DISPLAYINEnglish - Spanish
- 410. Le comité a examiné ce cas à sa session de février 1988 où il a présenté un rapport intérimaire. (Voir 254e rapport, paragr. 505 à 523, approuvé par le Conseil d'administration à sa 239e session.) La Confédération internationale des syndicats libres a envoyé de nouvelles allégations dans des communications du 19 février 1988 et du 6 février 1989. Le gouvernement a envoyé des réponses en date des 27 septembre 1988, 31 janvier et 6 septembre 1989.
- 411. Fidji n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais elle a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 412. La plainte initiale portait sur la détention temporaire de deux dirigeants syndicaux à la suite du coup d'Etat militaire du 25 septembre 1987, la fermeture pendant plusieurs jours de certains locaux syndicaux, la restriction des activités syndicales et le refus d'autoriser un dirigeant syndical de haut niveau à quitter Fidji pour se joindre à une délégation syndicale internationale. La CISL s'était inquiétée également des observations attribuées au responsable du coup d'Etat, M. Rabuka, selon lesquelles son gouvernement allait "restructurer" le mouvement syndical à Fidji.
- 413. Le gouvernement n'avait nié aucun des incidents mentionnés dans la plainte initiale, mais il avait tenté de justifier les arrestations, fermetures de locaux, etc., en évoquant la situation difficile que traversait le pays à la suite du coup d'Etat et les actions de certains dirigeants syndicaux qui cherchaient à déstabiliser l'économie du pays. Il avait également souligné que les dirigeants en question avaient été remis en liberté et que tous les locaux syndicaux fonctionnaient normalement. Il avait affirmé en outre qu'à la suite d'entretiens avec le Congrès des syndicats de Fidji (FTUC) il avait donné l'assurance ferme que les droits syndicaux continueraient d'être protégés à condition que les syndicats s'abstiennent de mener des actions subversives susceptibles de déstabiliser l'économie.
- 414. Lors de son examen antérieur du cas, le comité avait noté qu'en raison de la transmission récente de nouvelles allégations contenues dans la lettre de la CISL du 8 février 1988, le gouvernement n'avait pas été en mesure de présenter ses observations à leur sujet. La lettre en question alléguait que tant le gouverneur général (actuellement Président) que le ministre du Travail avaient fait un certain nombre de déclarations importantes qui étaient censées garantir la reconnaissance des droits syndicaux à Fidji. Cependant, la CISL avait appelé l'attention sur un certain nombre de problèmes qui suscitaient une "grave préoccupation" chez certains de ses adhérents, à savoir:
- - maintien de restrictions (comme l'obligation d'obtenir une autorisation spéciale du ministère des Affaires intérieures) à la liberté de mouvement de certains dirigeants syndicaux désireux de quitter Fidji ou d'y revenir; la CISL a envoyé une annexe intitulée "photocopie d'une liste militaire de personnes non autorisées à quitter Fidji" qui énumère les noms de 20 syndicalistes, dont James Raman et Bob Kumar du FTUC, mentionnés dans l'examen antérieur du cas;
- - suspension de l'emploi d'un certain nombre de dirigeants syndicaux et tentatives d'empêcher certains responsables d'exercer leurs activités syndicales;
- - surveillance de responsables syndicaux, de salariés et de militants, et de locaux syndicaux;
- - mauvais traitements, intimidations lors d'interrogatoires et vexations humiliantes infligés à des dirigeants syndicaux pendant leur détention, en particulier coups de pied et autres coups donnés à M. Shiva Sankaran, dirigeant de l'Association des employés d'Air Pacifique, lorsqu'il a été détenu par la police le 29 octobre 1987 (deux rapports médicaux signés faisant état d'une fracture du nez, de contusions, d'hémorragie et d'aggravation de l'asthme bronchique, qui avait été diagnostiqué auparavant, sont communiqués par le plaignant);
- - obligation d'obtenir l'autorisation de la police pour tenir des réunions syndicales;
- - tentatives de restreindre fortement l'activité syndicale dans le secteur public;
- - non-fonctionnement de certains organes judiciaires (en particulier la Cour suprême et la Cour d'appel), d'où la difficulté d'obtenir réparation dans les cas d'ingérence dans l'exercice des droits acquis des salariés;
- - restrictions à la liberté de mouvement et de réunion en vertu du décret sur l'observance du dimanche, qui toucheraient aussi les syndicats.
- 415. A sa 239e session (février-mars 1988), le Conseil d'administration a approuvé les conclusions intérimaires suivantes du comité:
- a) Le comité estime que la détention préventive de certains dirigeants du Congrès des syndicats de Fidji, même pour une période limitée, qui a eu lieu après le coup d'Etat militaire du 25 septembre 1987, a impliqué une grave ingérence dans l'exercice des droits syndicaux.
- b) Le comité voudrait également rappeler, d'une manière générale, que le fait que le gouvernement militaire a fermé temporairement certains locaux de syndicats importants et qu'il a empêché un dirigeant syndical de voyager avec une délégation d'un congrès syndical international est contraire aux principes internationaux concernant la protection des locaux syndicaux et le droit d'entrer librement en contact avec les organisations syndicales internationales.
- c) Le comité, tout en prenant note des accords intervenus avec le TUC et des assurances données par le gouvernement, tient à souligner que l'exercice des droits syndicaux ne saurait être considéré comme illégal, du simple fait d'un manque de coopération des organisations syndicales avec un gouvernement. L'exercice de ces droits ne doit pas non plus être considéré comme le gage et le résultat de la coopération entre le mouvement syndical et un gouvernement, mais comme un droit inaliénable des travailleurs.
- d) Le comité demande au gouvernement d'envoyer ses observations sur la dernière communication de la CISL en date du 8 février 1988.
B. Nouvelles allégations
B. Nouvelles allégations
- 416. Dans une communication en date du 19 février 1988, la CISL allègue que malgré les promesses du ministre du Travail de remédier à la situation, le ministère de l'Emploi rejette la plupart des notifications de conflits du travail présentées par les syndicats, ce qui les prive du statut de "conflits" aux fins de la loi de 1973 sur les conflits du travail. Elle allègue aussi que le gouvernement n'a fait état d'aucun progrès dans la réactivation du "forum tripartite", organe qui joue un rôle important dans la fixation des salaires à Fidji. Enfin, elle souligne que, malgré l'affirmation du ministère des Affaires intérieures selon laquelle les citoyens sont libres de quitter Fidji et d'y revenir, des restrictions sont encore imposées aux voyages à l'étranger de plusieurs syndicalistes.
- 417. Dans sa communication du 6 février 1989, la CISL allègue que certaines restrictions déjà mentionnées dans sa plainte subsistent, par exemple l'obligation d'obtenir l'autorisation de la police pour tenir des réunions syndicales, l'obligation pour les dirigeants syndicaux d'obtenir une autorisation écrite pour aller à l'étranger dans le cadre de leur activité syndicale, la nécessité de régler les questions du travail par les procédures législatives appropriées en vertu de la loi sur les conflits du travail, la nécessité de convoquer à nouveau le forum tripartite (ainsi que le Conseil consultatif du travail et les conseils des salaires). Elle allègue que mis à part la désignation de membres du Conseil consultatif du travail et des conseils des salaires, le gouvernement n'a pris aucune initiative importante pour rétablir les droits syndicaux et des relations professionnelles normales.
- 418. Selon la CISL, un nouveau décret a donné au gouvernement des pouvoirs discrétionnaires considérables en ce qui concerne les nominations, les promotions, la discipline, les transferts et les classifications dans la fonction publique. Les droits de recours ont été supprimés par le décret, et il n'existe pas d'autorité indépendante pour traiter les réclamations dans ces domaines. Dans plusieurs cas, des Indiens compétents ont été démis et exclus de postes à responsabilités dans la fonction publique sous prétexte d'établir un équilibre racial. Selon les allégations, le gouvernement a reconnu et, dans certains cas, encouragé la formation de syndicats rivaux et scissionnistes sur une base raciale, en particulier dans le secteur public.
- 419. En outre, la CISL déclare que, le 17 juin 1988, le gouvernement a publié un décret de sécurité interne donnant aux autorités de vastes pouvoirs, en particulier à l'article 8 et à la troisième annexe concernant les services essentiels: pouvoirs d'arrestation, de détention, de perquisition et de saisie, pouvoir de limiter la liberté de parole et d'expression, notamment l'utilisation des médias, la liberté syndicale, la liberté de réunion et de mouvement, et pouvoir discrétionnaire de contourner le système judiciaire. De l'avis de la CISL, il en résulte une menace manifeste pour le libre exercice des droits syndicaux. A la suite des fortes pressions exercées tant dans le pays que de l'extérieur, ce décret a été suspendu mais la CISL croit savoir qu'il peut être réintroduit à tout moment au bon vouloir du gouvernement.
- 420. Enfin, l'affilié (FTUC) de la CISL indique que si le projet de Constitution annoncé en septembre 1988 est promulgué sous sa forme actuelle les droits syndicaux seront encore plus menacés et les risques de représailles contre les dirigeants syndicaux qui exercent des activités légitimes encore plus grands.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement
- 421. Dans une lettre datée du 27 septembre 1988, le gouvernement réaffirme que "tous les droits syndicaux assurés par les lois en vigueur ont été pleinement rétablis". Il déclare aussi que ces droits ont été encore renforcés par le décret du 29 janvier 1988 sur la protection des libertés et droits fondamentaux de l'individu, dont il a joint copie à sa réponse.
- 422. Dans une lettre du 31 janvier 1989, le gouvernement soutient qu'on ne saurait dire que les activités syndicales sont restreintes puisque 107 conflits ont été notifiés au ministère de l'Emploi et des Relations professionnelles en 1987, contre 65 en 1986. En 1988, 68 conflits ont été notifiés, dont 57 ont été acceptés et, sur ce nombre, 16 ont été résolus. Cela montre, affirme le gouvernement, que les activités syndicales sont intenses et que les conflits ont été dûment engagés, et avec célérité. Il ajoute qu'un médiateur permanent a été nommé au milieu de 1988, ce qui confirme l'impartialité des procédures.
- 423. Le gouvernement critique ensuite certaines déclarations faites par des représentants du FTUC lors de leur participation à des réunions syndicales en Espagne en décembre 1988, et en Australie en janvier 1989. Il interprète les activités d'obstruction du FTUC et les pressions exercées par la CISL sur le gouvernement provisoire comme une ingérence extérieure dans les affaires internes d'un Etat souverain.
- 424. Le gouvernement expose quelques-unes des mesures de redressement économique qu'il a prises. Il répète que la promulgation, le 29 janvier 1988, du décret (no 12) sur la protection des libertés et droits fondamentaux de l'individu a rétabli le droit d'exercer toutes les activités syndicales. Il renvoie aux consultations tripartites dans le cadre du forum tripartite créé en 1976 et qui fonctionnait bien les premiers temps; lorsque les parties ont commencé à avoir des divergences en 1984, le gouvernement d'alors a cessé de reconnaître le FTUC comme représentant de la majorité des travailleurs syndiqués. Selon le gouvernement, les relations se sont détériorées notamment parce que "le FTUC se politisait pour le profit personnel de quelques-uns de ses dirigeants". Il ajoute que le futur forum tripartite n'aura pas la même composition que l'ancien: l'organe actuellement en discussion aura peut-être la forme d'un "sommet national" avec une représentation géographique et organisationnelle plus large.
- 425. Selon le gouvernement, les nominations aux conseils des salaires ont été menées à bien et vont être rendues publiques sous peu. Bien que le forum tripartite n'existe plus, le principe du tripartisme subsiste et fonctionne au sein de ces conseils. En outre, les nominations tripartites au Conseil consultatif du travail se poursuivent et la représentation sera élargie à toutes les sections des organismes non affiliés.
- 426. Enfin, le gouvernement se réfère à la révision en cours de la loi sur les conflits du travail (qui va être bientôt soumise au Conseil consultatif du travail avant d'être déposée officiellement au Cabinet pour discussion et décision) et à la révision future de la loi sur l'emploi (qui devait être examinée en 1988).
- 427. Dans sa lettre du 6 septembre 1989, le gouvernement répond aux allégations en suspens de la CISL du 8 février 1988 et donne des informations complémentaires.
- 428. Tout d'abord, il indique que la restriction de la liberté de quitter Fidji et d'y revenir était en vigueur sous le régime du gouvernement militaire (de septembre à décembre 1987), et plus particulièrement après la découverte d'une livraison illégale d'armes à Fidji. La restriction ne s'appliquait pas seulement aux syndicats mais aussi à d'autres entités soupçonnées de participer à des activités subversives. Les restrictions ont été levées, et les syndicalistes et autres intéressés sont libres de quitter le pays et d'y revenir. Les syndicalistes n'ont pas besoin d'une autorisation spéciale du ministère des Affaires intérieures pour quitter le pays.
- 429. Le gouvernement se réfère aux observations faites ci-dessus en ce qui concerne la suspension de leur emploi de certains dirigeants syndicaux. Il ajoute, toutefois, que les dirigeants syndicaux exercent maintenant leurs activités syndicales normales.
- 430. S'agissant de la surveillance, le gouvernement déclare que s'il y en a eu une elle a été exercée par les forces de sécurité pendant l'enquête sur la livraison illégale d'armes. Le ministère de l'Emploi et des Relations professionnelles n'a pas connaissance de surveillance de qui que ce soit pour le moment.
- 431. Le gouvernement indique que les tracasseries n'ont pas été limitées aux syndicalistes et que, de toute façon, elles ne sont plus pratiquées.
- 432. Quant à l'allégation concernant l'obligation d'obtenir une autorisation de la police pour tenir des réunions syndicales, le gouvernement déclare qu'il n'est plus nécessaire de notifier les réunions syndicales à la police, sauf si elles ont lieu dans un endroit public. En pareil cas, il peut être nécessaire de détourner la circulation, de déployer des forces de police supplémentaires pour contenir la foule, etc.
- 433. En réponse à l'allégation de restriction des activités syndicales dans le secteur public, le gouvernement déclare qu'aucun dirigeant syndical du secteur public, et en particulier dans la fonction publique, n'a fait ou ne fait actuellement l'objet d'une suspension d'emploi. Il est de règle maintenant dans la fonction publique que toutes les catégories de postes comprennent au moins 50 pour cent de Fidjiens indigènes. Si cette règle comporte une discrimination, le gouvernement affirme que cette discrimination est positive et mise en oeuvre pour assurer la parité des effectifs. Il n'y a pas eu là d'infraction à une convention collective ou à un contrat, puisqu'aucune convention ne fait état d'effectifs dans la fonction publique. En outre, il n'y a pas eu non plus d'infraction à la loi sur les conflits du travail, puisque la loi ne prévoit rien concernant les effectifs dans la fonction publique. Le gouvernement souligne que les dispositions de toutes les lois sur le travail et les syndicats qui étaient en vigueur avant le 14 mai 1987 demeurent intactes et sont pleinement observées et respectées.
- 434. Quant au non-fonctionnement allégué de certains organes judiciaires fidjiens, le gouvernement explique que le système judiciaire existe toujours et fonctionne intégralement.
- 435. Le gouvernement joint en annexe une copie du décret sur l'observance du dimanche qui fait maintenant partie de la législation de Fidji. Si la liberté de mouvement et de réunion des syndicalistes est sérieusement restreinte, ils demeurent libres, comme quiconque à Fidji, de se réunir et de se déplacer les jours autres que le dimanche. Le gouvernement souligne que la grande majorité des Fidjiens indigènes, dont une grande partie sont syndiqués, ont demandé des restrictions plus rigoureuses concernant le sabbat chrétien. Le décret actuel a atténué quelques-unes des restrictions demandées par les Fidjiens, et il est considéré comme équitable pour toutes les composantes de la communauté fidjienne.
- 436. Le gouvernement souligne, d'une manière générale, qu'il n'a pas été facile de répondre aux plaintes de la CISL parce que le plaignant a fourni très peu d'exemples concrets d'infractions de la part du gouvernement. Ce dernier ajoute que dix-huit mois se sont écoulés depuis que la CISL a soulevé de nouveaux points et qu'il y a eu beaucoup de faits nouveaux à Fidji depuis lors. Une autre mission de la CISL se rendra à Fidji en octobre 1989 pour avoir des entretiens avec les autorités de Fidji. Elle cherchera sans aucun doute à obtenir des assurances sur quelques-unes des questions qu'elle a soulevées. Les autorités de Fidji se félicitent de la visite de la mission parce qu'elle fournira l'occasion de montrer que les droits et privilèges syndicaux sont intacts.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité
- 437. Le comité note que, malgré les assurances données par les autorités à la fin de 1987 selon lesquelles tous les droits syndicaux prévus par la législation en vigueur ont été rétablis à l'entière satisfaction du FTUC (voir 254e rapport, paragr. 515), de nouvelles allégations ont été présentées à de nombreuses reprises par la CISL relatives au maintien de restrictions au libre fonctionnement des syndicats dans le pays. Ces allégations portent sur les points suivants: 1) restrictions à la liberté de quitter Fidji et d'y revenir; 2) suspension d'un certain nombre de dirigeants syndicaux et tentatives d'empêcher certains dirigeants d'exercer leurs fonctions; 3) surveillance de dirigeants et de locaux syndicaux; 4) tracasseries à l'encontre de dirigeants syndicaux en détention; 5) autorisation préalable requise pour les réunions syndicales; 6) tentatives de restreindre fortement l'activité syndicale dans le secteur public; 7) difficultés pour obtenir réparation en cas d'ingérence dans l'exercice des droits des travailleurs en raison du non-fonctionnement de certains tribunaux ou du rejet de conflits présentés par des syndicats aux fins de règlement en vertu de la loi sur les conflits du travail; 8) conséquences pour les syndicalistes des restrictions à la liberté de mouvement contenues dans le décret du 31 mai 1989 sur l'observance du dimanche.
- 438. En outre, les allégations récentes portent sur le fait que le forum tripartite et certains autres organes importants pour la fixation des salaires à Fidji n'ont toujours pas été réactivés, sur les vastes pouvoirs prévus par le décret du 17 juin 1988 sur la sécurité interne qui a été suspendu mais pourrait être remis en vigueur, et sur le risque que présentent pour les dirigeants syndicaux certaines dispositions du projet de Constitution annoncé en septembre 1988.
- 439. Le comité note que le gouvernement répond à ces allégations par des dénégations catégoriques ou des explications concernant le caractère général des mesures prises qui ne visaient pas uniquement les syndicalistes; il note aussi que le gouvernement ne fait aucune observation au sujet des allégations les plus récentes de la CISL concernant les menaces que constituent pour le syndicalisme le décret de sécurité interne et le projet de Constitution.
- 440. Avant d'examiner le fond de ces diverses questions, le comité relève tout particulièrement qu'une seconde mission de la CISL se rendra à Fidji en octobre 1989 pour examiner la situation du libre fonctionnement de son affiliée dans ce pays. Etant donné que les conclusions de cette mission concernent directement le présent cas, le comité demande au plaignant - la CISL - de lui fournir une copie du rapport lorsque ce dernier sera disponible.
- 441. En ce qui concerne la question de la liberté de mouvement des dirigeants syndicaux (qui serait restreinte par l'obligation d'obtenir une autorisation préalable), le comité note que certains dirigeants syndicaux sont allés à l'étranger (par exemple en Espagne et en Australie, selon l'une des réponses du gouvernement) et ont apparemment pu revenir librement à Fidji après avoir participé à des réunions syndicales internationales. Etant donné que le plaignant ne donne pas d'exemples récents concrets où une autorisation préalable du ministère des Affaires intérieures aurait été exigée (il donne simplement une liste dactylographiée de noms intitulée "photocopie d'une liste militaire de personnes non autorisées à quitter Fidji" obtenue en janvier 1987) et que le gouvernement réfute expressément cette allégation, le comité se borne à rappeler de manière générale que l'imposition de sanctions, telles que le bannissement ou les restrictions aux voyages à l'étranger pour des raisons syndicales, constitue une violation de la liberté syndicale.
- 442. Par ailleurs, le comité observe que, selon les allégations, la liberté de mouvement et de réunion est restreinte par le décret sur l'observance du dimanche. Le comité note qu'effectivement le décret semble interdire les réunions ou défilés syndicaux le dimanche. L'article 4 dispose:
- "Nul ne pourra le dimanche:
- a) s'adonner contre une récompense ou un bénéfice à une activité dans le commerce, les affaires, un emploi, une occupation, une profession ou un travail;
- b) organiser, participer ou assister à tout spectacle ou divertissement dans un lieu public, un lieu de divertissements publics ou une installation sportive;
- c) convoquer, organiser ou participer à une réunion ou procession dans tout lieu public. (Un "lieu public" désigne tout bâtiment autre qu'une maison d'habitation.)"
- Il convient de noter que les activités autorisées le dimanche (article 5), nonobstant les dispositions de l'article 4, comprennent toute activité commerciale ou économique ou tout travail qui sont énumérés dans l'annexe au décret (par exemple sauvetage en mer par hélicoptère, etc., boulangeries, stations de radio) ou qui sont essentiels pour l'accomplissement de l'une des activités énumérées et l'organisation ou la participation à une cérémonie religieuse, ou pour un travail nécessaire à l'entretien d'animaux domestiques ou à la préservation de la vie ou des biens. Des dispositions plus détaillées expliquent que certaines activités à but non lucratif sont autorisées, telles que les sports et pique-niques. L'article 6 autorise aussi des dérogations à certaines heures de la journée le dimanche pour la vente de repas préparés dans les restaurants et pour les activités de clients enregistrés dans les hôtels. Aux termes de l'article 7, toute personne qui désire exercer un dimanche une activité interdite peut demander une autorisation à la police et, aux termes de l'article 8, le ministre chargé de la Défense et de la Sécurité peut, si la demande lui en est faite, lever pour toute personne ou tout groupe de personnes l'interdiction figurant à l'article 4. Les articles 9 et 10 prévoient de nombreuses sanctions en cas d'infraction au décret, y compris l'arrestation sans mandat de toute personne qui enfreint ou est soupçonnée d'enfreindre l'interdiction.
- 443. Tout en prenant note de l'assurance donnée par le gouvernement que l'obligation prévue dans le décret d'obtenir l'autorisation de la police ou une exonération ministérielle pour tenir des réunions syndicales un dimanche ne vise qu'à respecter le sabbat chrétien, le comité doit rappeler que le droit des syndicats d'organiser librement des réunions dans leurs propres locaux pour examiner des questions syndicales, sans nécessité d'une autorisation préalable et sans ingérence de la part des autorités publiques, constitue un élément fondamental de la liberté syndicale. Le comité estime donc que les organisations syndicales devraient pouvoir se réunir dans leurs propres locaux, y compris le dimanche.
- 444. En ce qui concerne les restrictions générales concernant les réunions dans les lieux publics, le comité note que, selon le gouvernement, l'autorisation de la police est exigée pour des raisons logistiques (par exemple détournement de la circulation). A cet égard, le comité estime (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 158) que, si le droit de tenir des réunions syndicales est un élément essentiel de la liberté syndicale, les organisations sont toutefois tenues de respecter les dispositions générales relatives aux réunions publiques applicables à tous, principe énoncé également par l'article 8 de la convention no 87 d'après lequel les travailleurs et leurs organisations sont tenus, comme les autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité. Il a ajouté toutefois que l'autorisation de tenir des réunions et des manifestations publiques, ce qui constitue un droit syndical important, ne doit pas être arbitrairement refusée. (Recueil, paragr. 157.) Le comité demande donc au gouvernement de porter ces principes à l'attention des autorités compétentes pour autoriser les réunions publiques.
- 445. En ce qui concerne les allégations relatives à la suspension d'un certain nombre de dirigeants syndicaux et à des tentatives d'empêcher certains dirigeants d'exercer leurs fonctions, le comité note que le gouvernement nie catégoriquement toute ingérence actuelle dans les fonctions normales des dirigeants syndicaux mais reconnaît, semble-t-il, que certaines restrictions ont été imposées en relation avec des livraisons illégales d'armes pendant quelques mois, tout de suite après le coup d'Etat militaire de 1987. Faute d'informations précises sur cette allégation (par exemple le nom des dirigeants suspendus, les dates, les raisons données), le comité n'est pas en mesure de formuler des conclusions définitives sur la question de savoir s'il y a eu violation de la liberté syndicale. Il considère donc que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 446. De même, en ce qui concerne la surveillance alléguée de dirigeants et de locaux syndicaux, le comité note les dénégations du gouvernement et l'absence d'informations détaillées de la part du plaignant. Dans ces conditions, il considère qu'il ne dispose pas d'éléments suffisants pour lui permettre d'examiner cet aspect du cas.
- 447. La question des mauvais traitements et des tracasseries infligés aux syndicalistes pendant leur détention est une question grave, étant donné que le gouvernement reconnaît que ces faits ont eu lieu à un certain moment et fait valoir que "les tracasseries ne visaient pas uniquement les syndicalistes et que, de toute façon, elles ne sont plus pratiquées". Le comité note en particulier que le plaignant fournit au moins un exemple concret et appuyé par des informations détaillées (les mesures d'intimidation et les coups infligés brutalement à M. Shiva Sankaran, dirigeant de l'Association des employés d'Air Pacifique), et que le gouvernement ne donne pas d'informations sur la détention de cette personne pendant trois jours en octobre 1987, ni sur son état de santé actuel et l'endroit où elle se trouve actuellement. Cela est d'autant plus regrettable que l'un des rapports médicaux fournis par la CISL donne les noms des fonctionnaires de police responsables des mauvais traitements infligés à M. Sankaran.
- 448. Le comité exprime donc sa préoccupation devant le fait que des syndicalistes (et d'autres citoyens) n'ont pas bénéficié des garanties d'une procédure judiciaire régulière conformément aux principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. (Recueil, paragr. 82.) Il demande au gouvernement, comme il l'a fait par le passé dans des cas de ce genre, de donner des instructions précises et d'appliquer des sanctions efficaces lorsque des cas de mauvais traitements sont découverts afin qu'aucun détenu ne fasse l'objet de mauvais traitements ou d'autres formes de pression. (Recueil, paragr. 84, et Rapport de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale concernant le Lesotho, GB.197/3/5, juin 1975, paragr. 121.)
- 449. En ce qui concerne les allégations relatives à des tentatives de restreindre l'activité syndicale dans le secteur public (par des mesures comme la réorganisation comportant le licenciement de fonctionnaires compétents sous prétexte d'établir un équilibre racial et l'encouragement par le gouvernement de syndicats rivaux à base raciale), le comité note qu'un décret (no 8) sur le service public a été adopté le 13 janvier 1988. Le gouvernement qualifie les changements apportés à l'exercice du rôle de direction de la Commission de la fonction publique de "discrimination positive" en faveur des Fidjiens indigènes, mais le comité note avec préoccupation que le décret laisse de grands pouvoirs discrétionnaires à la Commission de la fonction publique pour la réorganisation des ministères et des départements du gouvernement, notamment la responsabilité de la classification des postes et de la mise en oeuvre des programmes de formation sans aucun réexamen d'une autorité indépendante.
- 450. Le comité appelle l'attention du gouvernement sur le principe général selon lequel nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes. (Recueil, paragr. 538.) Il rappelle aussi que la législation devrait établir d'une manière expresse des recours et des sanctions contre les actes de discrimination antisyndicale - notamment le licenciement, les transferts et les rétrogradations - des employeurs afin d'assurer l'application effective de ce principe. (Recueil, paragr. 543 et 544.) Le comité estime en outre qu'une réorganisation de la fonction publique ne doit pas porter atteinte aux activités protégées par les conventions de l'OIT ou les limiter.
- 451. Le comité se trouve devant des versions contradictoires s'agissant du non-fonctionnement allégué de certains organes judiciaires de Fidji. Il note, d'après le Journal officiel de Fidji, qu'il y a eu une intense activité législative tout au long de 1988 qui a abouti à la promulgation de trois textes législatifs importants définissant les fonctions et obligations de certains organes judiciaires de Fidji. Ces textes sont les suivants: le décret du 15 juillet 1988 sur les tribunaux d'instance (juridiction civile) (réputé être entré en vigueur le 1er janvier 1988), le Règlement de la Haute cour du 31 mars 1988 et le Règlement (no 2) du 20 octobre 1988 régissant les appels devant la Cour suprême promulgué en application du décret de 1988 sur la magistrature. En outre, à la base de cette activité législative, le comité reconnaît l'importance accordée par le gouvernement à la promulgation, le 29 janvier 1988, du décret (no 12) sur la protection des libertés et droits fondamentaux de l'individu. Le comité observe, d'après la copie du décret no 12 fournie par le gouvernement, que l'article 9 8) consacre l'indépendance et l'impartialité du système judiciaire.
- 452. Etant donné que les craintes du plaignant concernant le non-fonctionnement de la Cour suprême et de la Cour d'appel semblent trouver une réponse dans la promulgation de règles régissant en détail l'accès au système judiciaire et son fonctionnement, le comité considère que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 453. En relation avec le problème évoqué ci-dessus se pose la question des difficultés rencontrées, selon les allégations, par les syndicats lorsque les autorités administratives refusent de se saisir de leurs conflits aux fins de règlement selon la loi sur les conflits du travail. Le comité note l'observation du gouvernement selon laquelle, au contraire, les activités syndicales "sont très dynamiques et les procédures été ont dûment engagées, et avec célérité". Le comité relève toutefois que les statistiques mentionnées par le gouvernement pour 1986 et 1987 indiquent seulement le nombre de conflits portés à l'attention du ministère de l'Emploi et des Relations professionnelles, tandis que les statistiques pour 1988 précisent que sur les 68 conflits notifiés, 57 ont été acceptés et, sur ce nombre, 16 ont été réglés. En outre, le comité note, d'après le rapport du gouvernement sur la convention no 84 présenté au BIT en application de l'article 22 de la Constitution de l'OIT, qu'en 1987 trois nouveaux syndicats ont été enregistrés conformément à la loi sur les syndicats, et que ces décisions d'enregistrement ont fait l'objet de recours de la part d'autres syndicats et devaient passer devant la Cour suprême au cours de 1988.
- 454. Conformément à la procédure prévue dans la loi de 1973 sur les conflits du travail, lorsqu'il reçoit notification d'un conflit du travail en cours ou imminent, le Secrétaire permanent à l'emploi et aux relations professionnelles peut prendre une ou plusieurs mesures énoncées à l'article 4 de la loi. Il peut, par exemple, accepter ou rejeter le rapport sur la base des informations qu'il contient ou des initiatives prises par l'une des parties pour obtenir le règlement du conflit, informer les parties que le problème n'est pas un conflit du travail aux termes de la loi, renvoyer la question aux parties avec des propositions de règlement, nommer un médiateur/conciliateur, renvoyer le conflit par l'entremise du ministre à un tribunal d'arbitrage. Le Secrétaire permanent ou le médiateur peuvent faire usage des dispositions prévues dans les conventions collectives ou ailleurs pour régler les conflits du travail (article 5). Le comité note d'après le Journal officiel de la République de Fidji que certains conflits ont été récemment acceptés et ont été soumis à l'arbitrage: par exemple, le Journal officiel no 76 du 5 décembre 1988 fait état du renvoi du conflit du travail entre l'Association des employés d'Air Pacifique et la société Air Pacifique Limited au médiateur permanent dont la nomination est citée dans l'une des réponses du gouvernement comme preuve du fonctionnement impartial du système de relations professionnelles à Fidji. Etant donné ce qui précède, le comité est d'avis qu'il n'a pas reçu de témoignages suffisants pour affirmer qu'il y a eu de la part des autorités un abus délibéré de la procédure de règlement prévue dans la loi sur les conflits du travail. Il ne peut donc pas conclure qu'il y a eu violation des droits syndicaux sur ce point.
- 455. En ce qui concerne l'allégation relative à la non-réactivation prolongée de plusieurs organes consultatifs tripartites importants pour la fixation des salaires à Fidji, le comité note que, selon le gouvernement, une nouvelle forme plus représentative du forum tripartite est actuellement en discussion, et que des conseils tripartites des salaires pour divers secteurs ont été désignés et doivent paraître au Journal officiel au début de 1989. Le comité décide donc de renvoyer cet aspect du cas à la commission d'experts pour qu'elle continue de suivre la question dans le cadre de l'application de la convention no 98.
- 456. En ce qui concerne les craintes exprimées par la CISL que le décret (no 32) du 17 juin 1988 sur la sécurité interne ne menace le libre exercice des droits syndicaux, le comité note que le plaignant lui-même reconnaît que le décret a été suspendu en raison de fortes pressions tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Le comité note à la lecture du décret qu'effectivement le ministre, chargé de la sécurité interne, est investi de pouvoirs exceptionnellement larges, notamment celui d'arrêter des suspects sans jugement, d'imposer le couvre-feu à des individus, de les priver de la liberté de parole, de réunion et de mouvement afin de les empêcher "d'agir d'une manière préjudiciable à la sécurité de Fidji ou à une partie du pays ou au maintien de l'ordre public ou des services essentiels". Sans examiner plus en détail le décret suspendu, le comité exprime le ferme espoir que ce texte législatif ne sera pas remis en vigueur. Il rappelle à cet égard qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme. (Recueil, paragr. 68.)
- 457. Enfin, le comité est d'avis que le gouvernement devrait lui fournir plus d'informations sur le projet de Constitution de septembre 1988. Actuellement, le comité est saisi uniquement d'une allégation selon laquelle le projet menace les droits syndicaux et d'une vague réponse sans texte affirmant qu'il y a eu de nombreux faits nouveaux ces derniers mois à Fidji et qu'en particulier des entretiens auront lieu avec la mission de la CISL à venir. Il demande donc au gouvernement de lui fournir des renseignements plus détaillés à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 458. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Tout d'abord, le comité note qu'une deuxième mission de la CISL se rendra à Fidji en octobre 1989, et il demande à l'organisation plaignante de lui fournir une copie du rapport de la mission lorsque ce dernier sera disponible.
- b) Le comité estime que les organisations syndicales devraient pouvoir se réunir dans leurs propres locaux, y compris le dimanche.
- c) Le comité rappelle que l'autorisation de tenir des réunions et des manifestations publiques ne doit pas être arbitrairement refusée.
- d) Le comité exprime sa préoccupation devant le fait que des syndicalistes détenus n'ont pas bénéficié des garanties énoncées dans plusieurs instruments internationaux, et il demande au gouvernement de donner des instructions précises et d'appliquer des sanctions efficaces lorsque des cas de mauvais traitements infligés à des détenus sont découverts.
- e) En ce qui concerne les tentatives alléguées de restreindre l'activité syndicale dans le secteur public, le comité appelle l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales; il estime qu'une réorganisation du secteur public ne doit pas porter atteinte aux activités protégées par les conventions de l'OIT ou les limiter.
- f) Le comité renvoie à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations les informations contenues dans ce cas au sujet de la réactivation partielle de certains organes tripartites prévue pour 1989, qui ont des répercussions sur l'application pratique par Fidji de la convention no 98.
- g) Le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement ne remettra pas en vigueur le décret de 1988 sur la sécurité interne qui a été suspendu et qui prévoyait notamment des pouvoirs exceptionnellement larges d'arrestation et de détention sans jugement, et des interdictions à la liberté d'expression, de réunion et de mouvement.
- h) Enfin, le comité demande au gouvernement de fournir des informations plus détaillées sur le contenu et l'état d'avancement du projet de Constitution annoncé en septembre 1988.