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- 173. Dans des communications datées des 15 et 28 septembre 1987, le Centre syndical indien (CITU) a présenté une plainte alléguant des violations des droits syndicaux contre le gouvernement de l'Inde. Il a fourni des informations complémentaires à l'appui de sa plainte dans une lettre datée du 23 octobre 1987. Le gouvernement a envoyé ses observations sur le cas dans des lettres en date des 11 février, 19 mai, 12 et 15 septembre, 14 et 31 octobre, et 2 novembre 1988.
- 174. L'Inde n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; en revanche, elle a ratifié la convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 175. Dans ses lettres des 15 et 28 septembre 1987, le CITU allègue que des militants de son organisation ont été tués ou attaqués dans la province d'Assam par la police et par des nervi bénéficiant de l'appui de la direction. L'organisation plaignante fournit des exemplaires des communications présentant ces allégations qu'il a soumises au ministère de l'Intérieur d'Assam le 29 août 1987, au directeur général de la police de la province le 27 août 1987 et aux ministères des Affaires intérieures et du Travail du gouvernement central le 1er septembre 1987, communications auxquelles aucune réponse n'a été donnée.
- 176. Le CITU déclare que les attaques en question ne constituent pas des incidents isolés ni des agressions criminelles perpétrées par quelques éléments antisociaux, mais qu'elles ont été délibérément fomentées pour contraindre les travailleurs à quitter le CITU et les syndicats qui lui sont affiliés et à adhérer aux syndicats favorables à la direction. Le CITU qui, explique-t-il, a organisé les travailleurs des plantations de thé et de bois de contreplaqué de la province d'Assam connaissait des problèmes de négociation collective qui avaient entraîné une grève des travailleurs du contreplaqué dans l'ensemble de l'Etat le 12 août 1987.
- 177. C'est dans ce contexte que les incidents suivants se seraient produits:
- - le 18 juin 1987, Mahilal Kalandi, travailleur d'une plantation de thé, originaire de Cachar et militant d'une organisation affiliée au CITU, a été arrêté par la police et empêché de contacter sa famille; son corps a été retrouvé dans une rivière avoisinante deux jours plus tard;
- - le 2 juillet 1987, Ashit Dutta, secrétaire du comité du CITU pour l'Etat d'Assam, a été illégalement détenu pendant plusieurs heures et battu par la police;
- - le 28 juillet 1987, neuf travailleurs d'une plantation de thé du district de Darrang, qui s'étaient récemment affiliés au CITU, ont été arrêtés et battus par la police jusqu'à ce qu'ils acceptent de quitter le syndicat; ils ont été licenciés sans préavis par la direction trois jours plus tard;
- - le 13 août 1987, Sukhram Tanti, un autre travailleur d'une plantation de thé du district de Darrang, a été arrêté et battu par la police jusqu'à ce qu'il accepte de cesser toute relation avec le CITU;
- - le 14 août 1987, le directeur de la plantation de thé de Bhutiachang a refusé d'autoriser le CITU à tenir une réunion prévue pour le lendemain;
- - le 17 août 1987, Uttam Das, secrétaire général du syndicat local du contreplaqué et des scieries, a été agressé par des hommes de main et illégalement retenu par la police; trois jours plus tard, les bureaux de son syndicat ont été mis à sac par les mêmes hommes de main;
- - le 20 août 1987, huit militants du CITU ont été arrêtés et battus par la police de Panery jusqu'à ce qu'ils s'engagent à quitter le syndicat.
- 178. Le CITU fournit également un rapport rédigé par M. Ashit Dutta (mentionné plus haut) et décrivant l'interruption violente de la réunion de son syndicat local au club des travailleurs de Choibari le 3 septembre 1987. D'après ce document, des jeunes gens armés ont attaqué M. Umesh Das, secrétaire adjoint du comité syndical de la plantation de thé de Choibari, et volé des biens du syndicat (une clé et une radio) pour les remettre au sous-directeur. Le lendemain, les travailleurs ont protesté contre ces actes de violence en manifestant devant le bureau du directeur de la plantation de thé et, après l'intervention du syndicat, le directeur a porté plainte au sujet de cet incident au poste de police de Chapar. En tout état de cause, il apparaît que les hommes de main responsables de l'attaque violente des syndicalistes locaux ont été libérés sous caution le 8 septembre et qu'ils sont en liberté, intimidant les membres des syndicats affiliés au CITU en brandissant des armes meurtrières.
- 179. Dans sa communication du 23 octobre 1987, le CITU décrit l'interruption par la violence d'une manifestion pacifique des travailleurs de cette organisation à la plantation de thé de Bijoypur le 12 octobre 1987; à cette occasion, la police de l'Etat d'Assam avait ouvert le feu sur les manifestants, tuant un travailleur et en blessant plusieurs autres. Après la fusillade, les policiers seraient entrés dans les maisons des travailleurs et auraient agressé les membres de leurs familles. Cet incident a été signalé par le comité du CITU pour l'Etat d'Assam au ministre d'Etat chargé des affaires intérieures, le 16 octobre, mais aucune suite n'a été donnée à cette démarche.
B. Réponses du gouvernement
B. Réponses du gouvernement
- 180. Le gouvernement déclare dans sa lettre du 11 février 1988 que, d'après les autorités de l'Etat d'Assam, une enquête préliminaire au sujet des faits allégués avait eu lieu. Sur la base des premières constatations, le gouvernement de l'Etat a ordonné l'ouverture d'une enquête de haut niveau, confiée à un officier supérieur de police du rang d'inspecteur général adjoint. Le rapport détaillé de cet officier de police devait être prêt dans un délai d'un mois et transmis au comité. Le gouvernement de l'Etat a donné l'assurance que les activités syndicales de bonne foi ne seraient gênées en aucune manière et qu'il n'y aurait aucun obstacle aux droits des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier comme le prévoit la loi. L'administration du district intéressé de l'Etat d'Assam a reçu pour instruction de faire preuve de la vigilance nécessaire.
- 181. Dans sa communication du 19 mai 1988, le gouvernement a transmis les résultats de l'enquête de police de haut niveau qui a été menée à terme pour deux des six griefs, à savoir: i) les coups infligés à M. Ashit Dutta, secrétaire du comité du CITU pour l'Etat d'Assam, et ii) l'agression contre M. Umesh Das, secrétaire adjoint du comité syndical de la plantation de thé de Choibari.
- 182. S'agissant du cas de M. Dutta, l'enquête a révélé que, le 2 juillet 1987, l'agglomération de Kokrajhar avait été submergée par une inondation et que des jeunes gens de la localité avaient commencé à creuser un caniveau sur la chaussée pour permettre à l'eau de s'écouler. Au cours de cette opération, ils avaient endommagé la chaussée, et une patrouille de police se trouvant sur les lieux avait essayé d'éviter de nouveaux dégâts à la chaussée. Une altercation avait eu lieu et la patrouille de police avait été agressée. La police avait alors procédé à des arrestations. Selon la version de M. Dutta, celui-ci était chez lui au moment où les policiers ont été agressés et il aurait été frappé et enfermé après s'être rendu au poste de police au sujet de la caution des personnes arrêtées. Selon la police, en revanche, M. Dutta était présent sur les lieux au moment de l'incident et a été arrêté lorsqu'il s'est rendu au poste de police. Il a été libéré par la suite sous caution. Au cours de l'enquête, il n'a pas pu être prouvé que M. Dutta avait été agressé au poste de police. En outre, selon l'enquête "le cas étant encore en instance devant le tribunal, il ne serait pas souhaitable d'exprimer une opinion au sujet de la légalité de l'arrestation de M. Dutta par la police". M. Dutta est un syndicaliste connu qui jouit d'une certaine réputation et qui exerce des responsabilités; il est possible qu'il soit intervenu en faveur des jeunes gens de sa localité. Quant à savoir si l'arrestation et la prétendue correction infligée à M. Dutta avaient un lien quelconque avec ses activités syndicales, rien n'est venu soutenir cette thèse au cours de l'enquête. Il n'y avait pas d'agitation syndicale lors de son arrestation, et lui-même n'entretenait pas de mauvaises relations avec la police du fait de ses activités syndicales avant son arrestation. Les mesures prises par la police à son encontre ne semblent pas avoir été destinées à le harceler en sa qualité de dirigeant syndical. Dans une communication ultérieure, en date du 14 octobre 1988, le gouvernement déclare que M. Ashit Dutta est inculpé d'avoir attaqué un chauffeur de la police lorsque la police est intervenue le 2 juillet 1987 et l'a empêché d'endommager la route. Il a été poursuivi, de même que cinq autres personnes, en application des articles 147, 341, 353 et 307 du Code pénal indien, et une feuille d'inculpation portant le no 163 et datée du 2 décembre 1987 visant ces six personnes est actuellement en instance devant la cour qui doit rendre sa décision à ce sujet.
- 183. S'agissant du cas de M. Umesh Das, l'enquête a révélé que celui-ci avait joué un rôle majeur dans l'organisation d'une grève le 3 septembre 1987. Il s'était toutefois fait porter en congé occasionnel et avait donc été payé ce jour-là à la différence des autres travailleurs. Un manoeuvre, Sundarsai Lohar, et 12 de ses camarades ont protesté contre cette situation; ils se sont rendus au domicile de M. Das et l'ont menacé. Ils ont agressé M. Ismail Hambram, autre membre actif du syndicat, et ont tenu de force une réunion au club du syndicat pour demander des sanctions contre M. Umesh Das. Par la suite, ils ont pris la clé et la radio du club et se sont rendus au domicile de M. S. Chakraborty, sous-directeur, pour lui remettre ces objets. Cependant, pressentant des difficultés, M. Chakraborty les refusa. Après que le syndicat de M. Das eut porté plainte, les personnes accusées ont été arrêtées le 9 septembre 1987; une quinzaine de jours plus tard, les formations syndicales rivales sont parvenues à un compromis et, depuis lors, aucun nouvel incident n'a été signalé à la plantation de thé. Rien n'indique que les activités syndicales organisées de bonne foi par les travailleurs de la plantation de thé aient été entravées ni que des travailleurs syndiqués aient été empêchés d'exercer les droits fondamentaux que leur confère la loi. D'après l'enquête, il s'agit d'une question de rivalité entre manoeuvres, et ni l'administration de la plantation ni la police ne sont impliquées dans ces incidents. Les dirigeants syndicaux de la plantation de thé ont pris des mesures pour parvenir à un compromis au sujet de la réduction de salaires et ont demandé au poste de police de Chapar de cesser toutes poursuites contre le susnommé Lohar et son groupe. L'affaire a donc été classée.
- 184. Dans sa communication du 12 septembre 1988, le gouvernement fournit les détails suivants sur le rapport d'enquête de l'inspecteur général adjoint concernant l'incident au cours duquel la police a ouvert le feu sur des travailleurs membres du CITU à la plantation de thé de Bijoypur. Le 12 octobre 1987, M. Samudra Ree, un travailleur appartenant au syndicat INTUC, s'est plaint au poste de police d'avoir été attaqué par six travailleurs appartenant au CITU. La plainte a été enregistrée au poste de police et ledit travailleur a été hospitalisé pendant deux jours en raison des blessures reçues. L'officier de police responsable du poste de police s'est mis le même jour à la recherche des personnes accusées. Comme c'était un jour férié, la patrouille de police s'est rendue dans la zone résidentielle où elle a trouvé l'un des accusés en état d'ébriété. Entre-temps, le président de la section locale du CITU implantée dans la plantation de thé est arrivé, accompagné d'un certain nombre de manoeuvres et a demandé à l'officier de police de quitter la plantation en lui donnant l'assurance que les personnes accusées seraient présentées au poste de police le jour suivant. Pour éviter que la situation ne s'envenime, l'officier de police s'est alors retiré sans procéder à une arrestation. Etant donné que la plainte présentée à la police avait été formulée par un travailleur appartenant à l'INTUC, la section locale du CITU l'avait interprétée comme une conspiration entre la direction et la police destinée à mettre en difficulté les travailleurs du CITU. Elle a informé de la situation les responsables syndicaux du CITU à la plantation de thé de Rampur.
- 185. Selon le rapport, le jour suivant à 7 heures du matin, des travailleurs de la plantation de thé de Rampur sont venus protester auprès du directeur de la plantation, M. R.S. Rajawat, et ont prétendu que la police était impliquée dans une conspiration dirigée contre le syndicat affilié au CITU et que la plainte n'était qu'un faux. Le directeur a nié cette accusation et a promis d'étudier la question. Il s'est rendu à 8 heures à la plantation où l'attendaient environ 10 responsables syndicaux locaux exigeant le licenciement du travailleur qui avait porté plainte et amené la police dans la plantation. Entre-temps, de 100 à 150 manoeuvres de la plantation s'étaient rassemblés devant les bureaux de l'administration pour réclamer des mesures; ils furent rejoints par environ 200 manoeuvres de la plantation de thé de Rampur. Le directeur leur a demandé de retourner au travail mais ils sont demeurés inflexibles et l'ont entouré. Le directeur a alors téléphoné au directeur de la plantation de thé de Daloo pour lui demander d'informer le poste de police de la situation; il a également envoyé son garde de sécurité au poste de police pour demander de l'aide, mais les travailleurs l'ont empêché de passer. Ils ont également débranché la ligne téléphonique.
- 186. Lorsque le directeur adjoint de la plantation de thé de Daloo a informé à 11 heures le poste de police de ce qui se passait, l'officier de police a immédiatement envoyé un message au commissaire de Silchar pour l'informer de la situation et lui demander de faire venir des renforts ainsi qu'un magistrat pour rétablir la loi et l'ordre dans la plantation de thé. Lorsque l'officier de police est arrivé à la plantation, il a constaté que 400 à 500 travailleurs encerclaient le directeur et son personnel. Les manoeuvres ont empêché l'officier de police de pénétrer dans la plantation, mais il est parvenu à y entrer en franchissant une clôture latérale. En dépit de ses injonctions, les manoeuvres ont refusé de cesser leur manifestation. Entre-temps, des renforts et un magistrat avaient été envoyés à la plantation. Les efforts du magistrat pour ramener le calme ont échoué, et l'agitation des travailleurs a redoublé lorsqu'ils ont constaté l'arrivée, à 14 h 10, des renforts de police. Le magistrat a tenté d'évacuer le directeur dans sa propre jeep, mais les manoeuvres ont intercepté le véhicule et l'ont endommagé par des jets de pierres. Pour rétablir la situation, des grenades à gaz lacrymogène ont été lancées, mais cela n'a eu aucun effet, pas plus qu'une charge de policiers armés de bâtons. Il a alors été ordonné d'ouvrir le feu, et 28 salves ont été tirées, entraînant la mort d'un manoeuvre, les autres travailleurs se dispersant à la vue de leur camarade mort. En tout, 16 policiers furent blessés, ainsi que le magistrat. Un manoeuvre a été tué et les bureaux de la plantation ont été gravement endommagés.
- 187. D'après le rapport, l'enquête n'a pas révélé s'il y avait eu tentative délibérée de la police d'entraver l'exercice, par les travailleurs de la plantation, de leurs droits syndicaux. Bien que la police se soit rendue à la plantation le 12 octobre 1987 pour instruire la plainte, aucune des personnes désignées n'a été arrêtée par la police qui avait alors quitté la plantation après avoir reçu l'assurance de certains syndicalistes que les accusés seraient présentés au poste de police le jour suivant. Toutefois, la conduite délibérée des manoeuvres de la plantation le jour suivant prouve que la nouvelle de la visite de la police avait été diffusée pendant la nuit parmi les manoeuvres et les responsables syndicaux. La séquestration du directeur était un acte illégal. Le rapport d'enquête déclare que l'attitude de la police lors de sa visite à la plantation en liaison avec l'instruction de la plainte pouvait apparaître comme un excès de zèle. La police aurait pu se rendre à la plantation après en avoir informé le syndicat affilié au CITU, étant donné que la plainte avait été formulée par un manoeuvre appartenant à un syndicat rival. Il n'y avait cependant rien d'illégal dans le fait, pour la police, de se rendre à la plantation de thé. De même, si la police s'est rendue à la plantation de thé le jour suivant, c'est parce qu'il y avait eu une plainte concernant le traitement illégal infligé au directeur. Il n'y avait rien d'irrégulier ou d'illégal dans cette visite. L'officier de police commandant le poste de police avait eu de même parfaitement raison de demander des renforts ainsi que l'envoi d'un magistrat pour rétablir la loi et l'ordre. L'ordre de disperser la manifestation violente des manoeuvres avait été donné conformément à une décision légale du magistrat. D'après le gouvernement, aucune action arbitraire de la police n'avait été dirigée contre les manoeuvres puisque 28 salves ont été tirées par la police et qu'un seul manoeuvre a été tué. Cela démontre que la police a tiré surtout en l'air ou dans différentes directions pour disperser les travailleurs. La combinaison de divers facteurs a contribué à rendre la situation sérieuse, mais l'enquête a permis d'établir que l'allégation selon laquelle il s'agissait d'une tentative délibérée de la police d'entraver les droits syndicaux légitimes des travailleurs affiliés au CITU à la plantation de thé de Bijoypur ne pouvait être prouvée.
- 188. Dans sa lettre du 15 septembre 1988, le gouvernement note que l'allégation selon laquelle M. Maina Kalandi avait été arrêté par la police le 18 juin 1987 et son cadavre, retrouvé dans la rivière le 20 juin 1987, contient une insinuation à peine cachée que la victime avait été torturée puis tuée alors qu'elle était détenue par la police. Toutefois, selon le gouvernement, les enquêtes qui ont été effectuées au sujet des allégations de torture et de décès lors de la détention par la police et qui étaient fondées sur les éléments d'information disponibles et les déclarations d'autres témoins n'ont en rien corroboré ces allégations.
- 189. Les principaux résultats de l'enquête peuvent être résumés comme suit: dans la nuit du 18 juin 1987, M. Jayram Mal a déposé plainte au poste de police en alléguant que Maina Kalandi était venu chez lui la nuit précédente et avait agressé ses parents avec une arme meurtrière. Après l'incident, M. Maina Kalandi avait mis le feu à sa propre maison. Des témoins étaient là. La police a arrêté M. Maina Kalandi le même soir et l'a conduit au poste de police. Il y a été retenu pour interrogatoire durant la nuit puis a été libéré sous caution le matin, vers 10 heures. Après avoir quitté le poste de police, il s'est rendu dans un salon de thé du bazar de Borkhola et y a consommé du thé. Après avoir quitté ce lieu, il s'est soudain précipité en courant vers la rivière Jatinga, qui coulait à peu de distance, et a sauté dans l'eau. Plusieurs passants et boutiquiers l'ont vu courir d'une façon frénétique et quelques-uns l'ont vu sauter dans la rivière. Ce n'est que le 20 juin 1987 que son cadavre a été retrouvé dans la rivière par la police. Une autopsie a été pratiquée sur le corps, et le rapport médical a établi que le décès était dû à une asphyxie par noyade. Aucune lésion extérieure n'a été constatée sur le corps lors de l'autopsie. Les déclarations de trois témoins attestant que le défunt avait couru vers la rivière pour s'y précipiter ont également été enregistrées par le magistrat de Silchar.
- 190. L'enquête a établi qu'il n'y avait rien d'illégal dans l'arrestation de l'accusé, M. Maina Kalandi, par la police, à la suite de la plainte déposée par M. Jayram Mal. L'accusé a été libéré sous caution au poste de police le lendemain de son arrestation. Il n'y avait aucune rivalité syndicale dans le cas en question, lequel concerne deux personnes en tant qu'individus et non en tant que syndicalistes. Il s'agit simplement d'une affaire pénale et il ne semble donc en aucune manière s'agir d'un cas d'ingérence abusive de la police dans les activités syndicales authentiques de membres du CITU.
- 191. Dans deux nouvelles communications datées, respectivement, du 31 octobre et du 2 novembre 1988, le gouvernement adresse les résultats de l'enquête menée par l'inspecteur général adjoint sur l'arrestation et les voies de fait qu'auraient subies M. Uttam Das, secrétaire adjoint du Syndicat du contreplaqué et des scieries. Il déclare qu'il y a eu, le 17 août 1987, un incident lié à la collecte de fonds de secours, au cours duquel M. Uttam Das a subi des blessures décrites par le rapport médical comme étant des blessures simples. Les deux parties ont toutefois été déférées au tribunal pour les empêcher de porter atteinte à nouveau à l'ordre public. Depuis, il n'y a plus eu de problèmes opposant les parties et la question a été classée. Le 20 juillet 1987, il y avait eu un incident causé par une rivalité syndicale entre deux groupes, à l'occasion de laquelle une plainte a été déposée contre M. Uttam Das. Pour donner suite à la plainte, celui-ci a été arrêté, brièvement détenu au poste de police de Mariani, puis relâché sous caution le même jour. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle certains éléments auraient fait une descente dans le bureau du syndicat local du CITU, l'enquête a démontré que le 20 août 1987 le gardien du bureau du syndicat local a été menacé et prié de quitter les locaux; une plainte a immédiatement été enregistrée auprès de la police de Mariani, mais, étant donné qu'il ne s'agissait pas d'un délit justifiant l'arrestation du coupable sans mandat d'arrêt, la police n'a pu procéder à aucune arrestation.
- 192. Enfin, dans sa communication du 31 octobre 1988, le gouvernement transmet les résultats de l'enquête concernant les difficultés qui auraient eu lieu à la plantation de thé de Bhutiachang. S'agissant de l'allégation selon laquelle la police de Panery aurait arrêté et battu neuf travailleurs pour les contraindre à démissionner du syndicat affilié au CITU, il ressort de l'enquête que la plupart des 986 manoeuvres permanents occupés sur la plantation étaient membres du syndicat ACMS. Par la suite, le CITU est intervenu et a revendiqué un effectif de 700 manoeuvres, provoquant ainsi une hostilité entre les deux syndicats. Le 28 juillet 1987, un responsable du syndicat ACMS, avec quelques autres militants, s'est rendu à la plantation de thé pour s'informer sur la campagne de recrutement lancée par le syndical rival; cela a donné lieu à une altercation et à des voies de fait contre le responsable de l'ACMS, qui a subi des blessures graves. Une plainte a été déposée au poste de police de Panery, et la police s'est rendue à la plantation de thé pour procéder à une enquête sur place, à la suite de quoi elle a arrêté huit manoeuvres pour voies de fait. Ces huit travailleurs ont été inculpés, et le cas est en instance. L'allégation selon laquelle ces travailleurs auraient été battus au poste de police n'a pas pu être corroborée. De même, déclare le gouvernement, l'allégation selon laquelle Sukhram Tanti aurait été battu par la police de Panery n'a pas pu être étayée par l'enquête. Le gouvernement souligne que la police n'a aucunement entravé les droits syndicaux des travailleurs de la plantation de thé dans ces cas et qu'il n'y a pas eu de détention illégale des inculpés. Ils ont été écroués (le 29 juillet 1987) conformément à la loi. L'enquête a également fait apparaître que la direction de la plantation de thé de Bhutiachang semblait avoir pris parti en faveur du syndicat ACMS et semblait harceler quelques travailleurs du CITU.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 193. Ce cas porte sur de graves allégations qui concernent des actes répressifs perpétrés, sous l'influence de la direction, par la police et par des hommes de main à l'encontre de membres du syndicat plaignant et d'organisations qui lui sont affiliées, dans des plantations de thé et de bois pour produire du contreplaqué de l'Etat d'Assam vers la fin de 1987. Les actes de répression comprendraient notamment: 1) le meurtre de M. Mahilal Kalandi le 18 juin 1987; 2) le passage à tabac, alors qu'ils étaient en garde à vue, d'Ashit Dutta, de Sukhram Tanti, et de neuf travailleurs non nommés de la plantation de thé du même district de Darrang, ainsi que de huit syndicalistes non nommés du district de Panery; 3) la détention illégale de M. Uttam Das le 17 août 1987; 4) l'interruption de réunions syndicales le 3 septembre 1987 à Choibari (y compris une agression contre M. Umesh Das) et le 12 octobre 1987 à la plantation de thé de Bijoypur, ainsi que l'interdiction d'une réunion syndicale à la plantation de thé de Bhutiachang.
- 194. Le comité note qu'une enquête de police de haut niveau a été ouverte par le gouvernement au sujet des allégations formulées. Le comité observe notamment, devant la connivence alléguée de la police d'Etat dans la violence antisyndicale, que, lorsque se sont déroulés des troubles ayant entraîné des pertes de vies humaines, ou des blessures graves, l'institution par les soins du gouvernement intéressé d'une enquête judiciaire indépendante est une méthode particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de telles actions. (Voir Recueil de décisions et de principes, 1985, paragr. 78.)
- 195. S'agissant des conclusions de l'enquête concernant le décès de Maina Kalandi, le comité note que le défunt avait été libéré sous caution par la police le lendemain du jour où il avait été retenu pour interrogatoire à propos d'accusations d'agression. En particulier, il note que des personnes ont témoigné de son comportement suicidaire lorsqu'il a sauté dans la rivière et que, selon l'autopsie officielle, "le décès était dû à une asphyxie par noyade". Dans ces conditions, le comité estime que cet aspect du cas n'appelle pas d'examen plus approfondi.
- 196. S'agissant des conclusions de l'enquête portant sur le cas d'Ashit Dutta, le comité note qu'un procès pénal contre lui est actuellement en instance devant les tribunaux. Il note aussi que, selon l'enquête, la preuve de l'existence d'un lien entre son arrestation et ses activités syndicales n'a pas été établie, pas plus que celle des mauvais traitements qu'il aurait subis alors qu'il était en garde à vue. Le comité demande au gouvernement de fournir toutes informations concernant la suite donnée au procès intenté contre M. Dutta pour avoir agressé un chauffeur de la police ainsi que le texte du jugement que le tribunal rendra à ce sujet. Dans le cas de ce dirigeant du CITU, comme dans tous les autres cas de personnes qui auraient été passées à tabac alors qu'elles étaient en garde à vue (y compris le cas de M. Sukhram Tanti et celui de huit autres travailleurs de la plantation de thé de Bhutiachang), le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur les procès en cours et souhaite rappeler que les syndicalistes détenus, à l'instar des autres personnes devraient jouir des garanties énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et que les gouvernements devraient donner des instructions nécessaires pour faire en sorte qu'aucun détenu ne fasse l'objet de mauvais traitements et infliger des sanctions efficaces dans les cas où de mauvais traitements ont été démontrés. (Voir Recueil, paragr. 83 et 84.)
- 197. Pour ce qui est de la détention illégale dont M. Uttam Das aurait fait l'objet le 17 août 1987, le comité note que, selon l'enquête, il y avait eu ce jour-là un incident au cours duquel M. Uttam Das aurait été blessé, mais qu'aucune détention, arrestation ou mesures consécutives n'auraient suivi. Le gouvernement explique que la police de Mariani avait brièvement détenu M. Uttam Das un mois avant la date alléguée - soit le 20 juillet 1987 - en liaison avec un incident de rivalité syndicale, mais qu'il avait été libéré sous caution ce même jour. Dans des situations comme celle-ci, le comité, confronté à des déclarations directement contradictoires sans qu'aucune preuve ne soit apportée pour éclairer l'allégation générale du plaignant, se trouve dans l'incapacité de donner son avis sur l'incident.
- 198. En ce qui concerne les conclusions de l'enquête relatives au cas de M. Umesh Das, le comité note que la réunion syndicale du 3 septembre 1987 et la manifestation qui a suivi le lendemain étaient liées à une rivalité entre deux factions et que, depuis lors, un accord a été conclu comprenant l'abandon des charges contre les travailleurs qui avaient menacé M. Umesh Das et attaqué un autre militant syndical, M. Ismail Hambram. Le comité note que, d'après l'enquête, aucun autre incident n'a eu lieu à la plantation de thé, alors que l'organisation plaignante allègue que les personnes responsables de l'incident peuvent impunément intimider les travailleurs favorables au CITU dans la plantation. Etant donné que les plaignants ne donnent aucun autre détail pour appuyer leurs allégations générales et que les forces de l'ordre semblent, dans ce cas, avoir agi promptement à la suite d'une plainte pour appréhender les individus accusés de violence antisyndicale, le comité estime que cet aspect du cas n'appelle pas d'examen plus approfondi.
- 199. S'agissant des conclusions de l'enquête sur la réunion syndicale du 12 octobre 1987 à la plantation de thé de Bijoypur, le comité note qu'il ne s'agissait pas, comme cela était allégué, d'une manifestation pacifique relative à des revendications professionnelles mais d'un incident violent résultant d'une rivalité intersyndicale. Bien que les travailleurs de la plantation aient eu recours à des menaces et à des violences, le comité doit exprimer sa préoccupation devant le fait, officiellement établi, que les tirs de la police ont tué un des manifestants. Tout en admettant que la légitime défense n'est pas un acte abusif, le comité doit souligner que le fait, pour les forces de l'ordre, d'ouvrir le feu à balles réelles sur des travailleurs désarmés constitue un acte particulièrement grave qui, si un délit est prouvé, devrait faire l'objet de toutes les mesures appropriées de manière à éviter la répétition de tels actes. (Voir Recueil, paragr. 80.)
- 200. En ce qui concerne les allégations relatives à la plantation de thé de Bhutiachang, le comité note que, selon les résultats de l'enquête, il y a eu à la fin de juillet 1987, lorsque des dirigeants de syndicats rivaux se sont rencontrés, des affrontements tels que l'intervention de la police s'est révélée nécessaire. Bien qu'il n'ait pas répondu expressément au refus que la direction aurait opposé à la tenue d'une réunion du CITU prévue pour le 15 août 1987, le gouvernement donne de nombreuses précisions concernant la tension qui existait dans cette plantation et reconnaît que la direction semble avoir été de parti pris en faveur d'un syndicat et avoir harcelé quelques travailleurs affiliés au CITU. Dans des cas antérieurs semblables, le comité a fermement rappelé le principe selon lequel, s'il n'a pas compétence pour traiter des différends opposant les diverses tendances d'un mouvement syndical, une plainte contre une autre organisation, si elle est libellée en termes suffisamment précis pour en permettre l'examen quant au fond, peut néanmoins mettre en cause le gouvernement du pays intéressé - par exemple, si les actes de l'organisation objet de la plainte sont injustement soutenus par le gouvernement ou sont de telle nature que le gouvernement est dans l'obligation de les empêcher (par exemple du fait qu'il a ratifié une convention internationale du travail). (Voir 73e rapport, cas no 322 (Sierra Leone), paragr. 11; 234e rapport, cas no 1226 (Canada), paragr. 60.) En particulier, des violences résultant d'une rivalité intersyndicale pourraient constituer une tentative de restriction au libre exercice des droits syndicaux. Si tel était le cas et si les actes en question étaient suffisamment sérieux, il semblerait que l'intervention des autorités et, en particulier, de la police serait nécessaire pour assurer la protection des droits menacés. La question de la violation des droits syndicaux par le gouvernement ne se poserait que dans la mesure où il aurait agi de façon impropre à l'égard des agressions alléguées. (Voir 109e rapport, cas no 533 (Inde), paragr. 116; 218e rapport, cas no 1129 (Nicaragua), paragr. 479.)
- 201. Dans le présent cas, le comité observe que l'Inde a ratifié la convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975, et s'est donc engagée à ce que les normes suivantes soient appliquées: "les principes de la liberté syndicale devront être respectés pleinement; les organisations de travailleurs ruraux devront être indépendantes et établies sur une base volontaire et ne devront être soumises à aucune ingérence, contrainte ou mesure répressive". (Article 3, paragraphe 2, de la convention.) En conséquence, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour garantir que la direction de la plantation de thé de Bhutiachang n'exercera pas de favoritisme tel qu'il entraverait le droit des travailleurs de la plantation de thé d'adhérer à une organisation de travailleurs de leur choix et de participer à ses activités.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 202. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Tout en notant qu'une enquête de police de haut niveau ait été ouverte pour faire la lumière sur les incidents allégués de violence antisyndicale dans les plantations de thé et de bois pour produire du contreplaqué de l'Etat d'Assam, le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur la suite donnée au procès pénal pour voies de fait intenté contre le dirigeant syndical, M. Ashit Dutta, et sur l'affaire des huit travailleurs de la plantation de thé du district de Panery, ainsi qu'une copie des jugements des tribunaux dès qu'ils seront rendus.
- b) Le comité appelle, d'une manière générale, l'attention du gouvernement sur la position qu'il a adoptée antérieurement lors de cas allégués de voies de fait et de violences antisyndicales perpétrées par des organes officiels de maintien de l'ordre, à savoir qu'il convient de protéger les syndicalistes détenus contre tout mauvais traitement, et que les gouvernements devraient donner des instructions nécessaires à cet effet et infliger des sanctions efficaces dans les cas où des mauvais traitements ont été démontrés afin d'éviter la répétition de tels actes.
- c) Le comité souligne que le fait, pour les forces de l'ordre, d'ouvrir le feu à balles réelles sur des travailleurs désarmés - ce qui, dans ce cas, a entraîné la mort d'un travailleur au cours d'une manifestation - constitue un acte particulièrement grave qui, si un délit est prouvé, devrait faire l'objet de toutes les mesures appropriées de manière à prévenir la répétition de tels actes.
- d) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour garantir que la direction de la plantation de thé de Bhutiachang n'exercera pas de favoritisme tel qu'il entraverait le droit des travailleurs de la plantation de thé d'adhérer à l'organisation de travailleurs de leur choix et de participer à ses activités.