DISPLAYINEnglish - Spanish
- 375. La plainte du Congrès du travail du Canada (CTC),
- contenue dans une
- communication datée du 15 février 1988, a été déposée au
- nom des neuf
- syndicats membres des Syndicats associés des chemins de fer
- (Associated
- Railways Unions, ARU). Le gouvernement a transmis ses
- observations dans une
- lettre reçue le 29 novembre 1988. Le 31 janvier 1989, le CTC
- a demandé un
- ajournement afin de pouvoir répliquer à la réponse du
- gouvernement. Le 5 mai
- 1989, l'organisation plaignante a toutefois indiqué qu'elle ne
- produirait pas
- la réponse en question et a demandé que le comité examine le
- cas.
- 376. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté
- syndicale et
- la protection du droit syndical, 1948, mais pas la convention
- (no 98) sur le
- droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 377. Dans sa plainte, le CTC allègue que le gouvernement a
- violé la
- convention no 87 en promulguant la Loi de 1987 sur le
- maintien des services
- ferroviaires pour mettre fin à une grève légale des syndicats
- affiliés à l'ARU
- dans un secteur de services non essentiels, qui ne mettait pas
- en danger la
- vie, la sécurité personnelle ou la santé de l'ensemble ou d'une
- partie de la
- population canadienne, et qui était pleinement conforme au
- Code canadien du
- travail. L'ARU voit dans l'intervention du gouvernement une
- ingérence inutile
- et injustifiée dans les négociations collectives libres qui a privé
- les
- syndicats de cheminots de leur seule arme économique légale.
- Le CTC joint à sa
- plainte un document donnant des renseignements généraux
- sur la situation et
- dressant la chronologie des événements qui ont abouti à
- l'adoption de la Loi
- de 1987 sur le maintien des services ferroviaires.
- B. Réponse du gouvernement
- 378. Dans sa réponse détaillée, le gouvernement commence
- par souligner
- l'importance historique, sociale, économique et politique des
- chemins de fer
- pour le Canada, essentiellement en raison de facteurs
- géographiques
- (immensité du territoire, faible densité démographique,
- topographie variée et
- rigueur du climat). L'histoire du Canada est étroitement liée à
- celle de ses
- chemins de fer, précise le gouvernement qui affirme que, sans
- chemins de fer,
- le Canada n'aurait pu et ne pourrait exister.
- 379. Le gouvernement décrit ensuite la législation fédérale du
- travail qui,
- en vertu de la Constitution, s'applique aux services
- ferroviaires. Le
- processus juridique qui aboutit au renouvellement des
- conventions collectives
- est fixé par le Code canadien du travail. Dans les trois mois qui
- précèdent
- l'expiration d'une convention, l'une ou l'autre partie peut faire
- savoir
- qu'elle souhaite entamer des négociations collectives. Après
- une période de
- négociations directes (durant laquelle, en moyenne, de 25 à
- 35 pour cent des
- différends sont réglés), l'une ou l'autre partie peut faire savoir
- au
- ministre du Travail, par avis écrit, que les parties n'ont pu
- s'entendre. Le
- ministre a le choix entre plusieurs solutions mais désigne
- généralement un
- conciliateur chargé d'aider les parties. Si aucun accord n'est
- conclu à ce
- stade, le ministre peut soit prolonger la phase de conciliation
- en nommant un
- arbitre ou un conseil d'arbitrage, soit y mettre fin, ce qui place
- les
- parties en position de grève ou de lock-out légaux. Autrement
- dit, sept jours
- après la fin de cette phase, les parties ont le droit de faire la
- grève ou de
- déclencher un lock-out. Le ministre peut également nommer
- un médiateur à tout
- moment pour aider les parties, ce qu'il fait en principe lorsque
- celles-ci
- lui font savoir qu'une médiation les aiderait dans leurs
- négociations.
- 380. La grande majorité des différends sont résolus pendant
- la phase de
- conciliation par des négociations collectives libres, et il est
- assez rare que
- le gouvernement intervienne pour imposer une solution. Selon
- le gouvernement,
- ce n'est que lorsque toutes les solutions ont été épuisées et si
- la poursuite
- d'un différend risque d'avoir des conséquences graves pour la
- nation que le
- Parlement envisage une législation d'urgence pour remédier à
- la situation.
- Dans ce cas, l'objectif de la législation n'est pas seulement de
- mettre fin à
- la grève, mais aussi d'aboutir à un règlement définitif sur tous
- les points de
- désaccord.
- 381. Le gouvernement insiste sur les circonstances
- exceptionnelles qui font
- que l'économie canadienne dépend étroitement des
- transports ferroviaires:
- immensité du territoire; structure de développement
- économique et d'
- industrialisation; dispersion géographique des ressources;
- faible densité
- démographique; rigueur du climat; et, dans bien des cas,
- quasi-absence de
- solutions de rechange économiquement viables. Le
- gouvernement explique que
- tous ces facteurs rendent l'économie canadienne plus
- dépendante que la
- plupart des nations industrielles de son importante
- infrastructure de
- transport, dont les chemins de fer sont une composante
- essentielle. Toute
- grève dans les chemins de fer a un effet presque immédiat sur
- la poursuite
- des activités d'une vaste gamme de secteurs et d'employeurs.
- 382. Aucun secteur n'illustre peut-être mieux ces
- conséquences incalculables
- que l'industrie céréalière, dont les recettes d'exportation
- s'élèvent à 3,9
- milliards de dollars. Les ventes de céréales dépendent d'un
- système intégré
- de transport et de manutention des céréales: chemins de fer,
- camions, silos à
- céréales des zones rurales, activités portuaires, silos
- terminaux et navires,
- y compris la Voie maritime du Saint-Laurent, dans l'est du
- pays. Toute
- perturbation dans un secteur se répercute sur le
- fonctionnement, l'efficacité
- économique et, partant, la situation de l'emploi dans les autres
- modes de
- transport, ainsi que leur viabilité. Toute interruption dans le
- réseau des
- transports ferroviaires touche des milliers de producteurs de
- céréales
- destinées au marché intérieur et à l'exportation, dans les
- provinces des
- Prairies, mais aussi en Ontario et au Québec. Les grands silos
- portuaires
- consacrés à l'exportation de céréales, à Prince Rupert et
- Vancouver sur la
- côte ouest ainsi qu'à Thunder Bay, où l'on trouve l'une des
- plus importantes
- installations de manutention des céréales du monde
- occidental, dépendent
- totalement des transports ferroviaires, de même que quelque
- 2. 000 petits
- silos disséminés dans les provinces des Prairies. Plusieurs silos
- de
- transbordement, installés le long de la Voie maritime du
- Saint-Laurent et dans
- les provinces de l'Atlantique, font également partie de la
- chaîne
- d'exportation des céréales. Chaque semaine, près de 7.000
- wagons de chemins
- de fer transportent les céréales des Prairies et, récemment, au
- cours d'une
- bonne année de récolte, les exportations en vrac de céréales
- ont atteint 30,2
- millions de tonnes.
- 383. Le secteur céréalier n'est qu'un exemple parmi d'autres
- de l'importance
- des chemins de fer pour l'économie canadienne. Les
- marchandises en vrac, une
- composante importante du commerce extérieur, représentent
- en tonnage environ
- 50 pour cent de tout le trafic ferroviaire; les exportations par
- chemins de
- fer représentent en valeur 20 pour cent des exportations. En
- dernière analyse,
- l'enjeu dans une grève des chemins de fer est la fiabilité du
- Canada comme
- fournisseur de ressources et de biens et la viabilité
- économique de son
- industrie ferroviaire elle-même, qui risque de ne plus pouvoir
- assumer son
- rôle, vital pour une majeure partie de l'économie canadienne.
- Une grève dans
- ce secteur entraîne des suppressions d'emplois et une
- importante perte de
- recettes, et sa part du marché, qui a déjà diminué, risque de se
- réduire
- fortement à mesure que les usagers des chemins de fer
- chercheront d'autres
- moyens pour transporter leurs marchandises, d'où une perte de
- trafic parfois
- irréversible.
- 384. En ce qui concerne plus précisément les négociations
- de 1986-87, le
- gouvernement insiste sur la complexité de leur structure. Du
- côté des
- employeurs, les deux principales entreprises, Canadien
- National (CN) et
- Canadien Pacifique (CP), étaient convenues de négocier
- conjointement, mais
- elles négociaient également au nom de huit entreprises
- ferroviaires de
- moindre importance. Du côté des syndicats, l'ARU négociait
- au nom de
- plusieurs groupes du personnel roulant (mécaniciens,
- conducteurs et agents de
- train), du personnel administratif et de maintenance (bureaux,
- magasins,
- entretien des voies et de la signalisation) et deux des
- syndicats d'employés
- d'ateliers (wagonniers et électriciens). Pour compliquer encore
- les choses,
- seulement sept des neuf syndicats membres ont négocié avec
- les deux compagnies
- par l'intermédiaire de l'ARU. Les deux autres ont négocié à la
- table de l'ARU
- avec une compagnie et, à une autre table, avec une autre
- compagnie. Selon le
- gouvernement, cette fragmentation syndicale a créé des
- difficultés évidentes
- au moment des négociations. Le conciliateur désigné par le
- ministre du
- Travail a trouvé les négociations encore plus complexes que
- d'habitude, ce
- qui était dû en partie à la structure des négociations, mais
- aussi aux
- positions très différentes des deux parties.
- 385. Le conciliateur n'ayant pu aider les parties à conclure un
- accord et
- compte tenu de l'importance des chemins de fer pour
- l'économie canadienne, le
- ministre a désigné un arbitre qui, lui aussi, a estimé que la
- structure des
- négociations compliquait la situation. Dans son rapport publié
- le 10 août
- 1987, il a abordé tous les principaux points en litige et
- recommandé une
- convention collective de deux ans avec des augmentations
- de 3 pour cent par
- an. Pendant cette période, l'inquiétude gagnant tout le pays,
- les médias
- traitaient abondamment de la grève sur le point de se
- déclencher; la
- publication imminente du rapport du commissaire-conciliateur
- sur les
- différends concernant d'autres unités de négociation du
- secteur ferroviaire
- et le droit de grève qui devait leur être octroyé venaient
- aggraver encore la
- situation.
- 386. A la demande des parties, le ministre a désigné un
- 1987. Des piquets de grève ont commencé à s'organiser à
- 18 août, et l'ARU a déclenché une grève nationale le 23 août,
- les négociations
- ayant échoué malgré l'aide du médiateur. Le premier jour de la
- grève, le
- ministre a envoyé un télégramme aux parties pour les informer
- que le
- gouvernement ne pouvait et n'allait pas tolérer une paralysie
- du principal
- système de transport du pays, sommant les comités de
- négociation de reprendre
- les pourparlers avec l'aide de son sous-ministre associé, dans
- une dernière
- tentative de médiation.
- 387. Les réunions ont commencé au milieu de ce que le
- gouvernement qualifie
- de "flot de commentaires déferlant de toutes les régions du
- pays", dont il
- donne quelques exemples. Le 27 août, peu après l'annonce
- faite par le
- médiateur qu'aucun accord n'avait pu être conclu, le ministre
- a présenté une
- loi de retour au travail, la Loi de 1987 sur le maintien des
- services
- ferroviaires (projet de loi C-85), qui a été adoptée par la
- Chambre des
- communes le 28 août à 2 heures du matin.
- 388. Le projet de loi C-85 prévoyait qu'à l'entrée en vigueur
- de la Partie 1
- de la loi (la seule pertinente dans le cadre de la présente
- plainte) les
- compagnies ferroviaires seraient tenues de reprendre leurs
- activités et que
- les membres des syndicats en grève devraient se remettre au
- travail. Les
- conventions collectives arrivées à terme étaient prorogées
- jusqu'au 31
- décembre 1988 afin que les travailleurs continuent de
- bénéficier de tous les
- avantages et garanties prévus par ces conventions, et un
- arbitre était
- désigné pour résoudre les points de désaccord subsistant
- entre les parties.
- Aux termes de cette loi, les parties pouvaient également
- convenir de modifier
- toute disposition de la convention collective (à l'exception de
- sa durée),
- même celles prescrites par l'arbitre. Des sanctions financières
- également
- applicables aux employeurs et aux syndicats étaient prévues
- en cas de
- violation de cette loi.
- 389. Après l'adoption du projet de loi C-85, les difficultés qui
- avaient
- entravé les négociations dès le début ont continué à
- empêcher tout dialogue
- constructif; il était prévu dans la loi que le processus
- d'arbitrage durerait
- en tout soixante jours mais, en réalité, il fallut près de onze
- mois pour
- résoudre les problèmes à l'origine de l'impasse des
- négociations. Quand la
- décision arbitrale fut finalement prise, la convention collective
- prorogée
- n'avait plus que cinq mois et demi avant d'arriver à échéance,
- de sorte que
- les parties devaient négocier de nouveau moins de trois mois
- après. Il est
- difficile de dire si la longueur de ces négociations est due à la
- complexité
- des six questions en litige ou s'il faut l'attribuer à l'absence
- d'efforts
- sincères de la part des parties pour les résoudre avant de
- recourir à la
- grève. Il est cependant évident que, si le gouvernement
- n'était pas
- intervenu, les parties étaient prêtes à faire subir à la
- population
- canadienne les effets catastrophiques d'une grève prolongée
- en raison des
- différends qui les séparaient.
- 390. En conclusion, le gouvernement affirme que les chemins
- de fer ont
- toujours été et demeurent d'une importance fondamentale pour
- le bien-être de
- la population canadienne. Nombreuses sont les petites
- collectivités qui
- dépendent des chemins de fer pour leur existence. Les
- producteurs de plusieurs
- biens essentiels, tels que les céréaliculteurs de l'Ouest, n'ont
- aucun autre
- moyen raisonnable d'acheminer leurs produits vers les
- marchés. De nombreux
- travailleurs des grands centres urbains dépendent chaque jour
- des services de
- chemins de fer pour se rendre à leur travail et en revenir.
- Etant donné
- l'imbrication des différents éléments du réseau de transports
- canadien,
- l'emploi des travailleurs d'un certain nombre d'antres secteurs
- dépend du bon
- fonctionnement du réseau ferroviaire. Il est difficile, sinon
- impossible, de
- compenser après la reprise du travail les pertes de revenus
- subies par ces
- personnes en raison d'une grève des chemins de fer. Une
- grève dans ce secteur
- a donc des effets considérables sur la vie de nombreux autres
- Canadiens.
- 391. Le gouvernement a fait de son mieux pour promouvoir
- une solution
- négociée en désignant un conciliateur, un
- commissaire-conciliateur et un
- médiateur. Le ministre a également donné aux parties une
- dernière chance de
- résoudre leurs différends par la négociation en offrant les bons
- offices de
- son sous-ministre associé, mais rien ne permettait de croire
- que les parties
- étaient prêtes à modifier leurs points de vue, quelle que soit la
- durée de la
- grève.
- 392. Le gouvernement a toujours soutenu et continue de
- soutenir le principe
- de la liberté des négociations, mais il était contraint de mettre
- en
- parallèle, d'une part, le droit des parties de négocier librement
- leurs
- conventions collectives et, d'autre part, le bien-être général
- des autres
- secteurs de la société et leur droit de gagner leur vie. Rien ne
- permettant
- de dire que les parties parviendraient à une solution négociée
- dans un avenir
- prévisible, le gouvernement a dû agir dans l'intérêt général. La
- Loi de 1987
- sur le maintien des services ferroviaires a été formulée de
- manière à
- s'immiscer le moins possible dans la relation entre les parties
- en présence.
- Le droit de grève a été simplement suspendu, dans la mesure
- où les conventions
- collectives n'ont été prorogées que jusqu'au 31 décembre
- 1988, soit environ
- seize mois. Les parties pouvaient envoyer à tout moment,
- après le 1er octobre
- 1988, un préavis de négociation en vue de leur
- renouvellement. Un arbitre a
- été désigné pour résoudre les questions en litige entre les
- parties, et ses
- décisions sur les différents points de désaccord ont été
- publiées entre
- février et juillet 1988. Même pendant la durée des conventions
- collectives
- prorogées, les parties pouvaient convenir de modifier l'une ou
- l'autre de
- leurs dispositions.
- 393. Le gouvernement admet que la Loi de 1987 sur le
- maintien des services
- ferroviaires a restreint temporairement le droit de grève des
- membres de
- l'ARU. Il affirme toutefois que ces restrictions étaient et sont
- conformes aux
- principes généraux énoncés dans le Pacte international relatif
- aux droits
- économiques, sociaux et culturels et dans la convention (no
- 87) sur la liberté
- syndicale et la protection du droit syndical, 1948, que le
- Canada a ratifiés.
- Le seul but poursuivi par le gouvernement lorsqu'il a
- promulgué cette loi
- était de protéger le bien-être d'une grande partie de la
- population canadienne
- contre les graves inconvénients d'un différend que les parties
- s'étaient
- révélées capables de régler.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 394. Le plaignant allègue que le gouvernement a porté
- atteinte au droit de
- grève des travailleurs des chemins de fer canadiens en
- adoptant la Loi de 1987
- sur le maintien des services ferroviaires. Pour sa part, le
- gouvernement
- insiste sur les effets catastrophiques d'une longue grève
- générale sur de
- nombreux secteurs clés de l'économie canadienne: il affirme
- que son seul
- objectif était de protéger le bien-être d'une large couche de la
- population
- et qu'il a été contraint d'agir dans l'intérêt public.
- 395. Le comité note que le plaignant et le gouvernement
- s'accordent dans
- l'ensemble sur la description des événements qui ont abouti à
- la grève du
- mois d'août 1987 et à l'adoption d'une loi de retour au travail,
- mais le
- gouvernement reproche aux parties leur attitude intransigeante
- et leur
- incapacité à conclure un accord négocié; il met également en
- cause, quoique
- dans une moindre mesure, la complexité de la structure de
- négociation. Le
- comité constate que le gouvernement a utilisé en vain tous les
- moyens légaux
- dont il disposait pour promouvoir une solution négociée.
- Quelles que soient
- les raisons immédiates et sous-jacentes du différend, le comité
- note que l'ARU
- a lancé, le 24 août 1987, en toute conformité avec le Code
- canadien du
- travail, une grève légale, et que la Loi sur le maintien des
- services
- ferroviaires est entrée en vigueur cinq jours après le
- déclenchement de cette
- grève.
- 396. Le comité a énoncé voici longtemps déjà le principe
- selon lequel le
- droit de grève est l'un des moyens légitimes et essentiels dont
- disposent les
- travailleurs et leurs organisations pour défendre leurs intérêts
- économiques
- et sociaux. (Recueil de décisions et de principes du Comité de
- la liberté
- syndicale du Conseil d'administration du BIT, troisième édition,
- paragr.
- 362-363, et cas cités.)
- 397. Selon un autre principe bien établi, l'imposition par voie
- législative
- de l'arbitrage obligatoire à la place du droit de grève pour
- résoudre les
- conflits du travail ne peut se justifier que dans un nombre de
- cas limités:
- fonctionnaires ou autres travailleurs des services essentiels au
- sens strict
- du terme - à savoir les services dont l'interruption pourrait
- mettre en péril
- la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie
- ou dans la
- totalité de la population (Recueil, loc. cit., paragr. 387), à
- condition que
- les travailleurs aient accès à des procédures appropriées, tels
- la
- conciliation et l'arbitrage, aux diverses étapes desquelles les
- intéressés
- puissent participer, que les décisions arbitrales soient
- obligatoires pour les
- deux parties, et qu'elles soient exécutées rapidement et
- intégralement. (Voir
- 202e rapport, cas no 931 (Canada), paragr. 210.)
- 398. Le comité a déjà été invité à examiner la question de
- savoir si une
- activité ou une entreprise donnée constituait un service
- essentiel selon le
- critère susmentionné. Il n'existe pas et il ne peut exister de
- règle toute
- faite permettant d'établir ce type de classification: ce que l'on
- entend par
- service essentiel au sens strict du terme dépend largement des
- conditions
- spécifiques de chaque pays. En outre, ce concept ne revêt
- pas un caractère
- absolu dans la mesure où un service non essentiel peut
- devenir essentiel si
- la grève dépasse une certaine durée ou une certaine étendue,
- mettant ainsi en
- péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une
- partie on dans
- la totalité de la population. Le comité a certes déclaré
- antérieurement que
- le recours à la grève peut être limité et même interdit dans la
- fonction
- publique, les services essentiels, voire un secteur clé pour la
- vie d'un pays
- parce que - et dans la mesure où - un arrêt de travail peut y
- provoquer de
- graves préjudices pour la collectivité. (Voir 194e rapport, cas
- no 893 (Canada
- (Alberta)), paragr. 114.) Le comité a réaffirmé récemment ce
- même principe
- dans un cas concernant la Colombie britannique dans les
- termes suivants:
- lorsque dans un secteur important de l'économie un arrêt total
- et prolongé du
- travail peut provoquer une situation telle que la vie, la santé
- ou la
- sécurité de la population peuvent être mises en danger, il
- semble légitime
- qu'un ordre de reprise du travail soit applicable à une catégorie
- de personnel
- déterminée en cas de grève dont l'étendue et la durée
- pourraient provoquer une
- telle situation. Par contre, exiger la reprise du travail en dehors
- de tels
- cas est contraire aux principes de la liberté syndicale. (Voir
- 256e rapport,
- cas no 1430, paragr. 189.) Le comité rappelle également qu'il
- a conclu à
- plusieurs occasions que les transports ne rentrent pas en
- général dans la
- catégorie des services essentiels. (Recueil, paragr. 407, et cas
- cités.)
- 399. Dans le cas présent, le gouvernement fonde
- essentiellement son
- argumentation sur des considérations économiques. Il admet
- volontiers que la
- Loi de 1987 sur le maintien des services ferroviaires a
- provisoirement
- restreint le droit de grève reconnu aux membres de l'ARU, tout
- en affirmant
- qu'il a été contraint d'agir ainsi dans l'intérêt public. Il est
- incontestable
- que le gouvernement a été fortement poussé par l'opinion
- publique à adopter
- une législation de retour au travail, mais le comité rappelle qu'il
- a rejeté
- des arguments économiques semblables dans des cas
- comparables, même s'ils ne
- sont pas identiques (voir 217e rapport, cas no 1099, paragr.
- 470; 234e
- rapport, cas no 1255 (Norvège), paragr. 190), et dans un cas
- concernant les
- services postaux au Canada (voir 202e rapport, cas no 931,
- paragr. 211).
- 400. En outre, les travailleurs étaient en grève depuis cinq
- jours seulement
- lorsque le gouvernement a décidé d'adopter cette loi qui avait
- pour effet,
- avec application immédiate à une grève déclenchée
- conformément à la loi, de
- restreindre le droit de grève accordé aux travailleurs des
- chemins de fer par
- la législation fédérale. Etant donné l'ensemble des
- circonstances, et même
- s'il a fallu près de onze mois après la promulgation de cette loi
- pour
- résoudre les problèmes qui avaient été à l'origine de l'impasse,
- la Loi de
- 1987 sur le maintien des services ferroviaires ne paraît pas
- favorable au
- développement de relations professionnelles saines, celles-ci
- devant s'appuyer
- sur un cadre législatif prévisible et stable, conforme aux
- principes de la
- liberté syndicale.
- 401. Le comité est conscient, compte tenu de la situation
- particulière des
- transports ferroviaires au Canada, du fait qu'une grève totale
- et prolongée
- dans ce secteur pourrait provoquer une situation de crise
- nationale aiguë
- compromettant le bien-être de la population, ce qui pourrait
- justifier dans
- certaines conditions une intervention du gouvernement, qui
- établirait, par
- exemple, un service minimum. A cet égard, aussi bien le
- comité que la
- commission d'experts ont estimé dans des cas précédents
- qu'il semblerait
- légitime qu'un service minimum puisse être maintenu en cas
- de grève dont
- l'étendue et la durée pourraient provoquer une situation de
- crise nationale
- aiguë telle que les conditions normales d'existence de la
- population
- pourraient être en danger. Pour être acceptable, un service
- minimum devrait se
- limiter aux opérations strictement nécessaires pour ne pas
- compromettre la
- vie ou les conditions normales d'existence de tout ou partie de
- la population,
- et les organisations de travailleurs devraient pouvoir participer
- à sa
- définition, tout comme les employeurs et les autorités
- publiques. (Recueil,
- loc. cit., paragr. 415; Etude d'ensemble de la Commission
- d'experts pour
- l'application des conventions et recommandations "Liberté
- syndicale et
- négociation collective", BIT, 1983, paragr. 215.) Comme le
- comité l'a souligné
- dans un cas récent, non seulement la participation des
- employeurs et des
- travailleurs à la détermination des services minima permettrait
- un échange de
- vues réfléchi sur ce que doivent être en situation réelle les
- services minima
- strictement nécessaires, mais cela contribuerait aussi à garantir
- que les
- services minima ne soient pas étendus au point de rendre la
- grève inopérante à
- force d'insignifiance, et à éviter de donner aux organisations
- syndicales
- l'impression que l'échec de la grève tient à ce que le service
- minimum a été
- prévu trop large et fixé unilatéralement. (Voir 244e rapport, cas
- no 1342
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 402. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le
- Conseil
- d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité note que la grève du mois d'août 1987 dans le
- secteur
- ferroviaire a été déclenchée en conformité totale avec le Code
- canadien du
- travail, et que la Loi de 1987 sur le maintien des services
- ferroviaires, qui
- a mis fin à la grève, a été adoptée, selon le gouvernement,
- pour contraindre
- les travailleurs des chemins de fer à reprendre leur travail afin
- d'éviter de
- graves préjudices à la collectivité nationale, tous les
- mécanismes de
- conciliation et de médiation existants n'ayant pu permettre d'en
- venir à une
- solution négociée.
- b) Le comité note que la Loi de 1987 sur le maintien des
- services
- ferroviaires prorogeait la convention collective de seize mois et
- imposait le
- règlement de ce conflit d'une grande complexité par une
- procédure de médiation
- et d'arbitrage, et attire l'attention du gouvernement sur les
- considérations
- énumérées ci-dessus concernant le développement des
- relations professionnelles
- saines.
- c) Le comité estime que les dispositions de la Loi de 1987
- sur le maintien
- des services ferroviaires, qui contraignaient les travailleurs des
- chemins de
- fer à reprendre leur travail cinq jours après le début de la grève
- et
- imposaient un arbitrage obligatoire dans des circonstances qui
- ne mettaient
- pas en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne
- dans une partie
- ou dans l'ensemble de la population, ne sont pas conformes
- aux principes de la
- liberté syndicale.
- d) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé
- de l'évolution des
- relations professionnelles dans le secteur des transports
- ferroviaires depuis
- la promulgation de la Loi de 1987 sur le maintien des services
- ferroviaires.