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- 48. La plainte du comité pour la création d'une Association syndicale de la police de sûreté publique est contenue dans trois communications datées respectivement des 30 décembre 1983, 21 février et 20 juin 1984. Le gouvernement du Portugal a fait parvenir ses observations par des communications des 17 mai et 4 octobre 1984.
- 49. Le Portugal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 50. Le comité plaignant déclare qu'il s'est créé, le 6 février 1982, dans le but de fonder une association syndicale de la police de sûreté publique conformément à la législation en vigueur (décret-loi 215-B/75 du 30 avril 1975 portant réglementation des syndicats). Il ajoute qu'il regroupe des officiers de l'armée de terre en détachement, des agents de police et des agents administratifs. Or, allègue-t-il, le gouverneur du district de Lisbonne et la direction de la police de sûreté ont empêché la tenue de l'assemblée constituante de l'association, qui avait été régulièrement convoquée, ainsi que le déroulement des opérations de vote entre le 8 et le 26 novembre 1983, confisquant les urnes, saccageant les bureaux provisoires, saisissant des documents et conduisant des membres des bureaux de vote aux postes de police pour vérification d'identité. De plus, certains membres du comité fondateur ont subi des mesures d'intimidation et de répression y compris des peines d'amende, des mutations et des mises à la retraite d'office pour avoir organisé des banquets réunissant des agents de police ou une collecte de fonds destinés à l'association. Des agents ont été poursuivis par mesure disciplinaire pour avoir participé au vote. Par ailleurs, le ministère du Travail a refusé l'enregistrement et la publication des statuts de l'Association syndicale de la police de sûreté publique qui s'était constituée à Madère, où le vote avait pu se dérouler normalement.
- 51. Le comité plaignant prétend que l'assemblée constituante de novembre 1983 était légale, puisqu'elle avait été convoquée plus de six mois après l'entrée en vigueur de la loi no 29/82 du 11 décembre 1982 sur la Défense nationale et les forces armées, dont l'article 69 2) contenait des dispositions restrictives, mais de nature temporaire (d'une durée de six mois) à la constitution d'une association pour les militaires. Il précise qu'il a déposé des recours en inconstitutionnalité contre le décret-loi no 440 du 4 novembre 1982 portant approbation du règlement disciplinaire de la police de sûreté publique et contre la loi no 41/83 du 20 décembre 1983 qui a modifié l'article 69 2) de la loi sur la Défense nationale et les forces armées. Pour le plaignant, le législateur a donné un caractère rétroactif à ce second texte, étendant les dispositions restrictives à la constitution d'un syndicat applicables à la police de sûreté publique jusqu'à la publication d'une nouvelle législation à intervenir le 15 juin 1984, afin de pouvoir sanctionner ceux qui avaient pris part au vote sur la constitution de l'association syndicale, puisque l'article 69 2) de la loi sur la Défense nationale et les forces armées avait cessé d'être applicable à la police de sûreté publique le 16 juin 1983.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 52. Le gouvernement, pour sa part, explique que le personnel de la police de sûreté publique est compris dans le personnel militarisé et dans celui des forces de sécurité visés aux articles 270 et 272 de la Constitution portugaise auxquels des restrictions à l'exercice des droits d'expression, de réunion, de manifestation et d'association peuvent être applicables dans la stricte mesure des exigences de leurs fonctions. A l'appui de l'assertion relative à la nature juridique de cette catégorie de salariés, il communique divers décrets-lois spécifiques sur la police de sûreté publique, notamment des textes de 1978 et 1980 portant création de la carte d'identité du "personnel militarisé" de la police de sûreté publique, des textes de 1976, 1977, 1978 et 1980 sur les ajustements de traitements et rémunérations accessoires applicables au personnel militaire et militarisé de la police de sûreté, et des textes de 1977 et 1979 portant création au sein de la police de sûreté publique d'un corps d'intervention et d'un groupe d'opération spéciale dont le recrutement et la préparation ont un caractère éminemment militaire. Il ajoute que le décret-loi no 440/82, portant règlement disciplinaire de la police de sûreté, consacre, dans son préambule, la nature hybride de cette corporation qui exerce des attributions d'autorité civile et qui a une structure militarisée, et que la loi no 29/82 du 11 décembre 1982 sur la Défense nationale et les forces armées réaffirme expressément que les agents de la police de sûreté publique sont et continuent à être assujettis aux règles spéciales établies pour le personnel militaire. Le Tribunal suprême de justice qualifie d'ailleurs la police de "force militarisée" (arrêts des 23 juin 1982 et 22 février 1983). Sur ce dernier point, le gouvernement explique, dans sa communication du 4 octobre 1984, que l'arrêt du Tribunal suprême du 29 juillet 1983 indiquant que "les agents de la police de sûreté publique ne sont pas des militaires et que la police de sûreté publique est un corps civil" avait trait à un conflit de compétence entre les autorités judiciaires civiles et les autorités judiciaires militaires. En effet, le Tribunal suprême a décidé dans ladite affaire qu'un procès criminel intenté contre un agent de la police de sûreté publique pour des actes pratiqués dans l'exercice de ses fonctions relevait de la compétence des tribunaux civils et non militaires. La portée de la décision du Tribunal suprême avait donc un caractère limité et ne contredisait pas sa jurisprudence antérieure.
- 53. Le gouvernement affirme que les droits syndicaux du personnel de la police sont englobés dans les droits susceptibles d'être sujets à des restrictions. Afin de clarifier la situation de la police de sûreté publique, explique-t-il, le législateur a adopté le décret-loi no 440/83 du 4 novembre 1982 portant règlement disciplinaire de la police de sûreté publique. En outre, en attendant la législation spécifique sur la police, il a prévu, à titre transitoire, l'application à la police du régime défini par la loi no 29/82 du 11 décembre 1982 sur la Défense nationale et les forces armées, dont l'article 69 2) dispose en substance que le régime applicable aux militaires en matière de restrictions aux droits d'expression, de réunion, de manifestation et d'association est applicable à titre transitoire à la police de sûreté publique jusqu'à la publication d'une nouvelle législation que le gouvernement devra proposer à l'Assemblée nationale dans un délai de six mois.
- 54. Le gouvernement poursuit en expliquant que, si la législation spécifique annoncée à l'article 69 de la loi sur la Défense nationale et les forces armées n'a pas encore été adoptée, cela tient à la chute du gouvernement et à la dissolution de l'assemblée, le nouveau gouvernement n'ayant été investi que le 6 juin 1983 après les élections législatives. La validité du régime transitoire a d'ailleurs été prorogée par la loi no 41/83 du 21 décembre 1983 qui a réaffirmé que le régime applicable à la police de sûreté publique était le régime applicable aux militaires et aux agents militarisés des cadres permanents et contractuels en service actif, jusqu'à la publication de la législation spécifique pour laquelle un délai est fixé. Dans sa communication du 4 octobre 1984, le gouvernement précise qu'il a présenté à l'assemblée un projet de loi sur la sécurité intérieure et la protection civile qui a été discuté et approuvé d'une manière générale. Cependant, aux termes de la législation nationale, les projets et propositions de loi doivent être soumis à deux débats parlementaires, l'un général sur l'opportunité de la mesure envisagée, ce qui a été fait, et l'autre spécifique avec un vote article par article qui va avoir lieu et qui devra réunir la majorité des deux tiers des députés présents. Le gouvernement déclare ne pas être en mesure d'indiquer quel sera le contenu du projet au stade final, étant donné que deux propositions de loi parlementaires qui divergent par rapport au projet gouvernemental sur des aspects de substance seront présentées concurremment à l'assemblée.
- 55. Le gouvernement justifie les restrictions apportées par la loi à l'exercice du droit syndical de la police en invoquant l'article 9 de la convention no 87 qui dispose que la mesure dans laquelle les garanties prévues par la convention s'appliqueront aux forces armées et à la police sera déterminée par la législation nationale et il rappelle que, tant la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations que le Comité de la liberté syndicale s'en sont toujours tenus à la simple interprétation littérale de cette disposition.
- 56. A propos du refus d'enregistrement des statuts de l'Association syndicale des professionnels de la police de sûreté publique, le gouvernement admet qu'une demande a été déposée le 2 décembre 1983, mais il rétorque que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, vu l'article 69 2) de la loi no 29/82 confirmé par la loi no 41/83 interdisant à titre transitoire l'exercice des droits de réunion, d'affiliation et d'association syndicale à la police de sûreté publique, n'avait aucun fondement légal pour donner satisfaction à la demande. Pour le gouvernement, en effet, le recours en inconstitutionnalité contre la loi no 41/83 dont arguent les plaignants n'est pas admissible tant que le tribunal constitutionnel ne se sera pas prononcé sur la question.
- 57. Au sujet des actions disciplinaires exercées à l'encontre des agents qui ont tenté de créer ladite association, le gouvernement rappelle que la loi interdit aux militaires et aux agents militarisés des cadres permanents et contractuels en service à la police de sûreté publique de faire des déclarations publiques, de convoquer des réunions et de s'inscrire à des associations à caractère syndical. Dans ces conditions, le commandant général de la corporation a attiré l'attention des intéressés sur ces interdictions, et ceux qui se sont engagés dans de telles activités ont été sanctionnés au cours de procès disciplinaires où les droits de la défense ont été respectés. Les intéressés ont introduit des recours devant le ministre de l'Intérieur qui a confirmé les sanctions. Ils ont engagé des pourvois contre la décision ministérielle devant le tribunal suprême administratif qui n'a pas encore statué.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 58. Le comité a pris note des allégations du comité plaignant ainsi que des observations du gouvernement à leur égard. Il observe toutefois que la plainte émane d'un comité qui avait pour objectif de fonder une association syndicale de la police de sûreté publique et qui avait pour membres des agents de la police de sûreté publique. A cet égard, le comité doit signaler que le paragraphe 1 de l'article 9 de la convention no 87 prévoit que "la mesure dans laquelle les garanties prévues par la présente convention s'appliqueront aux forces armées et à la police sera déterminée par la législation nationale".
- 59. Le comité observe qu'aux termes de la législation temporaire en vigueur au Portugal les membres de la police de sûreté publique ne bénéficient pas du droit d'association syndicale et que le processus législatif visant à réglementer ce droit se poursuit. Le comité exprime l'espoir que le processus aboutira à l'adoption de dispositions déterminant avec précision la portée des droits syndicaux de la catégorie de travailleurs en question. Entre-temps, le comité estime que, dans l'état actuel de la législation, il ne lui appartient pas de se prononcer sur les allégations contenues dans la présente plainte.
- 60. Le comité observe d'ailleurs que des recours en inconstitutionnalité sont en instance devant les tribunaux et que la législation portugaise prévoit des voies de recours en matière de sanction disciplinaire.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 61. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de décider qu'en l'état actuel de la législation portugaise en matière de restrictions au droit syndical des membres de la police, le présent cas n'appelle pas un examen plus approfondi.