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Interim Report - REPORT_NO256, June 1988

CASE_NUMBER 1309 (Chile) - COMPLAINT_DATE: 03-OKT-84 - Closed

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  1. 255. Le comité a déjà examiné ce cas à plusieurs reprises, et le plus récemment à sa session de février 1988 à l'occasion de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration (voir 254e rapport, paragr 288 à 350, approuvé par le Conseil d'administration à sa 239e session (février-mars 1988)).
  2. 256. Depuis lors, le BIT a reçu des organisations plaignantes les communications suivantes: Syndicat des travailleurs no 1 de la COPESA (Consortium de presse du Chili), en date du 22 mars 1988; Confédération nationale des fédérations et des syndicats des travailleurs de l'alimentation, de la gastronomie, de l'hôtellerie et des activités connexes (CTGACH), les 5 avril et 4 mai 1988; Confédération internationale des syndicats libres (CISL), les 13 et 26 avril 1988; Centrale démocratique des travailleurs, les 13 et 26 avril 1988; Confédération nationale des fédérations et des syndicats des travailleurs du textile et des branches similaires et connexes du Chili (CONTEXTIL), le 26 avril 1988. Le gouvernement a fourni des observations dans des communications datées des 8 mars, 7 avril et 2 mai 1988.
  3. 257. Le Chili n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 258. A sa 239e session de février-mars 1988, le Conseil d'administration avait approuvé les recommandations suivantes du comité: au sujet des nombreuses dénonciations d'arrestations de syndicalistes, dont celles de MM. Manuel Bustos, Arturo Martínez et Moisés Labraña, il avait demandé au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation judiciaire de ces personnes; au sujet de l'interdiction d'entrer dans le pays qui pèse sur divers syndicalistes (MM. Rolando Calderón Aránguiz, Hernán del Canto Riquelme et Mario Navarro), il avait demandé à cet égard à être tenu informé de la situation de M. Luis Meneses Aranda, notamment en ce qui concerne sa réintégration dans la nationalité chilienne, et il avait demandé des informations sur la perquisition du siège syndical de la Fédération des syndicats de travailleurs indépendants et temporaires et du domicile du dirigeant syndical Alejandro Olivares Pérez.

B. Nouvelles allégations

B. Nouvelles allégations
  1. 259. Par une communication du 22 janvier 1988, le Syndicat des travailleurs no 1 de la COPESA (Consortium de presse du Chili) signale que le 26 mai 1987 la COPESA a signé avec le Syndicat des travailleurs no 1 de l'entreprise une convention collective de travail d'une validité de deux ans (soit du 1er mai 1987 au 30 avril 1989). Cette convention collective prévoyait que les salaires des travailleurs valables jusqu'au 31 mars 1988 seraient réajustés à partir du 1er avril 1988 à raison de 95 pour cent de l'écart de l'indice des prix à la consommation (hausse du coût de la vie) pendant la période comprise entre les mois d'octobre-novembre-décembre 1987 et janvier-février-mars 1988.
  2. 260. Il est ajouté dans la communication que l'entreprise a conclu un accord avec les banques au sujet du rééchelonnement des dettes et des prêts à intérêts préférentiels dont la Banque d'Etat du Chili, qui a signé un accord de rééchelonnement et de remboursement de la dette avec l'entreprise, comme l'atteste un acte public en date du 5 août 1987. En dépit de cet accord, la COPESA a exigé des travailleurs du syndicat qu'ils renoncent au réajustement salarial que l'entreprise devait verser à partir du 1er avril 1988, sous la menace de licenciements. Il est signalé dans la communication que l'entreprise, par son attitude arbitraire, a enfreint les dispositions légales contenues dans le Code du travail et dans les conventions internationales en prétendant que les travailleurs ont renoncé à la rémunération qui leur était due sous prétexte que celle-ci n'avait pas à être alignée sur les effets de l'inflation, laquelle a atteint 21,5 pour cent en 1987. Les travailleurs ayant refusé d'accepter cette exigence de l'entreprise, celle-ci a procédé, le 20 janvier, au licenciement de 15 pour cent des effectifs de chacun des trois syndicats existant à la COPESA. A la suite de cette décision, le syndicat no 1 des travailleurs a insisté pour que la convention collective soit maintenue, ce qui a entraîné le licenciement de 25 autres travailleurs appartenant au syndicat no 1, le 9 février 1988, et l'annonce du licenciement de 50 autres travailleurs. Les licenciements opérés après le 20 janvier n'ont affecté que les travailleurs du syndicat no 1 car, devant l'attitude de l'entreprise, les syndicats nos 2 et 3 ont accepté de renoncer au réajustement qui aurait dû être effectif à partir du 1er avril 1988. Il est encore signalé dans la communication que le syndicat no 1 regroupe des travailleurs de la production qui reçoivent les plus bas salaires de l'entreprise, et que l'incidence du réajustement sur le total du salaire ne représente qu'une dépense minime pour l'entreprise, laquelle a cependant persisté dans son attitude visant à priver les travailleurs membres du syndicat no 1 d'un réajustement de salaire en fonction du coût de la vie.
  3. 261. La communication conclut en signalant que, à la suite des licenciements susmentionnés, le personnel de la production doit effectuer des heures supplémentaires sans bénéficier des périodes de repos nécessaires, et que les congés annuels sont suspendus, ce qui ne fait que souligner le caractère arbitraire des licenciements. Il est paradoxal que l'on licencie du personnel à titre de moyen de pression pour ne pas avoir à accorder les augmentations d salaires prévues, et que l'entreprise ait passé de nouveaux contrats d'embauche à un coût très comparable à la rémunération du personnel licencié, ces contrats ayant été surtout passés pour recruter du personnel administratif qui est très lié à la gestion de l'entreprise.
  4. 262. Par une communication en date du 5 avril 1988, la Confédération nationale des fédérations et syndicats des travailleurs de l'alimentation, de la gastronomie, de l'hôtellerie et des activités connexes (CTGACH) dénonce les pressions exercées par le patronat pour éviter la syndicalisation dans ce secteur d'activité, pressions qui sont exercées ouvertement par la direction de chaque établissement. Selon l'organisation plaignante, il suffit qu'apparaisse chez les travailleurs une intention de s'organiser pour que des licenciements sélectifs soient opérés; tout d'abord, les travailleurs les plus actifs sont convoqués dans les bureaux de la direction et, si la situation se poursuit, les travailleurs sont licenciés massivement. Cette situation sévit surtout dans les petites entreprises de moins de 20 travailleurs où l'employeur utilise couramment la délation pour éviter que les travailleurs ne s'organisent et ne présentent des revendications économiques. L'organisation plaignante ajoute que, lorsque les travailleurs maintiennent leur décision de s'organiser, les employeurs licencient la totalité des travailleurs impliqués ou ceux qui, à leur avis, se signalent le plus à l'attention. Les contrats collectifs de travail apparaissent comme un moyen d'éviter provisoirement que les travailleurs ne s'organisent collectivement, mais il est très rare qu'à leur échéance les travailleurs conservent leur emploi; l'organisation plaignante cite notamment le cas des établissements Savory, Bali Hai et Vegetariano, et ajoute que les travailleurs qui ne sont pas licenciés finissent par renoncer d'eux-mêmes devant les persécutions dont ils sont l'objet sous forme de mutations, d'une augmentation de la durée du travail, de sanctions économiques, etc. L'organisation plaignante ajoute que les entreprises possédant des syndicats constitués s'abritent derrière la législation pour procéder à des licenciements massifs, comme ce fut le cas à l'hôtel Carrera où, en 1985, 100 travailleurs ont été licenciés ou à l'hôtel Sheraton où 70 l'ont été, ou à l'entreprise alimentaire Copansín où 100 l'ont été ou encore à l'entreprise alimentaire Dos en Uno où 200 l'ont été. Ces licenciements sont intervenus en 1986 après une négociation collective; de plus, des syndicats ont été dissous, toujours sous prétexte d'application de la législation en vigueur. L'organisation plaignante signale, pour ne prendre qu'un exemple, qu'en 1985 les syndicats des établissements suivants de l'industrie alimentaire ou hôtelière ont été dissous: Violeta Peebles, hôtel Claridge à Santiago, restaurant Waldorf, hôtel Isabel Riquelme-Chillan, entreprise Conin, entreprise Prosit et restaurant Autogrill. La communication se réfère à un cas exemplaire: la situation régnant dans l'établissement dit "Rincón Alemán", à Los Angeles, dont le syndicat fut dissous au moment même où les travailleurs procédaient à une négociation collective et étaient donc protégés par le droit du travail.
  5. 263. La communication de la CTGACH poursuit en signalant que, malgré toutes ces entraves, les travailleurs de ce secteur s'organisent et continuent à créer des syndicats dans de nombreuses entreprises et que, devant cette situation, la stratégie patronale a effectué un virage qui consiste à recruter pour leurs services du personnel des travailleurs non syndiqués: il leur est alors indiqué qu'ils ont tout intérêt à ne pas changer de statut et ce sont des contrats individuels qui leur sont offerts au lieu des avantages de la convention collective, après quoi cette pratique est étendue aux travailleurs syndiqués qui, sous la menace de licenciements, signent aussi des contrats individuels.
  6. 264. L'organisation plaignante ajoute qu'une autre pratique visant à détruire les organisations syndicales du secteur consiste à y faire pénétrer des entreprises de sous-traitance; à cet effet, les chefs d'entreprise s'assurent les services d'autres établissements (souvent créés par le patronat lui-même) qui effectuent certains types de travaux, ce qui entraîne le licenciement des travailleurs affectés jusque-là à ces travaux. Divers cas sont cités comme exemples, dont celui de l'entreprise Marriot Chile à propos de laquelle il est précisé que 30 pour cent seulement du personnel appartient à l'entreprise, les 70 pour cent restants appartenant à diverses entreprises de sous-traitance; c'est également le cas de l'hôtel Carrera, qui a commencé à confier ses différents services à des entreprises de sous-traitance auxquelles appartient actuellement 50 pour cent du personnel. Cette pratique, selon l'organisation plaignante, suscite parmi les travailleurs la crainte de perdre leur emploi et elle est de nature à éliminer toute forme d'organisation syndicale.
  7. 265. Dans sa communication, la CTGACH affirme que les chefs d'entreprise du secteur ont commencé à appliquer une politique de harcèlement et de licenciement des dirigeants syndicaux, les "causes de licenciement" invoquées étant parfois sans fondement; les exemples suivants sont cités:
    • - Il y a trois ans, un dirigeant du Syndicat des arts culinaires, Luis Humberto Benítez (aujourd'hui chargé des jeunes travailleurs à la CTGACH), a été licencié sans motif valable par son employeur, le Club de l'Union de Santiago. Malgré tous les moyens de recours légaux, sur lesquels l'intéressé a toujours obtenu gain de cause, l'entreprise s'est refusée à le reprendre.
    • - Depuis deux ans, le licenciement d'un dirigeant de l'entreprise Copasín, Angel Catalán, secrétaire général de la confédération, fait l'objet d'un litige et aucune possibilité de réintégration n'existe à l'heure actuelle.
    • - Il y a quatre ans, Arsenio Angulo, président du syndicat du restaurant Autogrill, a été licencié et aucune solution n'est encore intervenue.
    • - Le président du Syndicat interentreprises de Santiago, Juan Montalbán, a été licencié il y a deux mois et son entreprise refuse de le reprendre; il faut ici préciser que l'inspection du travail n'a pas en l'occurrence agi avec toute la promptitude nécessaire. Il ne s'agit là que des cas les plus flagrants, et il faut ajouter que dans les provinces, à la suite des fortes pressions exercées par les chefs d'entreprise, de nombreux dirigeants syndicaux ont renoncé à leur charge et à leurs revendications devant l'impossibilité d'obtenir des tribunaux une réponse effective et rapide.
  8. 266. Dans sa communication, l'organisation plaignante se réfère également à la situation des syndicats interentreprises qui regroupent les travailleurs de petits établissements dont beaucoup appartiennent à une seule personne et qui changent de raison sociale pour éviter qu'une organisation syndicale s'y crée; l'organisation plaignante ajoute que lesdits syndicats ont fréquemment dénoncé l'inexistence de conventions collectives, le non-paiement du salaire minimum légal et l'imposition de journées de travail atteignant 18 heures sans rémunération aucune des heures supplémentaires; lorsque les syndicats ont protesté à ce sujet, les représailles ne se sont pas fait attendre et les travailleurs doivent subir toutes sortes de tracasseries bureaucratiques pour obtenir le paiement de leur rémunération; de plus, lorsqu'une plainte est déposée devant les services de l'inspection du travail compétents, l'employeur nie absolument avoir une quelconque relation de travail avec le travailleur, ce qui signifie qu'il faut recourir aux tribunaux du travail. Devant cette situation, les travailleurs en cause abandonnent le plus souvent leur travail sans tenter aucune démarche car ils n'ont pas les moyens de payer des assignations, des avocats, etc.
  9. 267. Dans une communication ultérieure du 4 mai 1988, la CTGACH envoie des informations complémentaires relatives au refus de célébration du 1er mai, lequel a coïncidé avec un dimanche à l'hôtel Carrera ainsi que sur la répression qui a frappé certains dirigeants syndicaux, tels Humberto Benitez qui n'a pas été réintégré à son poste de travail, la justice n'ayant pas statué en sa faveur, ou le dirigeant Juan Montalban Lopez, président du Syndicat gastronomique régional, qui, muni d'une résolution de l'inspection du travail, s'était présenté à son poste pour être réintégré et, n'ayant pas accepté les conditions de travail que son employeur (la présidente de l'organisation qui regroupe les patrons des sources minérales et des restaurants) voulait lui imposer, a été violemment agressé par le fils de celle-ci et se trouve actuellement sans travail. La communication contient d'autres informations sur des cas de licenciements intervenus au cours de négociation collective:
    • a) Hôtel Francisco de Aguirre-Serena: fin des négociations le 10 avril; après 10 jours de grève, l'entreprise s'était engagée à ne pas commettre d'actes de représailles. Or, à la date de l'envoi de la communication, cinq licenciements ont eu lieu, tous motivés de la même manière: "nécessité de fonctionnement de l'entreprise".
    • b) Entreprise de production alimentaire Everscrips: pendant trois ans, les travailleurs ont essayé de s'organiser et, à chaque fois que l'entreprise a découvert leurs intentions, elle a licencié les plus actifs. Le 26 avril, quatre travailleurs ont été licenciés pour "nécessité de fonctionnement de l'entreprise".
    • c) Entreprise centrale de restaurants dont la direction compte un ex-dirigeant syndical. A chaque fois que quelque chose est tenté, si peu important que ce soit, cette personne convoque les travailleurs aux sièges centraux de l'entreprise. Ils sont menacés et, s'il est suffisamment prouvé qu'ils se syndicalisaient, ils sont licenciés. Dans tous les casinos qui appartiennent à cette entreprise se trouvent des délateurs (des hommes de confiance) qui font parvenir les dossiers personnels qui permettent d'inculper les organisateurs potentiels.
    • d) Entreprise deux en une: depuis la négociation précédente, les persécutions contre le syndicat et ses membres sont de pratique courante. Une organisation parallèle a été constituée de l'intérieur, l'entreprise a fait signer des contrats de travail individuels à tous les travailleurs, lesquels ont par la suite été enregistrés comme s'il s'agissait de contrats collectifs par l'inspection, en contravention de la loi et aujourd'hui quand, malgré tout, les travailleurs s'organisent pour négocier collectivement, conformément à la loi, l'entreprise commence à licencier sélectivement et à faire pression sur les travailleurs pour qu'ils acceptent volontairement des augmentations de salaire à titre individuel et empêcher par là même la négociation collective.
  10. 268. Dans sa communication en date du 13 avril 1988, la CISL dénonce le licenciement, par les autorités chiliennes, de 17 dirigeants syndicaux et de plus de 100 travailleurs de l'entreprise des chemins de fer de l'Etat. Les syndicats de ladite entreprise avaient présenté au gouvernement des pétitions de caractère socio-économique et, faute de réponse, s'étaient mis en grève. Il est ajouté dans la communication de la CISL que, parmi les dirigeants licenciés, figurent Miguel Muñoz et José Criado, de la Centrale nationale des travailleurs. Dans une autre communication du 26 avril 1988, la CISL indique que les syndicats des travailleurs des chemins de fer s'étant mis d'accord pour effectuer une grève d'avertissement le 7 avril 1988, afin d'obtenir que soient entendues leurs demandes de cessation de la privatisation de l'entreprise, les autorités gouvernementales et l'entreprise ont répondu par le licenciement de 17 dirigeants et de 83 travailleurs syndiqués. Cette mesure prise par l'entreprise a contraint les syndicats à déclencher une grève illimitée qui a commencé le 12 avril. Les dirigeants syndicaux mentionnés ci-après ont été licenciés: José Criado, président de la Fédération nationale des travailleurs des chemins de fer; Germán Díaz, secrétaire de la Fédération nationale des travailleurs des chemins de fer; Miguel Muñoz, secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs des chemins de fer; Ceferino Barra, président du syndicat no 1; Juan Díaz, secrétaire du syndicat no 1; Rafael Rivera, trésorier du syndicat no 1; José Ortega, directeur du syndicat no 1 de Santiago; Guillermo Munizaga, directeur du syndicat no 1 de Santiago; Hugo Salinas, trésorier du syndicat no 1 de San Bernardo; René Vilches, directeur du syndicat no 1 de San Bernardo; Oscar Cabello, directeur du syndicat no 1 de San Bernardo; Tito Ramírez, secrétaire du syndicat no 4 de Santiago; Juan Contreras, président du syndicat no 5 du personnel roulant; José Morales, secrétaire du syndicat no 5 du personnel roulant; Orlando Gahona, trésorier du syndicat no 5 du personnel roulant; Iván Orellana, directeur du syndicat no 5 du personnel roulant; Luis Pradenas, directeur du syndicat no 5 du personnel roulant.
  11. 269. Par communication en date du 13 avril 1988, la Centrale démocratique des travailleurs dénonce les licenciements de dirigeants syndicaux et de travailleurs des chemins de fer de l'Etat du Chili, mesure ordonnée par le directeur de cette entreprise, et elle ajoute que les licenciements tendent à s'aggraver car ils bénéficient de l'appui du ministère des Transports et du ministère du Travail, ce qui ne peut qu'affaiblir la protection syndicale et le droit au travail.
  12. 270. Dans une communication du 26 avril 1988, la Confédération nationale des fédérations et des syndicats des travailleurs du textile et des branches similaires et connexes du Chili (CONTEXTIL) fournit des informations au sujet des problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs du syndicat Curtiembre Interamericana et le conseil exécutif national de cette confédération dans le processus de négociation collective qu'ils ont engagé avec l'entreprise Curtiembre Interamericana. La communication signale que pendant plusieurs années les travailleurs de ladite entreprise ont cherché à résoudre leurs problèmes salariaux, sociaux et de travail sans faire usage des procédures de négociation collective et qu'ils n'ont pas été compris par l'entreprise. Aussi, le 15 février 1988, 40 travailleurs ont présenté un cahier de revendications dans le cadre d'un contrat collectif et, alors qu'ils voulaient présenter ce projet de contrat à la direction de l'entreprise, conformément aux dispositions législatives, celle-ci a refusé de les recevoir. La commission de négociation a donc dû recourir aux organismes du travail pour qu'un inspecteur du travail présente officiellement le projet de contrat collectif à l'entreprise. A partir de ce moment-là, l'entreprise a commencé à déclencher une série de pratiques de travail déloyales contre les travailleurs impliqués dans la rédaction du projet de contrat collectif, qui se traduisirent en mutations de postes de travail avec réductions de salaires. La secrétaire de l'entreprise, Mme Estela Miranda, a été licenciée étant accusée d'être à la base de la présentation du projet de contrat collectif. En outre, elle a été détenue par des inconnus qui l'ont menacée à cause de sa participation à la grève légale qui, à l'époque de la communication, durait depuis trente jours. L'entreprise se refuse toujours à rechercher une solution pour résoudre ce conflit, s'appuyant sur une législation du travail contraire aux intérêts des travailleurs.

C. Réponses du gouvernement

C. Réponses du gouvernement
  1. 271. Par une communication en date du 8 mars 1988, le gouvernement fait savoir qu'il est surpris de l'abus qui est fait de la procédure pour accuser un Etat Membre à de nombreuses reprises, de manière irresponsable et avec pour seul objectif d'obtenir sa condamnation. Le gouvernement soutient qu'il existe de nombreuses plaintes alléguant de prétendues violations de la liberté syndicale. Or ces plaintes se rapportent à des infractions pénales relevant de la justice ordinaire. Par ailleurs, le gouvernement exprime sa préoccupation du fait que, ainsi qu'il l'affirme, on cherche à présenter comme unique représentant du mouvement syndical chilien un petit groupe de personnes qui sont toujours citées dans les plaintes présentées aux organismes internationaux. D'après le gouvernement, en date du 31 décembre 1986, il existait au Chili 11.215 dirigeants syndicaux, 386.987 travailleurs adhérant à 5.391 syndicats, 131 fédérations et 31 confédérations nationales, et il ajoute qu'il est difficile de comprendre les raisons pour lesquelles on estime que les 11.215 dirigeants du mouvement syndical chilien rencontrent des difficultés du simple fait qu'une douzaine d'entre eux sont mentionnés dans les plaintes portées devant les organismes internationaux. On pourrait soutenir qu'il s'agit de dirigeants de puissants syndicats très représentatifs du mouvement syndical. Or, dans le cas de M. Manuel Bustos, qui est le plus connu, celui-ci a été élu par 391 voix au sein de son syndicat qui regroupe 900 adhérents. Parmi les innombrables plaintes qui sont présentées au comité, il faut considérer celles qui ont trait aux opérations de la police, lorsque celle-ci s'efforce de maintenir l'ordre et de faire respecter la loi sur la liberté de circulation des piétons et des véhicules. En effet, les plaignants considèrent que les manifestations de protestation sur la voie publique sont des activités destinées à obtenir de meilleures conditions de travail et à résoudre les problèmes de politique économique et sociale. Le gouvernement affirme que l'on ne peut tenir pour légitime une manifestation de protestation sur la voie publique qui consiste à lapider des véhicules de transport en commun, à ériger des barricades, à faire la grève scolaire, à occasionner des lésions aux membres de la police, à provoquer la mort violente d'enfants et de personnes innocentes et à causer des dommages considérables à la propriété publique ou privée. C'est pourquoi le gouvernement ne peut considérer comme légitimes ces "manifestations", d'autant plus que leur objectif vise à déstabiliser le gouvernement en rendant le pays ingouvernable.
  2. 272. La communication du gouvernement comprend également des informations sur le refus du droit d'entrée dans le pays opposé à divers syndicalistes, et il est signalé que MM. Rolando Calderón A. et Hernán del Canto R. se trouvent en exil après avoir demandé asile dans une ambassade en 1973. Ces deux personnes exerçaient des responsabilités politiques en tant que ministres d'Etat dans le gouvernement de M. Allende. Elles sont interdites de séjour de même que M. Mario Navarro. Le gouvernement réexamine régulièrement la liste des personnes en exil pour permettre leur retour. Selon le gouvernement, le fait que les personnes en question sont en exil n'a aucun rapport avec les activités syndicales auxquelles elles se seraient livrées mais avec leurs activités de responsables politiques. En ce qui concerne la situation de M. Luis Meneses Aranda, il est signalé dans la communication que, le 23 décembre 1987, cette personne a été autorisée à rentrer dans le pays et qu'une autorisation de séjour de 90 jours lui a été accordée pour lui permettre d'effectuer les démarches relatives à un changement provisoire ou définitif de résidence et pour régulariser sa situation relativement à la perte de la nationalité chilienne. Cette nationalité peut être obtenue à nouveau par voie législative, ainsi que le prévoit l'article 11 de la Constitution.
  3. 273. Enfin, la communication du gouvernement se réfère à la perquisition effectuée au siège syndical de la Fédération des syndicats des travailleurs indépendants et temporaires et au domicile du dirigeant syndical Alejandro Olivares Pérez et indique qu'il n'existe aucune trace de ces faits dans les archives de la police et des tribunaux et que les personnes prétendument lésées n'ont déposé aucune plainte ou aucun recours devant les tribunaux.
  4. 274. Par une communication du 7 avril 1988, le gouvernement fournit des informations sur la situation judiciaire des dirigeants syndicaux Manuel Bustos, Arturo Martínez et Moisés Labraña et indique à cet égard que l'appel interjeté par les inculpés a été examiné par la deuxième Chambre de la Cour d'appel de Santiago devant laquelle les avocats des parties ont présenté des conclusions qui ont été acceptées. Le 21 mars 1988, la deuxième Chambre de la Cour d'appel de Santiago a admis le recours en appel et a annulé le jugement de première instance. Dans ces conditions, MM. Bustos, Martínez et Labraña ont été acquittés et déclarés innocents des délits définis à l'article 11 de la loi sur la sécurité de l'Etat. Ces personnes ont été remises en liberté et elles peuvent exercer leurs droits syndicaux.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 275. En ce qui concerne les commentaires formulés par le gouvernement dans sa communication du 8 mars 1988 relatifs au recours qui serait abusif aux mécanismes de contrôle, en particulier à propos de plaintes en violation de la liberté syndicale présentées au comité afin d'obtenir la condamnation du gouvernement, et en ce qui concerne ses commentaires sur la représentativité, à l'intérieur du mouvement syndical, de personnes dont les noms apparaissent fréquemment dans lesdites plaintes, le comité souhaite rappeler que, depuis sa création, il a toujours insisté sur le fait que la fonction de l'Organisation internationale du Travail en matière de liberté syndicale et de protection de la personne consiste à contribuer à l'application effective des principes généraux de la liberté syndicale comme une des garanties essentielles de la paix et de la justice sociale. Sa fonction consiste à garantir et à promou(voi le droit d'organisation des travailleurs et des employeurs. Elle ne consiste pas à formuler des accusations contre les gouvernements ou à les condamner. Dans l'accomplissement de sa tâche, le comité a toujours voué la plus grande attention à l'application de cette procédure au fil des ans, et il a toujours évité de se saisir de questions étrangères à sa compétence. Afin d'éviter tout malentendu ou toute interprétation erronée, le comité estime nécessaire de rappeler que ses fonctions se limitent à l'examen des plaintes qui lui sont soumises. Ces attributions ne consistent pas à formuler des conclusions de caractère général sur la situation syndicale dans des pays déterminés sur la base de vagues généralités, mais à évaluer la véracité des allégations formulées.
  2. 276. En ce qui concerne l'interdiction de rentrer dans le pays signifiée à MM. Rolando Calderón Aránguiz, Hernán del Canto Riquelme et Mario Navarro, le comité note qu'il résulte des informations réitérées fournies par le gouvernement que l'on réexamine régulièrement la liste des personnes exilées afin de permettre leur retour, et il observe également que le gouvernement affirme que l'exil de ces personnes n'est pas lié aux activités syndicales auxquelles elles se seraient livrées mais à des activités de responsabilité politique. A cet égard, le comité désire rappeler que l'exil forcé de syndicalistes n'est pas seulement contraire aux droits de l'homme mais présente en outre une gravité particulière car il les empêche de travailler dans leur pays; c'est en outre une violation de la liberté syndicale qui affaiblit les organisations syndicales en les privant de leurs dirigeants. Par ailleurs, le comité souhaite rappeler, considérant l'étroite relation qui existe entre la liberté syndicale et les droits fondamentaux de la personne humaine, que l'interdiction d'entrer dans le pays qui pèse sur divers syndicalistes est contraire aux dispositions des instruments internationaux pertinents, et notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques: "Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son propre pays" (art. 12(4)) et de la Déclaration universelle des droits de l'homme: "Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays" (art. 13(2)).
  3. 277. En ce qui concerne la situation du syndicaliste Luis Meneses Aranda, le comité prend note des informations du gouvernement selon lesquelles un visa de séjour de 90 jours a été accordé à cette personne le 23 décembre 1987 pour lui permettre de régulariser sa situation au regard du rétablissement de sa nationalité chilienne, et il exprime l'espoir que, conformément à la législation, la nationalité chilienne sera restituée à ce syndicaliste à brève échéance.
  4. 278. En ce qui concerne la perquisition effectuée au siège syndical de la Fédération des syndicats de travailleurs indépendants et temporaires et au domicile du dirigeant syndical Alejandro Olivares Pérez, le 1er mai 1986, le comité prend note des informations du gouvernement d'où il ressort que les personnes prétendument lésées n'ont présenté ni plainte ni recours devant les tribunaux, et qu'il n'existe aucune trace de ces faits dans les documents de la police.
  5. 279. En ce qui concerne la situation judiciaire des dirigeants syndicaux Manuel Bustos, Arturo Martínez et Moisés Labraña, le comité prend note avec intérêt des informations fournies par le gouvernement selon lesquelles la deuxième Chambre de la Cour d'appel de Santiago a fait droit au recours en appel interjeté par les avocats de ces trois dirigeants syndicaux, a annulé le jugement de condamnation de première instance et a acquitté, de ce fait, les dirigeants syndicaux en cause.
  6. 280. Enfin, le comité observe que le gouvernement n'a pas fourni d'observations sur certaines allégations relatives à ce cas, à savoir: sur la communication du Syndicat des travailleurs no 1 de la COPESA relative au licenciement de travailleurs de ce syndicat qui avaient résisté aux pressions de l'entreprise tendant à ce qu'ils renoncent à une augmentation salariale compensatoire pour hausse du coût de la vie alors que cette augmentation avait été prévue dans une convention collective conclue avec l'entreprise; sur la plainte présentée par la CTGACH relative aux pressions du patronat tendant à empêcher l'organisation syndicale des travailleurs du secteur, sur les licenciements massifs intervenus après la conclusion de conventions collectives, sur la dissolution de syndicats dans ce même secteur, sur les pressions du patronat visant à contraindre les travailleurs à signer des contrats individuels au lieu de bénéficier des avantages prévus par les conventions collectives et sur le recours à des entreprises de sous-traitance afin d'éviter la formation de syndicats, sur le licenciement de dirigeants syndicaux et la situation des syndicats interentreprises; sur la plainte présentée par la CISL et la CDT relativement au licenciement de 17 dirigeants syndicaux (dont Miguel Muñoz et José Criado, de la CNT) et de plus de 100 travailleurs de l'entreprise des chemins de fer de l'Etat pour avoir adressé au gouvernement des pétitions relatives à des revendications socio-économiques et pour avoir fait grève en l'absence de toute réponse; et sur les allégation présentées par la CONTEXTIL relatives aux difficultés rencontrées par les travailleurs du syndicat de l'entreprise Curtiembre Interamericana pour conclure un contrat collectif du travail dans cette entreprise et sur les pratiques du travail déloyales de cette entreprise à l'égard des travailleurs de la commission de négociation de ce projet de contrat collectif.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 281. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne l'interdiction de rentrer dans le pays signifiée à divers syndicalistes, et en particulier à MM. Rolando Calderón Aránguiz, Hernán del Canto Riquelme et Mario Navarro, le comité invite de nouveau instamment le gouvernement à lever cette interdiction et à le tenir informé de l'évolution de la situation.
    • b) En ce qui concerne la situation du syndicaliste Luis Meneses Aranda, le comité exprime le ferme espoir que cette personne retrouvera au plus tôt la nationalité chilienne, conformément à la législation, et invite le gouvernement à le tenir informé à cet égard.
    • c) En ce qui concerne la perquisition effectuée au siège syndical de la Fédération des syndicats de travailleurs indépendants et temporaires et au domicile du dirigeant syndical Alejandro Olivares Pérez, le comité note que, selon le gouvernement, il n'existe aucune trace de ces faits et que ceux-ci n'ont donné lieu à aucune protestation ou plainte.
    • d) En ce qui concerne la situation judiciaire des dirigeants syndicaux Manuel Bustos, Arturo Martínez et Moisés Labraña, le comité prend note avec intérêt de la décision d'acquittement rendue par la Cour d'appel de Santiago et exprime l'espoir que ces syndicalistes pourront continuer à l'avenir d'exercer normalement leurs activités syndicales.
    • e) Enfin, le comité invite le gouvernement à lui faire parvenir ses observations sur les allégations sur lesquelles il n'a pas répondu.
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