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- 215. Par une communication du 19 novembre 1980, la Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux au Sénégal. Le gouvernement, pour sa part, a fait parvenir ses observations dans une lettre du 23 février 1981.
- 216. Le Sénégal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 217. La plainte de la FISE porte sur des licenciements et d'autres sanctions disciplinaires qui auraient été infligés à des enseignants à la suite d'un conflit du travail.
- 218. La FISE communique les informations qu'elle a reçues de l'organisation sénégalaise qui lui est affiliée, le syndicat unique démocratique des enseignants du Sénégal (SUDES), organisation qui a animé le mouvement revendicatif.
- 219. Il ressort de ces informations que le SUDES, après avoir légalement déposé, un mois auparavant, un préavis de grève, aurait, le 13 mai 1980, déclenché une grève des examens scolaires. Le gouvernement, ajoute le SUDES, après un semblant de négociation, se serait lancé dans une répression systématique. Neuf membres du bureau exécutif, sur douze suspendus, auraient été révoqués pour avoir appelé les militants à appliquer le mot d'ordre de grève des examens; dix-neuf militants de base suspendus pour rétention de notes auraient également été révoqués; trente-huit autres grévistes auraient été suspendus et cinq cents enseignants auraient été affectés dans les coins les plus reculés du territoire, par mesures punitives, déclare la FISE, qui ajoute que les militants et les membres du comité exécutif du SUDES se sont vu interdire de quitter leur pays, ce qui les empêche d'exercer leurs fonctions syndicales sur le plan international.
- 220. Par ailleurs, le 25 octobre 1980, le bureau exécutif du SUDES aurait convoqué une réunion d'information à Dakar après avoir, conformément à la loi, déposé une déclaration à cet effet. Le gouvernement aurait interdit la réunion. Le bureau exécutif aurait alors décidé de la maintenir et de la transférer à son siège social. Cependant, comme la réunion allait commencer, la police, sans sommation, aurait chargé. Il y aurait eu plusieurs blessés, dont certains assez gravement, et plusieurs interpellations. Les intéressés, dont le Secrétaire général, Mamadou N'doye, et le secrétaire à la formation pédagogique, Madior Diouf, auraient été relâchés le jour même mais convoqués pour le 28 octobre 1980 pour être inculpés selon les termes du commissaire de police "d'incitation des foules à occuper la voie publique".
- 221. La FISE conclut en déclarant que les actes arbitraires du gouvernement vont à l'encontre des conventions nos 87 et 98 et de la recommandation UNESCO/OIT de 1966.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 222. Dans sa communication du 23 février 1981, le gouvernement rétorque que c'est à tort que la FISE et le SUDES se fondent sur les conventions et recommandations en question pour introduire un recours contre les sanctions administratives qui ont frappé des fonctionnaires et agents de l'Etat coupables de fautes professionnelles graves.
- 223. Le gouvernement explique que le SUDES est un syndicat de fonctionnaires soumis, dans l'exercice de ses droits syndicaux, aux lois et règlements en vigueur au Sénégal.
- 224. Il précise que douze membres de l'ex-bureau national du SUDES et dix-huit militants de base de ce syndicat coupables de fautes professionnelles ont été révoqués après observation de la procédure disciplinaire prévue par la loi no 61.33 du 15 janvier 1963 relative au statut général des fonctionnaires. La suspension d'un fonctionnaire de son emploi est une mesure conservatoire prévue par le statut, explique le gouvernement, qui ajoute que les formalités prescrites par la loi ont également été respectées en cette matière. Les mutations incriminées ont été prononcées pour la nécessité du service. Enfin, aucune restriction particulière n'a été apportée à la liberté de déplacement à l'étranger des membres du bureau du SUDES. Toutefois, indique le gouvernement, comme dans tous les pays, les agents concernés sont soumis au droit commun du visa de sortie préalable. Il admet que les membres du SUDES impliqués dans les procédures disciplinaires au cours des mois de juillet, août et septembre 1980 ont vu leur visa différé à titre, dit-il, tout à fait exceptionnel et conservatoire. Leur absence prolongée hors du territoire national aurait pu entraver le déroulement normal des procédures engagées à leur encontre et l'aboutissement de celles-ci dans les délais prescrits par la réglementation en vigueur, explique-t-il.
- 225. Le gouvernement ajoute, d'autre part, que le SUDES avait présenté une plate-forme revendicative en huit points, dont deux constituaient l'essentiel, à savoir un relèvement de 20 à 50 pour cent de l'indemnité d'enseignement et l'extension à tous les enseignants (personnel de l'enseignement élémentaire, de l'enseignement moyen et secondaire, de la formation professionnelle et de l'enseignement supérieur) de l'indemnité compensatrice de logement de 25.000 francs CFA par mois réservée aux seuls enseignants de l'école élémentaire.
- 226. Or, indique le gouvernement, sur le premier point, pour ce qui est des revendications salariales, il a consenti des efforts appréciables en faveur des enseignants et pour l'éducation en général qui absorbe 33 pour cent du budget national de fonctionnement, les enseignants étant seuls parmi les agents de l'Etat à bénéficier même pendant leur retraite d'une indemnité d'enseignement de 20 pour cent de leur traitement indiciaire.
- 227. Sur le second point, le gouvernement déclare que, par le passé, seul le personnel de l'école élémentaire bénéficiait de l'indemnité de logement héritée de la réglementation coloniale. Son incidence grève lourdement le budget de l'Etat et, pour des raisons d'équité et compte tenu de la conjoncture économique et financière liée à la crise économique mondiale, aucune aggravation des charges budgétaires ne peut, selon lui, être envisagée. Toute revendication tendant à accentuer les disparités de traitement entre les enseignants et les autres agents de l'Etat de même niveau de formation est, à son avis, déraisonnable.
- 228. Le gouvernement explique que les arguments développés ci-dessus ont été portés à la connaissance des responsables du SUDES qui continuent à déclarer, malgré la bonne volonté du gouvernement, que ce dernier refuse de négocier avec eux. Ils ont, vers la fin de l'année scolaire 1979-80, engagé des épreuves de force en lançant des mots d'ordre de grève consistant, notamment, à refuser de donner aux autorités scolaires les notes obtenues par les élèves et à saboter les corrections des différents examens et concours de fin d'année en attribuant des notes fantaisistes.
- 229. C'est pour ces motifs d'ordre professionnel, conclut le gouvernement, que les responsables ont été traduits devant des conseils de discipline et sanctionnés. Ils ont déjà utilisé les garanties prévues par les lois en matière disciplinaire (délais, citation de témoins, constitution de partie civile); les autres voies de recours prévues par les lois nationales sont à leur disposition.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 230. Dans la présente affaire, les plaignants déclarent que des licenciements, des suspensions et des transferts auraient frappé des enseignants coupables uniquement d'avoir participé à une grève légale dans le cadre d'un conflit du travail. En revanche, pour le gouvernement, des sanctions administratives ont été infligées à des fonctionnaires et agents de l'Etat responsables de fautes professionnelles graves, à savoir pour avoir refusé de donner aux autorités scolaires les notes obtenues par les élèves et pour avoir saboté les corrections des différents examens et concours de fin d'année en attribuant des notes fantaisistes.
- 231. Le gouvernement admet cependant que ces actions se sont déroulées dans le cadre d'un conflit du travail.
- 232. De l'avis du comité, les agissements des responsables du SUDES qui, dans le cadre d'un conflit du travail, auraient été convaincus d'avoir saboté les corrections des différents examens et concours en attribuant aux étudiants des notes fantaisistes, débordent nettement ce que l'on peut définir comme étant des activités syndicales normales.
- 233. Néanmoins, le comité estime que, si le grief initial concernant les revendications de salaires et de conditions de travail avait été traité par une négociation constructive entre les parties conformément aux principes de la liberté syndicale, les tensions qui se sont manifestées dans ce cas auraient peut-être pu être évitées.
- 234. Pour ce qui est des allégations relatives aux suspensions et aux mutations d'enseignants qui ont participé à une grève et aux refus de visa de sortie du territoire opposés aux membres du SUDES impliqués dans des procédures disciplinaires, le comité, tout en prenant note de la déclaration du gouvernement selon laquelle ce refus a été tout à fait exceptionnel et a eu pour seul but de ne pas entraver le déroulement normal des procédures disciplinaires engagées, tient à souligner qu'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à leur liberté en matière d'emploi - suspension, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables - et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les responsables syndicaux étant donné que, pour remplir leurs fonctions en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subissent pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Le comité a aussi indiqué qu'une politique de mutations des responsables syndicaux peut porter préjudice au bon fonctionnement des activités syndicales.
- 235. Pour ce qui est de l'allégation relative à l'interdiction d'une réunion syndicale d'information en octobre 1980, le comité note que le gouvernement n'a pas fourni d'information sur cet aspect du cas. Cependant, le comité a déjà souligné, dans un précédent cas relatif au Sénégal, que la non-intervention de la part des gouvernements dans la tenue et le déroulement des réunions syndicales constitue un élément essentiel des droits syndicaux et que les autorités devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit et à en entraver l'exercice légal.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 236. Dans ces conditions, le comité, pour ce qui est du cas dans son ensemble, recommande au Conseil d'administration d'adopter les conclusions suivantes.
- Le comité relève que, bien que certains agissements des plaignants semblent avoir débordé le cadre de ce que l'on peut réellement définir comme étant des activités syndicales normales, néanmoins, si le grief initial concernant les revendications de salaires et de conditions de travail avait été traité par une négociation constructive entre les parties conformément aux principes de la liberté syndicale, des tensions auraient peut-être pu être évitées.
- Pour ce qui est des allégations de suspensions, mutations, refus de visa de sortie du territoire opposé à des dirigeants et à des militants syndicaux pour avoir participé à une grève et à l'allégation d'interdiction de la tenue d'une réunion syndicale d'information, le comité estime qu'il serait souhaitable, pour restaurer un climat propice au développement harmonieux des relations professionnelles, que des mesures soient prises en vue de réexaminer la situation des travailleurs qui auraient été sanctionnés.
- Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures qui seraient prises dans ce sens.