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- 204. La plainte déposée par la Confédération mondiale du travail figure dans deux communications, datées l'une et l'autre du 20 octobre 1975 et adressées au Directeur général.
- 205. La plainte a été dûment transmise au gouvernement qui, dans une communication en date du 8 décembre 1975, a envoyé ses observations sur la question.
- 206. Le Mexique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 207. Les plaignants allèguent que les droits syndicaux ont été violés dans l'entreprise Spicer, établie à Mexico, et filiale de la société Dana de Détroit. Selon les plaignants, depuis de nombreuses années, les travailleurs de cette entreprise étaient contrôlés par une organisation syndicale connue sous le nom de Fédération des groupements ouvriers, qui interdisait les assemblées, vendait les postes permanents inventait des décès pour percevoir des cotisations supplémentaires sur les travailleurs et licenciait conjointement avec la direction les travailleurs qui protestaient de quelque manière que ce soit.
- 208. Les plaignants ajoutent que, devant cette situation, les travailleurs décidèrent de s'organiser et de s'affilier à un syndicat indépendant de l'entreprise, le Syndicat national des travailleurs de l'industrie du fer, de l'acier et des produits dérivés, similaires et connexes de la République mexicaine, affilié à la Centrale latino-américaine des travailleurs et à la Confédération mondiale du travail. L'enregistrement et l'affiliation du nouveau syndicat ont été refusés par le Département de l'enregistrement des associations du secrétariat du Travail et de la Prévoyance sociale du Mexique.
- 209. Toujours selon les plaignants, l'entreprise Spicer a commencé à exercer une série de pressions, assorties de menaces physiques et a engagé un groupe de psychologues pour convaincre les travailleurs de ne pas s'organiser en syndicat indépendant. Les travailleurs ont poursuivi toutes les formalités légales qui étaient restées en suspens pendant une année devant l'Office fédéral de conciliation et d'arbitrage, auprès duquel ils avaient engagé une procédure contre la Fédération des groupements ouvriers en vue d'obtenir la reconnaissance de leur représentativité en matière de négociation collective.
- 210. Au début de juin 1975, ajoutent les plaignants, l'entreprise Spicer a menacé de licencier 300 travailleurs sous contrats de durée déterminée, s'ils ne se retiraient pas du syndicat indépendant. Tous les travailleurs de l'entreprise ont décidé en conséquence de faire grève à compter du 30 juin pour obtenir le respect de leurs droits de s'organiser et de se syndiquer. L'entreprise a riposté en congédiant tous les dirigeants du syndicat. Afin d'éviter que les formalités légales engagées contre la Fédération des groupements ouvriers n'aboutissent, l'entreprise a dénoncé illégalement la convention collective qu'elle avait passée avec la fédération et a engagé des négociations avec un autre syndicat dénommé Syndicat national des travailleurs des mines et de la métallurgie de la République mexicaine. Selon les plaignants, l'entreprise aurait signé, durant la grève, une nouvelle convention collective avec ce syndicat sans consulter un seul travailleur.
- 211. La grève a pris fin lorsque l'entreprise a accepté de réintégrer les dirigeants du syndicat indépendant. Toutefois, quelques jours après la reprise du travail, l'entreprise a violé l'accord et a licencié les dirigeants qui avaient été réintégrés, ainsi que 150 travailleurs; le même jour, alors qu'une manifestation publique de soutien était organisée par les autres travailleurs, l'entreprise en congédia 500 autres, ce qui faisait au total 650 travailleurs. Le 30 septembre 1975, 30 de ces travailleurs ainsi que 10 de leurs épouses ont entrepris une grève de la faim, exigeant le respect de leur droit à la liberté syndicale.
- 212. Les plaignants allèguent en outre que le dirigeant syndical, Moisés Escamilla, a été arrêté arbitrairement.
- 213. En réponse à ces allégations, le gouvernement a fait observer que le secrétariat du Travail et de la Prévoyance sociale est intervenu en tant que conciliateur dans le différend qui opposait les travailleurs à l'entreprise Spicer, conformément à sa fonction qui est de sauvegarder les droits des travailleurs, et indépendamment de toute question qui s'était élevée entre les syndicats. Le gouvernement indique qu'à l'issue des discussions entre les parties concernées, un accord a été conclu aux termes duquel l'entreprise donnait aux 450 travailleurs qui avaient cessé de travailler le 18 août 1975 le choix entre la réintégration dans leur emploi et une indemnisation appropriée. Le même accord est intervenu au sujet de 35 autres travailleurs. Les travailleurs qui ont opté pour la réintégration devaient recevoir 3.000 pesos en compensation de leurs arriérés de salaire. Les 127 travailleurs qui n'étaient pas concernés par cet arrangement ont été totalement indemnisés et leurs arriérés de salaire ont été calculés à compter du 18 août 1975. Selon le gouvernement, l'entreprise a accepté de créer 100 postes nouveaux, en plus des postes existants et de ceux que devaient libérer les travailleurs indemnisés conformément à l'accord. Tous ces postes devaient être pourvus par des travailleurs temporaires, selon leur ancienneté dans l'entreprise.
- 214. Le gouvernement ajoute que, le 27 octobre 1975, l'accord mentionné ci-dessus a été approuvé par l'Office fédéral de conciliation et d'arbitrage, conformément aux dispositions de la loi fédérale du travail. Le Syndicat national des travailleurs de l'industrie du fer, de l'acier et des produits dérivés, similaires et connexes a retiré sa plainte et le différend a en conséquence été considéré comme définitivement réglé.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 215. Le comité note, d'après les informations dont il dispose, que la plainte concerne les mesures adoptées par l'entreprise Spicer contre ces travailleurs, alors que ceux-ci essayaient de se retirer de la Fédération des groupements ouvriers et de créer un syndicat de leur choix, dont l'enregistrement et la demande d'affiliation à un syndicat national ont été refusés par les autorités du travail pour des raisons qui n'ont pas été indiquées. Les menaces et les pressions que l'entreprise aurait exercées contre les travailleurs et finalement le licenciement de quelque 650 travailleurs ne sont pas niés par le gouvernement qui décrit la manière dont la question a été réglée à la suite de la mission de conciliation entreprise par le secrétariat du Travail et de la Prévoyance sociale. Dans sa réponse, le gouvernement n'a fourni aucune information sur la détention alléguée d'un dirigeant syndical dénommé Moisés Escamilla.
- 216. Le comité a déjà mis l'accent sur l'importance qu'il attache au principe établi dans l'article 2 de la convention no 87, ratifiée par le Mexique, selon lequel les travailleurs et les employeurs doivent pouvoir effectivement constituer, en toute liberté, des organisations de leur choix et y adhérer librement. Le comité a également été d'avis que les gouvernements doivent, le cas échéant, prendre des mesures pour garantir que les travailleurs sont protégés contre des actes, y compris le licenciement, qui peuvent entraîner ou ont pour objet une discrimination antisyndicale en matière d'emploi à l'égard des travailleurs.
- 217. Le comité note que l'entreprise en question a licencié un grand nombre de travailleurs à la suite de leur participation à une action de grève qui avait été engagée pour protester contre l'attitude adoptée par l'entreprise au sujet de la formation d'un syndicat indépendant. Durant la grève, l'entreprise a conclu une nouvelle convention collective avec un syndicat indépendant, sans avoir consulté un seul travailleur sur la question.
- 218. Le comité estime que les événements décrits par les plaignants tendent à montrer que l'attitude et les mesures adoptées par l'entreprise, y compris les licenciements, ont abouti à des actes de discrimination antisyndicale motivés par l'exercice par les travailleurs de leur droit de s'organiser et par les mesures qu'ils ont prises pour défendre ce droit.
- 219. Le comité note que les mesures de conciliation prises par les autorités du travail ont permis de parvenir à un accord aux termes duquel la plupart des travailleurs qui avaient été licenciés ont eu la possibilité d'être réintégrés dans leur emploi. Toutefois, plus de 100 travailleurs, bien qu'indemnisés, ont perdu leur emploi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 220. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de demander au gouvernement d'examiner les mesures qui pourraient être prises pour accorder une protection plus complète aux travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale et d'ingérence dans la constitution de leurs organisations;
- b) de prier le gouvernement de fournir des informations sur la situation actuelle de M. Moisés Escamilla qui aurait été arrêté;
- c) de prendre note de ce rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport lorsqu'il aura obtenu les informations demandées au sous-paragraphe b).
- Genève, 26 février 1976 (Signé) Roberto AGO, Président.