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- 313. La plainte présentée par l'Association nationale des salariés de l'agriculture, du commerce et de l'industrie (NAACIE), par l'Association du personnel de l'Université de la Guyane (UGSA), par le Syndicat des employés de bureau et de commerce (CCWU) et par le Syndicat général des travailleurs agricoles et autres (GAWU) est contenue dans un télégramme daté du 21 août 1979. Des informations complémentaires ont été transmises par les plaignants dans une lettre du 5 septembre 1979. Le gouvernement a transmis ses observations par une lettre du 13 octobre 1979.
- 314. La Guyane a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 315. Dans leur télégramme du 21 août 1979, les plaignants déclarant que les 17 et 18 août, au cours d'une grève, la police à chargé à coups de bâton de pacifiques piquets de grève, blessant de nombreuses personnes. Ils allèguent également que M. Todd, président du Syndicat des employés de commerce et de bureau, a été arrêté le 18 août et retenu pendant deux heures sur instructions politiques. Ils déclarent que le ministre du Travail a introduit des briseurs de grève dans l'entreprise et que les grévistes ont été ouvertement menacés de licenciement. Dans leur lettre du 5 septembre 1979, les plaignants expliquent qu'une grève à laquelle participaient plus de 30,000 travailleurs de deux grandes industries, la bauxite et le sucre, avait été déclenchée le 12 juillet 1979 en raison du refus des employeurs de payer les primes au mérite dans l'industrie de la bauxite. Par solidarité, les syndicats plaignants se sont associés à ce mouvement le 17 août. Toutes les grèves ont pris fin le 26 août 1979.
- 316. Selon la plainte, les travailleurs de la bauxite sont représentés par le Syndicat des travailleurs des mines de la Guyane (GMWU), qui est affilié au Congrès des syndicats (TUC). Tous ses membres travaillent pour GUYMINE, entreprise d'Etat avec laquelle a été conclue une convention collective qui prévoit que les salariés doivent toucher leurs primes normales chaque année. Les travailleurs ont été contraints de recourir à la grève quand, en violation de cette convention, l'entreprise a refusé de verser les primes au mérite dues pour 1979.
- 317. A la plainte était jointe la copie d'un accord sur le salaire minimum dans le secteur public, conclu le 23 août 1977 entre le gouvernement de la Guyane et le TUC. Cet accord fixe le salaire minimum à 8,40 dollars par jour et 200 dollars par mois pour 1977, à 11 et 258 dollars pour 1978 et à 14 et 333 dollars pour 1979. Les syndicats plaignants indiquent cependant que d'emblée ils ont refusé de reconnaître cet accord estimant que le TUC n'avait pas été habilité à négocier en leur nom avec le gouvernement.
- 318. Ils signalent en outre que le Syndicat général des travailleurs agricoles et autres (GAWU) a signé le 23 mars 1978 une convention collective avec la Société sucrière de Guyane qui, entre autres choses, fixait à 14 dollars le salaire minimum journalier des travailleurs du sucre. Contrairement à cet accord, les travailleurs n'ont jamais été payés à ce taux.
- 319. Les plaignants indiquent également que puisque, ai la 1er janvier 1979 ni ensuite, le gouvernement n'a appliqué le salaire minimum prévu pour cette année dans l'accord avec le TUC, ils en avaient conclu que l'accord n'était plus en vigueur. En fait, ajoutent-ils, certaines entreprises publiques ont payé à leurs salariés leurs primes habituelles au taux normal mais, sur instruction du gouvernement, ces primes ont cessé d'être accordées à partir du 31 mai 1979. Cette mesure a touché surtout les membres des trois organisations plaignantes (CCWU, GAWU et NAACIE), dont le salaire a été réduit à partir du 1er juin 1979, mais tous les salariés de l'Etat en ont également subi les conséquences.
- 320. Selon la plainte, le TUC a publié une déclaration où il priait le gouvernement de respecter les engagements qu'il avait pris en ce qui concerne les 14 dollars de salaire journalier pour 1979, minimum que le gouvernement avait dit ne pas être en mesure d'assurer dans ses propositions de budget. Conformément au droit qui est reconnu aux travailleurs de cesser de prêter leurs services pour défendre leur position dans un différend du travail, une grève a été déclenchée dans l'industrie de la bauxite le 12 juillet 1979. Les plaignants ajoutent que, puisque d'autres syndicats avaient les mêmes motifs de plainte contre leurs employeurs, il était normal qu'ils s'associent à la grève des travailleurs de la bauxite. Le CCWU, le GAWU et le NAACIE ont donc donné un ordre de grève le 17 août, Les plaignants justifient cette action directe dirigée contre les employeurs du secteur public par le fait que 80 pour cent de l'économie de la Guyane appartiennent à l'Etat ou se trouvent sous son contrôle.
- 321. Les plaignants soulignent que la grève n'était pas politique et font observer que le Syndicat des travailleurs des mines (GMWU) est en fait lié au Congrès national du peuple, le parti au pouvoir. Toutefois, ils déclarent que le gouvernement a considéré d'emblée que la grève était politique et décidé de la traiter comme telle, Ils citent des déclarations du gouvernement qui, à leur avis, avaient pour but de déformer les faits et affirment que la radio, qui est contrôlée par le gouvernement, a été elle aussi utilisée pour décrire la grève comme une grève politique.
- 322. Les plaignants allèguent que des produits alimentaires qui avaient été recueillis à l'intention des grévistes de la bauxite ont été saisis sous la menace des armes, la police prétextant que cette collecte constituait un stockage de vivres, qui est considéré comme un délit par la législation de la Guyane; les piquets de grève placés par le CCWU ont été mis à mal par la police en présence du ministre du Travail; la pratique du piquet de grève a été interdite alors qu'elle est prévue par la loi; des briseurs de grève ont été amenés par autobus pour prendre la place des grévistes; le président du CCWU a été arrêté et retenu pendant deux heures à un des postes militaires; les grévistes se sont vus menacés de perdre leur emploi lorsque la grève prendrait fin et en fait à ce jour 82 grévistes ont déjà été licenciés. Les plaignants déclarent qu'à titre de représailles, après la grève, dans le secteur du commerce et des bureaux, la direction des entreprises a maintenu en emploi près d'une centaine des briseurs de grève qu'elle avait engagés le 17 août 1979; dans l'industrie sucrière, l.200 de ces briseurs de grève ont été maintenus en emploi ce qui a entraîné une réduction correspondante de la durée hebdomadaire de travail de l'ensemble du personnel; enfin, dans le secteur intéressant le NAACIE, 12 travailleurs ont été suspendus, 30 grévistes qui occupaient des postes en qualité de suppléants ont dû quitter ces postes et 50 briseurs de grève ont été maintenus en emploi. Les plaignants déclarent que si le gouvernement se permet ainsi de qualifier toute grève de politique et à la traiter comme telle, on est en droit de craindre que la négociation collective et le syndicalisme ne cessent d'exister en Guyane.
- 323. Dans sa lettre du 13 octobre 1979, le gouvernement réfute les allégations de violation des droits syndicaux soumises par les plaignants comme non fondées, malveillantes et inspirées pat des motifs politiques. Il nie que la police ait attaqué à coups de bâton ou blessé des piquets de grève et déclare que les allégations publiées sur place contre le ministre de la Santé, du Logement et du Travail font actuellement l'objet d'un procès en diffamation devant les tribunaux de la Guyane à la demande du ministre.
- 324. Le gouvernement déclare que le GAWU prend ses directives auprès d'un parti politique, oriente fréquemment les activités syndicales à des fins politiques partisanes et a trop souvent tendance à ignorer les limites Entre ces deux types d'activités. Il déclare en outre que les quatre syndicats plaignants ont travaillé pendant des années en étroite collaboration avec le Parti progressiste du peuple (PPP), parti de l'opposition, et plus récemment avec une faction politique de création récente se désignant sous le nom d'Alliance des travailleurs (Working People's Alliance (WPA)).
- 325. Selon le gouvernement, certains groupes politiques de l'opposition ont cherché à tirer avantage de la grève déclenchée en juillet 1979 dans la région où est exploitée la bauxite qui a toujours été un bastion du parti du gouvernement. Les quatre syndicats se sont alliés avec le PPP et la WPA pour organiser une série de réunions politiques au cours desquelles ils ont eux-mêmes proclamé que la grève, dans l'industrie de la bauxite, était une grève politique dont le principal objectif était de renverser le gouvernement et ont préconisé de paralyser l'économie par une grève générale et par une insurrection violente à l'échelle du pays tout entier. En fait, poursuit le gouvernement, trois des syndicats plaignants ont adressé à leurs employeurs un ultimatum de grève de 72 heures. Il fournit copie des préavis de grève datés du il et 13 août 1979. Le Syndicat général des travailleurs agricoles et autres y invoquait comme motif de la grève le non-versement des participations aux bénéfices pour 1974, 1975 et 1976, la violation de l'accord salarial conclu avec la Société sucrière le 23 mars 1978, le retrait arbitraire des primes au mérite, la violation de l'accord sur le règlement des différends et la modification arbitraire des politiques de recrutement et des conditions de travail; le préavis de grève du NAACIE fait mention du refus de l'employeur de conclure une convention collective et de l'insuffisance des salaires, et celui du CCWU, de la violation de l'accord salarial passé entre le gouvernement et le TUC.
- 326. D'après le gouvernement, les employeurs ont répondu qu'il existait dans le cadre des diverses conventions en vigueur des procédures très précises pour la solution des différends allégués. Dans sa réponse écrite à l'un des syndicats (dont copie est jointe), la Société a signalé que les employeurs n'avaient été saisis d'aucune réclamation ou différend, si bien que les questions pouvaient être examinées conformément à la pratique établie en matière de relations professionnelles. La Société a également déclaré que l'une des questions controversées faisait actuellement l'objet d'une procédure d'arbitrage et elle a demandé certaines précisions sur les autres allégations afin de pouvoir en discuter avec le syndicat. Le gouvernement ajoute qu'une fois écoulé le préavis de grève de 72 heures, les trois syndicats avaient invoqué un nouveau motif de grève, à savoir la solidarité avec les travailleurs de la bauxite. Pourtant, observe le gouvernement, le GMWU n'a jamais demandé aux quatre syndicats plaignants ni à aucun autre syndicat de déclencher une grève de solidarité, et le TUC, qui n'a cessé de rechercher activement une solution aux problèmes des travailleurs de la bauxite, n'a jamais encouragé ni autorisé ni sanctionné une grève de solidarité de ses syndicats affiliés. Le gouvernement joint à sa lettre la copie de certains extraits d'un discours prononcé par le président du TUC devant la conférence des syndicats en septembre 1979, où-il enjoint les quatre syndicats de s'en tenir au rôle qui doit être le leur et de ne prendre aucune initiative qui ne s'appuie pas sur une décision majoritaire. Ce discours est la preuve, selon le gouvernement, de la mauvaise foi des plaignants et du peu d'audience dont ils jouissent.
- 327. Le gouvernement communique en outre un rapport du préfet de police montrant qu'entre le 7 août et le 25 septembre 1979, les quatre syndicats (soit ensemble, soit séparément) ont organisé 30 réunions politiques publiques, pour lesquelles ils ont été autorisés par la police à utiliser les mass media. C'est dire, déclare-t-il, qu'aucune restriction n'est apportée à la liberté syndicale ou au droit de réunion comme le prétendent les Plaignants.
- 328. Pour terminer, le gouvernement rappelle que cette année est une année d'élections en Guyane et il affirme que les partis de l'opposition ont l'intention d'utiliser les différends du travail dans leurs campagnes politiques.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- Conclusions du comité
- 329 Ce cas a trait à une grève déclenchée, selon les syndicats plaignants, pour soutenir une grève dans l'industrie de la bauxite, ayant pour origine le non-paiement de primes au mérite. Les plaignants mentionnent en particulier les mesures suivantes qui auraient été prises avant et après la grève de solidarité: confiscation de produits alimentaires destinés aux grévistes de l'industrie de la bauxite; voies de fait commises par la police contre les piquets de grève; interdiction des piquets de grève; utilisation et maintien en emploi de briseurs de grève arrestation d'un, dirigeant syndical et licenciement de travailleurs ayant participé à la grève.
- 330 La version de ces événements donnée par le gouvernement et par les plaignants diffère très largement. Ainsi, le premier qualifie la grève de politique en raison des liens étroits qui existent entre les quatre syndicats plaignants - qui semblent constituer un groupe au sein du TUC - et les partis politiques de l'opposition et du fait que ni le GMWU ni le TUC n'ont demandé une action de solidarité. Le gouvernement signale également que les plaignants n'ont pas eu recours aux procédures en vigueur pour le règlement des différends. De leur côté, les plaignants nient que la grève ait eu un caractère politique.
- 331 Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement dans sa réponse. Néanmoins, indépendamment des aspects politiques que pourraient comporter les grèves mentionnées ci-dessus, le comité note que les plaignants se réfèrent à une convention collective prévoyant un salaire minimum et des augmentations de salaire pour 1977, 1978 et 1979 dans le secteur public, ainsi qu'à une autre convention, signée en mars 1978, pour l'industrie sucrière. Selon les plaignants, la première de ces conventions n'a pas été appliquée par le gouvernement en 1979 et la seconde ne l'a jamais été. Ils allèguent en outre que les primes annuelles normales dues pour 1979 ont cessé d'être versées par décision du gouvernement. Le comité relève, dans les informations fournies par le gouvernement, la réponse donnée par les entreprises publiques aux revendications formulées dans les préavis de grève lancés par le GAWU, le NAACIE et le CCWU. La position prise par ces entreprises semble avoir été que ces questions devraient être réglées par les procédures prévues dans les conventions en vigueur. La société sucrière, dont fait expressément mention le gouvernement, a invité le syndicat à discuter de cas problèmes. Sa position n'a apparemment pas satisfait les syndicats plaignants qui ont décidé de faire grève en invoquant la solidarité avec les travailleurs de la bauxite qui, selon la plainte, étaient eux aussi en butte à des: problèmes analogues.
- 332 Avant de poursuivre l'examen de cet aspect du cas, le comité, tout en notant que la grève à pris fin, souhaite demander au gouvernement de fournir ses observations sur les allégations concernant le non-respect des conventions sur le salaire minimum dans le secteur public dans son ensemble et dans l'industrie sucrière en particulier, et sur la suppression des primes annuelles, ainsi que des informations sur les procédures en vigueur pour le règlement des plaintes portant sur ces questions.
- 333 En ce qui concerne les mesures qu'aurait prises le gouvernement à l'occasion de la grève déclenchée par le GAWU, le NAACIE et le CCWU, le comité note que le gouvernement réfute l'allégation selon laquelle la police aurait attaqué à coups de bâton des piquets de grève. Le gouvernement indique également qu'un procès en diffamation a été intenté contre les syndicats plaignants en ce qui concerne les allégations publiées sur place contre le ministre de la Santé, du Logement et du Travail. Le comité estime que les conclusions du tribunal peuvent fournir d'utiles informations pour la suite de l'examen des faits concernant cet aspect de la plainte. C'est pourquoi il souhaite demander au gouvernement de le tenir informé du résultat de ces procédures judiciaires et de lui fournir copie, dès qu'elle aura été rendue, de la décision du tribunal et de ses motifs.
- 334 Les plaignants se réfèrent également aux deux heures d'arrestation de M. Todd, président du CCWU, et au licenciement de 82 travailleurs, à la suspension de 12 travailleurs et aux représailles prises contre 30 autres. Le gouvernement n'a pas donné d'indications sur ces allégations dans sa réponse.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 335. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de demander au gouvernement:
- i) de fournir des informations complémentaires sur les allégations mentionnées au paragraphe 331 ci-dessus concernant la non-exécution de certaines conventions collectives et la suppression de primes normales ainsi que des informations sur les procédures en vigueur pour le règlement des plaintes portant sur ces questions;
- ii) de fournir ses observations sur les allégations mentionnées au paragraphe 334 ci-dessus concernant les mesures prises contre les grévistes;
- iii) de tenir le comité informé du résultat du procès en diffamation intenté par le ministre de la Santé, du Logement et du Travail contre les syndicats plaignants et de fournir copie, dès qu'elle sera rendue, de la décision judiciaire et de ses motifs;
- b) de prendre note du présent rapport intérimaire.
- Genève, 29 février 1980. (Signé) Roberto AGO, Président.