Société des
- charbonnages du
- Maroc à Jérada de négocier avec le syndicat plaignant, à
- savoir le Syndicat
- des mineurs affiliés à la Confédération démocratique du travail
- (CDT) et des
- actions de répression qui ont fait suite à la grève déclenchée
- par les
- travailleurs des mines après ce refus, en particulier de la
- suspension pour
- trois mois de trois délégués de la CDT à l'hygiène et à la
- sécurité dont le
- secrétaire général de la section CDT de Jérada, des brutalités
- commises par
- des cadres de la direction qui a rétorqué à la grève par un
- par la violence la reprise du travail, et de l'arrestation de 14
- militants de
- la CDT, grévistes, (quatre étant accusés de distribution de
- tracts de nature à
- nuire à l'ordre public, trois d'entre eux étant condamnés à trois
- mois de
- prison ferme et le quatrième acquitté, et les dix autres étant
- poursuivis pour
- atteinte à la liberté du travail et séquestration, neuf d'entre eux
- étant
- condamnés à trois mois de prison ferme et le dixième à deux
- ailleurs, les plaignants dénoncent également la violation de
- plusieurs normes
- internationales du travail qui ne concernent pas le respect de
- la liberté
- syndicale.
- 233. Les versions des plaignants et du gouvernement sur
- cette affaire
- diffèrent à plusieurs égards. Cependant, il apparaît à la lumière
- des
- informations disponibles que, à la suite des différentes
- demandes
- d'intervention faites devant le BIT et du dépôt des plaintes
- formelles en
- violation de la liberté syndicale, le ministre de l'Energie et des
- Mines a
- reçu le 27 décembre 1988 les membres du bureau national de
- la CDT et qu'une
- certaine négociation s'est engagée qui n'a pas abouti, bien au
- contraire,
- puisque 14 travailleurs grévistes ont été condamnés.
- Néanmoins, tant les
- plaignants que le gouvernement s'accordent à dire que, dès le
- 9 février 1989,
- en présence du ministre de l'Energie et des Mines, une
- Commission
- parlementaire des affaires économiques, de l'emploi, de
- l'énergie et des mines
- de la Chambre des représentants s'est réunie pour examiner la
- situation à la
- mine de Jérada. Selon la CDT, cette commission s'est réunie à
- la demande des
- députés de la CDT et de l'opposition et elle a décidé la tenue
- d'une réunion
- le 16 février 1989, à Oujda, présidée par le directeur du
- Département des
- mines du ministère concerné et à laquelle devaient prendre
- part les
- représentants de la Direction des charbonnages de Jérada et
- les représentants
- syndicaux pour examiner le cahier de revendications des
- mineurs de Jérada. En
- revanche, d'après le gouvernement, c'est à l'initiative même du
- gouvernement
- et afin d'élever le niveau des débats concernant les
- revendications des
- syndicats que ladite commission a été nommée. Au cours des
- discussions au sein
- de cette commission, toute la lumière a été jetée sur la
- situation financière
- des charbonnages et sur l'importance des investissements en
- cours dans cette
- exploitation lourdement déficitaire. Il a été démontré, chiffres à
- l'appui,
- que le maintien de cette activité ne vise avant tout qu'un
- objectif social. Le
- gouvernement admet toutefois que pour répondre aux
- doléances des travailleurs
- et sur proposition du ministre, les membres de ladite
- Commission parlementaire
- des affaires économiques de la Chambre des représentants
- ont décidé de
- poursuivre le dialogue à Oujda au niveau d'une commission
- présidée par le
- directeur des mines et regroupant les responsables des
- charbonnages et des
- différents syndicats.
- 234. D'après le gouvernement, les travaux de cette
- commission ont abouti à
- la signature de protocoles d'accord entre les différentes parties
- et à la
- reprise du travail à partir du 18 février 1989.
- 235. En ce qui concerne les actions de représailles
- antisyndicales qui ont
- été perpétrées à l'encontre des travailleurs grévistes et des
- délégués à la
- sécurité, le gouvernement prétend qu'à la suite des requêtes
- individuelles
- déposées par des agents séquestrés au fond, le 26 décembre
- 1988, dix agents
- ont été interpellés par le tribunal qui les a condamnés, puis
- remis en liberté
- provisoire. Par ailleurs, il affirme que quatre autres arrestations
- ont eu
- lieu pour atteinte à la liberté du travail, que l'un des inculpés a
- été libéré
- et que les trois autres ont été condamnés à un mois de prison
- ferme. Enfin, il
- nie formellement que le secrétaire général local de la CDT de
- Jérada ait
- jamais été arrêté. Au contraire, affirme-t-il, il a exercé ses
- activités
- durant toute la durée du conflit. En outre, d'après le
- gouvernement, le local
- de la CDT n'a pas été fermé.
- 236. Dans ces conditions, le comité rappelle l'importance qu'il
- attache au
- principe selon lequel la grève est un des moyens légitimes dont
- les
- travailleurs doivent pouvoir disposer pour faire valoir leurs
- revendications
- économiques et sociales.
- 237. Le comité note avec préoccupation que dans cette
- affaire des délégués
- syndicaux ont été suspendus et que des travailleurs grévistes
- ont été
- poursuivis et, pour certains, condamnés à un mois de prison
- ferme et que
- certains ont été accusés de distribution de tracts de nature à
- nuire à l'ordre
- public. A cet égard, le comité ne peut qu'insister sur le fait
- qu'un des
- principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les
- travailleurs
- doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous
- actes de
- discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en
- matière
- d'emploi - licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes
- préjudiciables - et que cette protection est particulièrement
- souhaitable en
- ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que
- pour pouvoir remplir
- leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci
- doivent avoir la
- garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du
- mandat syndical
- qu'ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie d'une
- semblable
- protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre
- nécessaire pour
- assurer le respect du principe fondamental selon lequel les
- organisations de
- travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants.
- 238. En ce qui concerne la liberté d'expression des
- syndicalistes, le comité
- rappelle que le plein exercice des droits syndicaux exige la
- libre circulation
- des informations, et donc éventuellement la distribution de
- tracts, et que les
- travailleurs et les employeurs, tout comme leurs organisations,
- devraient
- jouir de la liberté d'opinion et d'expression dans leurs
- publications et
- autres activités syndicales.
- 239. En ce qui concerne les peines d'emprisonnement qui
- ont frappé des
- syndicalistes pour faits de grève, le comité rappelle que le
- développement de
- relations professionnelles harmonieuses peut être compromis
- par une attitude
- inflexible dans l'application aux travailleurs de sanctions
- sévères, en
- particulier de sanctions pénales pour faits de grève. En
- conséquence, toute
- sanction contre des activités illégitimes liées à des grèves
- devrait être
- proportionnée au délit commis. Par ailleurs, les arrestations de
- grévistes
- comportant de graves risques d'abus et de sérieux dangers
- pour la liberté
- syndicale, les autorités compétentes devraient recevoir des
- instructions
- appropriées afin de prévenir les risques que ces arrestations
- peuvent avoir
- pour la liberté syndicale. Les autorités publiques ne devraient
- pas avoir
- recours aux mesures d'emprisonnement en cas d'organisation
- ou de participation
- à une grève pacifique.
- 240. Le comité se félicite de ce que, semble-t-il, ce conflit
- social ait
- trouvé une solution à la satisfaction des parties.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 241. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité rappelle l'importance qu'il attache au principe selon lequel la grève est un des moyens légitimes dont devraient pouvoir disposer les travailleurs pour faire valoir leurs revendications économiques et sociales.
- b) Le comité rappelle également que toute sanction contre des actions illégitimes liées à des grèves devrait être proportionnée au délit commis et que les autorités ne devraient pas avoir recours aux mesures d'emprisonnement en cas d'organisation et de participation à une grève pacifique.