ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Definitive Report - REPORT_NO241, November 1985

CASE_NUMBER 1287 (Costa Rica) - COMPLAINT_DATE: 16-MAI-84 - Closed

DISPLAYINEnglish - Spanish

  1. 216. La plainte figure dans une communication de la Fédération nationale des travailleurs du secteur des communications électro-postales du 16 mai 1984. Le gouvernement a répondu par une communication en date du 24 juin 1985.
  2. 217. Le Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 218. Dans sa communication du 16 mai 1984, le plaignant allègue qu'en violation de la convention collective, M. Guido Núnez Román, secrétaire général du Syndicat professionnel des travaillleurs de l'électricité et des télécommunications, a été démis de ses fonctions en mai 1981 parce qu'il avait dénoncé des actes de discrimination au sein de la Compagnie nationale Force et Lumière et de corruption dans l'utilisation des biens de cette compagnie. Selon le plaignant, le tribunal du travail a tranché en faveur de M. Núñez Román en faisant valoir qu'il y avait eu violation de la convention collective car la procédure prévue n'avait pas été suivie. La compagnie ayant interjeté appel auprès du Tribunal supérieur du travail, celui-ci s'est prononcé, en 1984, dans le même sens que la juridiction de première instance. En avril 1984, la compagnie s'est pourvue en cassation.
  2. 219. Le plaignant allègue en outre que la convention collective en vigueur fait l'objet de violations réitérées dans la Compagnie nationale Force et Lumière, et plus précisément en ce qui concerne les points suivants:
    • a) réajustement de salaire de 20 pour cent pour certains travailleurs (article 11);
    • b) fixation à 7,5 pour cent de la prime d'ancienneté, selon la convention collective (article 69);
    • c) nomination aux postes de direction sans qu'un concours soit organisé (article 88);
    • d) refus de donner aux travailleurs le fonds d'épargne et de crédit, qui demeure au nom de la compagnie (article 89);
    • e) refus de respecter d'autres droits reconnus à tous les travailleurs dans la convention collective (articles 61, 54, 25 et 26, notamment).
  3. 220. Enfin, le plaignant formule une série d'allégations relatives à des faits qui remontent à des années ou qui ne concernent pas des violations de la liberté syndicale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 221. Dans sa communication du 24 juin 1985, le gouvernement déclare que pour ce qui est de la destitution de Guido Nuñez Román, ce n'est pas à l'employeur qu'incombe la responsabilité du licenciement du fait que les directeurs et hauts fonctionnaires de l'entreprise avaient été injuriés, calomniés et diffamés dans plusieurs documents signés par Guido Nuñez ou agréés par lui, documents qui ont été non seulement diffusés au sein de la compagnie, mais aussi portés à la connaissance de l'opinion publique. Bien qu'en première instance, Guido Nuñez ait eu gain de cause jusqu'à un certain point, il était dit dans le jugement: "Il n'y a pas lieu de réclamer de réparation pour perte de salaire au titre de l'article 82 du Code du travail puisque, bien que la faute que l'on reproche à l'intéressé ne soit pas suffisamment grave pour justifier le licenciement, il est certain que, de l'avis même de l'intéressé, il y a toujours eu de sa part un manque de respect vis-à-vis des représentants patronaux...". Dans ce même jugement, il est indiqué plus loin que l'intéressé avait utilisé les expressions en question à son corps défendant et non pas dans l'intention de proférer des injures, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de procéder au licenciement. Les deux parties ont fait appel du jugement de première instance, le demandeur ayant, entre autres prétentions, requis sa réintégration dans ses fonctions, requête qui avait été refusée. Le Tribunal supérieur du travail a déclaré: "Et il ne fait pas de doute que, dans ces conditions, on arrive à la conclusion que le licenciement n'était pas justifié faute d'une intention de proférer des insultes, vu que les choses étaient dites en termes généraux, sans viser quelqu'un "en particulier ...". C'est pourquoi le tribunal a estimé que, bien qu'il y ait eu faute, la sanction qui consistait à licencier l'intéressé n'était pas celle qui convenait, étant donné les circonstances de l'affaire.
  2. 222. Le gouvernement ajoute que, le 16 avril 1984, Guido Nuñez et la compagnie ont intenté un recours contre le jugement du Tribunal supérieur du travail. La deuxième Chambre de la Cour suprême de justice a indiqué, dans ses conclusions, le 3 octobre 1984: "Vu les phrases qui sont mentionnées à plusieurs reprises dans le dossier - et qui, de ce fait n'ont pas à être redites -, et eu égard à ces antécédents, et au fait que l'intéressé agissait au nom des travailleurs et qu'il l'a manifesté dans la lettre en question par des phrases un peu dures, on peut l'admettre, il s'avère que celles-ci ne s'adressaient pas à une ou plusieurs personnes en particulier, mais visaient les dirigeants de l'entreprise en général. Dans ces conditions, il n'y avait pas de raison suffisante pour licencier l'intéressé; il convenait de prendre une sanction disciplinaire de moindre portée car, en vérité, les phrases en question n'avaient pas un caractère personnel ... C'est pourquoi le demandeur est exempté du paiement des frais car, bien qu'il y ait eu faute, celle-ci n'était pas suffisamment grave pour justifier le renvoi, en l'espèce, vu les circonstances de l'affaire." Guido Nuñez s'est vu refuser une nouvelle fois sa réintégration, de sorte que la seule chose qu'il ait finalement obtenue, de la part des tribunaux susmentionnés, est la reconnaissance des prestations légales.
  3. 223. Enfin, pour ce qui est des allégations relatives à la violation de certaines des dispositions de la convention collective en vigueur dans la Compagnie nationale Force et Lumière, le gouvernement déclare que les questions mentionnées par le plaignant sont en cours de d'examen devant les tribunaux.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 224. En ce qui concerne la prétendue destitution du dirigeant syndical Guido Nuñez Román, en mai 1981, parce qu'il avait dénoncé des actes de discrimination et de corruption au sein de la Compagnie nationale Force et Lumière, le comité note que cette compagnie déclare avoir été contrainte de licencier l'intéressé parce que celui-ci avait injurié, calomnié et diffamé les dirigeants et les hauts fonctionnaires de l'entreprise.
  2. 225. Le comité observe que, le 3 octobre 1984, la deuxième chambre de la Cour suprême de justice a conclu, dans son jugement définitif, que la conduite de M. Guido Nuñez Román n'était pas une "raison suffisante pour le licencier; il convenait de prendre une sanction disciplinaire de moindre portée car, en vérité, les phrases en question n'avaient pas un caractère personnel..."; plus loin, la Cour suprême déclare aussi que la faute n'était pas suffisamment grave pour justifier le renvoi. Le comité observe en outre que la décision judiciaire susmentionnée, tout en reconnaissant à M. Nuñez Román le droit au paiement des prestations légales, n'a pas ordonné que celui-ci soit réintégré dans ses fonctions.
  3. 226. Dans ces conditions, le comité ne peut que conclure que la destitution du dirigeant syndical, M. Guido Nuñez Román, ayant été motivée par sa participation à des activités syndicales, a constitué un acte de discrimination antisyndicale contraire à la convention no 98. En conséquence, le comité invite le gouvernement à prendre des mesures en vue de réintégrer ce dirigeant syndical à son poste de travail.
  4. 227. D'une manière plus générale, le comité tient à souligner que l'article 82 du Code costa-ricien du travail dispose, au second paragraphe que si, après le congédiement, il s'élève un litige et si le motif du congédiement ne peut être prouvé le travailleur aura droit au salaire afférent au délai-congé, ainsi qu'à l'indemnité de congédiement qui lui revient éventuellement et, à titre de dommages et intérêts, aux salaires qu'il aurait reçus depuis la résolution du contrat jusqu'à la date du passage en force de chose jugée de la sentence pronconcée contre l'employeur". A cet égard, le comité doit signaler au gouvernement qu'il n'apparaît pas qu'une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par la convention no 98 soit accordée par une législation permettant en pratique aux employeurs, à condition de verser l'indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur, même si le motif réel est son affiliation ou son activité syndicale. En effet, cela signifie que, grâce à cette indemnisation, l'employeur peut congédier l'un quelconque de ses employés, et notamment en raison d'activités syndicales, sans que les autorités publiques puissent l'en empêcher. La protection est particulièrement nécessaire dans le cas des dirigeants syndicaux qui, pour pouvoir remplir leur mandat syndical en toute indépendance, doivent avoir l'assurance que de telles activités ne leur porteront pas préjudice. Pareille garantie est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants (voir, par exemple, 211e rapport, cas no 1053 (République dominicaine), paragr. 163). Le comité fait remarquer par ailleurs que, depuis des années, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations insiste auprès du gouvernement sur l'importance qu'il y a d'adopter des dispositions spécifiques qui prévoient des recours et des sanctions contre les actes de discrimination antisyndicale. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures à cet effet.
  5. 228. Enfin, s'agissant de l'allégation relative à la violation de certaines des dispositions de la convention collective en vigueur dans la Compagnie nationale Force et Lumière, le comité tient à rappeler le principe qui s'applique en la matière, à savoir que les conflits découlant de l'interprétation ou de l'application des dispositions des conventions collectives devraient relever d'organes indépendants des parties (voir, par exemple, 236e rapport, cas no 1206 (Pérou), paragr. 509). Le comité observe à cet égard que les faits en question ont été portés devant les tribunaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 229. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité estime que la destitution du dirigeant syndical, M. Guido Nuñez Román, motivée par sa participation à des activités syndicales, constitue un acte de discrimination antisyndicale contraire à la convention no 98. En conséquence, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures en vue de la réintégration de ce dirigeant syndical à son poste de travail.
    • b) Le comité signale au gouvernement qu'il n'apparaît pas qu'une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale soit accordée par une législation permettant en pratique aux employeurs, à condition de verser l'indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur même si le motif réel est son affiliation ou son activité syndicale.
    • c) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures en vue de sanctionner les actes de discrimination antisyndicale et d'offrir des voies de recours à ceux qui en sont victimes.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer