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- 221. La plainte de la Fédération panhellénique des fonctionnaires de la police rurale (POYA) est contenue dans une communication du 15 septembre 1983. L'Internationale des services publics a appuyé cette plainte par une lettre du 27 octobre 1983. En outre, la POYA a soumis des informations complémentaires à l'appui de sa plainte, le 26 janvier 1984. Le gouvernement de la Grèce a fait parvenir ses observations dans une communication du 18 juin 1984 et le texte de la décision de la Cour de cassation no 420/1983 relative à cette affaire le 24 août 1984.
- 222. La Grèce a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de la fédération plaignante
A. Allégations de la fédération plaignante
- 223. D'après la fédération plaignante, le gouvernement hellénique serait intervenu arbitrairement dans l'administration et le fonctionnement de l'organisation syndicale suprême des fonctionnaires grecs (ADEDY), dont elle est membre. Le gouvernement aurait mené une série d'actions afin d'arriver à la destitution de l'administration légale de l'ADEDY, et à la nomination d'une administration dont les membres seraient proches du parti socialiste au pouvoir, le PASOK, afin de placer le syndicalisme grec sous son contrôle politique.
- 224. La fédération plaignante estime être directement lésée par la destitution des membres légitimement élus des organes d'administration de l'ADEDY, et elle ajoute que sa plainte est appuyée par 11 autres fédérations, unions ou associations du secteur public, à savoir la Fédération panhellénique du personnel des organismes des personnes morales de droit public et celle du personnel des organismes de politique sociale, l'Union des fonctionnaires diplômés (AT), l'Association des fonctionnaires du ministère des Services sociaux, celle des fonctionnaires du service de comptabilité générale de l'Etat, et du personnel civil de la gendarmerie, l'Union panhellénique des femmes fonctionnaires, celle des surveillants de la santé publique, et des huissiers du secteur public, celle du personnel civil du ministère de la Défense nationale et de l'Etat-major général de l'armée, et celle des fonctionnaires gardes forestiers.
- 225. Le Conseil général dirige l'action générale de l'ADEDY et élit un président, deux vice-présidents et deux secrétaires. Le Comité directeur exécute les décisions du congrès et du Conseil général, et désigne en son sein un président, trois vice-présidents, un secrétaire général, un secrétaire général adjoint, un secrétaire syndical et un trésorier.
- 226. La fédération plaignante indique que le vingt-quatrième Congrès panhellénique des fonctionnaires qui s'était tenu du 10 au 13 septembre 1979 avait élu les 85 membres du Conseil général et le Comité directeur. Or, depuis l'arrivée au pouvoir du PASOK, le 18 octobre 1981, le gouvernement grec aurait systématiquement ignoré 1 ADEDY chaque fois qu'il était appelé à régler des questions concernant les fonctionnaires. Il aurait de plus exercé une pression sur les fonctionnaires pour qu'ils ne remplissent pas leurs devoirs économiques envers l'ADEDY. Il aurait aussi gêné l'édition et la circulation d'un journal syndical intitulé "Action des fonctionnaires" dans le but d'en obtenir la fermeture et d'empêcher ainsi les fonctionnaires d'être informés par leur propre organe de presse des mesures en cours les concernant et de leurs conséquences. Il aurait même interdit à la radio et à la télévision de présenter les activités de l'ADEDY. Par ailleurs, il aurait remplacé les syndicalistes qui représentaient l'ADEDY au Comité économique et social de la Communauté économique européenne par des personnes de son choix. Il aurait en outre intenté des poursuites contre des syndicalistes, en particulier le président de la fédération plaignante auquel il aurait infligé une amende d'un montant de trois mois de salaire à cause de ses activités syndicales. Le gouvernement aurait aussi incité les directions de certaines organisations syndicales de fonctionnaires favorables au PASOK à renverser les membres élus des organes d'administration de l'ADEDY pour obtenir la majorité. En effet, reconnaît la fédération plaignante, parmi les syndicalistes élus aux organes d'administration au vingt-quatrième Congrès de l'ADEDY en 1979, beaucoup étaient favorables au PASOK. Enfin, il aurait projeté de réduire à trois ans le mandat des organes de direction syndicale sans consulter l'ADEDY.
- 227. Face à ces mesures antisyndicales, le Conseil général de l'ADEDY, utilisant les possibilités contenues à cet effet dans ses statuts, a décidé d'avancer la convocation du vingt-cinquième congrès au 31 août 1982, aux fins d'examiner les problèmes des fonctionnaires, de prendre des décisions et éventuellement d'élire une nouvelle administration. Mais, entre-temps, le projet gouvernemental de loi syndicale a été voté le 1er juillet 1982 (loi no 1264/82), poursuit la fédération plaignante.
- 228. C'est alors, ajoute-t-elle, qu'une organisation syndicale, membre de l'ADEDY et proche du PASOK, a demandé au tribunal de paix d'Athènes, en application de la loi nouvelle, l'annulation de la décision du Conseil général relative à la convocation du vingt-cinquième Congrès de l'ADEDY, et que le tribunal de paix d'Athènes a fait droit à cette demande, empêchant la convocation dudit congrès. Parallèlement à cette action, cinq des 70 organisations membres de l'ADEDY ont introduit un recours devant le tribunal de première instance d'Athènes pour obtenir la nomination d'une administration provisoire de l'ADEDY car, selon elles, aux termes de la nouvelle législation syndicale en vigueur, le mandat de l'administration de l'ADEDY avait expiré. Les cinq personnes proposées comme membres de l'administration provisoire provenaient exclusivement des cinq organisations en question. Cependant, l'administration élue de l'ADEDY a prouvé au tribunal que son mandat n'avait pas encore expiré et qu'en conséquence la nomination d'une administration provisoire n'était pas justifiée. Le tribunal de première instance d'Athènes a fait droit aux arguments de défense des membres élus de la direction de l'ADEDY (décision no 7906 du 26 juillet 1982).
- 229. Les cinq organisations syndicales rivales de la fédération plaignante ont alors saisi la cour d'appel d'Athènes qui les a également déboutées, confirmant le jugement du tribunal de première instance (arrêt no 1037/82) et reconnaissant que le mandat des membres élus n'avait pas expiré et que la nomination d'une administration i, provisoire n'était pas justifiée, affirme la fédération plaignante. D'ailleurs, la Cour d'appel a estimé que la réduction du mandat des organes d'administration élus avant la mise en vigueur de la loi n'était pas compatible avec la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical ratifiée par la Grèce.
- 230. Les cinq organisations syndicales en question se sont alors pourvues en cassation et, contre toute attente, d'après la fédération plaignante, elles ont gagné leur pourvoi, et la Cour de cassation a procédé à la destitution de l'administration élue de l'ADEDY.
- 231. La fédération plaignante joint à sa plainte les commentaires sur l'arrêt de la Cour de cassation qu'un ancien conseiller à la Cour, M. Christos Katharios, a fait paraître dans la presse. Ce juriste estime que l'article 9, alinéa 1, de la loi no 1264 du 1er juillet 1982 sur la démocratisation du mouvement syndical qui prévoit que "le mandat des organes de direction aura une durée maximale de trois ans" et qui est applicable aux employés civils de l'Etat, en vertu de l'article 30 de la loi nouvelle, ne peut avoir d'effet rétroactif, car l'article 2 du Code civil hellénique prévoit que "la loi dispose pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif".
- Selon lui, la loi nouvelle n'est pas applicable aux directions syndicales qui ont été élues pour une durée de plus de trois ans. Les dispositions de l'article 26, alinéas 1 et 2, de cette loi, qui ne seraient pas claires, ne semblent pas imposer d'effet rétroactif à l'article 9, alinéa 1. Et même si le législateur avait prévu expressément que la disposition de l'article 9, alinéa 1, était applicable aux associations dont les statuts prévoient que la durée de leur mandat est supérieure à trois ans, une telle disposition irait à l'encontre des dispositions constitutionnelles et de la convention no 87 et devrait être frappée de nullité. Toujours selon ce juriste, la réduction des mandats électifs dont la durée a été fixée par les statuts abolit en effet le droit des organisations de formuler leur programme d'action. En tout état de cause, estime-t-il, dans le présent cas, les personnes nécessaires à l'administration de l'association existaient et étaient présentes et elles se défendaient contre l'intrusion de personnes qui demandaient à entrer dans l'association. Aussi, même si l'on admettait l'interprétation erronée de la Cour de cassation selon laquelle l'article 9, alinéa 2, de la loi a aboli la durée des mandats des organes syndicaux, les membres du conseil qui ont été élus par le congrès auraient-ils dû être préférés à une administration provisoire. En outre, étant donné le caractère d'intérêt général de cette affaire, la Chambre de la Cour de cassation qui en était saisie aurait dû, en application de l'article 563, paragraphe 2, alinéa 6, du Code de procédure civile, la porter devant la Cour de cassation pour qu'elle soit jugée par la Cour toutes chambres réunies. Le commentateur s'insurge également contre le fait qu'aux termes de la décision de la Cour de cassation, du 6 avril 1983, l'administration de l'ADEDY a été confiée à une administration provisoire pour huit mois, jusqu'à l'élection d'une administration définitive.
- 232. Dans une communication ultérieure du 26 janvier 1984, la fédération plaignante indique que le gouvernement a, depuis le dépôt de la plainte, favorisé la convocation d'un congrès de fonctionnaires entre le 1er et le 4 décembre 1983. Selon elle, ce congrès serait illégal puisqu'il aurait été convoqué par une administration illégalement nommée, qu'une pression, psychologique et professionnelle aurait été exercée sur des milliers de fonctionnaires pour les décourager de présenter leur candidature, que 40 fédérations auraient été biffées du registre de l'ADEDY, et qu'un nouveau quotient électoral aurait été mis en place pour l'élection des représentants au congrès. Deux cent cinquante-six représentants sur 600 auraient participé à ce congrès de la minorité des fonctionnaires qui n'aurait été qu'un congrès d'enseignants, étant donné que, sur ces 256 représentants, 172 seraient venus de ce. milieu. Les fonctionnaires de la plupart des ministères, des instances juridictionnelles, du service des impôts, des douanes, des organismes de la politique sociale, de la police rurale, les gardes forestiers, les surveillants de la santé publique, le personnel du service national de statistiques, de la caisse postale d'épargne, les inspecteurs de l'enseignement et les inspecteurs du ministère de l'Economie n'y auraient pas été représentés, ce qui correspondrait à 58 pour cent des fonctionnaires. En conséquence, d'après la fédération plaignante, l'administration de l'ADEDY élue par ce congrès serait illégale, et les organisations syndicales non représentées auraient créées un "comité de coordination des organisations syndicales de la fonction publique" pour défendre les droits syndicaux des fonctionnaires.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 233. Le gouvernement rejette plusieurs des allégations de la fédération plaignante qu'il estime vagues. Ainsi, selon lui, elle n'a pas indiqué les mesures qu'il aurait prises, même indirectes, et qui auraient constitué une contrainte quelconque contre les fonctionnaires publics pour qu'ils ne remplissent pas leur devoir économique envers l'ADEDY. De même, elle n'a pas indiqué non plus la nature des prétendues entraves qui auraient été mises à l'édition et à la circulation du journal de l'ADEDY. Au contraire, précise le gouvernement, ce journal est demeuré en circulation jusqu'à ce que l'administration précédente de l'ADEDY cède la place à l'administration provisoire. De même encore, elle n'a pas mentionné de faits concrets qui permettraient d'inférer que le gouvernement aurait interdit à la radio et à la télévision de présenter les activités de l'ADEDY. En ce qui concerne la représentation de la Grèce au sein du Comité économique et social de la Communauté économique européenne, le gouvernement affirme que l'allégation de la fédération plaignante, selon laquelle des syndicalistes dont les noms figuraient sur la liste auraient été arbitrairement remplacés par d'autres, est totalement dépourvue de fondement.
- 234. A propos des allégations de poursuites entamées contre un fonctionnaire public et de l'imposition d'une peine d'amende à son encontre, le gouvernement déclare que M. Constantin Zanias est un fonctionnaire de la Direction de la police rurale du ministère de l'Ordre public, et qu'au terme d'une enquête administrative il a été convaincu d'avoir, en dehors du service, eu un comportement indigne d'un fonctionnaire. Il a donc été condamné en application des articles 206.1 b), f) et m), et 207 du décret présidentiel no 611 de 1977, portant statut de la fonction publique. Par la suite, une peine disciplinaire d'amende de trois mois de salaire lui a été infligée à l'unanimité par une instance disciplinaire supérieure pour des motifs disciplinaires et non syndicaux.
- 235. Quant à l'élaboration du projet de loi syndicale, le gouvernement indique avoir respecté les promesses inscrites à cet égard dans son programme d'activité, et il affirme avoir invité toutes les organisations syndicales à formuler et à faire connaître leur avis, sans évidemment en exclure l'ADEDY, comme le prétend la fédération plaignante.
- 236. Au sujet du conflit interne qui s'est développé au sein même de l'ADEDY, le gouvernement prétend ne pas y avoir pris part puisque, d'après lui, ce genre de conflit est de la compétence des tribunaux grecs qui se sont prononcés à divers stades. La Cour de cassation a rendu son arrêt dans cette affaire par la décision no 420 du 6 avril 1983. Elle a prononcé la déchéance de l'administration de l'ADEDY en application des dispositions de la loi no 1264 de 1982, et a nommé une nouvelle administration provisoire par voie judiciaire. Le gouvernement s'étonne que la fédération plaignante puisse ainsi attaquer une décision de la Cour de cassation, émanation d'une justice indépendante, objective et impartiale, durant la période actuelle.
- 237. Le gouvernement envoie en réponse aux critiques formulées par le conseiller à la retraite près la Cour de cassation, M. Katharios, la réplique du conseiller rapporteur dans cet arrêt, M. Theodoropoulos, publiée le 20 mai 1983 à Athènes. L'intéressé précise en substance que l'arrêt en question a été rendu à l'unanimité par le président, le conseiller, l'avocat général et la Cour de cassation qui, tous, ont suivi la position qu'il soutenait dans son rapport. La décision de la Cour de cassation s'est fondée, indique-t-il, sur les attendus suivants:
- Attendu que les dispositions des articles 9.1 b) et 26.1 a) et 2 de la loi no 1264 de 1982, entrée en vigueur depuis le 1er juillet 1982, et dont l'article 32.1 a porté abrogation de la loi no 330 de 1976 disposent:
- "le mandat des organes de direction aura une durée de trois ans" (art. 9.1 b), "l'assemblée des membres de toute organisation syndicale peut opter pour l'introduction immédiate de la procédure d'élection prévue dans cette loi" (art. 26.1 a) et:
- "si l'assemblée se prononce négativement, le mandat des organes est prolongé normalement, sous réserve des dispositions de l'article 9.1 b)" (art. 26.2).
- Attendu en outre que le projet de loi susvisé, et plus spécifiquement son article 26.2, disposait.
- "Si l'assemblée se prononce négativement, le mandat des organes est prolongé normalement, conformément aux statuts".
- C'est-à-dire, précise le rapporteur, qu'au terme du projet gouvernemental il était envisagé que les organes de direction soient maintenus dans leurs fonctions mais que, comme il ressort du procès-verbal des débats au Parlement grec, p. 4660, session PID du 14 juin 1982, sur la discussion de l'article 26, les termes "conformément aux statuts" ont été rayés, tenant compte du fait que l'article 9.1 b) fixe à ce propos une limite. En conséquence, à compter de l'entrée en vigueur de la loi, au 1er juillet 1982, la durée du mandat des organes de direction des organisations syndicales ne peut excéder trois ans.
- 238. Il en est résulté, poursuit le rapporteur, la destitution automatique de ces organes et une situation où les personnes nécessaires à l'administration de la personne juridique (le syndicat)
- ont fait défaut au sens de l'article 69 du Code civil. Dans ces conditions et en application de cet article 69, il était nécessaire de procéder à la nomination d'une administration provisoire.
- 239. Le rapporteur explique également que ce point de vue est confirmé par les procès-verbaux du débat sur la discussion de l'article 20 de la loi abrogée no 330 de 1976, qui disposait déjà:
- "La durée du mandat des membres du comité directeur des associations professionnelles est fixée par les statuts mais ne peut excéder quatre ans.
- Il est interdit à un membre du comité directeur d'une association professionnelle d'exercer ses fonctions après l'expiration de son mandat, tout acte qu'il accomplirait après la date considérée sera nul et de nul effet." Au cours du débat sur l'article 20, le ministre avait déclaré qu'en tout état de cause il estimait que le délai de quatre ans constituait une échéance maximale et que, pour ce qui concerne le paragraphe 2, il n'y aurait pas d'administration défaillante puisque l'article 69 du Code civil serait applicable, précise le rapporteur.
- 240. Le rapporteur indique encore que les dispositions sur la limite des mandats ne sont pas contraires aux articles 12, 4 et 23.1 de la Constitution, puisque ce sont ces dispositions constitutionnelles qui, justement, confèrent au législateur le droit de déterminer le cadre et les conditions dans lesquels s'exerce sans entrave la liberté syndicale. Elles ne sont pas non plus contraires à la convention no 87 ratifiée par le décret-loi no 4204 de 1961. Par conséquent, la Cour de cassation a estimé à bon droit que la Cour d'appel, en refusant la demande des organisations qui avaient intenté l'action en nullité, avait transgressé les dispositions de la loi. Le rapporteur réplique également, au sujet de l'effet rétroactif de la loi, qu'elle ne produit ses effets qu'à partir du jour où elle est entrée en vigueur, à savoir à partir du 1er juillet 1982.
- 241. Quant à l'article 69 du Code civil concernant l'absence de personnes exerçant l'administration, le rapporteur indique qu'il dispose:
- "Si les personnes nécessaires à l'administration de la personne juridique font défaut, ou si leurs intérêts sont en conflit avec ceux de la personne juridique, le Président du tribunal civil nomme une administration provisoire à la requête de celui qui a un intérêt légitime." Il ajoute que la doctrine et la jurisprudence ont toujours estimé qu'une administration est réputée défaillante toutes les fois qu'elle fait vraiment défaut, pour quelque raison que ce soit, y compris en cas de destitution, et il cite plusieurs arrêts allant dans ce sens. Il précise également que l'ADEDY n'avait proposé personne pour l'administration provisoire comme le prétend la fédération plaignante, mais qu'au contraire elle s'était retirée de la cause le matin même de l'audience, chose unique dans les annales de la Cour de cassation. 242. Au sujet du renvoi aux chambres réunies, le rapporteur indique que l'article 563, paragraphe 2 b), du Code de procédure civile, dispose:
- "La Chambre qui statue est tenue de renvoyer le jugement de l'affaire aux chambres réunies (de la Cour de cassation) dans le cas où elle récuse l'application de la loi comme étant inconstitutionnelle".
- Or, dans la présente affaire, indique le rapporteur, la Chambre qui statuait a considéré que la loi était conforme à la Constitution et qu'elle n'était pas contraire à la convention no 87. Il n'y avait donc pas de base légale pour un renvoi aux chambres réunies. Quant à la. notion d'intérêt général qui aurait été en cause et pour laquelle le renvoi aurait "pu" se faire à titre facultatif, selon le rapporteur un tel renvoi aurait constitué un déni de justice pour les requérants puisque les chambres réunis n'auraient pas pu rendre leur arrêt avant le 12 septembre 1983 (date de l'échéance du mandat quadriennal statutaire de l'administration de l'ADEDY) et qu'alors leur recours serait devenu sans objet.
- 243. C'est donc à bon droit également que la Cour de cassation a statué sur la désignation d'une administration de la personne morale, affirme le rapporteur.
- 244. Au sujet de la seconde communication de la fédération plaignante, le gouvernement déclare que les allusions à de prétendues interventions du gouvernement dans la convocation du Congrès de l'ADEDY en décembre 1983 sont dénuées de fondement et inadmissibles. L'administration provisoire de l'ADEDY avait pour but de régler les questions de son fonctionnement conformément à la loi, et le gouvernement n'avait aucune raison d'intervenir, déclare-t-il.
- 245. L'allégation selon laquelle l'administration de l'ADEDY serait l'élue d'un congrès de minorités est sans fondement non plus puisque l'ADEDY regroupe 33 fédérations comptant 150.000 membres et que trois autres fédérations ont demandé leur affiliation à cette organisation. Le congrès, affirme le gouvernement, réunissait 28 fédérations, à savoir celles qui ont appliqué les procédures de représentation proportionnelle prévues par la loi no 1261 de 1982 et, sur les 150.000 membres enregistrés, 115.000 ont voté et élu 256 représentants, alors qu'au congrès président de l'ADEDY auquel se réfère la fédération plaignante, 50.000 fonctionnaires seulement avaient voté. Le congrès de décembre 1983 était donc manifestement deux fois plus représentatif que le congrès de 1979 puisqu'il comptait deux fois plus d'électeurs et que toutes les tendances étaient présentes, conclut le gouvernement.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 246. Cette affaire comporte deux aspects: un conflit interne qui s'est développé au sein de l'Union administrative suprême des fonctionnaires publics, organisation du troisième degré, regroupant au plan national différentes unions de fonctionnaires publics ci-après dénommée l'ADEDY et la répression dont aurait été l'objet le président de la Fédération panhellénique des fonctionnaires de la police rurale, organisation de deuxième degré affiliée à l'ADEDY, qui porte plainte dans le présent cas.
- 247. En ce qui concerne le conflit interne survenu au sein de l'ADEDY qui a conduit à la destitution de l'administration de cette organisation et à la nomination d'une administration provisoire prononcée par la voie judiciaire de la Cour de cassation en avril 1983, d'une part, et le Congrès des unions des fonctionnaires qui s'est tenu en décembre 1983 pour désigner la nouvelle administration, d'autre part, le comité a pris note des explications détaillées fournies tant par la fédération plaignante que par le gouvernement.
- 248. Le comité a déjà eu à connaître d'un conflit interne au sein de l'organisation syndicale suprême des travailleurs grecs, la Confédération générale du travail de Grèce, à sa réunion de novembre 1983 [230e rapport, cas no 1193, paragr. 284 à 323.] où il a rappelé, comme il l'avait fait à maintes reprises précédemment, qu'en matière de contestations d'élections syndicales les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention qui pourrait limiter le droit des organisations d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion, et qu'il importe pour garantir l'impartialité et l'objectivité de la procédure que le contrôle des élections syndicales soit le fait des autorités judiciaires compétentes. [Voir notamment 73e rapport, cas no 348, paragr. 114 (Honduras), et 230e rapport, cas no 1193, paragr. 318 (Grèce).]
- 249. Dans le présent cas, le comité observe que la destitution des dirigeants de l'ADEDY a été prononcée à la demande de certains d'entre eux par la Cour de cassation hellénique, en application d'une législation nouvellement adoptée sur la démocratisation du mouvement syndical et sur la protection des libertés syndicales des travailleurs (loi no 1264 du 1er juillet 1982). Cette législation a réduit à trois ans la durée du mandat des organes de direction syndicale (art. 9) et a conféré aux syndicats le droit d'opter pour l'introduction immédiate de la procédure d'élections prévue par la loi (art. 26).
- 250. Quant à la nomination d'une administration provisoire, le comité observe qu'elle a également été prononcée par décision judiciaire en application cette fois de l'article 69 du Code civil hellénique (loi no 2250 du 15 mars 1940, dans sa teneur modifiée). Le comité a d'ailleurs pris connaissance de la décision de la Cour de cassation sur l'ensemble de cette affaire.
- 251. La question qui se pose est celle de savoir si la réduction du mandat des organes de direction à trois ans prononcée par voie législative porte atteinte au droit des organisations d'élire librement leurs représentants garanti par l'article 3 de la convention. Sur ce point, le comité note que la loi no 330 de 1976 sur les associations et les unions professionnelles et sur la protection de la liberté syndicale abrogée par la loi nouvelle contenait déjà une disposition semblable, quoique de moindre portée, sur la durée des mandats puisqu'elle les limitait à quatre ans (art. 20). or cette disposition de la loi no 330 n'avait fait l'objet ni de contestation des organisations syndicales helléniques ni de commentaires des organes de contrôle du BIT. En outre, la législation de plusieurs pays, qui fixe une durée maximale aux mandats des organes directeurs afin, semble-t-il, d'obliger les dirigeants à retourner régulièrement devant les électeurs et de permettre ainsi que la volonté des membres soit respectée, n'a pas non plus été critiquée par les organes de contrôle.
- 252. Le comité relève que la loi no 1264 de juillet 1982 a réduit d'un an la durée maximale des mandats et a permis que la disposition nouvelle soit immédiatement applicable aux mandats en cours, faisant ainsi grief à une partie de la direction syndicale de l'ADEDY élue sous l'empire de la loi no 330 de mai 1976 et faisant droit à la demande d'une autre partie de cette même direction syndicale. Le comité estime que, d'une manière générale, les lois réglementant la fréquence des élections et fixant une durée maximale aux mandats des organes directeurs ne mettent pas en cause les principes de la liberté syndicale. Néanmoins, dans le présent cas, comme le prévoyait le projet d'article 26.2) cité par le rapporteur de la Cour de cassation, la législation aurait pu garantir que les organes de direction soient maintenus dans leurs fonctions "conformément aux statuts" des organisations. Toutefois, la Cour n'ayant fait qu'appliquer la loi telle qu'elle a été votée, le comité, tout en regrettant l'intervention du législateur, estime qu'il n'est pas nécessaire de poursuivre cet aspect du présent cas.
- 253. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la nouvelle administration de l'ADEDY serait l'élue d'un congrès syndical de minorité, le comité observe que la fédération plaignante prétend que le congrès de décembre 1983 n'aurait été qu'un congrès d'enseignants, puisque, sur 256 représentants, 172 seraient venus de ce milieu, et que les fonctionnaires de nombreuses administrations n'y auraient pas été représentés. En revanche, le gouvernement soutient que le congrès de décembre 1983 aurait été deux fois plus représentatif que le congrès de septembre 1979 puisqu'il compterait deux fois plus d'électeurs, et que toutes les tendances y auraient été représentées. Il explique que, sur 150.000 fonctionnaires, 115.000 regroupés dans 28 fédérations ont voté, alors qu'au congrès précédent auquel se réfère la Fédération de la police rurale plaignante, 50.000 fonctionnaires seulement avaient voté. De plus, depuis le congrès, l'ADEDY compte en tout 33 fédérations et trois autres fédérations ont engagé le processus d'affiliation, conclut le gouvernement.
- 254. Pour sa part, le comité a pris connaissance de la législation qui a introduit le système de représentation proportionnelle en matière d'élections des organes administratifs d'une organisation syndicale (art. 9 et 12 de la loi no 1264) et des dispositions relatives à la représentation des fonctionnaires (art. 30, alinéa 3). Il note que les organes administratifs d'une organisation syndicale sont élus selon le système de la représentation proportionnelle simple, avec répartition résiduelle au plus fort reste (art. 12), et que le nombre de représentants à chaque organisation syndicale du deuxième ou du troisième degré est fixé sur la base du même critère pour toutes les organisations affiliées à l'organisation du deuxième ou du troisième degré considérée. Il note également que la loi précise, en ce qui concerne les fonctionnaires, que chaque organisation du premier degré ne peut désormais s'affilier qu'à une seule organisation du deuxième degré, et que les organisations syndicales du premier degré qui sont affiliées à plus d'une organisation du deuxième degré doivent décider lors de leur assemblée générale à quelle organisation du deuxième degré ou fédération elles veulent demeurer affiliées (art. 30, alinéa 3).
- 255. Le comité estime que le système électoral de représentation proportionnelle ainsi que l'obligation faite aux organisations du premier degré de choisir l'organisation du deuxième degré à laquelle elles veulent demeurer affiliées ne mettent pas en cause les principes de la liberté syndicale. Néanmoins, étant donné que, selon la Fédération de la police rurale plaignante, certaines fédérations de fonctionnaires ne seraient pas représentées au sein de l'ADEDY, le comité veut croire que les fédérations non encore représentées au sein de l'ADEDY pourront engager le processus d'affiliation en appliquant les procédures de représentation proportionnelle et de non double affiliation prévue par la loi et qu'elles pourront de ce fait participer au prorata de leurs résultats électoraux à l'administration suprême des unions de fonctionnaires.
- 256. En ce qui concerne la répression dont aurait été l'objet le président de la Fédération panhellénique des fonctionnaires de la police rurale, le comité note que, selon le gouvernement, l'intéressé qui est un fonctionnaire de la Direction de la police rurale a été convaincu d'avoir hors service eu un comportement indigne d'un fonctionnaire et qu'il a été condamné en première instance puis à l'unanimité par l'instance disciplinaire supérieure à une peine d'amende.
- 257. Le comité, tout, en notant que la fédération plaignante n'a pas indiqué la nature des activités syndicales qui auraient conduit son président à une sanction disciplinaire, regrette que le gouvernement se soit contenté d'indiquer que l'intéressé a eu hors service un comportement indigne d'un fonctionnaire, sans préciser les faits concrets qui lui sont reprochés. Dans ces conditions, le comité ne peut que rappeler l'importance qu'il attache à la protection des dirigeants syndicaux dans l'exercice de leurs activités syndicales légitimes.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 258. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) En ce qui concerne la destitution de l'Administration suprême des; fonctionnaires publics (ADEDY) et la nomination d'une administration provisoire prononcées par la Cour de cassation en avril 1983, en application de la loi syndicale no 1264 de juillet. 1982 (ayant réduit à trois ans la durée maximale des mandats des, organes de directions syndicales qui était de quatre ans aux termes de la loi antérieure), le comité, tout en regrettant que, la loi nouvelle ait été rendue applicable immédiatement et non à, l'expiration du mandat en cours, comme le prévoyait le projet de loi, estime néanmoins que la réglementation de la fréquence des, élections afin d'obliger les dirigeants à retourner régulièrement devant les électeurs ne met pas en cause les principes de la liberté syndicale. En conséquence, le comité estime qu'il n'est pas nécessaire de poursuivre cet aspect du cas.
- b) En ce qui concerne le congrès de l'ADEDY tenu en décembre 1983 dont la représentativité est contestée par la fédération plaignante, le comité prend note des données statistiques fournies par le gouvernement d'où il ressort que 115.000 fonctionnaires sur 150.000 enregistrés auraient voté. Le comité veut croire néanmoins que les fédérations non encore représentées au sein de l'ADEDY pourront engager le processus d'affiliation en respectant les procédures de représentation proportionnelle et de non double affiliation prévues par la loi et qu'elles pourront de ce fait participer au prorata de leurs résultats électoraux à l'administration suprême des unions de fonctionnaires.
- c) En ce qui concerne la répression dont aurait été l'objet le président de la fédération plaignante, le comité observe que, selon le gouvernement, l'intéressé a été condamné pour conduite indigne d'un fonctionnaire. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas précisé les faits concrets qui lui ont été reprochés et que la fédération plaignante n'ait pas indiqué la nature des activités syndicales qui l'aurait conduit à être sanctionné. Dans ces conditions, le comité ne peut que rappeler l'importance qu'il attache à la protection des dirigeants syndicaux dans l'exercice de leurs activités syndicales légitimes.