DISPLAYINEnglish - Spanish
- 362. La plainte figure dans une communication de la Convention nationale des travailleurs d'Uruguay, datée du 9 janvier 1984. Cette organisation a envoyé des informations complémentaires par des communications des 26 janvier et 19 avril 1984. Le gouvernement a répondu par des communications des 7 mai et 6 août 1984.
- 363. L'Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 364. L'organisation plaignante allègue, dans ses communications des 9 et 26 janvier 1984, que M. Daniel Martfnez, membre du mouvement qui vise à obtenir l'exercice des droits syndicaux dans le secteur public et, plus précisément, dans l'entreprise ANCAP (Administration nationale des combustibles, alcool et ciment Portland), a été informé, à la fin du mois d'octobre 1983, de son licenciement, en application de l'Acte institutionnel no 7. Selon le plaignant, cet acte serait appliqué, dans ce cas comme dans d'autres, dans le but de persécuter les fonctionnaires de l'État qui exercent des activités syndicales, afin d'empêcher la reprise de l'activité syndicale.
- 365. L'organisation plaignante précise que M. Daniel Martinez, ingénieur en mécanique industrielle, était entré à l'ANCAP le 27 septembre 1979, au titre d'une bourse, dont il a continué à bénéficier jusqu'au 1er décembre 1982. A compter de cette date, il a été intégré parmi les cadres permanents de l'ANCAP, comme ingénieur du Département de l'entretien., En août 1983, il a été proposé, par ses supérieurs, au poste de chef d'atelier, mais les instances supérieures se sont opposées à sa nomination. Quelques mois plus tard, comme il a été indiqué, il s'est vu appliquer les dispositions de l'Acte institutionnel no 7 par mesure de discrimination syndicale.
- 366. L'organisation plaignante allègue, en outre, que dans l'enseignement les organisations de travailleurs se heurtent à des mesures d'intimidation et de discrimination antisyndicale. C'est ainsi que les ordonnances nos 17 et 28 du Conseil national de l'éducation (dont elle communique certains articles) interdisent, expressément, les activités syndicales et prescrivent la destitution des fonctionnaires pour activités syndicales ou raisons idéologiques.
- 367. L'organisation plaignante ajoute que, dans les premiers jours de janvier 1984, trois professeurs du collège "Santa Maria" ont été licenciés; il s'agit de MM. José Pedro Rilla, Juan Carlos Ottavianelli et Hugo Nilo Pintos; les deux premiers appartiennent à la commission provisoire de l'Association des travailleurs de l'Institut général - collèges maristes - et le troisième est membre de cette association. Le directeur de l'établissement en question a reconnu par écrit la compétence technique et l'aptitude pédagogique de ces professeurs, mais il a fait valoir que l'activité menée par les intéressés dans le cadre de la loi no 15137 allait à l'encontre du projet éducatif du collège.
- 368. L'organisation plaignante indique également que leurs heures de cours, pour la présente année, n'ont pas été attribuées, au mois de mars 1984, à six professeurs de l'Université du travail de l'Uruguay. S'il est vrai que ces professeurs exerçaient leurs fonctions à titre provisoire, ils n'en comptaient pas moins de longues années d'ancienneté et possédaient une compétence technico-pédagogique bien établie. Comme aucune raison professionnelle ne justifie cet état de choses, il ne reste, pour seule explication, que les activités de l'Association civile des fonctionnaires de l'UTU. Au cours du même mois, un autre professeur, membre de la commission de direction de l'Association des professeurs de l'enseignement secondaire, a été informé de ce que les heures de cours, qui lui avaient déjà été attribuées pour un seul lycée, seraient réparties entre six lycées différents, ce qui le mettait ainsi dans l'impossibilité d'exercer son activité professorale. Le plaignant indique également que pour des raisons étrangères à l'exercice de son activité professionnelle il n'est pas attribué d'heure de cours à une enseignante du secondaire. Enfin, l'organisation plaignante allègue que, le 3 février 1984, des fonctionnaires de l'enseignement se sont réunis sur l'esplanade de l'Université de la République. Par cette manifestation, les intéressés entendaient revendiquer le respect de la liberté syndicale et protester contre les licenciements et la persécution syndicale. Par la suite, les membres de la Coordinadora de la Enseñanza (organisme de coordination de l'enseignement) ont été convoqués à la préfecture de police pour l'enregistrement de leurs dépositions.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 369. Dans sa communication datée du 7 mai 1984, le gouvernement transmet une copie de la décision de la direction de l'ANCAP de licencier M. Daniel Martínez Villaamil, dont la teneur est la suivante:
- 27 octobre 1983
- ATTENDU QUE: Par décision (D) no 1027/12/982, en date du 10 décembre 1982, il a été procédé, régulièrement, à l'intégration de M. Daniel Carlos Martinez Villaamil (registre no 36.073/5), afin qu'il participe au fonctionnement des services de la société, en qualité d'ingénieur en mécanique industrielle (échelle II, grade 22, groupe 1), avec affectation à la direction technique de la Division des combustibles;
- ETANT DONNE: I) Que conformément à l'article 40 des statuts des fonctionnaires de l'ANCAP (décret no 472/966) toute nomination a un caractère provisoire pour une période de un an. Durant cette période, l'employé peut être licencié, sans qu'il en soit donné motif, par décision de la direction par quatre voix pour. La loi no 14.173 établit que cette décision doit être adoptée à l'unanimité lorsque la direction est composée de trois membres;
- II) Que le décret constitutionnel no 7/977 établit, en son article 15, que toutes les nominations qui sont faites dans la fonction publique, à compter de la date de son entrée en vigueur, auront un caractère provisoire pour une durée de un an, période pendant laquelle la décision prise à cet égard pourra être annulée sans qu'il en soit donné motif;
- CONSIDERANT: I) Que la nomination de M. Daniel Carlos Martínez Villaamil date de moins de un an; et II) Que la confirmation du fonctionnaire en question dans la charge pour laquelle il a été nommé n'est jugée ni opportune ni nécessaire, la direction estimant que l'administration peut se passer du concours de l'intéressé sans compromettre l'efficacité du service;
- COMPTE TENU DE TOUTES CES CONSIDERATIONS, LA DIRECTION DECIDE:
- 1°) D'annuler l'intégration régulière de M. Daniel Carlos Martínez Villaamil (registre no 29.068-7), en qualité d'ingénieur en mécanique industrielle (échelle II - grade 22 - groupe 1), avec affectation à la direction technique de la Division des combustibles, établie par la décision (D) no 1027/12/982 en date du 10 décembre 1982, conformément aux dispositions des articles 4 des statuts des fonctionnaires de l'ANCAP (décret no 472/966) et 15 du décret constitutionnel no 7/977 et aux attendus qui précèdent.
- 2°) De renvoyer le cas à l'administration générale pour suite à donner.
- 370. Toujours selon le gouvernement, il est inexact que M. Martínez Villaamil ait été licencié comme le prétend le plaignant; cette décision d'annuler la nomination de l'intéressé aurait pu être prise même sans mentionner l'article 15 du décret constitutionnel no 7/977 qui semble tellement affecter l'organisation plaignante, étant donné que la décision d'annuler la nomination repose, essentiellement, sur le plan juridique, sur une disposition fréquemment appliquée des statuts des fonctionnaires de l'ANCAP, précisément l'article 4 de ces statuts, qui sont en vigueur depuis 1966.
- 371. Par ailleurs, toujours selon le gouvernement, il n'a pas connaissance de ce que M. Martinez Villaamil ait mené des activités syndicales qui l'auraient exposé à des représailles et, à cet égard, l'organisation plaignante ne donne pas de précisions sur ces prétendues activités.
- 372. Quant aux allégations relatives au licenciement de membres de la commission provisoire de l'Association des travailleurs de l'Institut général - collèges maristes -, le gouvernement déclare dans sa communication du 6 août 1984 que le Secrétariat d'Etat au travail est intervenu, à la demande des intéressés, au sujet de plaintes relatives à des licenciements intervenus dans l'Institut général - collèges maristes. Le conciliateur officiel, alors en poste, a pris note de ce qu'il avait été versé des indemnités aux travailleurs intéressés à leur entière satisfaction. Le droit syndical n'avait été violé dans aucun des cas présentés, dans la mesure où l'Association des fonctionnaires du collège Santa Maria n'a pas été constituée conformément à la loi 15137 relative aux associations professionnelles. Il n'existait, d'ailleurs, à ce sujet, qu'une demande présentée le 22 septembre 1982. Par la suite, cette association n'a pas soumis ses statuts ni tenu d'assemblée constitutive, de sorte qu'elle n'a même pas des dirigeants provisoires auxquels la loi susmentionnée et son décret d'application auraient conféré la protection due aux dirigeants syndicaux. Tous ces faits donnent à penser que les requérants se sont désintéressés de la question et qu'ils n'ont pu réunir le soutien de 15 travailleurs au minimum comme l'exige la loi. En outre, il ne paraît pas raisonnable d'affirmer que les licenciements intervenus en 1984 résultent simplement d'une demande présentée des années auparavant.
- 373. Pour ce qui est des enseignants auxquels il n'a pas été attribué d'heures de cours ou dont les heures de cours ont été réparties entre divers lycées, le gouvernement déclare que l'imprécision de l'allégation ne permet pas d'y apporter une réponse et que les plaignants n'ont fourni aucun élément qui permette de bien distinguer chaque cas.
- 374. Quant aux ordonnances nos 17 et 28 du Conseil national de l'éducation (CONAE), le gouvernement déclare qu'il est inexact qu'elles interdisent les activités syndicales et qu'elles prescrivent la destitution des fonctionnaires pour activités syndicales; il rappelle, en outre, une série de dispositions qui reconnaissent le droit d'organisation au personnel enseignant et formule des observations sur diverses dispositions des ordonnances susmentionnées.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 375. Le comité prend note de ce que les allégations de l'organisation plaignante et la réponse du gouvernement relatives à la cessation de la relation de travail de M. Daniel Martínez Villaamil dans l'entreprise publique ANCAP sont contradictoires. L'organisation plaignante estime qu'il s'agit d'une mesure de persécution motivée par le fait que l'intéressé a mené des activités syndicales visant à l'obtention de l'exercice des droits syndicaux dans le secteur public, mesure décidée en application de l'Acte institutionnel no 7. Le gouvernement a indiqué qu'il n'a pas connaissance de ce que M. Martínez Villaamil ait mené des activités syndicales qui l'auraient exposé à de prétendues représailles et il a relevé, à cet égard, que l'organisation plaignante n'a pas non plus donné de détails au sujet de ces prétendues activités. Le gouvernement a transmis le texte de la décision de la direction de l'ANCAP relative au licenciement de M. Martinez Villaamil et a fait observer que la décision d'annuler la nomination de ce fonctionnaire a reposé, essentiellement, sur le plan juridique, sur l'article 4 des statuts des fonctionnaires de l'ANCAP, et que cette mesure aurait également pu être prise sans qu'il soit fait mention de l'Acte institutionnel no 7.
- 376. Le comité relève, par ailleurs, que dans les considérants de la décision de la direction de l'ANCAP relative au licenciement de M. Martí nez Villaamil, il est dit que "la confirmation du fonctionnaire en question dans la charge à laquelle il a été nommé n'est jugée ni opportune ni nécessaire, la direction estimant que l'administration peut se passer du concours de l'intéressé sans compromettre l'efficacité du service".
- 377. Le comité note que, tant le statut des fonctionnaires de l'ANCAP que l'Acte institutionnel no 7 (qui depuis a été abrogé) contiennent des dispositions qui prévoient que toute nomination de fonctionnaire ou d'employé aura un caractère provisoire pour une période de un an, durant laquelle le fonctionnaire ou l'employé pourra être licencié sans qu'il en soit donné motif. A cet égard, le comité tient à signaler l'importance qu'il accorde à ce que la législation prévoie des garanties appropriées afin d'éviter que la cessation de la relation de travail d'un employé ou d'un fonctionnaire du secteur public puisse être motivée par l'exercice par l'intéressé d'une fonction ou d'activités syndicales.
- 378. Quant au licenciement des trois syndicalistes de l'Association des travailleurs de l'Institut général - collèges maristes (MM. Rilla, Ottavianelli et Nilo Pintos), le comité prend note des déclarations du gouvernement et, en particulier, de ce que, selon lui, il n'y a pas eu violation du droit syndical en raison du fait que depuis 1982 l'association a omis de procéder aux démarches légales en vue de sa constitution. Le comité prie le gouvernement de lui indiquer les faits précis qui ont motivé le licenciement des professeurs en question afin de pouvoir se prononcer à ce sujet en disposant de tous les éléments d'information.
- 379. Pour ce qui concerne les actes de discrimination dont auraient fait l'objet certains professeurs, en ce qui concerne l'attribution des heures de cours, le comité observe que l'organisation plaignante n'a pas indiqué le nom des intéressés et que le gouvernement déclare ne pas être en mesure de répondre, les allégations ne distinguant pas suffisamment les cas les uns des autres.
- 380. Quant aux allégations relatives aux ordonnances nos 17 et 28 du Conseil national de l'éducation, le comité observe que le gouvernement a répondu à ce sujet. Le comité prie le gouvernement de lui envoyer le texte desdites ordonnances, afin de pouvoir examiner les allégations en pleine connaissance de cause.
- 381. Enfin, le comité observe que le gouvernement n'a pas répondu à l'allégation selon laquelle la préfecture de police aurait convoqué des membres de la Coordinadora de la Enseñanza pour l'enregistrement de leurs dépositions au sujet de la réunion de fonctionnaires de l'enseignement, le 3 février 1984, sur l'esplanade de l'Université de la République. Le comité prie le gouvernement de lui communiquer ses observations à ce sujet.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 382. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité relève que le statut des fonctionnaires de l'ANCAP et l'Acte institutionnel no 7, qui depuis a été abrogé, contiennent des dispositions qui prévoient que toute nomination de fonctionnaire ou d'employé aura un caractère provisoire pour une période de un an, durant laquelle il sera possible de licencier le fonctionnaire ou l'employé en question sans en donner le motif. A cet égard, le comité tient à signaler l'importance qu'il accorde à ce que la législation prévoie des garanties appropriées afin d'éviter que la cessation de la relation de travail d'un employé ou d'un fonctionnaire du secteur public puisse être motivée par l'exercice, par l'intéressé, d'une fonction ou d'activités syndicales.
- b) Le comité prie le gouvernement de lui indiquer les faits précis qui ont motivé le licenciement de MM. Rilla, Ottavianelli et Nilo Pintos afin de pouvoir se prononcer à ce sujet en disposant de tous les éléments d'information.
- c) Le comité prie le gouvernement de lui communiquer le texte des ordonnances nos 17 et 28 du Conseil national de l'éducation afin de pouvoir examiner les allégations relatives à ces ordonnances en pleine connaissance de cause.
- d) Le comité observe que le gouvernement n'a pas répondu à l'allégation selon laquelle la préfecture de police aurait convoqué des membres de la Coordinadora de la Enseñanza pour l'enregistrement de leurs déclarations au sujet de la réunion de fonctionnaires de l'enseignement, le 3 février 1984, sur l'esplanade de l'Université de la République. Le comité prie le gouvernement de lui communiquer ses observations à ce sujet.