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- 355. Dans une communication du 7 novembre 1988, la Centrale indienne des syndicats (CITU) a présenté des allégations de violation des droits syndicaux contre le gouvernement de l'Inde. Le gouvernement a envoyé ses observations sur le cas dans des communications datées du 18 octobre 1989 et du 10 avril 1990.
- 356. L'Inde n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 357. Le plaignant a présenté une série d'allégations concernant des violations des droits syndicaux qui auraient été commises à l'encontre de syndicats de l'Etat d'Orissa qui lui sont affiliés. Ces allégations portent principalement sur les points suivants: i) ingérence de la direction du Projet de l'eau lourde et du gouvernement de l'Etat d'Orissa dans les affaires internes du Syndicat des travailleurs du projet de l'eau lourde (HWPEU); ii) arrestations arbitraires, suspensions et autres formes de harcèlement des militants syndicaux; et iii) déni du droit des syndicats affiliés à la CITU d'organiser des réunions entre janvier et mai 1988.
- 358. Le plaignant déclare que le HWPEU a été créé en 1975 et qu'il a obtenu son certificat d'enregistrement en juillet 1976. C'est le seul syndicat qui représente les travailleurs du Projet de l'eau lourde, à Talcher, et il est reconnu en tant que tel par la direction depuis plusieurs années.
- 359. Le HWPEU organise des élections internes entre janvier et mars de chaque année sur la base de la liste des membres arrêtée au 31 décembre de l'année précédente. Lors des élections qui se sont tenues en février 1987, MM. M.D. Parida, G.C. Satpathi et R.C. Nanda ont été élus respectivement président, secrétaire général et trésorier. MM. Bairagi et N.C. Parida ont été élus vice-présidents (le comité ainsi constitué sera dénommé ci-après "comité Parida"). Les résultats de ces élections ont été communiqués à toutes les autorités compétentes, y compris au Commissaire à la main-d'oeuvre et Greffier des syndicats d'Orissa.
- 360. Le 6 mars 1987, l'assemblée générale du HWPEU a décidé à l'unanimité d'expulser M. Bairagi du syndicat au motif qu'il aurait "agi contre l'intérêt du syndicat". Quelque temps plus tard, M. Bairagi a réuni des signatures pour pouvoir organiser une assemblée générale extraordinaire du syndicat. Selon le plaignant, ces signatures auraient été obtenues sous la menace, avec le soutien actif de la "police et de l'administration locales". Une prétendue "assemblée extraordinaire" s'est tenue le 5 mai 1987. Elle s'est déclarée "profondément mécontente du mode de fonctionnement de l'actuel comité exécutif présidé par M.D. Parida et de son attitude hostile aux travailleurs". Elle a également prétendu accepter l'affiliation de 35 nouveaux membres et élire un nouveau comité exécutif avec M. Bairagi comme président et M. R.K. Das comme secrétaire général (ci-après dénommé le "comité Bairagi"). Les décisions de cette assemblée générale ont permis d'obtenir le blocage des comptes bancaires du syndicat. En raison des vives objections manifestées par la CITU, la banque en question a annulé l'ordre de blocage le 11 mai 1987.
- 361. A la suite de la publication des résolutions adoptées à l'assemblée du 5 mai, la direction du Projet de l'eau lourde a demandé au Commissaire à la main-d'oeuvre de déterminer lequel des deux "comités" était le véritable comité exécutif du syndicat. Un commissaire adjoint à la main-d'oeuvre a été chargé d'examiner la question. Le comité Parida a présenté une pétition signée par une large majorité des membres du syndicat, dans laquelle ils affirmaient leur allégeance au comité exécutif élu en février 1987. Malgré cela, le Commissaire adjoint à la main-d'oeuvre n'a pas mené d'enquête en bonne et due forme au sujet des questions qu'il était chargé d'élucider.
- 362. Malgré ces événements, la direction du projet a continué de négocier avec le comité Parida et elle a signé avec lui, le 26 février 1988, un accord sur certains points. Cependant, le 20 février 1988, le Commissaire à la main-d'oeuvre a déclaré "de façon tout à fait arbitraire et fantaisiste, sans avoir procédé à une vérification appropriée des antécédents, que le comité Bairagi était le véritable comité exécutif". Le 22 février 1988, sur la base de cette décision, le magistrat local, en vertu de l'article 144 du Code de procédure pénale, a pris une ordonnance interdisant l'accès des locaux du syndicat au comité Parida et aux membres ordinaires du syndicat. Cette ordonnance a expiré le 22 avril 1988. Après cette date, le comité Parida a essayé à plusieurs reprises d'avoir accès aux locaux du syndicat. Le 31 juillet 1988, la direction, la police locale et les autorités locales ont fini par occuper de force ces locaux. Le drapeau de la CITU a été déchiré puis remplacé par le drapeau du Congrès-I. Des "éléments antisociaux" et des membres armés des forces de police "ont proféré des menaces de mort et de violence physique" à l'encontre des dirigeants du syndicat élus démocratiquement. Le soir même, M. Parida a porté plainte auprès de la police à propos de cet incident.
- 363. Le 28 janvier 1988, le comité Parida a entamé les procédures en vue des élections de 1988 du HWPEU. Les élections ont eu lieu le 25 février 1988 et les résultats ont été publiés le jour même. M.D. Parida a été déclaré président élu. Ce jour-là, R.K. Das a obtenu une ordonnance interlocutoire visant à empêcher le comité Parida d'annoncer les résultats de cette élection. La requête de M. Das était fondée sur la décision prise le 20 février 1988 par le Commissaire à la main-d'oeuvre. Par la suite, cette ordonnance interlocutoire a été annulée au motif qu'il ne convenait pas de s'ingérer dans une affaire qui était en instance devant la Haute Cour.
- 364. Le 27 février 1988, la direction du projet a indiqué qu'elle n'aurait plus aucun contact avec le syndicat dirigé par M. Parida ni avec celui dirigé par M. Bairagi, bien qu'elle ait poursuivi des négociations avec le premier jusqu'au 26 février.
- 365. Le plaignant allègue que les démarches du Commissaire à la main-d'oeuvre et du Commissaire adjoint à la main-d'oeuvre ont été fortement influencées par les dirigeants du parti du Congrès-I de l'Etat d'Orissa. Le 24 février 1988, 241 membres du syndicat ont présenté un mémorandum à cet effet au Commissaire principal à la main-d'oeuvre de New Delhi. Ils lui ont également demandé d'intervenir auprès de la direction du projet, des autorités chargées du maintien de l'ordre public et du Commissaire à la main-d'oeuvre afin de veiller à ce que justice soit faite dans cette affaire. Un mois plus tard, le 24 mars 1988, le comité Parida engageait auprès de la Haute Cour une action contestant la décision du 20 février 1988. Cette action est encore en instance.
- 366. Le 29 février 1988, G.C. Satpathi (trésorier du comité Parida) a été suspendu de ses fonctions alors qu'il participait, en qualité de membre d'une délégation syndicale, à une rencontre avec la direction du projet. Toutes les accusations portées contre lui sont fausses. Le président du syndicat, M. Parida, a été suspendu le 20 avril 1988 sans qu'aucune charge eût été relevée contre lui. Le 23 juillet 1988, il a été annoncé qu'une retenue de deux à cinq jours de salaire serait imposée à quelque 80 travailleurs. La seule explication donnée a été qu'ils "n'avaient pas fait leur travail". Le plaignant considère que ces suspensions de fonctions et ces retenues de salaire constituent des actes de harcèlement antisyndical.
- 367. Le plaignant affirme, en outre, que les autorités ont porté des accusations pénales non justifiées à l'encontre de certains membres de ses syndicats affiliés. Ces accusations visent à entraver l'exercice des droits syndicaux des personnes concernées. Un certain nombre de leurs allégations ont déjà été réfutées par les tribunaux.
- 368. En revanche, la police de Talcher, au dire du plaignant, n'aurait pas donné suite aux informations fournies par des membres de syndicats affiliés à la CITU relatives à des cas de torture, de violences et de menaces de mort.
- 369. Le fait que personne n'ait été inculpé pour ces délits cadre bien avec l'attitude générale d'hostilité de la police envers la CITU et ses syndicats affiliés, comme en témoigne son refus d'autoriser la CITU à organiser une seule réunion entre janvier et mai 1988. La réunion du 1er mai, fête du travail, figure parmi celles qui n'ont pas été autorisées. Le 4 août 1988, une réunion a été autorisée mais seulement pour les orateurs placés dans la tribune et 240 membres du HWPEU. La police a empêché l'accès à cette réunion à toutes les autres personnes souhaitant y participer.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 370. Dans sa communication du 18 octobre 1989, le gouvernement a répondu aux allégations relatives au conflit entre le comité Parida et le comité Bairagi du HWPEU.
- 371. Le gouvernement récuse l'allégation selon laquelle les signatures des travailleurs visant à convoquer la réunion du 5 mai 1987 auraient été obtenues par la force. En fait, une faction du syndicat a convoqué une assemblée générale extraordinaire qui a dissous le comité exécutif existant, élu de nouveaux dirigeants et demandé à la direction du projet de les reconnaître.
- 372. Il est également incorrect de soutenir que le Commissaire adjoint à la main-d'oeuvre n'a pas examiné l'affaire. Au contraire, après avoir mené une enquête détaillée, le Commissaire à la main-d'oeuvre a informé la direction du projet que l'élection du nouveau comité exécutif était valide et que celui-ci bénéficiait du soutien de la majorité.
- 373. Le gouvernement signale que, le 24 mars 1988, le comité Parida a intenté une action devant la Haute Cour d'Orissa pour contester la décision du Commissaire à la main-d'oeuvre. La Cour a ordonné aux parties de comparaître pour exposer leurs motifs, ce qui signifie que l'affaire jugée est sérieuse. Cependant, elle n'a pas rendu d'ordonnance suspensive, qui aurait pu, par exemple, confirmer le comité Parida dans ses fonctions jusqu'à la décision finale. Dans ces conditions, la direction du projet a donc décidé de reconnaître provisoirement le comité Bairagi, sous réserve du résultat de l'action engagée devant la Haute Cour d'Orissa. Conformément à cette décision, la direction du projet a demandé au comité Parida de restituer les locaux du syndicat. Devant le refus d'obtempérer, la direction n'a eu d'autre ressource que de forcer les serrures et de remettre les locaux au comité Bairagi. Cette démarche a été effectuée en présence de la police qui n'est toutefois intervenue à aucun moment, et tout s'est déroulé dans le calme.
- 374. Dans sa communication datée du 10 avril 1990, le gouvernement déclare que l'affirmation selon laquelle MM. Satpathi et M.D. Parida auraient été suspendus sans que des charges aient été relevées contre eux n'est pas correcte. Des accusations ont été portées contre les deux dirigeants, et elles sont en instance depuis le 29 février 1988 et le 20 avril 1988, respectivement. Le tribunal administratif central a été saisi du cas de M. Satpathi, tandis que des procédures ont été engagées contre M. Parida à l'échelon départemental.
- 375. Pour ce qui est des accusations non justifiées qui auraient été portées au pénal contre des membres du HWPEU, le gouvernement déclare que dans trois cas elles se fondaient sur l'article 107 du Code de procédure pénale. Cette disposition vise à prévenir les actes de violence ou autres délits lorsque l'on craint qu'il ne s'en produise. Des mesures préventives ont été prises pour maintenir l'ordre public en raison du conflit qui opposait deux groupes rivaux de travailleurs. Ces mesures ne constituent en rien une atteinte à la liberté syndicale des travailleurs en question.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 376. Les plaintes présentées dans cette affaire portent sur trois points principaux: i) ingérence de la direction du Projet de l'eau lourde et du gouvernement de l'Etat d'Orissa dans les affaires internes du HWPEU, syndicat affilié à l'organisation plaignante; ii) arrestations arbitraires, suspension et autres formes de harcèlement de militants syndicaux; et iii) déni du droit des syndicats affiliés à la CITU d'organiser des réunions entre janvier et mai 1988.
- 377. Le comité note que les événements qui font l'objet de cette plainte ont eu lieu au cours du premier semestre de 1988 et que le plaignant a transmis ses allégations au Bureau en novembre 1988. Le comité reconnaît que ce n'est pas un "cas urgent" puisqu'il ne s'agit pas de "la vie ou (de) la liberté d'individus", ni de "conditions nouvelles affectant la liberté d'action d'un mouvement syndical dans son ensemble", pas plus que d'"un état permanent d'urgence" ou de "la dissolution d'une organisation". (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 3e édition, 1985, paragr. 55.) Cependant, le comité se déclare préoccupé par le fait que le gouvernement n'a fourni de réponse incomplète aux allocations du plaignant que 18 mois après que le Bureau les lui eut transmises. Ceci est particulièrement regrettable étant donné que: a) deux des travailleurs visés par les allégations sont encore suspendus de leurs fonctions; b) le gouvernement n'a, en fait, pas répondu à toutes les allégations du plaignant. En particulier, il n'a pas répondu aux allégations concernant: i) le déni du droit des syndicats affiliés à la CITU d'organiser des réunions entre janvier et mai 1988; ii) le fait qu'il n'y a pas eu d'enquête au sujet de la plainte que M. M.D. Parida a déposée devant la police le 31 juillet 1988; et iii) la retenue de deux à cinq jours de salaire imposée à 80 travailleurs du Projet de l'eau lourde le 23 juillet 1988. Le comité demande au gouvernement de répondre d'urgence à ces allégations. Ce faisant, il attire l'attention du gouvernement sur le fait qu'il considère de longue date que les gouvernements devraient reconnaître l'importance qu'il y a, pour leur propre réputation, à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. (Recueil, paragr. 59.)
- 378. En ce qui concerne les poursuites judiciaires prétendument engagées à tort contre des syndicats et les dirigeants syndicaux, le gouvernement a déclaré que, pour trois cas, elles se fondaient sur une disposition du Code de procédure pénale visant à prévenir des actes de violence ou autres actes délictueux. Cependant, il ne fournit aucune information sur la nature des prétendus délits, ni sur les jugements rendus par les tribunaux. De plus, la réponse du gouvernement se réfère à trois cas seulement. Le plaignant a allégué que, de décembre 1987 à août 1988, des poursuites au titre de l'article 107 ont été engagées contre 44 membres de ses syndicats affiliés. Il prétend également qu'une action pénale (dont la nature n'a pas été précisée) a été engagée contre 23 autres membres pendant la même période. Le plaignant a fourni des preuves écrites pour 22 cas de syndicalistes poursuivis en vertu de l'article 107, ainsi qu'au sujet d'une autre affaire. Le comité demande au gouvernement de lui communiquer des renseignements plus détaillés sur les inculpations prononcées, le 16 mars 1988, contre 22 personnes nommément désignées et sur le résultat de toute instance judiciaire.
- 379. Pour ce qui est de la suspension de MM. Satpathi et M.D. Parida de leurs fonctions, le comité observe que, selon le gouvernement, des charges ont été relevées contre les deux travailleurs: le cas de M. Satpathi est en instance devant le Tribunal administratif central, et une procédure interne est en cours contre M. Parida. Le gouvernement ne fournit pas d'informations sur la nature des allégations concernant ces deux travailleurs, bien que le plaignant ait donné des détails sur les accusations portées par la direction du projet contre M. Satpathi (qui ont trait essentiellement au fait qu'il a participé, le 29 février 1988, à une manifestation bruyante, pendant les heures de travail et sur le lieu de travail).
- 380. D'après les preuves dont il dispose, le comité n'est pas en mesure d'exprimer une opinion et de dire si les mesures d'ordre disciplinaire visant MM. Satpathi et Parida ont constitué une discrimination antisyndicale selon les principes de la liberté syndicale. Il ne peut néanmoins qu'exprimer sa préoccupation devant le fait que ces accusations, formulées il y a plus de deux ans, semblent toujours en instance. Il doit aussi signaler que:
- Un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi - licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables -, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. (Recueil, paragr. 556.)
- Il s'ensuit qu'il faut être très prudent lorsqu'il s'agit d'engager des procédures disciplinaires à l'encontre de travailleurs qui se trouvent être des dirigeants ou militants syndicaux, de façon qu'il n'y ait pas lieu de craindre, raisonnablement, que ces mesures aient un rapport avec les activités syndicales légitimes des travailleurs en cause.
- 381. Afin de pouvoir apprécier correctement les allégations de harcèlement antisyndical dans le cas présent, le comité demande au gouvernement de donner davantage de détails sur les accusations d'ordre disciplinaire portées contre MM. Satpathi et Parida et tous autres dirigeants ou membres du HWPEU. Il demande également au gouvernement de faire en sorte que toutes les accusations en instance fassent l'objet d'une décision judiciaire le plus rapidement possible, et de communiquer au comité le résultat de toutes les procédures pertinentes. Il serait aussi utile au comité de savoir si MM. Satpathi et Parida ont le droit de toucher leur salaire pendant leur suspension.
- 382. Pour ce qui est de l'ingérence prétendue de la direction du Projet de l'eau lourde et du gouvernement de l'Etat d'Orissa dans les affaires internes du HWPEU, le comité rappelle tout d'abord qu'il a toujours considéré qu'il n'avait pas compétence pour formuler des recommandations relatives aux conflits internes des syndicats, tant que ni le gouvernement ni un employeur n'intervient d'une manière qui puisse affecter l'exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal de l'organisation ou des organisations en question. (Voir, par exemple, 217e rapport, cas no 1086 (Grèce), paragr. 93, et 259e rapport, cas no 1410 (Libéria), paragr. 96.) Cela signifie, dans le cas présent, que le comité n'est pas habilité à exprimer son opinion sur la question de savoir si le véritable comité exécutif du HWPEU est le comité Parida ou le comité Bairagi. Il l'est néanmoins pour déterminer si le comportement des autorités publiques et de la direction du Projet de l'eau lourde a été compatible avec les principes de la liberté syndicale.
- 383. Le comité reconnaît la nécessité d'un mécanisme permettant de résoudre les conflits syndicaux internes (relatifs aux élections, à l'administration ou à d'autres questions) grâce à l'intervention d'une tierce partie. Cependant, il est aussi conscient du fait que toute intervention des autorités publiques dans les élections syndicales risque de paraître arbitraire et de constituer une ingérence dans le fonctionnement des organisations de travailleurs incompatible avec leur droit d'élire librement leurs dirigeants. C'est pourquoi, toutes les fois que les autorités publiques doivent intervenir dans les élections, il est important que cette intervention soit soumise à l'examen des autorités judiciaires. (Voir Recueil, paragr. 455-456.)
- 384. Le fait de soumettre les conflits internes à l'examen d'un fonctionnaire comme le Commissaire à la main-d'oeuvre dont la décision est susceptible d'être revue par les tribunaux semble être tout à fait conforme à ces principes. Cependant, dans le cas présent, le plaignant allègue que le Commissaire à la main-d'oeuvre a reconnu le comité Bairagi comme le véritable comité exécutif du HWPEU "de façon tout à fait arbitraire et fantaisiste sans avoir procédé à une vérification appropriée des antécédents, et qu'il a agi ainsi "sur instruction du parti politique au pouvoir"". Le gouvernement rejette l'allégation selon laquelle le Commissaire à la main-d'oeuvre n'aurait pas mené d'enquête en bonne et due forme, et il signale que le comité Parida a ultérieurement contesté la décision du commissaire devant la Haute Cour d'Orissa. Cette action est encore en instance.
- 385. Le comité ne peut qu'être préoccupé par le fait qu'après plus de deux ans on n'a toujours pas trouvé de solution à un conflit concernant la direction d'un syndicat. Cela est d'autant plus regrettable que les élections pour la désignation du comité exécutif du HWPEU ont lieu chaque année, ce qui signifie que, s'il était ultérieurement donné gain de cause aux "perdants" provisoires, cela risquerait d'avoir peu ou pas de répercussion dans la pratique. En revanche, les "vainqueurs" provisoires jouissent des avantages dont l'équipe en exercice ne manque pas de bénéficier lors des élections annuelles suivantes. Par conséquent, le comité demande au gouvernement d'adopter des mesures permettant de résoudre rapidement les conflits syndicaux internes et de l'informer du résultat de l'action engagée devant la Haute Cour dans le cas présent.
- 386. Les preuves dont dispose le comité ne permettent pas de savoir si le Commissaire à la main-d'oeuvre est tenu de présenter par écrit les raisons qui motivent sa décision relative à un conflit tel que celui qui oppose le comité Parida et le comité Bairagi. Le comité estime qu'il est important que ces raisons soient connues pour éviter que l'on puisse soupçonner les autorités publiques d'ingérence arbitraire dans les affaires internes des syndicats. Il conviendrait de tenir compte de ce principe lors de l'examen des modifications législatives suggérées au paragraphe précédent.
- 387. Le comité considère que le respect des principes de la liberté syndicale suppose que les autorités publiques fassent preuve d'une grande retenue en ce qui concerne toute intervention dans les affaires internes des syndicats. Il est plus important encore que les employeurs se comportent avec retenue à cet égard. Ils ne devraient rien faire par exemple qui puisse s'interpréter comme favorisant un groupe au détriment d'un autre au sein d'un syndicat. Dans le cas présent, le fait que la direction du Projet de l'eau lourde ait décidé unilatéralement "d'accorder une reconnaissance provisoire au nouveau comité exécutif, sous réserve du résultat de l'action engagée devant la Haute Cour d'Orissa" n'était pas compatible avec les principes de la liberté syndicale. Cette "reconnaissance" incombait, ou aurait dû incomber, à la Haute Cour. Le fait que la Haute Cour ait refusé d'ordonner que le comité Bairagi soit considéré comme le comité provisoire rend le comportement de la direction d'autant plus inapproprié. De même, le fait que la direction du projet ait participé, le 31 juillet 1988, à la prise de possession par la force des locaux du syndicat n'était pas compatible avec les principes de la liberté syndicale. A supposer qu'il fût nécessaire de forcer l'entrée des locaux, cette affaire était totalement du ressort des autorités publiques. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures législatives ou administratives appropriées pour éviter qu'à l'avenir les employeurs n'interviennent de la sorte dans les affaires internes des syndicats.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 388. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le gouvernement est prié de fournir d'urgence ses commentaires sur les allégations du plaignant relatives: i) au déni du droit des syndicats affiliés à la CITU d'organiser des réunions entre janvier et mai 1988; ii) au fait qu'il n'y a pas eu d'enquête au sujet de la plainte que M. M.D. Parida a déposée auprès de la police le 31 juillet 1988; et iii) à la retenue de deux à cinq jours de salaire imposée à 80 travailleurs du Projet de l'eau lourde, le 23 juillet 1988.
- b) Le gouvernement est prié de fournir des renseignements plus précis sur les accusations pénales portées, le 16 mars 1988, contre 22 personnes nommément désignées et sur le résultat de toute action en justice ultérieure.
- c) Le gouvernement est prié de fournir des renseignements complets sur les accusations d'ordre disciplinaire portées contre MM. Satpathi et Parida et contre tous autres membres ou dirigeants du HWPEU. Il est également prié de veiller à ce que les accusations en suspens fassent l'objet d'une décision le plus rapidement possible, de communiquer au comité le résultat de toutes les procédures pertinentes et d'indiquer si MM. Satpathi et Parida ont le droit de toucher leur salaire pendant leur suspension.
- d) Le gouvernement est prié d'adopter des mesures appropriées permettant de résoudre rapidement les conflits syndicaux internes. Ces mesures devraient prévoir que le fonctionnaire ou le tribunal qui procède à l'examen d'un conflit devra exposer par écrit les raisons de sa décision.
- e) Le gouvernement est prié d'informer, dès que possible, le comité du résultat de l'action intentée devant la Haute Cour par le comité Parida.
- f) Le comité note que les actes de la direction du Projet de l'eau lourde à Talcher, à savoir la reconnaissance unilatérale du comité Bairagi comme comité exécutif provisoire du syndicat, et la participation à la prise de possession par la force des locaux du syndicat, n'étaient pas compatibles avec les principes de la liberté syndicale.
- g) Le gouvernement est prié de prendre les mesures législatives et administratives appropriées pour veiller à ce que les employeurs ne s'ingèrent pas dans les affaires internes des syndicats.