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- 403. Depuis 1976, le comité a reçu de nombreuses plaintes pour violation de la liberté syndicale en El Salvador. Ces plaintes ont été présentées par les organisations suivantes: la Fédération unitaire syndicale d'El Salvador (FUSS), la Fédération des syndicats des travailleurs des industries de l'alimentation, du vêtement, du textile et des industries, similaires et connexes, d'El Salvador (FESTIAVTSCES), le Comité d'unité syndicale des travailleurs de l'Amérique centrale et du Panama (CUSCA), l'Union syndicale internationale des travailleurs du textile, du vêtement, du cuir et des peaux, l'Union internationale des syndicats des travailleurs des industries de l'alimentation, du tabac, de l'hôtellerie et assimilées, la Centrale latino-américaine de travailleurs (CLAT), la Confédération mondiale du travail (CMT), la Fédération mondiale des travailleurs de l'agriculture, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), le Congrès permanent d'unité syndicale des travailleurs d'Amérique latine (CPUSTAL).
- 404. Dans les plaintes soumises au comité figurent, notamment, des allégations relatives au meurtre, arrestation, torture ou disparition de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, à l'attaque de locaux par les forces armées, à des menaces et à la destruction d'archives syndicales. Dès réception des plaintes, leur contenu a été communiqué au gouvernement.
- 405. Le comité a déjà examiné les cas nos 844, 873, 904 et 953 et a présenté à leur sujet des rapports intérimaires au Conseil d'administration.
A. Appels pressants et contacts pris par le président du comité avec les représentants gouvernementaux d'El Salvador à la Conférence
A. Appels pressants et contacts pris par le président du comité avec les représentants gouvernementaux d'El Salvador à la Conférence- 406. A sa session de mai 1980, le comité a décidé d'ajourner l'examen des cas nos 844, 873 et 904 car il n'avait pas encore reçu les informations détaillées attendues du gouvernement. A sa session de novembre 1980, le comité a ajourné l'examen de ces cas pour la même raison et il les a fait figurer dans son rapport sous le titre "appels pressants". A sa session de février 1981, le comité a également placé sous le titre "appels pressants" les cas nos 953, 1000 et 1016, faute d'avoir reçu des informations détaillées du gouvernement, en même temps qu'il exprimait son extrême préoccupation devant les troubles que connaissait l'El Salvador et qu'il signalait au gouvernement que, conformément à la procédure en vigueur, il pourrait présenter un rapport concernant le fond des cas en question, même en l'absence d'informations du gouvernement.
- 407. A sa session de mai 1981, n'ayant pas reçu de renseignements suffisamment détaillés du gouvernement sur les cas en question, et s'agissant d'allégations qui, pour la plupart, posaient des problèmes extrêmement graves, le comité a décidé d'appliquer la procédure établie aux paragraphes 23 et 24 de son 164e rapport. Selon cette procédure, le gouvernement a été immédiatement informé de ce que le président du comité, au nom de celui-ci, prendrait contact avec les représentants gouvernementaux d'El Salvador lors de la 67e session de la Conférence internationale du Travail, qu'il appellerait leur attention sur les différents cas et qu'il examinerait avec eux les raisons du retard intervenu dans l'envoi des réponses aux allégations relatives aux différents cas.
- 408. Conformément à la décision adoptée par le comité à sa session de mai 1981, le président du comité a eu le 10 juin une entrevue avec le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale d'El Salvador, M. Julio Alfredo Samayoa. Le président du comité a précisé l'objet de l'entrevue. Le ministre du Travail a indiqué que le retard mis par son gouvernement à répondre aux demandes concernant les cas en question était dû à la situation troublée que connaissait son pays depuis un certain temps, mais qu'il ne devait en aucune manière être attribué à un manque d'esprit de collaboration du gouvernement avec l'OIT et, en particulier, avec ses organismes de contrôle. Le ministre a ensuite communiqué un document qui contenait les commentaires de son gouvernement sur les cas dont il s'agit, y compris des annexes relatives aux cas nos 873 et 904. Le ministre a ajouté qu'il était disposé à communiquer tous autres renseignements que le Comité de la liberté syndicale estimerait nécessaires.
- 409. Par ailleurs, le gouvernement a déjà envoyé certaines observations sur un certain nombre d'allégations, et ce par des communications en date des 15, 19, 22 et 27 mai 1981.
- 410. El Salvador n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
B. Résumé des allégations
B. Résumé des allégations- a) Allégations relatives à des atteintes à la vie, à l'intégrité physique et à la liberté de mouvement
- 411 Dans la plainte qui fait l'objet du cas no 844, les plaignants allèguent que, le 28 octobre 1977, alors qu'ils se préparaient à organiser une collecte afin de soutenir un mouvement de grève à l'usine El León, les travailleurs ont fait l'objet, de la part de la police, d'une attaque qui a fait deux morts. D'autres allégations se réfèrent à l'arrestation et à la torture, le 16 décembre 1977, de douze travailleurs de l'entreprise Quality Ford d'Amérique centrale, qui auraient été remis en liberté le jour suivant, à l'arrestation de vingt travailleurs et à la disparition de deux dirigeants syndicaux lors de l'attaque du siège de deux syndicats. Selon les plaignants, tous ces événements doivent être replacés dans le contexte général créé par une loi antiterrorisme promulguée afin de légaliser la répression dirigée contre les travailleurs. D'autre part, les 2 et 12 septembre 1978, trois responsables syndicaux de l'industrie textile - José Guillermo Rivas González, Miguel Angel Solís et Orlando Platero - auraient été assassinés en raison de leurs activités syndicales, tandis que d'autres responsables auraient été arrêtés.
- 412 Les plaignants ont également fait état dans leurs allégations de l'emprisonnement du militant agricole Francisco Girón Ramos, accusé d'avoir proféré des calomnies contre les autorités de Rosario de Mora, alors que, selon eux, la vraie raison de son incarcération serait son militantisme syndical (cas no 873).
- 413 Dans le cas no 904, les plaignants alléguaient que le gouvernement avait déclenché une persécution sanglante contre les travailleurs agricoles et leurs organisations, à la suite de quoi on avait déploré de nombreux décès, des blessés et des arrestations; c'est ainsi que le 20 mars 1978 Tránsito Vásquez, dirigeant local d'une organisation agricole, fut assassiné par des membres de l'Organisation démocratique nationaliste (ORDEN), organisation qui, selon les plaignants, a un caractère gouvernemental et paramilitaire. Dans leurs communications en date des 4 avril, 13 août et 25 septembre 1979, les plaignants ont fait allusion au décès de sept militants et dirigeants appartenant aux syndicats des entreprises suivantes; Productos Nacionales, SA, la Pesca, SA, La Constancia, SA, Embotelladora Tropical et STECEL. Ces organisations ont été victimes d'une dure répression pour avoir réclamé des conventions collectives, et plusieurs de leurs adhérents ont en outre été blessés. On aurait également à déplorer l'assassinat, avec "la complicité des autorités éducatives du pays", de vingt-quatre instituteurs dont les noms, activités ou relations avec des organisations syndicales, les lieux de travail et les dates, lieux et circonstances du décès sont indiqués.
- 414 D'autres allégations se rapportaient à la mort de Tomás Rosales, dirigeant du Syndicat des travailleurs de la "Granja Santa Inés", survenue le 24 juin 1980 lors d'un affrontement avec les forces armées, au cours duquel quatre autres syndicalistes furent blessés (cas no 953). Les plaignants avaient signalé que les forces armées étaient intervenues à la demande de l'entreprise "El Granjero, SA" et que cette intervention était dirigée contre les paysans qui avaient entrepris une grève motivée par des revendications salariales.
- 415 Dans le cas no 973, les plaignants allèguent que José Santos Tiznado et Pedro González - dirigeants de la Centrale paysanne salvadorienne - ont été assassinés par des éléments de la garde nationale revêtus d'uniformes, le 10 mai 1980 à minuit, dans le faubourg de Jesús, à San Ramón, département de Cuscatlán, après avoir été arrachés par la force à leur domicile. Toujours selon les plaignants, Manuel Antonio Carrillo et José Antonio Carrillo, ex-dirigeants de la Centrale paysanne salvadorienne et membres de l'Association coopérative d'agriculture et de consommation El Rosario, SARL, furent assassinés par des éléments des forces de répression, ainsi qu'on peut le déduire du calibre des projectiles trouvés à proximité de leur corps. Les plaignants précisent que Manuel Antonio Carrillo avait reçu des menaces anonymes, ainsi que des menaces de l'organisation ORDEN, qu'il avait porté ces faits à la connaissance des autorités sans que celles-ci lui fournissent aucune protection, et qu'il fut assassiné le 3 juin 1980 à son domicile, après quoi les meurtriers se rendirent à la maison de José Antonio Carrillo qu'ils enlevèrent et qu'ils assassinèrent de la façon la plus cruelle. Les plaignants allèguent également que le 17 décembre 1980 des camions de la garde nationale ont fait irruption dans la ville de Cojutepeque et que leurs occupants ont assassiné en toute impunité huit dirigeants agricoles de la Centrale paysanne salvadorienne qui participaient, au sein de leurs organisations de base, à la planification de la réforme agraire il s'agit de Torcuato González, Ruperto Méndez, Antonio Ayala, Jesús López, Pablo Gabriel, Antonio Franco, Fustaquio Ayala et Angela López. Les plaignants ajoutent à leurs allégations une liste d'ouvriers et de paysans qui ont été assassinés, la plupart dans l'exercice de leurs activités syndicales; ils appartenaient à la Centrale de travailleurs salvadoriens (CTS) et à la Centrale paysanne salvadorienne (CCS). Par ailleurs, selon les plaignants, le 17 décembre 1980, cinq dirigeants agricoles de la CCS furent attaqués et grièvement blessés par des guérilleros d'extrême-gauche au domaine Guajayo, dans le département de San Vicente.
- 416 Les plaignants signalent également que Rafael Hernández Olivo, secrétaire général de la section d'arrosage et de drainage de l'Association nationale des travailleurs du ministère de l'Agriculture et de l'Elevage (ANTMAG), qui avait été transporté à l'hôpital de Metapán à la suite d'une blessure accidentelle, a été emprisonné par des éléments de la police rurale sans que l'en connaisse son sort. Les plaignants indique que, le 30 mai 1980, José Félix Minero et deux autres membres de l'Association nationale des travailleurs du ministère de l'Agriculture et de l'Elevage ont été emprisonnés à Santa Cruz Porrillo par des membres de la police rurale en uniforme. José Félix Minero a été fusillé sous les yeux de ses compagnons.
- 417 Le Congrès permanent d'unité syndicale des travailleurs d'Amérique latine (CPUSTAL) allègue que, le 31 juillet 1980, la police nationale a arrêté Enrique Tejada, Antonio Campos Mendoza, Salomón Sánchez Márquez, Vicente Aguirre, Melitón Sánchez, Antonio Fuentes et Maximiliano Castro, membres de la Commission exécutive du Syndicat national des travailleurs des transports, assimilés et connexes, alors qu'ils discutaient d'un cahier de revendications dans les locaux de l'entreprise Buses Ruta Urbanos 5-28. Les plaignants ignorent le sort qui leur a été réservé (cas no 987).
- 418 Le CPUSTAL formule, par ailleurs, des allégations relatives à l'arrestation de Concepción Burgos (de la CUTS), de Héctor Bernabé Recinos (de la FENASTRAS), d'Arnulfo Granada, d'Alfredo Represa et de Jorge Hernández, dont on ignore le lieu de détention (cas no 1000).
- 419 Dans la plainte correspondant au cas no 1016, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) formule des allégations relatives à l'assassinat de Rodolfo Viera, secrétaire général de l'Union communale salvadorienne, et de Mark Pearlman et Michael Hammer - permanents de l'AFL-CIO - le 3 janvier 1981, alors qu'ils consommaient du café au restaurant de l'hôtel Sheraton, à San Salvador. D'après les plaignants, ces personnes, qui étaient en train d'étudier le programme de réforme agraire, furent assassinés par trois individus - dont deux armés - jouissant d'une entière liberté de mouvement alors que l'hôtel Sheraton est normalement placé sous la protection de la police; fait significatif, cette protection n'était pas assurée le jour de l'assassinat. Les faits se sont déroulés de telle manière - poursuivent les plaignants - qu'il existe de sérieux indices tendant à démontrer qu'il y a connivence entre les auteurs du crime et le gouvernement.
- b) Autres allégations
- 420 Les plaignants ont également formulé des allégations selon lesquelles Jorge Alberto Casillo Muñoz, Héctor Cercamo Gómez, Juan Pablo Portillo, Jorge Alberto Esquivel et Carlos Antonio Tejada, dirigeants de la Fédération des syndicats de l'industrie du bâtiment, des transports et secteurs assimilés (FESINCONSTRANS) avaient été l'objet de menaces de la part de membres de la garde nationale d'El Salvador, le 23 février 1980, alors qu'ils soutenaient les revendications salariales des paysans. Les plaignants ajoutent que le 27 février 1980 les forces armées ont donné l'assaut au local de la FESINCONSTRANS, à San Miguel, menaçant les syndicalistes Zozimo Mercado et Antonio Arias Gonzáles et détruisant les archives syndicales (cas no 953).
- 421 Dans une communication en date du 21 avril 1981, la CMT allègue que, depuis quelques jours, des dirigeants et des militants de la centrale paysanne salvadorienne et de la Centrale des travailleurs salvadoriens étaient menacés par des groupes paramilitaires d'extrême-droite et par des éléments de la garde nationale et de la police rurale, ainsi que par des éléments de la guérilla d'extrême-gauche, notamment à Cuscatlán, San Vicente et Rosario de Mora (cas no 973).
C. Observations du gouvernement
C. Observations du gouvernement- 422. Le gouvernement déclare que la loi appliquée dans le cas de l'usine "El León" (cas Do 844) - relatif à une attaque de la police au cours de laquelle deux personnes ont perdu la vie - a été abrogée. Le gouvernement ajoute que les enquêtes qui, suppose-t-on, furent ordonnées par le gouvernement alors en fonction n'ont donné aucun résultat, pour des motifs que l'on ignore. Le gouvernement déclare qu'il se considère dégagé de toute responsabilité étant donné qu'il s'agit de faits imputables au régime alors en fonction avec lequel il n'a aucun lier de continuité. Le gouvernement indique cependant que de nouvelles enquêtes ont été ordonnées pour faire la lumière sur les faits, et que leurs résultats seront communiqués au comité.
- 423. En ce qui concerne l'incarcération du dirigeant syndical Francisco Girón Ramos (cas no 873), le gouvernement déclare que l'intéressé avait été poursuivi pour délit de destruction de documents authentiques, et qu'il n'avait jamais été allégué qu'il y avait eu violation de la liberté syndicale. Le gouvernement ajoute que Francisco Girón a été remis en liberté en 1977, le juge ayant décidé sa mise en liberté sous caution; on ignore pour quelle raison il n'y a pas eu de verdict définitif dans cette affaire et il a été recommandé qu'un verdict soit rendu au plus tôt, ce dont le comité sera informé.
- 424. En ce qui concerne les décès, blessures et arrestations allégués dans le cas no 904, le gouvernement avait déclaré que les violences en question avaient probablement été commises avant le 15 octobre 1979 et que, si le régime antérieur avait été renversé, c'était entre autres en raison des incessantes protestations contre des violations des droits de l'homme et de la liberté syndicale, violations auxquelles la junte révolutionnaire s'efforçait par tous les moyens de mettre fin. A une date plus récente, le gouvernement a déclaré qu'une importante réforme agraire est en cours de réalisation et que ses conséquences sociales et économiques seront telles que les cas de cette nature ne pourront se répéter. S'agissant de la mort de Tránsito Vásquez, le gouvernement déclare que le 16 mars 1979 l'autorité judiciaire a décidé de surseoir à l'examen de ce cas d'homicide volontaire et a ordonné la mise en liberté de Máximo García López, José Felipe Garcia Vásquez et Sarbelo Garcia Ramírez. Le gouvernement ajoute que les inculpés avaient reconnu appartenir à la Fédération des paysans catholiques salvadoriens (FECCAS) et à l'Union des travailleurs agricoles (UTC), mais non à l'Organisation démocratique nationaliste (ORDEN) comme l'avaient indiqué les plaignants.
- 425. Dans ses observations relatives au cas no 953, le gouvernement déclare que le 24 juin 1980, à la suite d'un arrêt du travail à l'entreprise "El Granjero, S.A.", les forces armées sont intervenues pour déloger les piquets de grève, lesquels avaient menacé d'endommager les installations. Le gouvernement ajoute que dans ces groupes s'étaient infiltrés des individus liés aux factions terroristes.
- 426. S'agissant du cas no 973, le gouvernement déclare qu'il a demandé la collaboration du ministère du Travail et du Procureur général pour que soient entreprises les enquêtes nécessaires en relation avec les événements du 17 décembre 1980, enquêtes dont les résultats seront en temps voulu portés à la connaissance du comité. En ce qui concerne la liste d'ouvriers et de paysans décédés, communiquée par les plaignants, le gouvernement déclare que ces incidents ne sont pas la conséquence d'actions répressives menées à la suite de l'accomplissement de tâches et d'obligations syndicales, mais qu'ils résultent de la violence engendrée par l'extrême-droite et l'extrême-gauche qui, contraignant les forces armées à se défendre, ensanglantent le pays et suscitent le mépris et la réprobation du peuple d'El Salvador.
- 427. En ce qui concerne le cas no 1000, au sujet duquel l'un des plaignants avait allégué l'emprisonnement de cinq syndicalistes, le gouvernement déclare que les faits allégués ont eu pour origine une grève illégale, organisée par le Syndicat des travailleurs de la Compagnie hydro-électrique du Rio Lempa les 21 et 22 août 1980. Le gouvernement ajoute que les instigateurs de la grève ont violé les principes de la Constitution en ne se conformant pas aux procédures prescrites par le Code du travail, et qu'ils ont arrêté sans préavis la fourniture de courant électrique à l'ensemble du pays, ce qui a causé de graves dommages à l'économie nationale - plus de 50 millions de colons - et des pertes de vies humaines dans les hôpitaux et autres centres d'assistance. Comme la situation devenait intolérable pour la sécurité nationale - poursuit le gouvernement puisque la fourniture d'électricité est un service indispensable à la collectivité, et devant les protestations de la population, les forces armées sont intervenues sur les lieux et, sans effusion de sang, ont procédé à l'arrestation des principaux instigateurs de l'arrêt de travail, lesquels - à l'exception de ceux qui n'encouraient pas de responsabilités importantes et qui furent remis en liberté - sont détenus dans un centre pénitentiaire où ils sont traités avec tous les égards. Le gouvernement précise que les détenus se trouvent sous la juridiction des tribunaux militaires et que l'instruction suit son cours avec la participation des défenseurs.
- 428. En ce qui concerne l'assassinat de Rodolfo Viera, Mark Pearlman et Michael Hammer (cas no 1016), le gouvernement déclare qu'il a lancé un mandat d'arrêt contre les riches dirigeants de droite Ricardo Sol Mesa et Hans Christ, et qu'une procédure d'extradition a été entamée contre ce dernier qui se trouve actuellement à Miami. Le gouvernement ajoute qu'il a donné des instructions au Procureur général de la République pour qu'il veille tout spécialement, au nom de l'Etat, à nommer des représentants pour participer aux procédures en cours dont s'occupe la cinquième Chambre pénale; ces représentants ont déjà participé à l'instruction. Le gouvernement indique que M. Viera n'était pas seulement membre de l'Union communale salvadorienne mais également haut fonctionnaire du gouvernement et qu'il était considéré comme l'un des principaux promoteurs de la réforme agraire, raisons pour lesquelles il a été victime de l'hostilité de l'extrême-droite et de l'extrême-gauche.
- 429. Enfin, le gouvernement déclare, pour ce qui est des allégations relatives au meurtre de travailleurs, de dirigeants et d'enseignants, au cours de la période comprise entre le 30 octobre 1978 et le 25 septembre 1979 (cas no 904), c'est-à-dire sous la présidence du général Carlos Humberto Romero, que l'on ignore les motifs pour lesquels les enquêtes entreprises n'ont pas abouti. Cependant, poursuit le gouvernement, pour montrer très franchement et très sincèrement que les gouvernants actuels d'El Salvador n'ont aucun lien ni aucune compromission avec le régime antérieur, il a demandé que ces événements lamentables fassent l'objet d'investigations dont les résultats seront communiqués dans les meilleurs délais au comité.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 430. Avant d'examiner les différentes questions posées par les plaignants quant au fond, le comité désire exprimer la préoccupation extrême que lui inspire la gravité des allégations présentées, lesquelles concernent dans la plupart des cas la mort, l'assassinat, l'emprisonnement ou la disparition de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, ces différents faits s'étant produits même après le 15 octobre 1979, date à laquelle le régime antérieur avait été déposé. Tout en ayant parfaitement conscience de la situation troublée dans laquelle El Salvador se trouve plongé et à laquelle le gouvernement doit faire face, le comité désire porter à son attention qu'un mouvement syndical libre et indépendant ne peut se développer que dans un climat de respect des droits fondamentaux de l'homme et appeler son attention sur la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1970, et qui déclare en particulier que les droits conférés aux organisations de travailleurs et d'employeurs doivent se fonder sur le respect des libertés civiles et que l'absence de ces libertés civiles enlève toute signification au concept des droits syndicaux.
- 431. Le comité déplore d'autre part que, malgré le temps écoulé, le gouvernement n'ait pas répondu à toutes les allégations ou qu'il n'y ait répondu, dans certains cas, que de manière incomplète.
- 432. Le comité note que le gouvernement décline toute responsabilité quant aux faits survenus avant le 15 octobre 1979 et inclus dans les allégations des plaignants. A cet égard le comité considère, comme il l'a déjà exposé à sa session de février 1980, qu'il existe des liens de continuité entre les gouvernements se succédant dans un même Etat, et que, bien que l'on ne puisse tenir un gouvernement pour responsable de faits survenus sous le gouvernement antérieur, il n'en subsiste pas moins une responsabilité manifeste quant aux conséquences que ces faits continuent de produire depuis l'arrivée du nouveau gouvernement au pouvoir, ce qui est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de faire la lumière sur des événements qui ont provoqué la perte de vies humaines ou l'arrestation de syndicalistes qui sont toujours détenus.
- 433. En ce qui concerne les allégations relatives à des atteintes à la vie humaine ou à l'intégrité physique de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes, le comité ne peut que déplorer les nombreuses pertes de vies humaines et les mauvais traitements mentionnés dans les plaintes. Le comité note que le gouvernement déclare avoir entamé des investigations au sujet des cas nos 844, 913 et 1016 et, d'une manière générale, à propos des assassinats visés par les allégations des plaignants et qui se sont produits entre le 30 octobre 1978 et le 25 décembre 1979 (cas no 904), au sujet desquels le gouvernement a déclaré qu'il faisait procéder à une enquête dont il communiquerait les résultats. Cependant, compte tenu du fait que le gouvernement n'a pas fourni de renseignement sur le décès du dirigeant syndical Tomás Rosales (cas no 953), les mauvais traitements auxquels il est fait allusion dans les cas nos 904 et 953 et une partie des assassinats mentionnés dans le cas no 973, le comité prie le gouvernement de procéder au plus tôt - si ce n'est déjà fait - à une enquête judiciaire indépendante sur ces allégations afin de faire la lumière sur les faits, de déterminer les responsabilités et de punir les coupables, et de le tenir informé du résultat de ces enquêtes et de celui des enquêtes en cours à mesure que ces résultats seront connus. Le comité estime en outre que des mesures spéciales devraient être prises pour garantir la sécurité de ceux qui sont plus directement liés au mouvement syndical.
- 434. En ce qui concerne les dirigeants et les travailleurs qui ont été arrêtés ou qui ont disparu, le comité note que Francisco Girón Ramos est actuellement en liberté et que l'on doit en principe prononcer un verdict sur sa responsabilité éventuelle au regard du délit de destruction de documents authentiques, verdict qui sera porté à la connaissance du comité. Le comité note également que les arrestations opérées dans le cadre du cas no 1000 ont été provoquées par une grève illégale à la Compagnie hydro-électrique du Rio Lempa, grève qui a provoqué des pertes de vies humaines dans les hôpitaux et dans d'autres centres d'assistance. Le comité observe cependant que le gouvernement n'a pas précisé les raisons ni les circonstances de l'arrestation du dirigeant syndical Rafael Hernández Olivo, dont on ignore le sort, de l'arrestation de deux membres de l'Association nationale de travailleurs du ministère de l'Agriculture qui accompagnaient José Félix Minero le 30 mai 1980 quand il fut assassiné (cas no 973), et de l'arrestation des dirigeants syndicaux Enrique Tejada, Antonio Campos Mendoza, Salomón Sánchez Márquez, Vicente Aguirre, Melitón Sánchez, Antonio Fuentes et Maximiliano Castro qui, selon les plaignants, ont été arrêtés alors qu'ils étudiaient un cahier de revendications dans les locaux de l'Entreprise Buses Ruta Urbanos 5-28, et dont on ignore le sort (cas no 987). A ce sujet, le comité, ignorant la situation actuelle des personnes mentionnées et en particulier si elles sont l'objet de poursuites, ne peut que rappeler que les gouvernements doivent veiller à ce que toute personne détenue puisse bénéficier des garanties de procédure régulière et d'un procès dans les délais les plus brefs possible, et signaler égaiement que l'arrestation de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est retenu ultérieurement risque d'entraîner des restrictions aux droits syndicaux et de constituer une grave ingérence dans les activités syndicales. Le comité prie le gouvernement de bien vouloir indiquer les motifs et raisons de l'arrestation des personnes mentionnées, ainsi que la situation actuelle de ces personnes. D'une manière plus générale, le comité estime que la normalisation de la situation syndicale et des relations professionnelles - objectif impératif pour garantir le respect des droits de la personne humaine -, ainsi que la détente du climat social, seraient favorisées si le gouvernement examinait la situation des personnes détenues mentionnées par les plaignants, en vue de procéder à leur libération si elles ont été arrêtées pour raisons syndicales.
- 435. D'autre part, le comité observe que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations relatives aux menaces adressées à des syndicalistes et à des dirigeants syndicaux (cas nos 953 et 973), à l'attaque des locaux de la FESINCONSTRANS par les forces armées et à la destruction des archives de cette organisation syndicale. Le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations à ce sujet.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 436. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire, et en particulier les conclusions suivantes:
- Le comité exprime son extrême préoccupation devant la gravité des allégations et observe que des faits de cette nature ont continué de se produire après le 15 octobre 1979, date du dépôt du gouvernement précédent.
- Le comité signale à l'attention du gouvernement qu'un mouvement syndical libre et indépendant ne peut se développer que dans un climat de respect des droits fondamentaux de l'homme, et il signale également la résolution sur les droits syndicaux et leurs relations avec le libertés civiles, adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1970.
- Le comité déplore que, malgré le temps qui s'est écoulé, les observations du gouvernement ne contiennent pas de réponse à toutes les allégations ou qu'il n'y ait répondu, dans certains cas, que partiellement.
- Le comité estime qu'il existe des liens de continuité entre les gouvernements qui se succèdent à la tête d'un même Etat et que, même si l'on ne peut tenir un gouvernement pour responsable de faits survenus sous le gouvernement antérieur, il n'en demeure pas moins qu'il encourt une responsabilité manifeste quant aux conséquences que ces faits peuvent continuer de produire depuis son arrivée au pouvoir.
- Le comité déplore les nombreuses pertes de vies humaines et les blessures infligées, dont il est fait mention dans les plaintes, il prend note que des enquêtes ont été ordonnées sur quelques-uns de ces faits et prie le gouvernement de faire procéder, dans les meilleurs délais, à une enquête judiciaire sur les cas n'ayant pas encore fait l'objet d'investigations, et de lui en communiquer lés résultats à mesure qu'ils seront connus.
- Le comité estime en outre que des mesures spéciales devraient être prises pour garantir la sécurité des personnes qui sont le plus directement liées au mouvement syndical.
- Le comité prie le gouvernement d'indiquer les raisons et circonstances de l'arrestation des dirigeants Rafael Hernández Olivo, Enrique Tejada, Antonio Campos Mendoza, Salomón Sánchez Márquez, Vicente Aguirre, Melitón Sánchez, Antonio Fuentes et Maximiliano Castro, ainsi que la situation actuelle de ces personnes. Le comité rappelle que les gouvernements doivent veiller à ce que toute personne arrêtée puisse bénéficier des garanties d'une procédure régulière et prompte, et signale que l'arrestation de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est ultérieurement retenu risquerait d'entraîner des restrictions aux droits syndicaux et de constituer une grave ingérence dans les activités syndicales.
- D'une manière générale, le comité estime que la normalisation de la situation syndicale et des relations professionnelles - objectif impératif pour garantir le plein respect des droits de l'homme - ainsi que la détente du climat social seraient favorisées si le gouvernement examinait la situation des détenus mentionnés par les plaignants, afin de faire libérer les personnes qui ont été arrêtées pour raisons syndicales.
- Enfin, le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations sur les allégations auxquelles il n'a pas répondu, à savoir: sur les menaces contre des syndicalistes et des dirigeants syndicaux, et sur l'attaque des locaux de la FESINCONSTRANS et la destruction des archives de cette organisation syndicale.