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- 518. La Fédération syndicale mondiale (FSM), la Fédération
- internationale des
- mineurs (FIM), la Confédération générale des travailleurs du
- Pérou (CGTP) et
- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) ont
- présenté une
- plainte contre le gouvernement du Pérou alléguant des
- violations de la liberté
- syndicale. La Fédération syndicale mondiale (FSM) a envoyé
- deux communications
- en date du 9 novembre 1988 et du 21 février 1989; la CISL a
- envoyé une
- communication datée du 13 janvier 1989; la Fédération
- internationale des
- mineurs (FIM) a envoyé une communication en date du 22
- février 1989 et la
- Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) a
- envoyé une
- communication datée du 14 décembre 1988. Le
- gouvernement a envoyé ses
- observations dans des communications en date des 27 février
- et 13 mars 1989 en
- ce qui concerne le cas no 1478, et du 12 avril 1989 en ce qui
- concerne le cas
- no 1484.
- 519. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté
- syndicale et la
- protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no
- 98) sur le
- droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 520. Dans sa communication du 9 novembre 1988, la
- Fédération syndicale
- mondiale (FSM) allègue que le 13 octobre 1988 la
- Confédération générale des
- travailleurs du Pérou (CGTP) a organisé une manifestation de
- protestation pour
- appuyer les revendications des travailleurs tendant à améliorer
- leur situation
- économique et sociale, qui a été réprimée violemment par la
- police et au cours
- de laquelle 50 travailleurs ont été blessés et plus de 900
- arrêtés. Parmi les
- travailleurs arrêtés figurent Pablo Checa, secrétaire général
- adjoint de la
- CGTP, Alberto Ramirez, secrétaire de la CGTP chargé de
- l'organisation, Pedro
- Huilca, secrétaire général de la Fédération syndicale des
- travailleurs de la
- construction civile, et Alipio Centeno, secrétaire général de la
- Fédération
- des travailleurs de l'éclairage et de l'énergie. Beaucoup de
- participants ont
- été matraqués, notamment le sénateur Valentín Pacho,
- et secrétaire général de la CGTP, et le dirigeant syndical
- Ricardo Letts.
- 521. Dans une autre communication datée du 21 février
- 1989, la FSM allègue
- que le 9 février une réunion pacifique d'environ 3.000 paysans
- a été réprimée
- brutalement par des unités de la police nationale et que 88
- paysans ont été
- tués. M. Oscar Delgado, dirigeant des travailleurs des
- douanes, a disparu et
- M. Saúl Cantoral, secrétaire général de la Fédération nationale
- des
- travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie
- (FNTMMSP), a été
- assassiné.
- 522. Dans une communication datée du 22 février 1989, la
- Fédération
- internationale des mineurs (FIM) allègue les assassinats du
- secrétaire général
- de la Fédération nationale des travailleurs des mines, de la
- métallurgie et de
- la sidérurgie du Pérou (FNTMMSP), M. Saúl Cantoral, et de la
- conseillère des
- comités de femmes de mineurs, Mme Consuelo García, par
- des bandes
- paramilitaires, le 13 février 1989, à Lima. La communication
- dénonce aussi la
- disparition, depuis le 14 décembre 1988, du secrétaire général
- du Syndicat des
- travailleurs des douanes, M. Oscar Delgado, comme le fait la
- CISL dans sa
- communication du 13 février 1989. La communication de la
- CISL allègue en outre
- que le 3 janvier 1989 la police a fait irruption de manière
- violente au siège
- de son affiliée, la CTP, et a arrêté le syndicaliste Flavio Rojas
- au moment où
- se réunissait le comité exécutif pour décider un congrès
- extraordinaire
- d'unité syndicale. La CISL ajoute qu'on ne sait pas où se
- trouve le dirigeant
- Rojas.
- 523. Dans sa communication de décembre 1988, la
- Confédération générale des
- travailleurs du Pérou (CGTP) allègue la violation des droits
- d'affiliation
- syndicale et de grève par le gouvernement du Pérou. Le
- plaignant allègue que
- le gouvernement péruvien contrevient de manière flagrante
- aux dispositions des
- articles 1 et 3 de la convention no 87 lorsqu'il déclare illégaux
- tous les
- arrêts de travail et grèves que les organisations syndicales
- décident
- d'effectuer conformément à la législation en vigueur au Pérou
- et par la
- volonté de leurs membres. Le plaignant allègue par ailleurs que
- le
- gouvernement a présenté un projet de loi sur les relations
- collectives de
- travail qui, dans la partie relative à l'exercice du droit de grève,
- contrevient expressément aux principes et aux normes en
- matière de liberté
- syndicale. Le plaignant indique que, dans le cadre d'une
- politique
- d'intimidation et d'hostilité contre les organisations syndicales,
- le
- gouvernement a adopté un ensemble de dispositions
- administratives qui
- constituent des actes de discrimination antisyndicale,
- notamment:
- - l'arrêté no 010-88-9DV-DEN par lequel le ministère du
- Travail déclare
- irrecevable le préavis légal de grève présenté par la CGTP; la
- déclaration
- d'irrecevabilité du préavis de grève entraîne nécessairement la
- déclaration
- d'illégalité de la grève, si cette dernière se produit
- effectivement;
- - l'arrêté no 015-88-ISD-NEC qui confirme la déclaration
- d'illégalité de la
- grève des travailleurs du Syndicat des employés et journalistes
- du quotidien
- "El Nacional", en date du 19 février 1988;
- - l'arrêté municipal no 497 qui déclare illégal l'arrêt de travail
- de 48
- heures décidé par les représentants des travailleurs de la
- municipalité de
- Lima en date du 28 mars 1988;
- - l'arrêté no 022-88-DV-NEC, pris le 28 juin 1988 par le
- ministère du
- Travail, qui déclare illégale la grève décidée par les travailleurs
- affiliés à
- la Fédération des travailleurs de la construction civile, affiliée
- la CGTP;
- - l'arrêté no 0107-88-7DV-DEN, du 14 juillet 1988, par lequel
- le ministère
- du Travail déclare irrecevable le préavis donné par la CGTP
- concernant un
- arrêt national de travail de 48 heures;
- - l'arrêté no 095-88-1SD-NEC du 19 juillet 1988 par lequel le
- ministère du
- Travail confirme l'arrêté no 048-88-1SD-NEC déclarant
- irrecevable le préavis
- de grève présenté par la Fédération nationale des travailleurs
- des mines, de
- la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou;
- - l'arrêté préfectoral no 221-88-INAP/J, du 18 juillet 1988, par
- lequel
- l'Institut national de l'administration publique déclare illégale la
- grève
- organisée par le Syndicat des travailleurs de l'INAP;
- - l'arrêté no 219-88-2DV-DEN, du 11 octobre 1988, par
- lequel le ministère
- du Travail déclare irrecevable le préavis de grève présenté par
- la CGTP.
- 524. La CGTP signale que les trois principaux arguments
- avancés par le
- gouvernement pour justifier ces interdictions sont les suivants:
- 1) les arrêts
- de travail décidés par les travailleurs "ne sont pas fondés
- parce qu'ils ne
- répondent pas à des intérêts syndicaux légitimes mais à
- d'autres mobiles". La
- définition de ces "mobiles" est laissée à la discrétion que les
- autorités
- administratives s'arrogent illégalement. Les dispositions en
- vigueur en
- matière d'exercice do droit de grève (décret suprême no 017
- du 2 novembre
- 1962) exigent seulement que les travailleurs et leurs
- organisations
- communiquent un préavis de grève au moins 72 heures à
- l'avance à l'autorité du
- travail, en indiquant l'heure du vote de la grève, le nombre de
- travailleurs
- votants et le nombre de travailleurs que le syndicat regroupe
- ou qui
- appartiennent à l'entreprise touchée par la grève (article 3 du
- décret suprême
- no 017) ; 2) la grève ne peut être "un moyen de pression
- concernant des
- revendications dont la procédure est dûment prescrite dans les
- règlements
- légaux en vigueur et à laquelle les intéressés doivent se
- conformer de la
- façon et en temps voulus"; 3) si les intéressés (les grévistes)
- "considèrent
- qu'il y a inexécution et/ou violation des dispositions légales ou
- conventionnelles du travail, ils peuvent faire valoir leurs droits
- en
- justice". Dans ces conditions, il est pratiquement impossible
- qu'une grève
- soit déclarée légale au Pérou. Le plaignant ajoute que les
- déclarations
- d'irrecevabilité ou d'illégalité des grèves faites par le ministère
- du Travail
- ou l'Institut national de l'administration publique (INAP), par les
- arrêtés
- administratifs, comportent la menace explicite d'appliquer aux
- travailleurs
- responsables de ces arrêts de travail les motifs de faute grave
- qui donnent
- lieu au licenciement. De même, la CGTP affirme que le décret
- suprême no
- 002-88-TR a été adopté par le gouvernement dans le cadre
- des mesures destinées
- à rendre illégale la convocation par son organisation d'une
- grève nationale le
- 28 janvier 1988; ce décret suprême disposait que les retards
- involontaires des
- travailleurs qui viendraient ce jour-là travailler en ne respectant
- pas
- l'accord de grève ne feraient pas l'objet de déduction dans
- leur rémunération.
- Par des dispositions générales, le gouvernement a accordé
- des augmentations
- spéciales à ceux qui n'ont pas respecté les accords de grève
- de leurs
- organisations syndicales. Le plaignant a envoyé, à titre
- d'exemple, copie du
- décret suprême no 127-88-PCM du 13 octobre 1988.
- Autonomie et privilège syndicaux
- 525. La Confédération générale des travailleurs du Pérou
- (CGTP) allègue que
- le gouvernement a commis de graves violations de l'autonomie
- et du privilège
- syndicaux et elle signale les faits concrets suivants:
- a) interruption de réunions syndicales, empêchant par la
- force qu'elles se
- poursuivent. En septembre 1988, des dirigeants syndicaux et
- des travailleurs
- d'une entreprise d'Etat, le Service industriel de la marine
- (SIMA), ont été
- arrêtés alors qu'ils se mobilisaient pour réclamer le plein respect
- de leurs
- droits de négociation collective et de sécurité de l'emploi;
- b) perquisition de locaux syndicaux, provoquant des
- dommages matériels aux
- locaux et au mobilier, et saisie de biens des organisations
- syndicales. A la
- suite de la grève nationale convoquée par la CGTP pourle 13
- octobre 1988, qui
- réclamait une hausse des salaires correspondant à
- l'augmentation du coût de la
- vie, le respect sans restriction du droit à la sécurité de l'emploi,
- des
- autres droits du travail et des droits syndicaux, le local syndical
- de la CGTP
- (situé à la Place du 2 mai, porte no 48, bureau no 204, à Lima)
- a fait l'objet
- d'une tentative de perquisition par des forces de police qui
- l'ont inondé
- d'eau colorée et ont fait usage de bombes lacrymogènes et
- d'armes à feu,
- provoquant des dommages au local et aux personnes qui se
- trouvaient à
- l'intérieur;
- c) arrestation de dirigeants syndicaux et de travailleurs en
- raison de leur
- activité syndicale. Le 13 octobre 1988, une perquisition
- violente a été
- effectuée au local de la Fédération des travailleurs de
- l'éclairage et de
- l'énergie, organisation affiliée à la CGTP. Cette fédération
- organisait une
- grève générale de durée indéterminée pour appuyer les
- revendications
- présentées à l'entreprise d'Etat ELECTROPERU dans
- l'exercice du droit de
- négociation collective. A cette occasion, la police a maltraité
- et arrêté les
- dirigeants nationaux de la CGTP et des fédérations en conflit,
- notamment M.
- Pablo Checa Ledesma, secrétaire général adjoint de la CGTP,
- M. Alberto Ramírez
- Hernández, secrétaire d'organisation de la CGTP, M. Alipio
- Centeno Romani,
- vice-président de la CGTP et secrétaire général de la
- Fédération des
- travailleurs de la construction civile, M. Jaime Villaseca
- Zeballos,
- secrétaire régional du nord de la Fédération de travailleurs de
- l'éclairage et
- de l'énergie, M. Grover Angues Peña, secrétaire des relations
- extérieures du
- Syndicat du système électrique interconnecté, outre d'autres
- dirigeants
- syndicaux et travailleurs de la base qui ont été faussement
- accusés d'avoir
- commis des délits contre l'ordre et la sécurité publics, en
- relation avec des
- actions de caractère terroriste et subversif: ils ont été libérés
- par la suite
- lorsqu'il a été pleinement établi que ces accusations étaient
- dénuées de
- fondement et que les arrestations étaient arbitraires;
- d) ingérence dans l'organisation et la tenue de
- manifestations de caractère
- syndical par le refus d'accorder les autorisations
- correspondantes et
- l'agression violente des syndicalistes manifestants. Le 21
- octobre 1988, des
- forces de la police judiciaire du Pérou e t de lagarde civile ont
- perquisitionné le local syndical de la Fédération nationale des
- travailleurs
- des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou
- (FNTMMSP) alors que
- se tenait une réunion du Conseil exécutif national concernant
- la négociation
- des revendications fédérales et la grève générale de durée
- indéterminée qui
- avait repris depuis le 17 octobre en raison du refus des
- employeurs (la
- Société nationale des mines) de négocier au sujet de ces
- revendications. Vingt
- personnes ont été arrêtées parmi les dirigeants nationaux et les
- conseillers
- de la fédération également accusées d'avoir commis des délits
- contre l'ordre,
- la sécurité et la paix publics et d'avoir participé à des actions
- de caractère
- subversif; elles ont toutefois été libérées ensuite lorsque leur
- innocence
- totale a été établie. En outre, les forces de police ont saisi
- divers
- documents appartenant à la fédération et une machine à
- polycopier utilisée
- pour la presse syndicale et elles ont endommagé le mobilier et
- d'autres biens
- ainsi que les locaux syndicaux;
- e) le 7 novembre 1988 a été arrêté M. Mario Pizarro Rubio,
- président du
- Cercle de chefs et de fonctionnaires du Service des eaux et
- de
- l'assainissement de Lima (SEDAPAL), qui est une entreprise
- d'Etat. Ce
- travailleur est affilié au syndicat de ladite entreprise, lequel est
- affilié à
- la Fédération nationale des travailleurs des eaux et de
- l'assainissement
- (FENTAP), elle-même affiliée à la CGTP. M. Mario Pizarro a été
- remis à la
- sous-direction contre le terrorisme de la police judiciaire du
- Pérou,
- faussement accusé d'avoir commis des actes de caractère
- subversif et il a été
- libéré deux jours plus tard, son innocence totale ayant été
- pleinement
- établie.
- 526. Les jours suivants, des dirigeants et des travailleurs des
- mines, de la
- banque, du textile et d'autres branches ont été arrêtés pour le
- simple fait
- d'avoir favorisé et participé à des réunions et manifestations
- demandant le
- plein respect des droits individuels et collectifs; les personnes
- arrêtées ont
- subi des mauvais traitements physiques et de graves lésions.
- Dans tous les cas
- mentionnés, la police a justifié son action par la déclaration de
- l'état
- d'urgence dans différentes régions du pays en vertu du décret
- suprême no
- 032-88-IN, lequel, en application de l'article 231, alinéa a), de
- la
- Constitution politique de l'Etat en vigueur dans le pays
- suspend les droits
- civils prévus à l'article 2, sous-paragraphes 7, 9, 10 et 20,
- alinéa g), de la
- Constitution, concernant les droits d'inviolabilité du domicile, de
- libre
- choix du lieu de résidence et de liberté de mouvement sur le
- territoire
- national, la liberté de réunion pacifique sans autorisation
- préalable et
- l'interdiction de procéder à une arrestation sans mandat
- judiciaire sauf en
- cas de flagrant délit; l'action de la police est fondée aussi sur
- la
- présomption que les réunions ayant lieu dans les locaux
- perquisitionnés
- avaient pour but de coordonner l'exécution d'actes délictueux
- liés à des actes
- de caractère subversif dont souffre le pays et que les
- organisations
- syndicales impliquées avaient décidé de troubler l'ordre, la paix
- et la
- sécurité publics. Cependant, dans tous ces cas, il a été
- pleinement prouvé que
- les perquisitions, arrestations, saisies et agressions physiques
- contre des
- diri geants et des travailleurs syndicalistes n'ont aucun lien
- avec les
- situations qui ont motivé la déclaration de l'état d'urgence,
- qu'aucun acte
- défini dans la législation pénale en vigueur n'a été commis et
- qu'au contraire
- ce sont les droits et libertés individuels et civils fondamentaux
- qui ont été
- violés.
- 527. Le plaignant affirme que les faits mentionnés montrent
- que dans aucune
- des situations décrites il n'y a eu de dénonciation ni de plainte
- pour des
- faits délictueux avant les perquisitions et arrestations. En outre,
- il a été
- pleinement établi au cours de l'instruction que les personnes
- arrêtées
- n'avaient commis aucun acte délictueux et c'est la raison pour
- laquelle elles
- ont été libérées avant même que les autorités judiciaires ne se
- prononcent sur
- les recours d' habeas corpus interjetés par les dirigeants des
- organisations
- syndicales concernées. Par ailleurs, les mesures adoptées par
- le gouvernement
- dans les situations susmentionnées n'ont aucun lien avec les
- raisons qui ont
- motivé la déclaration de l'état d'urgence par le décret suprême
- no 032-88-IN
- ni avec le décret suprême précédent no 002-86-IN qui justifie
- l'état d'urgence
- par l'augmentation des actes de violence à Lima et Callao,
- d'où la nécessité
- de prendre des mesures exceptionnelles pour rétablir l'ordre
- public; il est de
- notoriété publique que ces dispositions légales concernent les
- activités de
- groupes subversifs armés et en aucun cas les actions
- syndicales exercées par
- les travailleurs.
- 528. Les plaignants signalent que non seulement il a été
- amplement démontré
- que les raisons avancées par les autorités de police pour
- procéder aux
- perquisitions et attaques contre les locaux syndicaux, à
- l'arrestation de
- dirigeants de travailleurs et à la saisie de biens et de
- documents sont
- dénuées de fondement, mais qu'il existe aussi des preuves
- suffisantes que ces
- actes avaient pour but délibéré d'entraver, de limiter et
- d'empêcher
- l'exercice des droits et libertés inhérents à la liberté syndicale,
- comme le
- prouve le fait que toutes les interventions de la police ont eu
- lieu à un
- moment où les travailleurs exerçaient leurs droits syndicaux soit
- en se
- réunissant dans leurs locaux respectifs, soit en exerçant le
- droit de grève ou
- lors de manifestations publiques pour la défense de leurs droits
- et intérêts
- et sans qu'il y ait eu le moindre indice ni la moindre preuve que
- les
- syndicalistes aient préparé ou commis des actes délictueux. La
- volonté
- politique d'empêcher l'activité syndicale ressort aussi de la
- déclaration
- faite par certaines autorités policières et politiques annonçant
- que "par
- ordre supérieur, il a été décidé l'arrestation de toutes les
- personnes
- impliquées dans la fédération car ces actions (les actions
- syndicales) créent
- le chaos dans le pays...".
- 529. La CGTP se réfère au projet de loi sur les relations
- collectives de
- travail et allègue que ce projet contrevient expressément aux
- principes de la
- libre négociation et de l'autonomie conventionnelle en
- établissant une
- première étape de contacts directs au cours de laquelle les
- travailleurs et
- les employeurs ont un délai déterminé (trente jours) pour
- parvenir à un accord
- sur le contenu du contrat collectif. Si l'accord ne se fait pas, le
- différend
- est résolu par l'autorité de travail dont la décision est sans
- appel et
- d'exécution obligatoire. Le plaignant signale en outre que ce
- projet de loi
- est incompatible avec les conventions nos 87 et 98 parce qu'il
- établit de
- manière obligatoire les modalités de négociation collective, en
- précisant
- quels sont les niveaux de la négociation, l'entrée en vigueur
- du contrat
- collectif, etc.
- 530. La CGTP se réfère aussi au décret suprême no
- 041-88-TR qui fixe des
- plafonds pour les augmentations supplémentaires de
- rémunération convenues ou à
- convenir dans les conventions collectives ainsi que celles qui
- sont fixées par
- décision administrative ou par sentence arbitrale. A cet égard,
- le plaignant
- allègue que ce décret limite l'autonomie collective des
- participants à la
- négociation et que le rôle de l'Etat, conformément à la
- législation nationale,
- consiste uniquement à garantir le droit de négociation
- collective, à
- réglementer par la loi la procédure relative au règlement
- pacifique des
- conflits du travail et à n'intervenir de façon définitive dans une
- négociation
- collective déterminée que si les parties ne parviennent pas à
- se mettre
- d'accord. Le plaignant souligne que le décret suprême
- 041-88-TR a été
- promulgué à un moment où le gouvernement a adopté une
- série de mesures
- économiques dont le résultat a été que l'inflation, en
- septembre 1988, a
- atteint 114,5 pour cent, ce qui montre bien que les
- considérations de justice
- sociale et d'intérêt général étaient absentes de ces mesures
- qui ont affecté
- la grande majorité du pays: l'inflation prévue pour la fin de
- l'année 1988
- atteignait 2.000 pour cent et, pour cette année, le taux prévu
- est de 39.000
- pour cent. Il a été dérogé à ce décret suprême, mais le
- plaignant demande que
- le Comité de la liberté syndicale se prononce à son sujet car le
- texte reflète
- la politique de travail du gouvernement.
- 531. Enfin, la CGTP demande au comité, vu les violations
- graves et
- systématiques des principes de la liberté syndicale et le
- caractère dramatique
- de la situation actuelle, de décider la visite immédiate d'une
- commission
- spéciale chargée de s'occuper de la situation extrêmement
- grave des
- travailleurs péruviens.
- B. Réponse du gouvernement
- 532. Dans une communication du 9 février 1989, le
- gouvernement envoie ses
- observations sur les allégations présentées par la FSM au sujet
- de la journée
- nationale de protestation organisée par la Confédération
- générale des
- travailleurs (CGTP) le 13 octobre 1988, et il signale à ce sujet
- que cette
- manifestation s'est déroulée de façon pacifique mais qu'on a
- observé des cas
- isolés d'affrontements entre travailleurs et forces de l'ordre, ce
- qui a
- motivé quelques arrestations pour assurer la sécurité et l'ordre
- public et le
- respect de la police nationale, mais qu'après les vérifications et
- formalités
- d'usage les personnes arrêtées ont été remises immédiatement
- en liberté. Le
- gouvernement ajoute que comme il s'agit de questions
- relevant du ministère de
- l'Intérieur un complément d'informations a été demandé; le
- gouvernement
- péruvien respecte le fonctionnement normal et pacifique des
- organisations
- syndicales et leurs dirigeants, comme cela est prévu dans les
- dispositions
- légales en vigueur en matière de travail prises en application
- des conventions
- internationales, et la police n'intervient que lorsqu'il s'agit de
- contrôler
- les excès qui troublent l'ordre public et qui sont dus à des faits
- indépendants de l'activité syndicale.
- 533. Dans sa communication du 13 mars 1989, le
- gouvernement envoie des
- informations détaillées sur les allégations présentées par la
- CGTP et signale
- qu'après consultation de la Direction générale des relations du
- travail les
- allégations présentées par la CGTP peuvent se réduire à trois
- points
- importants:
- a) violation du droit de grève au Pérou;
- b) contestation de l'avant-projet de loi sur les relations
- collectives de
- travail en ce qui concerne le droit de négociation collective et
- le droit de
- grève;
- c) arrestation arbitraire de dirigeants syndicaux et violation de
- leurs
- droits civils.
- 534. Le gouvernement souligne que, comme l'indiquent les
- plaignants
- eux-mêmes, le gouvernement péruvien reconnaît et respecte
- les nombreux
- instruments internationaux sur la prévention de la
- discrimination, tels que la
- Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte
- international relatif
- aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte
- international relatif
- aux droits civils et politiques, ainsi que les conventions nos 87
- et 98.
- 535. Le gouvernement signale que, conformément à ces
- engagements, la
- constitution politique du Pérou établit expressément le droit de
- négociation
- collective à l'article 54 où il est stipulé que les conventions
- collectives de
- travail ont force de loi pour les parties. L'Etat garantit le droit de
- négociation collective. La loi énonce les procédures à suivre
- pour le
- règlement pacifique des conflits du travail. L'intervention de
- l'Etat n'a lieu
- et n'est définitive qu'en l'absence d'accord entre les parties, et
- l'article
- 55 garantit le droit de grève des travailleurs. Ce droit est
- exercé de la
- façon prévue par la loi. Par conséquent, conformément aux
- dispositions de
- l'article 55, on peut affirmer catégoriquement qu'il n'est pas vrai
- que toutes
- les grèves soient déclarées illégales au Pérou, comme le
- soutiennent les
- plaignants. Il convient d'ajouter que l'exercice de ce droit, par
- sa nature,
- constitue un moyen légitime de pression à l'égard de
- l'employeur et qu'il doit
- être exercé en respectant les prescriptions et exigences
- établies par la loi.
- Il y a de nombreuses grèves qui ne sont pas déclarées
- illégales et qui, au
- contraire, sont admises par l'autorité administrative du travail:
- tel est le
- cas lorsque les conditions fixées par le décret suprême no 017
- du 2 novembre
- 1962 sont remplies et dans les cas suivants:
- 1) Lorsque la grève a lieu parce que l'employeur commet une
- violation
- notoire et évidente des normes légales et/ou conventionnelles
- du travail
- (non-paiement des salaires, des gratifications, des primes et
- autres avantages
- clairement établis).
- 2) Lorsque dans la négociation collective la grève a lieu
- pendant la phase
- des contacts directs ou du conseil de conciliation et que l'on
- considère
- qu'elle est utilisée comme un moyen légitime de pression
- contre l'employeur.
- 3) Lorsqu'en général il existe des raisons suffisantes de
- déclarer la grève
- contre un employeur. La grève est déclarée irrecevable et
- illégale dans les
- cas suivants:
- 1) En cas de non-respect des conditions fixées à l'article 3
- du décret
- suprême no 17, à savoir: notifier à l'autorité l'arrêt de travail
- avec un
- préavis d'au moins 72 heures, en indiquant l'heure du vote de
- la déclaration
- de grève et le nombre de travailleurs que le syndicat regroupe.
- 2) Lorsque la grève a lieu après la fin de la phase des
- contacts directs et
- du conseil de conciliation; les revendications doivent alors être
- traitées par
- l'autorité administrative du travail étant donné que la grève ne
- peut être
- dirigée contre l'Etat et que ce droit, comme on l'a indiqué
- précédemment, ne
- peut être employé que comme un moyen de pression contre
- l'employeur.
- 3) Lorsque les grèves sont inopinées, étant donné que, si la
- loi prescrit
- un certain nombre de conditions minima à remplir, ces
- dernières doivent être
- remplies.
- 4) Lorsque la grève concerne des réclamations pour
- lesquelles des normes de
- procédure sont expressément établies. En effet, il n'est pas
- justifié de
- recourir à la grève lorsqu'il existe des procédures qui
- garantissent la
- solution des réclamations individuelles et collectives.
- 5) Lorsque le préavis de grève est dirigé contre le
- gouvernement pour des
- motifs politiques. Comme on l'a déjà dit, le droit de grève a été
- consacré
- universellement comme un moyen de défense du travailleur à
- l'égard de
- l'employeur, et non comme un instrument de pression contre
- l'Etat: les
- suggestions, problèmes et exigences des institutions,
- organisations et
- pouvoirs de l'Etat doivent être traités par les mécanismes
- démocratiques
- établis dans la constitution et les lois. Tel est le cas des grèves
- nationales
- convoquées par la CGTP qui concernent des réclamations qui
- devraient être
- soulevées et débattues au Parlement, par le pouvoir législatif
- ou suggérées
- dans d'autres cas au pouvoir exécutif par les voies
- appropriées.
- 536. En ce qui concerne l'administration publique, les
- déclarations de grève
- constituent des faits isolés qui interviennent après épuisement
- de tous les
- autres moyens de parvenir à une solution. Indépendamment
- de ce qui a été
- exprimé antérieurement, il convient de reconnaître qu'au
- Pérou une législation
- appropriée sur l'exercice du droit de grève fait défaut et qu'il
- appartient au
- pouvoir législatif, dans l'exercice des attributions qui sont les
- siennes, de
- promulguer la loi correspondante. C'est dans ce but et
- conformément aux
- principes constitutionnels qu'un avant-projet de loi sur les
- relations
- collectives de travail a été formulé par une commission
- spéciale qui a
- organisé des séminaires, avec la participation de travailleurs,
- d'employeurs
- et d'organismes s'occupant des questions de travail. Cette
- commission a
- convoqué pour des réunions de travail les représentants des
- organisations
- nationales d'employeurs et des centrales syndicales de
- travailleurs pour
- recueillir directement leurs observations et suggestions, qui ont
- été prises
- en considération dans le texte de l'avant-projet de loi. Cet
- avant-projet de
- loi élaboré par le pouvoir exécutif est réaliste et se fonde sur
- l'expérience
- acquise au niveau national en plus de 70 ans de négociation
- collective, sans
- vouloir introduire des innovations étrangères aux questions du
- travail qui
- pourraient provoquer, dans la situation actuelle difficile, des
- conflits
- importants. On a tenu compte aussi des résultats des
- informations statistiques
- pertinentes: il convient de souligner que les dispositions du
- projet sont
- destinées à faciliter l'entente directe entre les parties, car la
- première
- étape de la procédure de négociation collective, celle des
- contacts directs,
- est selon les informations statistiques disponibles celle où se
- résolvent le
- plus grand nombre de réclamations. L'intervention de l'autorité
- administrative
- du travail n'a lieu qu'après l'échec des contacts directs et par
- décision des
- parties étant donné que ces dernières peuvent soumettre le
- conflit à un
- arbitrage volontaire ou à la décision de l'autorité du travail
- (article 22 de
- l'avant-projet). Au cas où les parties ne peuvent se mettre
- d'accord sur la
- voie de règlement, l'une quelconque des parties peut dans un
- délai de 48
- heures demander à l'autorité du travail qu'elle s'occupe de la
- solution du
- conflit. Autrement dit, l'intervention de l'autorité du travail n'a
- lieu qu'à
- la demande des parties et dans le but d'activer la solution des
- conflits du
- travail et de donner suite en temps opportun aux réclamations
- des
- travailleurs. Dans les deux cas, si les parties décident de
- soumettre le
- conflit à un arbitrage volontaire ou à la décision de l'autorité du
- travail,
- il est procédé à une étude économico-sociale pour servir de
- base à la sentence
- arbitrale ou à la décision de l'autorité du travail; cette étude est
- confiée
- au Bureau d'économie du travail et de la productivité et elle
- est portée à la
- connaissance des parties. L'avant-projet prévoit le recours en
- éclaircissement
- et le recours en nullité de la sentence arbitrale et de la
- décision de
- l'autorité du travail, avec les garanties de procédure voulues.
- 537. L'avant-projet définit la grève comme un droit des
- travailleurs
- consistant dans la suspension volontaire, collective et
- pacifique du travail.
- Il énonce les cas dans lesquels la grève peut être déclarée:
- dans la procédure
- de négociation collective, une fois que la phase des contacts
- directs a
- commencé et jusqu'à ce que le conflit soit soumis à la décision
- de l'arbitre,
- du tribunal d'arbitrage et, dans les autres procédures de travail,
- lorsque
- l'employeur refuse de se conformer à la décision convenue ou
- exécutoire prise
- par l'autorité du travail compétente. L'avant-projet de loi
- dispose aussi que
- la grève doit avoir pour objectif de défendre et de promouvoir
- les intérêts et
- les droits des travailleurs et d'appuyer les réclamations d'autres
- travailleurs, à condition que ces derniers appartiennent à la
- même branche
- d'activité. Le projet indique les conditions requises pour
- déclarer la grève:
- elle doit être décidée en assemblée générale convoquée
- expressément par
- décision de plus de la moitié des travailleurs; elle doit être
- notifiée avec
- un préavis de 72 heures à l'autorité du travail; les grèves sont
- déclarées
- illégales lorsqu'elles ont lieu sans que les conditions requises
- établies par
- la loi aient été respectées, lorsque leurs objectifs ne figurent
- pas parmi les
- objectifs énoncés par la loi et lorsque les travailleurs en grève
- commettent
- des actes de violence portant préjudice à l'employeur ou aux
- biens du lieu de
- travail. L'avant-projet réglemente aussi la grève dans les
- services essentiels
- et dispose que les travailleurs occupés dans ces services
- peuvent faire grève
- sans interrompre la continuité des services, et il réglemente
- aussi les moyens
- de mettre fin à la grève. Le gouvernement indique que, comme
- son nom
- l'indique, il s'agit d'un projet qui doit faire l'objet d'un débat au
- Parlement national et qui pourra être enrichi au cours de ce
- débat, et que le
- projet ne vise nullement à limiter l'exercice reconnu et justifié
- du droit de
- grève; comme le projet ne figure pas actuellement à l'ordre du
- jour de
- l'assemblée extraordinaire du congrès, le gouvernement juge
- prématuré de le
- remettre en question.
- 538. En ce qui concerne l'arrestation de dirigeants syndicaux,
- le
- gouvernement souligne à nouveau la nécessité de maintenir
- l'harmonie et la
- paix publiques qui ne sauraient être troublées par la violence
- et les
- désordres de rue sous couvert de l'exercice du droit syndical.
- Par ailleurs,
- le gouvernement a remis une communication au service
- compétent du ministère de
- l'Intérieur concernant les plaintes selon lesquelles la police
- nationale
- aurait agi de façon arbitraire et violente dans diverses
- circonstances liées à
- des réclamations et grèves syndicales, et il transmettra la
- réponse au BIT.
- Enfin, le gouvernement juge inexactes et prématurées les
- allégations formulées
- par la CGTP selon lesquelles les droits syndicaux ne sont pas
- respectés au
- Pérou, donnant une image fausse de la réalité des faits.
- 539. Dans sa communication du 12 avril 1989, le
- gouvernement indique, en ce
- qui concerne le dirigeant des douanes Oscar Delgado, comme
- le signalent
- diverses communications de presse, que la police nationale
- effectue
- actuellement une enquête pour savoir où il se trouve; ainsi, le
- ministère de
- l'Intérieur a chargé une équipe spéciale d'établir où se trouve
- le dirigeant
- syndical porté disparu, disparition qui a provoqué des arrêts de
- travail de
- protestation de diverses organisations syndicales et de la
- Confédération
- intersectorielle des travailleurs de l'Etat (CITE) et qui
- préoccupe aussi le
- gouvernement: le responsable du service compétent du
- ministère de l'Intérieur
- a indiqué que M. Delgado n'était détenu dans aucun
- établissement d'Etat et
- qu'il était recherché comme personne disparue. Une demande
- d'information a été
- présentée au ministère de l'Intérieur. S'agissant de M. Flavio
- Rojas, le
- gouvernement indique que, comme le signalent les moyens
- d'information, il
- existait un différend au sujet du local de la CGTP entre M.
- Flavio Rojas et le
- député Bernardino Céspedes qui revendiquent tous deux la
- qualité de secrétaire
- général, et que M. Rojas a introduit un recours d'amparo en
- instance devant le
- pouvoir judiciaire compétent pour résoudre ce conflit car le
- ministère du
- Travail, qui respecte les conventions internationales
- n'intervient pas en la
- matière; par ailleurs, il est faux d'affirmer qu'on ne sait pas où
- se trouve
- M. Flavio Rojas car il exerce pleinement ses droits civils et
- syndicaux.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 540. Le comité observe que les allégations dans les présents
- cas se réfèrent
- à la répression violente par la police d'une manifestation de
- protestation
- destinée à appuyer les revendications des travailleurs tendant
- à améliorer
- leur situation économique et sociale, manifestation organisée
- par la CGTP le
- 13 octobre 1988 et au cours de laquelle 50 travailleurs ont été
- blessés et
- plus de 900 arrêtés (notamment Pablo Checa, secrétaire
- général adjoint de la
- CGTP, Alberto Ramírez, secrétaire d'organisation de la CGTP,
- Pablo Huilca,
- secrétaire général de la Fédération syndicale des travailleurs
- de la
- construction civile, et Alipio Centeno, secrétaire général de la
- Fédération
- des travailleurs de l'éclairage et de l'énergie. Parmi les
- syndicalistes
- brutalisés figurent le sénateur Valentín Pacho, vice-président
- de la FSM et
- secrétaire général de la CGTP, et le dirigeant Ricardo Letts); à
- la répression
- violente par les forces de police, le 9 février 1989, d'une
- réunion pacifique
- de paysans au cours de laquelle 88 paysans ont été tués, à la
- disparition de
- M. Oscar Delgado, dirigeant des travailleurs des douanes, et
- aux assassinats
- de Saúl Cantoral, secrétaire général de la Fédération nationale
- des
- travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie, et
- de Consuelo
- García, conseillère des comités de femmes de mineurs, le 13
- février 1989, à
- Lima. D'autres allégations se réfèrent à la violation des droits
- de
- syndicalisation et de grève par le gouvernement; à la violation
- de la
- convention no 87 du fait que sont déclarés illégaux toutes les
- grèves et tous
- les arrêts de travail organisés conformément à la législation en
- vigueur par
- les organisations syndicales, à certaines dispositions d'un
- projet de loi sur
- les relations collectives de travail qui, dans la partie
- concernant le droit
- de grève, contreviennent expressément aux principes et
- normes en matière de
- liberté syndicale, de libre négociation collective et d'autonomie
- conventionnelle; aux violations de l'autonomie et du privilège
- syndicaux -
- interruption violente de réunions syndicales, perquisition des
- locaux
- syndicaux et dommages causés à ces locaux et au mobilier,
- arrestation
- arbitraire de dirigeants syndicaux en raison de leurs
- responsabilités
- syndicales, ingérence dans l'organisation et la tenue de
- manifestations
- publiques de caractère syndical, refus des autorisations
- nécessaires et
- agressions violentes contre les syndicalistes manifestants, tout
- cela sous
- prétexte d'un état d'urgence; enfin, à l'arrestation du dirigeant
- syndical
- Flavio Rojas, le 3 janvier 1989, après une irruption violente de
- la police
- dans le local syndical de la CGTP au moment où se réunissait
- son comité
- exécutif.
- 541. En ce qui concerne l'allégation de répression d'une
- journée nationale de
- protestation organisée par la CGTP le 13 octobre 1988 pour
- appuyer les
- revendications économiques et sociales des travailleurs, le
- comité prend note
- des déclarations du gouvernement selon lesquelles cette
- manifestation s'est
- déroulée de façon pacifique et il n'y a eu que des cas isolés
- d'affrontements
- entre travailleurs et forces de l'ordre, ce qui a entraîné
- quelques
- arrestations pour assurer l'ordre et la sécurité publics et le
- respect de la
- police nationale, et les personnes arrêtées ont été remises en
- liberté
- immédiatement après les vérifications d'usage. A cet égard, le
- comité désire
- rappeler que la détention de dirigeants syndicaux et de
- syndicalistes pour des
- activités syndicales légitimes, même pour un court laps de
- temps, constitue
- une violation des principes de la liberté syndicale. (Voir 236e
- rapport, cas
- no 1258 (El Salvador), paragr. 521.) Il rappelle aussi, d'une
- manière
- générale, que le recours à l'usage des forces de police dans
- les
- manifestations syndicales devrait se limiter aux cas réellement
- nécessaires.
- (Voir 233e rapport, cas no 1199 (Pérou), paragr. 576.)Le
- comité demande au
- gouvernement de le tenir informé du résultat de la demande
- d'information faite
- par le ministère de l'Intérieur sur ces points.
- 542. En ce qui concerne les allégations relatives à la
- répression policière
- d'une réunion pacifique de paysans au cours de laquelle 88
- paysans ont été
- tués et à l'assassinat de M. Saúl Cantoral, secrétaire général
- de la
- Fédération nationale des travailleurs des mines, de la
- métallurgie et de la
- sidérurgie, et de Mme Consuelo García, conseillère des
- comités de femmes de
- mineurs, le comité, tout en observant que le gouvernement n'a
- pas communiqué
- d'informations sur ces allégations, déplore vivement ces actes
- de violence et
- rappelle qu'un climat de violence entraînant l'assassinat ou la
- disparition de
- dirigeants syndicaux constitue un grave obstacle à l'exercice
- des droits
- syndicaux; ces actes exigent des mesures sévères de la part
- des autorités. En
- outre, le comité souligne que l'institution, par les soins du
- gouvernement
- intéressé, d'une enquête judiciaire indépendante est une
- méthode
- particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits,
- déterminer
- les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la
- répétition de
- telles actions. (Voir Recueil de décisions et de principes du
- Comité de la
- liberté syndicale du Conseil d'administration du BIT, troisième
- édition,
- paragr. 77 et 78.) Le comité demande au gouvernement de lui
- indiquer si des
- enquêtes ont été ouvertes et, dans l'affirmative, de le tenir
- informé du
- déroulement et du résultat des enquêtes.
- 543. Quant à la disparition du dirigeant des travailleurs des
- douanes, M.
- Oscar Delgado, et à l'arrestation du dirigeant de la CTP, M.
- Flavio Rojas, le
- comité prend note des informations du gouvernement selon
- lesquelles,
- s'agissant de M. Delgado, le ministère de l'Intérieur a chargé
- une équipe
- spéciale de déterminer où il se trouve étant donné que ce
- dirigeant n'est pas
- détenu dans un établissement d'Etat et, en ce qui concerne
- l'allégation de
- détention de M. Rojas, il est faux d'affirmer qu'on ne sait pas
- où se trouve
- ce dirigeant car il fait pleinement usage de ses droits civils et
- syndicaux.
- Le comité réaffirme avec insistance les principes énoncés au
- paragraphe
- précédent.
- 544. Quant aux allégations présentées par la CGTP
- concernant la violation en
- pratique du droit de grève au moyen de dispositions
- administratives qui, dans
- divers cas, déclarent irrecevable le préavis légal de grève ou
- déclarent
- illégales les grèves dans certains secteurs d'activité, les
- arguments du
- gouvernement étant que les déclarations de grève
- n'obéissaient pas à des
- intérêts syndicaux légitimes, que la grève ne pouvait être un
- moyen de
- pression pour des réclamations dont la procédure est prescrite
- par la
- législation en vigueur et que si les grévistes considéraient qu'il
- y avait
- inexécution de dispositions légales ils disposaient de voies de
- recours pour
- faire valoir ces droits, le comité prend note des informations
- détaillées du
- gouvernement sur les cas précis dans lesquels les grèves ont
- été déclarées
- irrecevables ou illégales, à savoir: lorsque l'arrêt de travail n'est
- pas
- notifié avec un préavis d'au moins 72 heures à l'autorité, en
- indiquant
- l'heure du vote de la déclaration de grève et le nombre de
- travailleurs que
- compte le syndicat; lorsque la grève a lieu, après la fin de la
- phase des
- contacts directs et du conseil de conciliation, les
- revendications doivent
- être traitées par l'autorité administrative du travail étant donné
- que la
- grève ne peut être dirigée contre l'Etat et que ce droit, comme
- indiqué
- antérieurement, ne peut être employé que comme un moyen
- de pression contre
- l'employeur; lorsque les grèves sont inopinées car, si la loi
- prescrit des
- conditions minima à remplir, ces dernières doivent être
- remplies; lorsque la
- grève est déclarée pour des réclamations qui relèvent de
- normes de procédure
- dûment établies et lorsque l'avis de grève est dirigé contre le
- gouvernement
- pour des motifs politiques. Le comité note aussi que le
- gouvernement reconnaît
- que le Pérou ne dispose pas d'une législation adéquate
- concernant l'exercice
- du droit de grève et que l'élaboration d'un avant-projet de loi
- sur les
- relations collectives de travail vise à modifier la législation dans
- ce sens
- en stipulant que la grève doit avoir pour objectif de défendre et
- de
- promouvoir les intérêts et les droits des travailleurs et d'appuyer
- les
- réclamations d'autres travailleurs, à condition que ces derniers
- appartiennent
- au même secteur d'activité, et en spécifiant les conditions
- requises pour la
- déclaration de grève ainsi que la réglementation de la grève
- dans les services
- essentiels. A cet égard, le comité rappelle qu'il a toujours
- reconnu aux
- travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme
- moyen légitime
- de défense de leurs intérêts économiques et sociaux; le comité
- rappelle que le
- droit de grève ne devrait pas se limiter aux conflits du travail
- susceptibles
- de déboucher sur une convention collective particulière, que
- les travailleurs
- et leurs organisations doivent pouvoir manifester dans un
- cadre plus large
- leur mécontentement éventuel au sujet de questions
- économiques et sociales
- touchant aux intérêts de leurs membres et que les conditions
- posées par la
- législation pour qu'une grève soit considérée comme un acte
- licite doivent
- être raisonnables et, en tout cas, ne pas être telles qu'elles
- constituent une
- limitation importante aux possibilités d'action des organisations
- syndicales.
- (Voir Recueil, op. cit., paragr. 362, 377 et 388.)
- 545. Pour ce qui est des allégations de violation des droits
- syndicaux et des
- principes de la liberté syndicale (arrestations, perquisitions,
- ingérence dans
- les réunions), le comité prend note des déclarations du
- gouvernement selon
- lesquelles les arrestations de dirigeants syndicaux répondent à
- la nécessité
- de maintenir l'harmonie et la paix publiques. Cependant, le
- comité désire
- rappeler que les perquisitions dans les locaux syndicaux ne
- devraient avoir
- lieu que sur mandat de l'autorité judiciaire ordinaire, lorsque
- cette autorité
- est convaincue qu'il existe de solides raisons de penser qu'on
- trouvera sur
- les lieux les preuves nécessaires à la poursuite d'un délit de
- droit commun et
- à la condition que la perquisition soit limitée aux objets qui ont
- motivé la
- délivrance du mandat. (Voir 236e rapport, cas no 1269 (El
- Salvador), paragr.
- 536. ) En outre, le comité souligne à nouveau le principe selon
- lequel la
- détention, même pour un bref laps de temps, de dirigeants
- syndicaux contre
- lesquels aucune charge n'a été retenue constitue une
- restriction à l'exercice
- des droits syndicaux. La non-intervention des gouvernements
- dans la tenue ou
- le déroulement des réunions syndicales est un élément
- essentiel des droits
- syndicaux, et les autorités publiques devraient s'abstenir de
- toute
- intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver
- l'exercice légal,
- sauf si cet exercice trouble l'ordre public ou constitue un
- danger grave et
- imminent contre le maintien de l'ordre public. Le comité note
- qu'une
- communication a été adressée au ministère de l'Intérieur dont
- la réponse sera
- transmise au BIT.
- 546. S'agissant de l'avant-projet de loi sur les relations
- collectives de
- travail auquel se réfère la CGTP en alléguant qu'il est contraire
- aux
- principes de la libre négociation et de l'autonomie
- conventionnelle, en
- particulier lorsqu'il dispose que l'autorité administrative résoudra
- de façon
- obligatoire et sans appel les revendications si les parties
- n'arrivent pas à
- un accord à ce sujet dans un délai de trente jours, le comité
- observe que
- l'article 23 de l'avant-projet subordonne l'intervention de
- l'autorité du
- travail à la demande de l'une des parties; il note également
- que les articles
- 31, 32, 33 et 34 disposent ce qui suit:
- "Article 31. Si les deux parties décident de soumettre le
- conflit à la
- décision de l'autorité du travail, ou s'il existe la situation visée à
- l'article 23, ladite autorité après avoir pris connaissance du
- conflit
- ordonnera aux services spécialisés du ministère du Travail et
- de la Promotion
- sociale de convoquer les parties pour des réunions de
- conciliation dont la
- durée ne pourra dépasser huit jours.
- Au cours de ces réunions, si les deux parties le demandent,
- le
- fonctionnaire compétent pourra proposer des formules de
- solution que les
- parties pourront accepter, modifier ou rejeter.
- Article 32. Si les parties ne parviennent pas à un accord lors
- des réunions
- de conciliation, l'autorité du travail ordonnera au service
- compétent du
- ministère du Travail et de la Promotion sociale de faire une
- étude économique:
- L'étude en question sera portée à la connaissance des
- parties afin que
- celles-ci expriment leur opinion.
- Article 33. Après réception du rapport et de l'étude
- mentionnée dans
- l'article précédent, les revendications seront résolues par
- l'autorité du
- travail dans un délai ne pouvant dépasser huit jours.
- La décision de l'autorité du travail est sans appel et
- d'exécution
- obligatoire.
- Article 34. Les parties conservent à tout moment de la
- procédure le droit
- de se réunir de leur propre initiative et de recourir à tout moyen
- approprié
- pour régler pacifiquement le conflit."
- 547. Le comité note que le gouvernement signale que
- l'intervention de
- l'autorité administrative n'a lieu qu'après l'échec de la phase
- des contacts
- directs et par décision des parties puisque ces dernières ont la
- possibilité
- de soumettre le conflit à un arbitrage volontaire ou à la
- décision de
- l'autorité du travail (article 22 de l'avant-projet); autrement dit,
- l'intervention de l'autorité du travail n'a lieu qu'à la demande
- des parties
- et dans le but d'activer la solution des conflits du travail. Dans
- les deux
- cas, si les parties décident de soumettre le conflit à un
- arbitrage volontaire
- ou à la décision de l'autorité du travail, il est procédé à une
- étude sur les
- aspects économiques et du travail pour servir de base à la
- sentence arbitrale
- ou à la décision de l'autorité du travail; cette étude est confiée
- au Bureau
- de l'économie du travail et de la productivité, et elle est portée
- à la
- connaissance des parties. L'avant-projet prévoit les recours en
- éclaircissement et en nullité de la sentence arbitrale et de la
- résolution de
- l'autorité du travail, la procédure étant assortie de garanties
- suffisantes.
- Le gouvernement signale en outre que cet avant-projet,
- comme son nom
- l'indique, est un projet qui doit faire l'objet de débats au
- Parlement
- national mais qu'il ne figure pas pour le moment à l'ordre du
- jour de
- l'assemblée extraordinaire du congrès, de sorte que sa mise en
- question est
- prématurée. Le comité, au vu des allégations présentées par la
- CGTP concernant
- l'avant-projet de loi sur les relations collectives de travail, des
- observations du gouvernement et des dispositions des articles
- 22, 23, 31, 32,
- 33 et 34, est d'avis que la disposition de l'article 23 qui permet
- à l'une des
- parties au conflit de demander unilatéralement l'intervention de
- l'autorité du
- travail pour qu'elle s'occupe de régler ledit conflit présente un
- risque pour
- le droit des travailleurs de déclarer la grève, étant donné que,
- selon
- l'article 40 a), "la grève peut être déclarée jusqu'à ce que le
- conflit soit
- soumis à la décision. .. de l'autorité du travail". Cette
- disposition porte
- atteinte à la négociation collective volontaire puisque l'une des
- parties peut
- faire obstacle à cette négociation afin de confier
- unilatéralement la solution
- du conflit à l'autorité du travail et de suspendre ainsi le droit de
- grève.
- 548. Quant au décret suprême no 041-88-TR du 26 octobre
- 1988 qui établissait
- des plafonds pour les hausses salariales additionnelles
- convenues ou à
- convenir, le comité note que selon les plaignants et le
- gouvernement il a été
- dérogé à ce décret, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se
- prononcer à ce sujet.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 549. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le
- comité invite le
- Conseil d'administration à approuver les recommandations
- suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement d'envoyer des
- informations précises en
- particulier sur le résultat des demandes d'information
- présentées au ministère
- de l'Intérieur sur les incidents survenus le 13 octobre 1988 au
- cours de la
- journée nationale de protestation organisée par la CGTP.
- b) Le comité déplore vivement la situation de violence
- existante et demande
- au gouvernement d'envoyer ses observations et les
- informations résultant de la
- demande d'information présentée au ministère de l'Intérieur sur
- les
- assassinats du dirigeant syndical de la Fédération nationale
- des travailleurs
- des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou, M.
- Saúl Cantoral,
- et de Mme Consuelo García, conseillère des comités de
- femmes de mineurs, sur
- la disparition depuis le 14 décembre 1988 de M. Oscar
- Delgado, dirigeant du
- syndicat des travailleurs des douanes. Le comité demande en
- outre au
- gouvernement de lui indiquer si des enquêtes ont été ouvertes
- sur la mort de
- 88 paysans au cours d'une manifestation et, dans l'affirmative,
- de le tenir
- informé du déroulement et du résultat des enquêtes.
- c) Le comité demande su gouvernement d'envoyer ses
- observations sur la
- tentative de perquisition du local de la CGTP qui a provoqué
- des dommages
- matériels au local et aux biens syndicaux, le 13 octobre 1988,
- sur la
- perquisition du local syndical de la Fédération nationale des
- travailleurs des
- mines, de la métallurgie et de la sidérurgie, le 24 octobre 1988,
- et sur la
- saisie de divers documents et de la machine à polycopier de
- cette fédération,
- ainsi que sur l'irruption violente de la police dans les locaux de
- la CTP
- pendant une réunion du comité exécutif le 3 janvier 1989 au
- cours de laquelle
- aurait été arrêté le dirigeant Flavio Rojas.
- d) Quant aux allégations concernant les dispositions
- administratives qui,
- selon la CGTP, rendent difficile dans la pratique la conduite de
- grèves
- légales, le comité, tout en prenant note de la situation
- économique et
- financière difficile du Pérou, désire rappeler que le droit de
- grève ne
- devrait pas se limiter aux conflits du travail susceptibles de
- déboucher sur
- une convention collective particulière, que les travailleurs et
- leurs
- organisations doivent pouvoir manifester, le cas échéant, dans
- un cadre plus
- large, leur mécontentement éventuel au sujet de questions
- économiques et
- sociales touchant aux intérêts de leurs membres, et que les
- conditions
- requises par la législation pour que la grève soit considérée
- comme un acte
- licite doivent être raisonnables et, en tout cas, ne pas être
- telles qu'elles
- constituent une limitation importante aux possibilités d'action
- des
- organisations syndicales.
- e) Quant à l'avant-projet de loi sur les relations collectives de
- travail,
- le comité est d'avis que les dispositions de l'article 23
- présentent un risque
- pour le droit de grève des travailleurs et sont contraires à la
- promotion de
- la négociation collective volontaire.
- f) Le comité soumet les aspects juridiques du cas à la
- Commission d'experts
- pour l'application des conventions et recommandations.