DISPLAYINEnglish - Spanish
- 431. La plainte figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) du 31 mars 1983. La CISL a envoyé des informations complémentaires par communication du 5 mai 1983. Le gouvernement a répondu par des communications des 11 mai et 13 septembre 1983.
- 432. Le Chili n'a ratifié ni la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention no 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 433. La CISL allègue qu'à l'aube du 24 mars 1983 (journée de protestation publique contre le chômage et contre l'absence d'améliorations économiques et sociales) des membres armés du Service national de renseignement (CNI) ont arrêté, en vertu du décret présidentiel 4121 du 24 mars, 12 personnes parmi lesquelles figuraient les syndicalistes Reinaldo Flores del Pino, Alejandro Wladimir Cisterna Canales (ex-dirigeant du Syndicat des établissements textiles Yarrur), José Enríquez Núñez Estrella (membre du Service de jeunesse de la Confédération de la métallurgie), José Ramón Avello Soto (président du Syndicat de l'arsenal de San Juan, responsable de l'éducation à la Confédération de la métallurgie et président du Service de jeunesse de la Coordination nationale syndicale) et Ricardo. Fernández Riquelme (vice-président du Syndicat de la construction de la ville de Concepción). Selon le plaignant, certaines de ces arrestations ont eu lieu sans présentation d'un mandat d'amener, et, les intéressés ont dû signer des documents qui ne portaient que leur nom. Les syndicalistes en question, sauf M. Reinaldo Flores, libéré le 25 mars 1983, ont été assignés à résidence le 29 mars 1983 à Pisagua. De plus, Ricardo Fernàndez Riquelme a été frappé pendant son arrestation et au commissariat, il souffre de contusions à l'épaule droite et de plaie au cuir chevelu.
- 434. L'organisation plaignante ajoute que le même jour, 24 mars, 227 personnes ont été arrêtées dans le centre de Santiago, 40 à Valparaiso et 14 à Concepción, toutes sous l'accusation de participer à une marche de protestation contre le chômage et contre l'absence d'améliorations économiques et sociales. Le plaignant indique que la police s'était déployée très tôt dans le centre de Santiago avec des autopompes, et que les carabiniers ont montré la plus grande brutalité dans les arrestations. Sur les 227 personnes arrêtées le 24 mars à Santiago, une a été mise en liberté le lendemain et 209 le 26 mars; les 17 autres ont été gardées au commissariat central, puis assignées à résidence à Pisagua le 29 mars par ordre du ministre de l'Intérieur. Les personnes arrêtées à Valparaiso ont été libérées entre le 25 et le 29 mars, à l'exception de trois personnes qui ont été assignées à - résidence à Pisagua. L'organisation plaignante joint à sa communication un rapport dressé par un groupe de médecins sur les 34 personnes que le ministre de l'Intérieur a fait assigner en vertu de l'article 24 de la nouvelle Constitution, à Pisagua, où elles ont passé 90 jours. Selon ce rapport, 12 des 34 personnes assignées à résidence avaient été arrêtées chez elles le 24 mars 1983 par des membres du CNI et conduites à des postes de ce service où elles sont restées six jours jusqu'à leur transfert définitif à Pisagua. Ces personnes, ajoute le rapport, ont été soumises à de longues séances de torture avec supplice de la baignoire ou chocs électriques, précédées d'intimidations, de menaces et d'interrogatoires. Elles ont aussi subi des avances sexuelles. Les 22 autres personnes, arrêtées par les carabiniers, ont été brutalement frappées; on a constaté des , hématomes, des contusions et des abrasions. Ces personnes étaient enfermées dans un bâtiment qui manquait des moyens hygiéniques voulus.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 435. Dans sa communication du 11 mai 1983, le gouvernement déclare que le 24 mars 1983 un attroupement a provoqué des désordres sur la voie publique, interrompant la circulation des voitures et des piétons, des injures ont été proférées contre les autorités et des projectiles ont été lancés sur la police. Celle-ci, accomplissant son devoir de maintien de l'ordre, de la paix et de la sécurité publiques, est intervenue pour empêcher les excès, et a pu appréhender quelques-uns des fauteurs de trouble. Les services de l'Intérieur, agissant conformément à la loi, en ont placé certains en résidence forcée dans deux localités du nord du pays. Le mercredi 21 juin 1983, les personnes assignées ont toutes été autorisées avant terme à regagner leur domicile.
- 436. Le gouvernement déclare également qu'il n'a pas de renseignements sur la situation des 12 personnes, présumées syndicalistes, qui, selon l'organisation plaignante, auraient été arrêtées à leur domicile.
- 437. Le gouvernement ajoute que les personnes mentionnées dans les plaintes, parmi lesquelles figurent plusieurs étudiants, et que l'organisation plaignante appelle "syndicalistes", n'ont pas été arrêtées en cette qualité ni pour leurs activités syndicales présumées, mais pour avoir provoqué des désordres à des fins politiques et dans le but de troubler l'ordre et la bonne entente entre les citoyens.
- 438. D'autre part, le gouvernement rejette comme mal fondées et grossièrement mensongères les allégations de violence et de torture à l'égard desdites personnes.
- 439. Le gouvernement joint à sa réponse une coupure de presse qui annonce la mise en liberté, le 22 juin 1983, des 34 personnes (désignées nommément) assignées à résidence à Pisagua et Camina sous l'accusation d'actes subversifs répétés contre l'ordre public. De même source, les assignés ont été mis en liberté une semaine avant l'expiration des 90 jours qui leur avaient été infligés.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 440. Le comité prend note de ce que l'organisation plaignante allègue l'arrestation de 293 personnes, dont plusieurs syndicalistes et dirigeants syndicaux, le 24 mars 1983, journée de protestation publique contre le chômage et contre l'absence d'améliorations économiques et sociales, où ont eu lieu des manifestations publiques dans les villes de Santiago, Valparaiso et Concepción. L'organisation plaignante allègue également que certaines des personnes arrêtées, assignées à résidence à Pisagua, y ont été l'objet de tortures, de mauvais traitements et de blessures.
- 441. Le comité observe en premier lieu que la réponse du gouvernement se borne à donner des informations sur les 34 personnes assignées à résidence à Pisagua et Camina pendant 83 jours, mais ne mentionne pas les autres arrestations effectuées le 24 mars 1983 et qui, selon l'organisation plaignante, auraient porté sur 259 personnes ensuite libérées entre le 25 et le 29 mars 1983. A cet égard, considérant que parmi les personnes arrêtées le 24 mars figurent plusieurs syndicalistes et dirigeants syndicaux, et que le but des manifestations se rattache à la défense des intérêts des travailleurs, le comité estime que, bien que l'organisation plaignante n'ait pas donné toutes les précisions voulues, assez d'éléments permettent de considérer que ces manifestations avaient un caractère syndical, et cela indépendamment du fait que des groupes non syndicaux aient ou non joué un rôle principal ou accessoire dans l'organisation et la tenue de ces manifestations. Dans ces conditions, le comité doit regretter que le gouvernement n'ait pas répondu sur les motifs qui ont conduit aux arrestations alléguées de 259 personnes. Le comité déplore d'autant plus ces arrestations qu'il constate que rien ne permet d'affirmer que l'autorité judiciaire ait retenu de quelconques charges: contre elles.
- 442. En ce qui concerne les 34 personnes arrêtées puis assignées à résidence pendant 83 jours à Pisagua et Camina, le comité note que, selon le gouvernement, la police a arrêté ces personnes pour maintenir l'ordre, la paix et la sécurité publiques, troublés par des individus qui provoquaient des désordres sur la voie publique en interrompant la circulation des voitures et des piétons, en injuriant les autorités et en jetant des projectiles sur la police, le 24 mars 1983. Le comité prend également note que de ce que les services de l'Intérieur, agissant conformément à la loi, ont ordonné l'assignation à résidence de ces personnes dans deux localités du nord du pays. Le comité note aussi que, selon le gouvernement, parmi les personnes arrêtées figuraient plusieurs étudiants, et que les personnes dites "syndicalistes" par l'organisation plaignante n'ont été arrêtées ni en cette qualité ni pour des actes relevant de leurs activités syndicales présumées, mais pour avoir provoqué des désordres à fins politiques dans le but de troubler l'ordre et la bonne entente entre les citoyens.
- 443. A cet égard, le comité relève qu'il y a contradiction entre la réponse du gouvernement et les informations communiquées par l'organisation plaignante, car d'après cette dernière certains syndicalistes et dirigeants syndicaux nommément désignés, assignés à Pisagua le 29 mars 1983, auraient été arrêtés à leur domicile dès l'aube du 24 mars, c'est-à-dire avant d'avoir pu participer à une quelconque manifestation. D'autre part, le comité observe que, bien que le gouvernement ait signalé de façon générale les agissements contraires à l'ordre public, à l'intégrité physique et à la propriété privée relevés contre les 34 personnes en question, il n'a pas indiqué qu'elles aient été individuellement inculpées, notamment en ce qui concerne les dirigeants syndicaux, dont le gouvernement dit seulement qu'ils ont provoqué des troubles à fins politiques.
- 444. Dans ces conditions, le comité tient à rappeler instamment au gouvernement que les mesures de privation de liberté et l'imposition de sanctions telles que l'assignation à résidence pour motifs syndicaux constituent des violations des principes de la liberté syndicale, et qu'il juge inadmissible que des sanctions de ce genre soient imposées par voie administrative.
- 445. En ce qui concerne les allégations de mauvais traitements, blessures et tortures qu'auraient subis les 12 assignés (dont plusieurs dirigeants syndicaux) arrêtés, selon l'organisation plaignante, le 24 mars 1983 et les coups portés aux autres assignés pendant leur résidence forcée, le comité juge insuffisantes les affirmations sommaires du gouvernement, selon qui ces allégations sont sans fondement et grossièrement mensongères. Tout en exprimant sa grave préoccupation devant ces allégations, le comité, comme il l'a fait à d'autres occasions où il avait été saisi d'allégations analogues, prie le gouvernement d'ouvrir le plus promptement possible une enquête judiciaire indépendante sur les tortures prétendues, afin d'éclaircir pleinement les faits, dégager les responsabilités et punir les coupables, puis de l'informer des résultats de ces enquêtes.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 446. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et en particulier les conclusions suivantes:
- a) Le comité note que les personnes arrêtées (293 selon l'organisation plaignante) lors d'une "journée de protestation contre le chômage et l'absence d'améliorations économiques et sociales" (24 mars 1983) ont été libérées, et que l'assignation à résidence de 34 d'entre elles est maintenant terminée. En conséquence, toutes ces personnes jouissent d'une complète liberté.
- b) En ce qui concerne l'arrestation, suivie d'assignation à résidence, de 34 personnes parmi lesquelles figuraient plusieurs syndicalistes et dirigeants syndicaux, le comité rappelle instamment au gouvernement que des mesures de privation de liberté et l'imposition de sanctions telles que l'assignation à résidence pour cause d'activités syndicales constituent des violations des principes de la liberté syndicale, et qu'il juge inadmissible que des sanctions de ce genre soient imposées par voie administrative.
- c) En ce qui concerne la détention des 259 autres personnes, le comité déplore que le gouvernement n'ait pas répondu sur les motifs qui ont conduit à ces détentions. Le comité regrette d'autant plus ces arrestations qu'il constate que rien ne permet d'affirmer que l'autorité judiciaire ait retenu de quelconques charges contre les intéressés.
- d) En ce qui concerne les allégations de mauvais traitements, de blessures et de tortures qu'auraient subis en particulier des dirigeants syndicaux, le comité, tout en exprimant sa grave préoccupation devant ces allégations, prie le gouvernement d'ouvrir le plus promptement possible une enquête judiciaire indépendante sur les tortures alléguées pour éclaircir pleinement les faits, dégager les responsabilités et punir les coupables, puis de l'informer des résultats de ces enquêtes.