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Definitive Report - REPORT_NO197, November 1979

CASE_NUMBER 933 (Peru) - COMPLAINT_DATE: 12-JUN-79 - Closed

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  1. 290. La plainte figure dans une communication de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) en date du 12 juin 1979. Le gouvernement a adressé ses observations par des communications datées du 9 août et du 25 septembre 1979.
  2. 291. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 292. La CGTP allègue que le gouvernement a édicté des dispositions légales dites "d'urgence" concernant divers secteurs, dont les mines et les pêches, ce qui a entraîné la prise de mesures contraires aux droits syndicaux. Elle indique que de nombreux travailleurs ont été illégalement et injustement licenciés, à la suite notamment de la dernière grève des mineurs, dans le sud du pays, et au mépris des conventions collectives et du droit d'organisation syndicale.
  2. 293. L'organisation plaignante estime en outre que l'adoption de la loi 22126 facilite le licenciement des travailleurs et porte atteinte au droit d'organisation en prévoyant une période d'essai de trois ans, durant laquelle les travailleurs ne peuvent adhérer aux syndicats. Elle fait valoir, d'autre part, que la loi en question prévoit des causes subjectives pour la perte de la stabilité de l'emploi et qu'elle rend plus compliquée la procédure de reconnaissance des organisations syndicales.
  3. 294. Selon la CGTP, le ministère du Travail ne fait pas cas des justes demandes des syndicats, ne reconnaît pas les organisations légitimes et parfois, comme dans le cas des travailleurs du papier, empêche l'inscription des organismes représentatifs des travailleurs.
  4. 295. La CGTP prétend aussi que toutes les grèves sont déclarées illégales sous prétexte que les problèmes évoqués dans le préavis n'ont pas été portés auparavant à la connaissance des autorités du travail ou que de tels problèmes sont du ressort desdites autorités, la grève étant de ce fait "un moyen de pression inacceptable".
  5. 296. La CGTP ajoute que la disposition de la Constitution, qui prévoit que nul ne peut être arrêté sans qu'un mandat d'arrêt n'ait été au préalable délivré par les autorités judiciaires, reste suspendue, ce qui fait que des dizaines de travailleurs des mines, du textile, de la métallurgie et de l'enseignement, ainsi que des membres du Conseil national de la CGTP: Pedro Huillca (vice-président) et Julián Sierra (secrétaire de syndicat), se trouvent en détention. Elle indique dans la plainte que les détentions se prolongent indûment et que les dirigeants du corps enseignant arrêtés depuis le début de mars 1979, comme Julián Sierra, incarcéré depuis la fin d'avril, n'ont été accusés de rien. La CGTP fait observer que le gouvernement méconnaît le recours judiciaire d'habeas corpus et qu'il se refuse à toute explication touchant la situation des détenus. Enfin, elle demande l'envoi au Pérou d'un représentant qui serait chargé d'enquêter sur les faits qu'elle dénonce.
  6. 297. Dans ses observations, le gouvernement souligne l'importance capitale que prend l'industrie des mines et des pêches vu la crise économique que traverse le pays et la nécessité qu'il y a d'assurer la continuité de la production dans ces secteurs. C'est pourquoi il a promulgué deux décrets-lois qui déclarent ces deux secteurs en état d'urgence, les entreprises respectives étant autorisées à rompre le contrat de travail de leur personnel au cas où celui-ci provoquerait, d'une façon ou d'une autre, une paralysie qui serait tenue pour illégale. Le gouvernement fait observer que, n'ayant pas l'intention de laisser carte blanche aux chefs d'entreprise pour effectuer des licenciements arbitraires, il est précisé dans lesdits décrets-lois que les débrayages seront déclarés illégaux par résolution suprême (décret du pouvoir exécutif) contresignée par le ministre du Travail et, suivant le cas, par le ministre de l'Energie et des Mires ou celui des Pêcheries.
  7. 298. Le gouvernement déclare également qu'afin de tenir compte des espérances légitimes des travailleurs de ces secteurs, des conventions collectives ont été négociées qui prévoient des hausses de salaires et l'octroi de plus grands avantages. En outre, eu égard à la diminution du pouvoir d'achat, il a été promulgué récemment des décrets-lois portant augmentation de toutes les rémunérations et de toutes les pensions et majoration du salaire minimum. Le gouvernement communique copie des textes de loi en question.
  8. 299. Selon le gouvernement, il existe, dans quelques directions syndicales, des groupes qui, vu la proximité des élections, se sont employés à créer un climat de trouble social et politique par des débrayages illégaux dans les secteurs d'activité dits "en état d'urgence" notamment, ce qui oblige le gouvernement à prendre des mesures pour éviter à la population de subir de plus graves préjudices. Le gouvernement déclare qu'il respecte la liberté syndicale, mais qu'il ne peut tolérer que, usant arbitrairement de ce droit, des groupuscules de politiciens sectaires prétendent le déstabiliser.
  9. 300. Le gouvernement signale que, contrairement à ce qui est dit dans la plainte, le décret-loi 22126 garantit la stabilité dans le travail et le plein emploi puisqu'il énumère de façon limitative les causes spécifiques de rupture du contrat de travail et oblige les entreprises à pourvoir dans les 30 jours les postes devenus vacants par suite d'un licenciement ou d'une mise à la retraite ou pour toute autre raison.
  10. 301. Il déclare également qu'il est faux que les autorités du travail aient refusé d'enregistrer des organisations remplissant les conditions requises par la loi. Il renvoie à ce sujet au décret suprême no 009 de 1961, modifié en 1962, en vertu duquel un syndicat, pour pouvoir être enregistré, doit faire la preuve qu'il compte plus de 50 pour cent des employés ou des ouvriers, suivant le cas, ou des deux groupes de travailleurs à la fois si le syndicat est mixte. Il doit en outre fournir la liste de ses membres et communiquer copie des statuts et du compte rendu de l'assemblée au cours de laquelle ils ont été approuvés.
  11. 302. D'autre part, le gouvernement fait savoir que le droit de grève est bien reconnu par les autorités. Les restrictions apportées à l'exercice de ce droit l'ont été en périodes de crise et eu égard aux intérêts supérieurs du pays. La force publique est intervenue pour mettre un frein aux excès auxquels se livraient les agitateurs politiques (attentats contre les personnes et les biens, lapidation des édifices publics, incendies de véhicules, par exemple).
  12. 303. Le gouvernement déclare fausse l'allégation relative aux détentions injustifiées. Selon lui, l'imprécision des faits allégués lorsqu'on parle, par exemple, de "dizaines de travailleurs", montre qu'on cherche à créer le désordre plutôt qu'à présenter une véritable plainte. D'après le gouvernement, Pedro Huillca aurait été arrêté par les agents de la police des recherches dans la ville de Cuzco parce qu'il avait participé à une rixe et mis à la disposition du juge d'instruction compétent le 29 mai 1979, et il serait actuellement en liberté. Julián Sierra, secrétaire d'un syndicat affilié à la CGTP, aurait été arrêté à Lima le 30 avril 1979 afin que l'on fasse la lumière sur sa participation à des actes visant à troubler l'ordre public et remis en liberté le 26 juin 1979.
  13. 304. Certes, remarque le gouvernement, les intéressés ont bien la qualité de représentants syndicaux, mais les faits pour lesquels ils ont été arrêtés n'ont rien à voir avec leurs fonctions syndicales. Les autorités nationales estiment que pareille qualité ne confère pas aux intéressés une immunité qui leur éviterait d'avoir à répondre d'actes délictueux, surtout si ces actes sont une provocation à l'encontre des autorités, qui oblige celles-ci à intervenir pour rétablir l'ordre, ce qui sert de prétexte pour élever des protestations et semer ainsi le doute dans l'opinion publique et dans les organismes internationaux.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 305. Le comité note que l'organisation plaignante n'a pas fourni d'informations précises à l'appui de ses allégations, ni pour celles qui concernent les mesures antisyndicales qui auraient été prises dans divers secteurs, dont les mines et les pêcheries, ni pour celles qui ont trait aux obstacles auxquels se heurterait l'exercice du droit de grève. Il tient à signaler que ce n'est que dans des secteurs essentiels au sens strict du terme qu'il a admis des restrictions, voire une interdiction de la grève, et il exprime l'espoir qu'il sera de nouveau possible dans un proche avenir d'exercer légalement ce droit dans les secteurs précités.
  2. 306. Le décret-loi no 22126 du 21 mars 1978, auquel se réfèrent également les plaignants, contient des dispositions sur la stabilité de l'emploi des travailleurs du secteur privé. En règle générale, ce droit est garanti aux travailleurs qui auront été au service du même employeur pendant trois années successives sans interruption, et ces travailleurs ne pourront être licenciés que pour les motifs prévus à l'article 4 du décret-loi. Ce dernier institue également un système de recours devant les autorités administratives et les tribunaux du travail lorsque le licenciement est motivé par l'une des causes prévues à l'article susmentionné. Il est précisé à l'article 9 que l'arrêt collectif du travail effectué dans les conditions prescrites par la loi n'entre pas dans la cause de licenciement relative à la diminution délibérée du rendement. Les dirigeants syndicaux bénéficieront de la stabilité de l'emploi, même s'ils n'ont pas l'ancienneté requise (article 33). Le décret-loi ne contient pas de dispositions relatives au droit, pour le travailleur, d'adhérer à un syndicat. En conséquence, le comité estime qu'il ne lui a pas été fait la preuve que le décret-loi en question viole la liberté syndicale.
  3. 307. Pour ce qui est des allégations sur les problèmes que poserait l'inscription des organisations de travailleurs, le comité fait observer que le gouvernement, tout en repoussant de telles allégations, se réfère aux dispositions du décret suprême no 009 de 1961 relatif à la constitution et à l'enregistrement des syndicats il convient de signaler à cet égard que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations note depuis plusieurs années que, d'une manière générale, diverses dispositions de ce décret ne sont pas conformes aux principes énoncés dans la convention no 87, qui a été ratifiée par le Pérou. La commission a indiqué notamment le droit que les travailleurs doivent avoir de constituer, s'ils le désirent, plus d'un syndicat dans une même entreprise, ainsi que la nécessité d'harmoniser les articles 5 et 9 du décret suprême, qui n'autorise la formation que de syndicats d'entreprise ou professionnels, avec l'article 2 de la convention et avec la pratique signalée par le gouvernement qui permet de créer des syndicats d'industrie. De l'avis du comité, il convient de prier instamment le gouvernement d'adopter rapidement les mesures qui s'imposent pour mettre sa législation en harmonie avec les dispositions de la convention no 87, conformément aux indications de la commission d'experts.
  4. 308. Quant aux allégations sur la détention de deux dirigeants de la CGTP, le comité prend note de l'information fournie par le gouvernement selon laquelle M. Huillca aurait été arrêté en raison de sa participation à un délit de droit commun et présenté au juge compétent, et qu'il serait actuellement en liberté. En ce qui concerne M. Sierra, le comité observe que l'intéressé a été détenu pendant près de deux mois, sans être mis, semble-t-il, à la disposition de la justice, pour des actes visant à troubler l'ordre public et à propos desquels le gouvernement ne fournit pas de plus grandes précisions. Le comité a déjà signalé à diverses reprises que la détention préventive des dirigeants syndicaux peut faire gravement obstacle à l'exercice des droits syndicaux et il a toujours insisté sur le droit qu'a toute personne à être jugée équitablement et dans les délais les plus brefs. A cet égard, le comité a estimé que la présentation rapide d'un détenu devant le juge compétent constitue l'une des garanties fondamentales de l'individu et que, lorsqu'il s'agit de personnes ayant des activités syndicales, elle compte parmi les libertés civiles qui devraient être assurées par les autorités afin de garantir plus réellement l'exercice des droits syndicaux. Sous réserve de ces principes et eu égard au fait que les deux dirigeants de la CGTP sont en liberté, le comité estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de cet aspect de l'affaire.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 309. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne la détention de deux dirigeants de la Confédération générale des travailleurs du Pérou, de noter que les deux intéressés ont été mis en liberté et, sous réserve des principes mentionnés au paragraphe 308 sur le droit qu'ont les syndicalistes détenus à être présentés rapidement et dans tous les cas à l'autorité judiciaire compétente, de décider qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de cet aspect de l'affaire.
    • b) pour ce qui est des dispositions légales en vigueur en matière de constitution et d'enregistrement des syndicats, de prier instamment le gouvernement d'adopter rapidement les mesures qui s'imposent pour mettre ces dispositions en harmonie avec celles de la convention no 87, conformément aux indications de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations;
    • c) en ce qui concerne les mesures dites "d'urgence" qui restreignent l'exercice du droit de grève dans les mines et les pêcheries, d'exprimer l'espoir qu'afin d'assurer le respect des principes de la liberté syndicale rappelés au paragraphe 305 il soit de nouveau possible, dans un proche avenir, d'exercer légalement ce droit dans les secteurs intéressés;
    • d) d'appeler l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur le présent rapport.
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