DISPLAYINEnglish - Spanish
- 72. La plainte figure dans une communication de la Centrale générale des travailleurs (CGT) du 30 mai 1985. Le gouvernement a répondu par des communications en date du 25 septembre 1985 et du 5 juin 1986.
- 73. La République dominicaine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 74. Le plaignant allègue que, le 4 mai 1985, trois jours après que les travailleurs de l'entreprise Pasteurizadora Rica C. por A. eurent constitué un syndicat, la direction de l'entreprise a fait occuper l'établissement par les militaires, limogeant 24 membres du syndicat, parmi lesquels cinq dirigeants récemment élus (Antonio Suárez, José A. Lagares, Francisco Sánchez, Elvin Herrera et José Antonio Pimentel).
- 75. Le plaignant ajoute que, le 5 mai 1985, le ministère du Travail a soi-disant ordonné une enquête sur les faits; or les personnes désignées à cet effet ne se sont jamais rendues dans l'entreprise, cette situation a été mise à profit par la direction de l'entreprise pour remplacer les personnes licenciées par des militaires en exercice.
- 76. Toujours selon le plaignant, le 14 mai 1985, Gregorio Reyes, secrétaire général, et Marino del Carmen Mejía, secrétaire chargé des procès-verbaux et de la correspondance, ont été contraints de quitter la direction du syndicat. Le 21 mai 1985, l'assemblée du syndicat s'est réunie pour élire, en remplacement des dirigeants licenciés, Juan Osorio, Dianor Beltré Amador et Diloné Reyes. Le lendemain, ces derniers ont eux aussi été licenciés. Il existe donc de graves présomptions de collusion entre les cadres moyens du ministère du Travail et la direction de l'entreprise.
- 77. Enfin, le plaignant indique que les dirigeants demeurés en place (Pablo de Jesús Rosario, Manuel de Jesús, Pedro Bretón et Erasmo Vargas) ont été transférés à des postes moins rémunérés, afin, expressément, de les contraindre à démissionner de l'entreprise.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 78. Dans sa communication du 25 septembre 1985, le gouvernement déclare que la plainte présentée par la CGT ne correspond pas exactement aux faits survenus dans l'entreprise Pasteurizadora Rica C. por A.; en effet, elle ne fait pas état des graves circonstances qui ont placé l'entreprise dans une situation de précarité économique la contraignant à procéder d'urgence à des réajustements et à des modifications du rythme de la production, mesures qui ont eu des répercussions sur le niveau de l'emploi.
- 79. Les documents communiqués en annexe par le gouvernement contiennent de nombreuses informations fournies par l'entreprise pour expliquer les difficultés économiques qu'elle connaît depuis 1983, en particulier en raison de l'augmentation des coûts de production et du gel du prix du lait décidé par le gouvernement. Dans une communication datée du 12 août 1985, l'entreprise indique que, par suite de la situation économique précaire de l'entreprise, 63 travailleurs avaient été licenciés ces derniers mois.
- 80. Dans sa communication du 5 juin 1986, le gouvernement déclare que, si parmi les personnes licenciées figuraient bien 24 membres du syndicat, les licenciements avaient été décidés indépendamment du fait que les intéressés étaient des syndicalistes et conformément au droit prévu par le Code du travail en matière de licenciment; en outre, les licenciements en question ont été motivés uniquement par la situation économique précaire de l'entreprise, et les intéressés n'ont pas été remplacés par des militaires en exercice qu'il aurait fallu rémunérer, ce qui aurait entraîner la persistance du même déficit économique.
- 81. Au sujet de l'allégation relative au transfert de dirigeants syndicaux à des postes moins rémunérés, le gouvernement déclare qu'elle n'est pas exacte, étant donné que les intéressés sont des représentants de commerce qui sont mutés temporairement par rotation, indépendamment de leur situation syndicale, dans diverses zones, certaines de celles-ci étant plus rentables économiquement que d'autres. Le gouvernement ajoute que l'allégation selon laquelle deux dirigeants syndicaux ont été contraints de quitter le syndicat n'est aucunement fondée.
- 82. Enfin, le gouvernement déclare que le secrétaire d'Etat au Travail, afin de préserver la paix sociale, et jouant son rôle de conciliateur entre les deux parties, a trouvé une solution satisfaisante à ce conflit qui menaçait de prendre des proportions importantes et qui aurait entraîné la pénurie d'un aliment vital pour les enfants et les personnes âgées, l'entreprise de pasteurisation Pasteurizadora Rica C, por A. couvrant la plus grande partie de la demande de lait du pays.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 83. Le comité observe que, dans la présente plainte, le plaignant a allégué, essentiellement, le fait que des actes de discrimination antisyndicale ont été perpétrés dans l'entreprise Pasteurizadora Rica C. por A., par suite de la constitution d'un syndicat. L'organisation plaignante a mentionné, en particulier, le licenciement de 24 syndicalistes (parmi lesquels cinq dirigeants syndicaux et deux remplaçants) et le transfert avec détérioration de leurs conditions de travail de trois dirigeants syndicaux.
- 84. Le comité observe que, selon le gouvernement, si sur les 63 licenciements prononcés 24 ont touché des syndicalistes, cela s'est fait indépendamment de la situation syndicale des intéressés, et que les licenciements en question ont été motivés par la crise économique traversée par l'entreprise. Le gouvernement affirme également que l'allégation relative au transfert de dirigeants syndicaux à des postes moins rémunérés ne correspond pas à la réalité, étant donné que les intéressés sont des représentants de commerce et que, à ce titre, ils font l'objet d'une rotation temporaire dans diverses zones indépendamment de leur situation syndicale.
- 85. Le comité conclut donc que les versions du plaignant et du gouvernement sur les faits sont contradictoires. Le comité tient à souligner cependant que, selon les allégations, les licenciements en question ont touché un grand nombre de dirigeants syndicaux (d'abord cinq puis deux) et de syndicalistes, et qu'ils ont eu lieu quelques jours ou quelques semaines après la constitution du syndicat.
- 86. Dans ces circonstances, tout en notant que l'entreprise connaît une situation de crise économique, le comité tient à rappeler le principe énoncé dans la recommandation no 143 sur la protection et les facilités qui devraient être accordées aux représentants des travailleurs dans l'entreprise qui propose, parmi les mesures précises de protection, la "reconnaissance d'une priorité à accorder au maintien en emploi des représentants des travailleurs en cas de réduction du personnel".
- 87. Le comité observe, par ailleurs, que l'article 84 du Code du travail de la République dominicaine autorise le licenciement (sans juste motif) sous réserve du versement des indemnisations prévues et que l'article 679 prévoit seulement des sanctions pécuniaires d'un faible montant en cas de violation des dispositions relatives à la protection contre les actes de discrimination antisyndicale. Par conséquent, rappelant des conclusions antérieures qu'il a formulées au sujet de la législation de la République dominicaine (voir, par exemple, 211e rapport, cas no 1052 (République dominicaine), paragr. 163 à 165), le comité appelle l'attention du gouvernement sur le fait que la législation d'un pays n'accorde pas une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale là où elle permet aux employeurs de congédier un travailleur sans juste motif, à condition de payer les indemnités prévues par la loi: en effet, cela signifie que, moyennant le paiement de ces indemnités, l'employeur peut renvoyer n'importe lequel de ses salariés, notamment pour des activités syndicales, sans que les autorités publiques puissent l'en empêcher. Une protection est particulièrement nécessaire pour les dirigeants syndicaux qui, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, doivent avoir la garantie de ne pas subir des préjudices en raison de celles-ci.
- 88. Enfin, le comité appelle l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur l'aspect législatif du cas et prie le gouvernement d'envisager l'adoption de dispositions législatives qui protègent efficacement les dirigeants syndicaux et les travailleurs contre les licenciements motivés par leurs activités syndicales.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 89. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité rappelle le principe énoncé dans la recommandation no 143 sur la protection et les facilités qui devraient être accordées aux représentants des travailleurs dans l'entreprise qui propose, parmi les mesures spécifiques de protection, la "reconnaissance d'une priorité à accorder au maintien en emploi des représentants des travailleurs en cas de réduction du personnel".
- b) Rappelant des conclusions antérieures qu'il a formulées au sujet de la législation de la République dominicaine, le comité appelle l'attention du gouvernement sur le fait que la législation d'un pays n'accorde pas une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale là où elle permet aux employeurs de congédier un travailleur sans juste motif, à condition de payer les indemnités prévues par la loi.
- c) Le comité appelle l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur l'aspect législatif du cas et prie le gouvernement d'envisager l'adoption de dispositions législatives qui protègent efficacement les dirigeants syndicaux et les travailleurs contre les licenciements motivés par leurs activités syndicales.