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- 447. Le comité a examiné ce cas à ses réunions de février, mai et novembre 1985, au cours desquelles il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. (Voir 238e rapport, paragr. 330 à 364; 239e rapport, paragr. 298 à 340, et 241e rapport, paragr. 750 à 805, approuvés respectivement par le Conseil d'administration à ses 229e, 230e et 231e sessions (février-mars, mai et novembre 1985).)
- 448. Depuis lors, le BIT a reçu des plaignants les communications suivantes: Confédération internationale des syndicats libres (CISL): 23 octobre, 6 novembre, 2 décembre 1985 et 6 février 1986; Fédération nationale des syndicats des équipages et branches similaires du Chili: 30 octobre 1985; Union internationale des syndicats des travailleurs de la métallurgie: 1er novembre 1985; Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE): 6 novembre 1985; Fédération syndicale mondiale (FSM): 6 novembre 1985, 17 et 28 janvier 1986; Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE): 6 décembre 1985. Le gouvernement, pour sa part, a fourni ses observations dans des communications des 21 et 28 novembre 1985, 16 et 19 décembre 1985 ainsi que des 10, 20 janvier et 4 février 1986.
- 449. Le Chili n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 450. Les plaintes déposées dans le cadre du présent cas concernaient divers événements qui s'étaient produits au Chili depuis septembre 1984. Les allégations s'étaient référées à l'intervention des forces de l'ordre lors de la journée de protestation organisée le 4 septembre 1984 qui se serait soldée par le décès de dix personnes, de nombreux blessés et plus d'un millier d'arrestations. Les plaignants avaient mis notamment en exergue le cas de Juan Antonio Aguirre Ballesteros qui aurait été arrêté puis torturé et dont le corps avait été retrouvé par la suite. Le gouvernement avait indiqué, à cet égard, que des enquêtes étaient menées par les tribunaux criminels compétents.
- 451. Il apparaissait, à la lumière des allégations formulées, que le siège de certaines organisations syndicales (notamment la Confédération du bâtiment, l'Association professionnelle des enseignants du Chili (AGECH) et le syndicat Chilectra) avait fait l'objet d'assauts de la part des forces de l'ordre, au cours desquels du matériel aurait été détruit, de la documentation confisquée et des syndicalistes arrêtés. Le gouvernement avait nié avoir donné des ordres pour effectuer des perquisitions dans les locaux syndicaux en question. En outre, le lendemain de l'assaut donné au local de l'AGECH, MM. Manuel Guerrero, président du secteur métropolitain de cette organisation, et José Manuel Parada, fonctionnaire du Vicariat de la solidarité, avaient été enlevés sur la voie publique. Par la suite, leurs corps avaient été retrouvés, horriblement mutilés. Le gouvernement avait indiqué qu'une enquête judiciaire avait été ouverte.
- 452. Les plaignants avaient également fait état de nombreuses mesures d'arrestation et de relégation prises à l'encontre de syndicalistes. Selon le gouvernement, certains d'entre eux n'avaient pas été arrêtés, d'autres avaient recouvré la liberté, et les motifs des relégations n'étaient pas liés à des activités syndicales. Des allégations plus récentes mentionnaient l'inculpation et la détention provisoire de dirigeants syndicaux intervenues à la suite d'une journée de protestation organisée le 4 septembre 1985.
- 453. Le comité avait également été saisi d'allégations relatives à des atteintes portées à l'exercice du droit de réunion, notamment à l'encontre d'un syndicat d'entreprise de la Corporation nationale du cuivre.
- 454. Enfin, il était allégué que des dirigeants syndicaux avaient été licenciés dans les secteurs de l'enseignement, des ports et des mines.
- 455. A sa session de novembre 1985, le Conseil d'administration avait approuvé les conclusions suivantes du comité:
- "a) Le comité constate que, depuis le dernier examen du cas, plusieurs affaires ayant fait l'objet d'allégations devant le comité n'ont pas été traitées par les autorités administratives mais ont été soumises aux autorités judiciaires.
- b) Au sujet des enquêtes effectuées sur la mort de MM. Aguirre, Parada, Guerrero et Natina, le comité note que les procédures sont toujours en cours d'instruction. Tout en relevant la durée excessive de la procédure d'instruction, il exprime le ferme espoir que ces enquêtes pourront aboutir très rapidement et qu'elles permettront de déterminer les responsabilités afin que les coupables puissent être traduits devant la justice. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des développements qui interviendront dans ces affaires.
- c) Au sujet des assauts donnés contre des locaux syndicaux, le comité note que, selon le gouvernement, les forces de l'ordre ne sont pas intervenues dans ces locaux. Le comité souligne l'importance d'une protection des locaux syndicaux. Il insiste auprès du gouvernement pour que des enquêtes judiciaires soient menées afin que les responsables de tels agissements soient retrouvés le plus vite possible. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- d) Au sujet des arrestations et relégations de syndicalistes, le comité note que les personnes mentionnées en annexe de son précédent rapport ont retrouvé leur liberté de mouvement. Il observe cependant que, malgré la levée de l'état de siège, plusieurs allégations ont fait état de nouvelles arrestations et relégations sur lesquelles le gouvernement a fourni certaines informations. Le comité demande au gouvernement, dans un souci d'apaisement et de retour à une vie syndicale normale, de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme, le plus rapidement possible, à ces relégations. Il le prie de le tenir informé de toutes mesures prises en ce sens.
- e) Au sujet de l'inculpation et de la détention provisoire de dirigeants syndicaux, le comité signale que l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est relevé peut entraîner des restrictions de la liberté syndicale. Le gouvernement devrait prendre des dispositions afin que les autorités intéressées reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent, pour les activités syndicales, les mesures injustifiées d'arrestation. Le comité rappelle au gouvernement que les organisations syndicales devraient avoir la possibilité de recourir à des grèves de protestation, en vue de défendre les intérêts économiques et sociaux de leurs membres. Le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations sur les suites de la procédure judiciaire intentée contre les responsables et les organisateurs de la journée de protestation du 4 septembre 1985.
- f) Au sujet du droit de réunion, le comité rappelle, de manière générale, que la liberté de réunion syndicale constitue l'un des éléments fondamentaux des droits syndicaux et que les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.
- g) Au sujet des licenciements de dirigeants syndicaux, le comité signale notamment que le licenciement d'un dirigeant syndical risque, en lui faisant perdre de ce fait sa qualité de responsable syndical, de porter atteinte à la liberté d'action de l'organisation et à son droit d'élire librement ses représentants et peut même favoriser des actes d'ingérence de la part de l'employeur. Le comité demande au gouvernement de fournir ses observations au sujet des licenciements de dirigeants syndicaux du secteur de l'enseignement et du secteur portuaire."
B. Nouvelles allégations
B. Nouvelles allégations
- 456. Dans sa communication du 23 octobre 1985, la CISL apporte des précisions sur les mesures prises par le gouvernement à la suite de la journée de protestation du 4 septembre 1985. Elle explique que, le lendemain, le gouvernement, par l'intermédiaire des avocats du ministère de l'Intérieur, a déposé plainte contre de nombreux dirigeants syndicaux en raison de leur responsabilité supposée dans les actions violentes survenues au cours de la protestation. Selon la CISL, la procédure judiciaire qui s'en est suivie n'était pas fondée. Elle souligne que, parmi les personnes visées, figuraient Sergio Troncoso qui était relégué à Melinka, Humberto Arcos qui faisait l'objet d'un traitement médical en France et José Ruiz di Giorgio qui se trouvait alors à Magallanes pour participer à une négociation collective. Ceci prouve, selon la CISL, que le but recherché n'était pas la recherche de la vérité et de la justice, mais simplement la "désarticulation" des organisations syndicales en mettant à l'écart et en immobilisant leurs dirigeants.
- 457. En première instance, poursuit la CISL, la plainte présentée contre 95 dirigeants syndicaux fut repoussée. Le ministère de l'Intérieur présenta un recours devant la sixième Chambre de la Cour d'appel. Le 23 septembre, la Cour décida d'inculper MM. Rodolfo Seguel et Manuel Bustos pour infraction à la loi sur la sécurité intérieure de l'Etat (participation à des réunions en vue de conspirer contre la stabilité du gouvernement légalement constitué, réalisation de manifestations non autorisées sur la voie publique, intention de paralyser les activités nationales). La CISL précise que la Cour refusa d'entendre les avocats de la défense, sous prétexte qu'ils n'étaient pas partie dans cette affaire. Le 27 septembre 1985, un nombre important de dirigeants syndicaux furent entendus par la justice, arrêtés puis postérieurement inculpés.
- 458. Dans leurs communications du 6 novembre 1985, la CISL et la FSM attirent à nouveau l'attention sur la situation de Rodolfo Seguel, Manuel Bustos, Arturo Martínez, Eduardo Valencia, Mario Araneda et José Ruiz di Giorgio qui sont toujours détenus. La CISL mentionne également l'arrestation, le 31 octobre 1985, de Adrian Fuentes, président intérimaire de la Confédération du bâtiment, et de María Rozas, présidente du Département féminin de la Coordinadora Nacional Sindical. La CMOPE se réfère à l'arrestation de cette dernière personne dans sa communication du 6 novembre 1985.
- 459. Dans sa communication du 30 octobre 1985, la Fédération nationale des syndicats des équipages et branches similaires du Chili signale que, le 8 août 1985, un dirigeant du Syndicat interentreprises des ports de la province de Concepción, M. Manuel Jerez Alvarado, a été convoqué pour le lendemain au gouvernorat maritime de Talcahuano à la suite d'une accusation formulée par la société de pêche "Viento Sur" au sujet de différends de l'intéressé avec la direction dus au fait qu'il avait défendu des travailleurs. Le gouvernorat lui retira son livret matricule, et l'entreprise le licencia trois jours après et demanda aux tribunaux le retrait de sa protection syndicale. En outre, le gouvernorat lui infligea une amende de l'ordre de 22.000 pesos, somme qu'il ne peut régler.
- 460. L'UIS de la métallurgie, dans sa communication du 1er novembre 1985, fait état, quant à elle, de l'arrestation le 4 août 1985 puis de la relégation à l'île de Melinka de deux dirigeants de la Confédération des travailleurs de la métallurgie (CONSTRAMET), José Ramón Avello Soto et José Enrique Nuñez Estrella. Elle mentionne également l'arrestation, le 5 septembre 1985, d'une autre dirigeante du Département culturel de la CONSTRAMET, Ana María Miranda Urbina.
- 461. Dans sa communication du 2 décembre 1985, la CISL allègue que, le 29 novembre 1985, plusieurs dirigeants syndicaux du secteur maritime et portuaire ont été arrêtés par les carabiniers alors qu'ils protestaient contre la politique économique et sociale du gouvernement. Il s'agit de: Sergio Aguirre, dirigeant du Syndicat du port de San Antonio; Salatier Sánchez, président du Syndicat CONGEMAR; Walter Astorga, dirigeant des marins de la baie de San Antonio; Victór Guerra, dirigeant du Syndicat CONGEMAR; Hectór Aguayo, secrétaire général de la Confédération maritime du Chili (COMACH); Lués Salas, président de la COMACH; Heriberto Jara, président du Syndicat des dockers no 1 de Valparaiso; Mauricio Riquelme et Pedro Morales, dirigeants de la COMACH. Ces personnes seraient actuellement détenues avec neuf autres syndicalistes au premier commissariat de carabiniers de Santiago. La CISL signale que le syndicat CONGEMAR et la COMACH sont en grève depuis un mois.
- 462. La FISE mentionne, dans sa communication du 6 décembre 1985, l'arrestation du père Renato Hevia, directeur de la revue Mensaje et membre de l'Association professionnelle des enseignants du Chili.
- 463. La FSM, dans sa communication du 17 janvier 1986, évalue le nombre des personnes appréhendées en 1985 à 5.000 et le nombre de personnes tuées à 67. En outre, 590 militants syndicaux auraient été contraints à l'exil intérieur sur décision du gouvernement. Constatant qu'à son avis, le gouvernement continue à ignorer les recommandations du comité et du Conseil d'administration, la FSM demande l'envoi d'une commission au Chili.
- 464. Dans sa communication du 28 janvier 1986, la FSM allégue que, au cours des journées des 5 et 6 novembre 1985 où une protestation fut organisée en solidarité avec les syndicalistes détenus, quatre personnes ont été tuées, dont, selon les témoins, trois par des militaires et une par des civils tirant d'une camionnette. En outre, au cours de ces journées, 26 personnes furent reléguées dans le nord du Chili.
- 465. La FSM mentionne également le cas de trois professeurs de l'école no 182 "Puerto Navarino" licenciés pour avoir protesté contre l'emploi de chèques sans provision en paiement de leurs salaires.
- 466. La FSM se réfère en outre à l'arrestation, le 4 décembre 1985, dans le centre de Rancagua du dirigeant du Syndicat industriel des mines Caletones, Rodemil Aranda Flores. Son domicile a été perquisitionné et on a confisqué un poster, une cassette et une revue. Il aurait cependant été accusé de détenir un abondant matériel en vue d'actions subversives, tel qu'explosifs et instruments de caractère paramilitaire.
- 467. La FSM fait aussi état du licenciement du président du Collège médical métropolitain, Dr Ricardo Vacarezza, en représailles pour sa position contre la politique de la santé menée par le gouvernement. Une assemblée de solidarité organisée par les médecins aurait été interdite.
- 468. Dans sa communication du 6 février 1986, la CISL allègue que le 20 janvier, suite à une demande du ministère du Travail, un tribunal de Santiago a annulé les élections qui se sont déroulées lors du dernier congrès de la Confédération des travailleurs du cuivre tenu en janvier 1986. En outre, les dirigeants élus, dont Rodolfo Seguel, réélu président à la majorité, ne peuvent donner leur opinion ou représenter le syndicat sous peine d'être emprisonnés. Le 31 janvier, des fonctionnaires du ministère du Travail, appuyés par la police, ont confisqué des biens et bloqué les comptes courants, empêchant ainsi que les 29 salariés de la confédération soient rémunérés.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement
- 469. Il ressort des diverses réponses du gouvernement qu'à la suite des violents événements survenus les 4, 5 et 6 septembre 1985 le ministère de l'Intérieur a déposé une plainte devant les tribunaux ordinaires de justice pour établir les responsabilités de ceux qui ont incité à cette protestation, qui l'ont promue ou qui y ont participé. Le gouvernement signale que dix personnes ont trouvé la mort au cours de ces journées, qu'une centaine ont été blessées et que 18 policiers ont été grièvement blessés. Les actes de violence et de saccage de divers établissements commerciaux ont provoqué 100 millions de pesos de dommages, et de nombreux lieux publics ont été également endommagés.
- 470. La Cour de Santiago a désigné M. Sergio Valenzuela Patiño comme magistrat instructeur de la plainte déposée pour infraction aux articles 4 c), 6 i) et 11, 2 de la loi no 12927 sur la sécurité intérieure de l'Etat, adoptée en 1958. Ces articles visent les réunions destinées à renverser le gouvernement ou à conspirer contre sa stabilité; la convocation de manifestations sur la voie publique sans autorisation et l'interruption, la suspension collective ou la grève des services publics ou d'utilité publique ou des activités de la production, des transports ou du commerce sans respect de la loi et qui provoquent des altérations de l'ordre public ou des perturbations dans les services d'utilité publique ou des dommages aux industries vitales.
- 471. Le magistrat instructeur ordonna la détention et inculpa 12 personnes dont il estima qu'elles portaient la responsabilité des délits visés par la loi sur la sécurité intérieure de l'Etat. Cette décision fut confirmée par la Cour d'appel et la Cour suprême après que les défenseurs eurent présenté des recours. Le magistrat accorda la liberté sous caution à huit des inculpés (Rodolfo Seguel, Luís Campos, José Figueroa, Arturo Martínez, Jorge Pavez, Samuel Bello, Carlos Poblete et José Rivera). Seuls quatre détenus se virent refuser la liberté sous caution par le magistrat instructeur: Manuel Bustos, José Ruiz di Giorgio, Mario Araneda et Eduardo Valencia, des poursuites étant en instance à leur encontre. A la suite d'une mutinerie ayant eu lieu au pénitencier de Santiago, les prisonniers furent transférés à un établissement nommé Capuchinos, qui jouit de meilleures commodités et conditions de sécurité. Toutes les libérations sous caution furent confirmées par la Cour d'appel à l'exception de celles de Rodolfo Seguel et Arturo Martínez.
- 472. A la suite de nouveaux recours présentés par leurs défenseurs, Rodolfo Seguel, Eduardo Valencia et Arturo Martínez furent libérés sous caution le 27 novembre 1985. Par la suite, le 18 décembre 1985, la Cour d'appel décida, à l'unanimité de ses membres, de lever l'inculpation de José Ruiz di Giorgio, car la participation au délit n'était pas prouvée. L'intéressé fut donc libéré le jour même. Elle décida également d'accorder la liberté provisoire à Mario Araneda tout en maintenant son inculpation. En revanche, la Cour a refusé à l'unanimité la levée de l'inculpation et la libération provisoire de Manuel Bustos. Le défenseur de ce dernier a indiqué qu'il avait l'intention de demander à nouveau la liberté sous caution en janvier 1986. Le gouvernement précise à cet égard que, conformément à la procédure pénale chilienne, la liberté provisoire peut être demandée autant de fois que nécessaire avant de récupérer la liberté.
- 473. Finalement, sur cette affaire, la Cour d'appel décida, le 23 décembre 1985, à l'unanimité de ses membres, d'accorder également la liberté sous caution à Manuel Bustos qui a donc quitté la prison le jour même.
- 474. Au sujet des événements des 4, 5 et 6 septembre 1985 à l'origine des inculpations, le gouvernement remarque qu'il n'y a eu aucune grève des services publics ces jours-là. Il réaffirme que les syndicalistes arrêtés ont été remis en liberté sur décision du magistrat instructeur et de la Cour d'appel et que les juges et tribunaux sont indépendants. En conséquence, le pouvoir exécutif ne peut donner d'instructions sur la forme qu'il convient de donner à l'application de la loi. Au sujet des grèves, le gouvernement rappelle que le décret-loi no 2758 de 1979 sur la négociation collective et la grève est pleinement appliqué dans le pays. Ainsi, d'août 1979 à juin 1985, il y a eu 274 grèves, impliquant 63.496 travailleurs et représentant 5.114 jours d'arrêt de travail. Il est ainsi démontré, selon le gouvernement, que les organisations de travailleurs ont fait usage de la grève pour défendre les intérêts économiques et sociaux de leurs membres. Le gouvernement fournit également une statistique détaillée sur les conventions collectives conclues entre employeurs et travailleurs.
- 475. Au sujet de l'allégation relative à l'arrestation du Père Renato Hevia, le gouvernement déclare que le ministère de l'Intérieur a demandé la désignation d'un magistrat pour enquêter sur des articles publiés dans la revue catholique "Mensaje" que dirige l'intéressé. La première chambre de la Cour d'appel de Santiago a inculpé le Père Hevia comme auteur d'injures à l'encontre du Président de la République et a ordonné sa détention préventive. Le magistrat instructeur, après enquête, a conclu que les preuves n'étaient pas suffisantes et a adopté une décision de non-lieu provisoire, avec mise en liberté provisoire sous caution. Le gouvernement signale enfin qu'il n'y a aucune trace de la qualité de dirigeant syndical ou de syndicaliste du père Hevia pas plus que de membre de l'AGECH. De l'avis du gouvernement, ceci prouve une fois de plus qu'on utilise les instances de la liberté syndicale dans le but exclusif de causer des problèmes à un Etat Membre.
- 476. Au sujet de la détention de dirigeants syndicaux du secteur portuaire, le gouvernement indique que ces personnes ont été arrêtées pour avoir provoqué des désordres sur la voie publique, empêchant la circulation des piétons et des véhicules le 29 novembre 1985. Un dirigeant syndical a demandé l'intervention du ministre du Travail pour obtenir leur libération. Le ministre obtint leur liberté moyennant une caution de 780 pesos (4 dollars des Etats-Unis approximativement) pour chacun d'entre eux qu'il paya personnellement.
- 477. Le gouvernement rappelle, à propos de cette affaire, que les bureaux de l'OIT ont été occupés illégalement par cinq personnes pendant cinq jours. Il estime que l'occupation de bureaux avec prise d'otages et séquestration en vue d'attirer l'attention constitue un acte de pression inacceptable, surtout quand il existe des canaux appropriés pour traiter des questions de liberté syndicale.
- 478. Au sujet de la grève effectuée par les travailleurs du secteur maritime et portuaire dans les ports de Valparaiso et de San Antonio, le gouvernement explique que, depuis septembre 1981, le régime de travail dans ce secteur a été modifié par la loi no 18032. Selon le gouvernement, cette loi a mis un terme à des pratiques extraordinairement négatives pour les travailleurs, telles que le louage de permis pour travailler qui entraînait la nécessité de reverser la moitié de la rémunération perçue au propriétaire du livret ou du permis de travail. Cette loi reçut donc un large appui de la part des travailleurs. En vue d'améliorer le nouveau régime, des commissions tripartites ont été constituées et leurs études ont abouti à un projet de loi qui introduit d'importantes améliorations dans le domaine du travail et de la prévoyance sociale et qui est entré en vigueur le 1er décembre 1985. Enfin, le gouvernement indique qu'aucun dirigeant syndical du secteur maritime et portuaire n'est détenu et que le travail s'effectue normalement dans tous les ports du pays.
- 479. Dans sa communication du 4 février 1986, le gouvernement transmet des informations sur les personnes dont il avait été allégué qu'elles avaient été reléguées ou arrêtées (voir annexe). Au sujet des relégations, le gouvernement déclare, de façon générale, que ces mesures qui ne peuvent excéder une durée de 90 jours ont été adoptées en vertu des facultés attribuées par la Constitution au Chef de l'Etat. Les faits à l'origine de ces mesures ont trait à la participation des intéressés dans des activités de politique partisane clandestines, sans aucune relation avec les activités syndicales qu'ils auraient exercées.
- 480. Au sujet des allégations concernant des licenciements dans le secteur de l'enseignement, le gouvernement indique que les congédiements intervenus dans la municipalité de Castro ont répondu à des besoins de bon fonctionnement des services. Dans tous les cas, les chèques pour paiement d'indemnités et de réajustement de rémunérations ont été remis aux intéressés par l'Inspection du travail et les reçus correspondants ont été signés. Au sujet de M. Juan Ruíz Campos, licencié par la municipalité de Puerto Montt, le gouvernement indique que l'intéressé a présenté un recours pour licenciement injustifié devant le deuxième Tribunal civil de Puerto Montt. Le 15 avril 1985, le tribunal a confirmé le licenciement qui a été prononcé pour infraction à la loi sur la sécurité de l'Etat. Cette sentence est maintenant exécutoire.
- 481. Concernant le licenciement de M. Sergio Aguirre de l'Entreprise portuaire du Chili, le gouvernement signale que l'employeur a invoqué des mesures de bon fonctionnement du service et de réorganisation. Cette mesure n'a donc pas obéi, selon le gouvernement, à des motifs de discrimination antisyndicale.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité
- 482. Le comité note que, depuis sa dernière réunion de novembre 1985, le gouvernement a fourni des informations sur les suites de la procédure judiciaire intentée contre les organisateurs de la journée de protestation du 4 septembre 1985. Il ressort de ces informations que, sur les douze dirigeants syndicaux initialement inculpés et arrêtés, onze ont été mis en liberté sous caution et que l'inculpation de l'un d'entre eux (José Ruiz di Giorgio) a été levée. Toutes les personnes inculpées ont donc été remises en liberté. Le comité a noté que ces inculpations ont été prononcées pour infraction à la loi sur la sécurité intérieure de l'Etat, à savoir aux dispositions sur l'organisation de réunions visant à renverser le gouvernement, la convocation de manifestations publiques sans autorisation et l'organisation de grèves illégales. A propos des grèves, le comité prend note des statistiques fournies par le gouvernement sur l'organisation de tels mouvements depuis 1979. Il rappelle cependant qu'aux termes des dispositions de la législation chilienne relatives au déclenchement de la grève (art. 45 à 55 du décret-loi no 2758), celle-ci ne peut être décidée que dans le cadre du renouvellement de conventions collectives. Ces dispositions excluent également le déclenchement des grèves par des fédérations et confédérations. A cet égard, le comité doit souligner que l'interdiction opposée aux fédérations et confédérations de déclencher des grèves n'est pas compatible avec les principes de la liberté syndicale et que les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs défendent en ayant recours à la grève se rapportent non seulement à l'obtention de meilleures conditions de travail ou aux revendications collectives d'ordre professionnel, mais englobent également la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale. (Voir 214e rapport, cas no 1081 (Pérou), paragr. 261; 217e rapport, cas no 1089 (Burkina Faso), paragr. 239.)
- 483. Dans le cas d'espèce, tout en prenant note des libérations sous caution intervenues en faveur des inculpés, le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur le développement des procès en cours et leurs résultats lorsque les jugements seront prononcés.
- 484. A propos des arrestations de dirigeants syndicaux du secteur portuaire intervenues lors d'une manifestation, le comité note également que les intéressés ont été remis en liberté après versement d'une caution par le ministre du Travail. Le comité croit comprendre cependant que les charges retenues contre ces personnes n'ont pas été levées. Il prie donc le gouvernement de fournir des informations sur le déroulement de la procédure ouverte à leur encontre.
- 485. Au sujet des mesures d'arrestation et de relégation de syndicalistes, le comité note que, selon les informations fournies par le gouvernement (voir annexe), certaines de ces personnes ont été simplement interpellées pour vérification d'identité ou appelées à témoigner dans le cadre de l'enquête menée sur les journées de protestation de septembre 1985. En revanche, dans d'autres cas, les intéressés ont été relégués. Le gouvernement se borne à indiquer que ces relégations ont été motivées par des activités de politique partisane clandestines, sans mentionner les faits concrets qui en sont à l'origine. Constatant une fois de plus que ces relégations ont visé des dirigeants syndicaux et n'ont donc pu qu'affecter directement le fonctionnement des organisations syndicales, le comité demande avec fermeté une fois de plus au gouvernement qu'il ne soit pas recouru à de telles mesures, totalement dépourvues de garanties judiciaires.
- 486. Le comité prend note également des informations fournies par le gouvernement au sujet du licenciement de syndicalistes du secteur de l'enseignement et des ports qui sont, selon lui, dus à des motifs de bon fonctionnement des services. Dans un cas, cependant, le licenciement a été justifié par une infraction sur la sécurité intérieure de l'Etat sans que soient précisés au comité les faits précis à l'origine de cette infraction. De manière générale, le comité tient à exprimer sa préoccupation devant le fait que les travailleurs peuvent perdre leur emploi en raison d'arrestations ou de condamnations dues à l'exercice d'activités que la législation nationale assimile à des délits mais qui, selon les principes généralement reconnus, pourraient être considérées comme des activités syndicales normales et licites.
- 487. Le comité constate enfin que le gouvernement n'a pas fourni d'informations sur les allégations les plus récentes formulées dans ce cas, à savoir la mort de quatre personnes lors des manifestations des 5 et 6 novembre 1985, l'arrestation de M. Rodemil Aranda, dirigeant du Syndicat industriel des mines Caletones, le licenciement de dirigeants syndicaux dans le secteur des ports et de la santé, MM. Manuel Jerez Alvarado et Ricardo Vacarezza, respectivement, l'annulation des élections au sein de la Confédération des travailleurs du cuivre et la confiscation des biens de cette organisation. Le comité exprime l'espoir que le gouvernement transmettra ces informations le plus rapidement possible.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 488. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Au sujet des arrestations et inculpations prononcées à la suite de la journée de protestation du 4 septembre 1985, le comité note que, sur les douze dirigeants syndicaux initialement inculpés et arrêtés, onze ont été libérés sous caution et que l'inculpation de l'un d'entre eux a été levée. Le comité, notant que les inculpations ont été prononcées sur la base de dispositions relatives à l'organisation de manifestations sur la voie publique et de grèves illégales, souligne que l'interdiction opposée aux fédérations et confédérations de déclencher des grèves n'est pas compatible avec les principes de la liberté syndicale. Il rappelle que les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs défendent en ayant recours à la grève se rapportent non seulement à l'obtention de meilleures conditions de travail ou aux revendications collectives d'ordre professionnel, mais englobent également la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur le développement des procès en cours et leurs résultats, lorsque les jugements seront prononcés.
- b) Au sujet des arrestations de dirigeants syndicaux du secteur portuaire, le comité note que les intéressés ont été remis en liberté après versement d'une caution par le ministre du Travail. Il prie le gouvernement de fournir des informations sur le déroulement de la procédure ouverte à leur encontre.
- c) Au sujet des mesures de relégation de syndicalistes, le comité demande avec fermeté une fois de plus au gouvernement qu'il ne soit pas recouru à de telles mesures totalement dépourvues de garanties judiciaires.
- d) Au sujet des licenciements de dirigeants syndicaux, constatant qu'un syndicaliste a été licencié pour infraction à la loi sur la sécurité intérieure de l'Etat, le comité exprime sa préoccupation devant le fait que les travailleurs peuvent perdre leur emploi en raison d'une arrestation ou d'une condamnation dues à l'exercice d'activités que la législation nationale assimile à des délits mais qui, selon les principes généralement reconnus, pourraient être considérés comme des activités syndicales normales et licites.
- e) Le comité prie le gouvernement de fournir au plus tôt ses observations sur les allégations les plus récentes, à savoir la mort de quatre personnes lors des manifestations des 5 et 6 novembre 1985, l'arrestation de M. Rodemil Aranda, dirigeant du Syndicat industriel des mines Caletones, le licenciement de dirigeants syndicaux dans le secteur des ports et de la santé, MM. Manuel Jerez Alvarado et Ricardo Vacarezza ainsi que l'annulation des élections au sein de la Confédération des travailleurs du cuivre et la confiscation des biens de cette organisation.
LISTE DES PERSONNES MENTIONNEES PAR LES
LISTE DES PERSONNES MENTIONNEES PAR LES - PLAIGNANTS COMME ARRETEES ET REPONSES
- DU GOUVERNEMENT A LEUR SUJET
- ARAYA Lorenzo Président du Syndicat de la
- construction d'Antofagasta.
- Relégation terminée le 14 juin
- 1985.
- DIANTA Pablo Dirigeant du Syndicat de la
- construction de San Antonio.
- Relégation terminée le 28 juin
- 1985.
- RIVAS Abraham Trésorier du Syndicat de la
- construction de Concepción.
- Relégation terminée le 13 mai
- 1985.
- DEIJ Antonio Secrétaire du Syndicat de la
- construction de Concepción.
- Relégation terminée le 13 mai
- 1985.
- ROZAS María Dirigeante AGECH. Interpellé le
- 4 novembre 1985 pour actions
- ayant interrompu le trafic des
- véhicules et des personnes;
- libérée après vérification
- d'identité.
- JEREZ Mercedes Dirigeante AGECH. Appelée à
- témoigner dans l'enquête sur
- les événements de septembre
- 1985. Est restée en liberté.
- GALLARDO Claudio Dirigeant CONSTRAMET.
- Relégation terminée le 16
- décembre 1985.
- MARTINEZ Arturo Appelé à témoigner dans
- l'enquête
- sur les événements de septembre
- 1985.
- SOTO Humberto Secrétaire général du Front
- unitaire des travailleurs. Appelé
- à témoigner dans l'enquête sur les
- événements de septembre 1985. Est
- resté en liberté.
- LILLO Edmundo Président de la Fédération
- nationale des travailleurs du
- commerce. Appelé à témoigner
- dans l'enquête sur les
- événements de septembre 1985.
- Est resté en liberté.
- OSORIO Eduardo Dirigeant AGECH. Appelé à
- témoigner dans l'enquête sur
- les événements de septembre
- 1985. Est resté en liberté.
- FIGUERA José Président suppléant de la
- Confédération du bâtiment.
- Appelé à témoigner dans
- l'enquête sur les événements de
- septembre 1985. Est resté en
- liberté.
- RIVERA José Dirigeant national de la
- Confédération du bâtiment.
- Appelé à témoigner dans
- l'enquête sur les événements de
- septembre 1985. Est resté en
- liberté.
- MIRANDA Ana María Dirigeante du Département
- culturel de la CONSTRAMET.
- Interpellée le 4 septembre
- 1985 pour actions ayant interrompu
- le trafic des véhicules et des
- personnes. Libérée après
- vérification d'identité.
- NUNEZ José Enrique Dirigeant de la
- CONSTRAMET.
- Relégation terminée le 5
- novembre 1985.
- AVELLO José Ramón Dirigeant de la
- CONSTRAMET.
- Relégation terminée le 5
- novembre 1985.
- FUENTES Adrián Président intérimaire de la
- Confédération du bâtiment.
- Relégation terminé le 15
- juillet 1985.