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Definitive Report - REPORT_NO126, 1972

CASE_NUMBER 638 (Lesotho) - COMPLAINT_DATE: 12-OKT-70 - Closed

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  1. 4. Une plainte du Syndicat général des travailleurs du Lesotho a été adressée directement à l'OIT dans une communication en date du 12 octobre 1970. Les plaignants ayant été informés par une lettre du Directeur général en date du 3 novembre 1970 de leur droit de présenter des informations complémentaires à l'appui de leur plainte, ceux-ci ont fourni de telles informations par une communication du 23 mars 1971. La plainte et les informations complémentaires venues l'appuyer ont été transmises au gouvernement du Lesotho pour observations par deux lettres du Directeur général datées respectivement des 3 novembre 1970 et 20 avril 1971. Aucune réponse n'est parvenue du gouvernement.
  2. 5. Le 15 juillet 1971, le préavis donné le 15 juillet 1969 par le Lesotho manifestant son intention de se retirer de l'Organisation internationale du Travail est venu à échéance. Le Lesotho est demeuré Membre des Nations Unies.
  3. 6. Au moment de son admission comme Membre de l'OIT, le 31 octobre 1966, le Lesotho a confirmé les obligations découlant des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, que le Royaume-Uni avait antérieurement déclarées applicables au Bassoutoland. En vertu de l'article 1, paragraphe 5, de la Constitution de l'OIT, « lorsqu'un Membre aura ratifié une convention internationale du travail », son retrait de l'Organisation « n'affectera pas la validité, pour la période prévue par la convention, des obligations résultant de la convention ou y relatives ».

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Analyse de la plainte
    1. 7 Les plaignants ont allégué que la déclaration de l'état d'urgence le 30 janvier 1970 et la suspension de la Constitution nationale, qui a eu notamment pour effet que les tribunaux ne siègent pas pendant la durée de la suspension, avaient été le prétexte et l'occasion pour le gouvernement d'une politique de discrimination antisyndicale contre laquelle les travailleurs ont été dans l'impossibilité de se défendre.
    2. 8 « Pendant l'état d'urgence - déclarent les plaignants - les travailleurs n'ont pas le droit de se réunir, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent tenir aucune réunion pour discuter leurs problèmes ni aucune réunion de commission. Les travailleurs sont employés selon leurs idées politiques. S'ils sont contre le gouvernement, les autorités font en sorte que l'application des mesures inhérentes à l'état d'urgence ait directement pour effet de leur faire perdre leur emploi. »
    3. 9 L'action antisyndicale du gouvernement se serait traduite par des mesures de persécution consistant essentiellement en des arrestations et des licenciements. A cet égard, les plaignants formulent des allégations spécifiques et donnent la description suivante des événements.
    4. 10 Les cadres de la Fédération du travail du Bassoutoland (BFL) auraient négocié par écrit avec les différents services officiels qui avaient licencié des membres des syndicats autonomes affiliés à la BFL, à savoir le Syndicat général des travailleurs du Lesotho, le Syndicat des travailleurs des transports et des télécommunications du Lesotho, le Syndicat des travailleurs de l'industrie, du commerce et des activités connexes du Lesotho et le Syndicat des typographes du Lesotho.
    5. 11 Certains services officiels, indiquent les plaignants, tels que le Département de la santé n'ont pas négocié avec les syndicats de la BFL; en lieu et place du recours au mécanisme de négociation, déclarent-ils, des cadres de la BFL ont été persécutés et emprisonnés.
    6. 12 Lorsque les cadres syndicaux ont insisté pour que l'on recoure au mécanisme de négociation, des ministres tels que le secrétaire permanent aux Travaux publics auraient refusé de négocier avec eux en déclarant que c'était prématuré étant donné l'état d'urgence et en arguant que, selon les instructions qui leur avaient été données par le cabinet, les secrétaires permanents ne devaient discuter aucune question relative aux licenciements pendant l'état d'urgence.
    7. 13 Les plaignants indiquent que, lorsque les représentants des syndicats de la BFL ont négocié avec le ministère de l'Agriculture et la société de commercialisation, le secrétaire permanent responsable du ministère aurait déclaré que les licenciements avaient été motivés par des activités politiques. « Quand les représentants précités - poursuivent les plaignants - ont mentionné la convention internationale du travail no 87, le secrétaire permanent a déclaré qu'il n'avait rien à dire à cet égard mais que, selon les instructions du cabinet, son ministère ne pouvait réintégrer les travailleurs qui avaient été licenciés collectivement, ni leur verser ce qui leur était dû au titre du dédommagement remplaçant le préavis de licenciement, des congés payés, des indemnités de licenciement, etc. »
    8. 14 Au dire des plaignants, lorsque des représentants des syndicats de la BFL ont négocié avec la Commission des services publics, qui relève du Premier ministre, le secrétaire de celui-ci aurait déclaré que les employés connaissaient la raison de leur licenciement et que, en ce qui le concernait, il avait pour instruction du Premier ministre de ne discuter aucune question ayant trait au licenciement de membres des syndicats de la BFL.
    9. 15 Les plaignants concluent en indiquant que « toutes ces négociations sont dans une impasse car les tribunaux ne siègent pas et le fonctionnaire du travail exécute les instructions du cabinet ».
    10. 16 Les plaignants déclarent ensuite que les membres suivants du conseil national exécutif du BFL ont été l'objet des mesures ci-après: BFL: M. Shakhane Mokhele, secrétaire général, interrogé et emprisonné sans avoir été entendu par un tribunal; M. S. Lets'oara, président, interrogé et emprisonné sans avoir été entendu par un tribunal, puis relâché; Syndicat des travailleurs de l'industrie, du commerce et des activités connexes du Lesotho (LIAU): M. B. R. Monese, président, interrogé et emprisonné sans avoir été entendu par un tribunal; M. P. Molatoli, secrétaire, interrogé, emprisonné puis relâché sans avoir été entendu par un tribunal; M. O. S. Moremi, secrétaire préposé à l'organisation, persécuté, interrogé et emprisonné sans avoir été entendu par un tribunal; M. T. Setlaba, membre du comité, persécuté, interrogé et emprisonné sans avoir été entendu par un tribunal; Syndicat général des travailleurs du Lesotho (LGWU): M. N. Pekosela, secrétaire préposé à l'organisation, persécuté; M. T. Metsing, membre du comité, interrogé, persécuté et emprisonné sans avoir été entendu par un tribunal; Syndicat des travailleurs des transports et des communications du Lesotho (LTTU): M. S. Moreke, secrétaire, emprisonné, persécuté et interrogé sans avoir été entendu par un tribunal.
    11. 17 Pour chacun des syndicats affiliés à la BFL (voir paragr. 10), les plaignants formulent les allégations suivantes.
    12. 18 Les membres du Syndicat des travailleurs de l'industrie, du commerce et des industries connexes du Lesotho auraient été congédiés sans indemnité de cessation de services et privés des droits qu'ils avaient acquis; ainsi MM. T. Thamae, R. Pitse, N. Lenka, R. Sonopo ainsi que d'autres employés auraient été congédiés sans indemnité de cessation de services. Le gouvernement aurait encouragé les entreprises du secteur privé, telles que les magasins de gros et les magasins de détail, à congédier les membres du LIAU. M. Mohale, employé par le grossiste Moshal Gevisser, aurait été persécuté et emprisonné sans avoir comparu devant un tribunal. Des employés du secteur public, donc de l'Etat, tels que MM. Matlanyane, Tjama Mpela, Joseph Hladele et d'autres auraient été licenciés sans indemnité.
    13. 19 Les plaignants déclarent que les membres du Syndicat général des travailleurs du Lesotho qui ont été licenciés ont été plus nombreux que ceux des autres syndicats autonomes affiliés à la BFL. Les membres du LGWU auraient été privés des droits qu'ils avaient acquis et des prestations auxquelles ils avaient droit légalement: congés payés, indemnité de licenciement, indemnité en lieu et place du délai-congé. Les plaignants donnent une liste de 55 noms de personnes qui auraient été licenciées de l'hôpital public Queen Elizabeth II, 23 de personnes qui auraient été licenciées de l'hôpital Mohlomi, 11 de personnes licenciées de l'hôpital Butha Buthe, 21 de personnes licenciées de l'hôpital gouvernemental Mohale Hoek et 23 de personnes licenciées du Département de l'agriculture.
    14. 20 Les plaignants allèguent que le local de la section de Maseru du Syndicat des typographes du Lesotho aurait été fouillé par la troupe, que l'imprimerie du syndicat aurait été fermée et que les journaux qu'il publiait dans le pays auraient été interdits. Quelques-uns des travailleurs, dont M. Albert Khesuoe, auraient été emprisonnés, interrogés et persécutés; le directeur de l'imprimerie, M. Setlolela Mokhachane, aurait été déclaré hors la loi et une récompense de 200 rands aurait été offerte à la personne qui pourrait indiquer l'endroit où il se trouve. D'après les plaignants, le local de la section de Maseru aurait été placé sous séquestre par le gouvernement et les membres de ladite section auraient été persécutés, interrogés et congédiés sans indemnité de licenciement. Il se serait agi des personnes suivantes: M. Seiso Majara, M. S. Kalaka, M. Lefa Seutloali, M. J. Sehalahala, Mlle J. Jasong, M. Mots'oane et M. Mokati Mpholo. Tous les travailleurs précités, ajoutent les plaignants, et d'autres encore ont été interrogés et persécutés à la résidence du Vice-premier ministre par des partisans de son parti, la Ligue de la jeunesse et des membres des forces armées. A Morija, poursuivent les plaignants, où le local de la section LTWU appartient à l'Eglise évangélique du Lesotho, l'imprimerie a été fermée, les journaux de l'Eglise ont été interdits et le rédacteur en chef, M. S. Serutla, a été persécuté et emprisonné. Tous ces faits se seraient produits sans que les intéressés aient été entendus par un tribunal.
    15. 21 Les plaignants déclarent que les membres du Syndicat des travailleurs des transports et des télécommunications du Lesotho ont été congédiés par les différents services officiels où ils travaillaient; ils ont été privés des droits qu'ils avaient acquis et des indemnités de licenciement qui leur étaient dues aux termes de la loi. Les personnes suivantes auraient notamment été licenciées dans les conditions rapportées plus haut: M. S. Ramohlanka, M. S. Moeletsi, M. E. Masia, M. D. Mochochoko, M. T. Moholobela, M. B. Pitso, M. M. Ramoko, M. M. Mohapi, M. D. Moeletsi, M. J. Mathe, M. L. Babeli, M. S. Masuoenyane, M. M. Mochekela, M. G. Rafutho, M. L. Kotola, M. M. Motseuoa, M. P. Leseli, Mme M. Mohapi et Mme Mpho. Le gouvernement aurait en outre persécuté et emprisonné plusieurs membres du LTTU qui travaillaient dans le secteur privé, par exemple à la Standard Bank Ltd., et aurait incité la banque à ne pas leur accorder l'indemnité de cessation d'emploi. M. Mathakhoe, chauffeur de la Standard Bank, aurait été persécuté, emprisonné puis relâché, et M. N. Sello, messager dans la même banque, aurait été emprisonné, interrogé puis relâché. Les plaignants affirment que toutes ces mesures ont été prises sans raison valable et sans que les intéressés aient comparu devant un tribunal.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  • Observations du comité
    1. 22 Au reçu de la plainte, à un moment où le Lesotho était encore Membre de l'OIT, il est apparu au comité que, telles qu'elles étaient formulées, les allégations des plaignants mettaient en cause un certain nombre de normes établies dans les conventions de liberté syndicale, ratifiées par le Lesotho, ainsi que de principes généraux reconnus en la matière.
    2. 23 Ces principes sont essentiellement les suivants.
    3. 24 La liberté de réunion syndicale et le droit d'exprimer des opinions par la voie de la presse constituent des éléments fondamentaux des droits syndicaux.
    4. 25 Les travailleurs doivent avoir le droit, sans distinction d'aucune sorte - notamment sans discrimination d'aucune sorte tenant aux opinions politiques - de s'affilier au syndicat de leur choix.
    5. 26 Nul ne devrait faire l'objet d'une discrimination à l'emploi en raison de son activité ou de son appartenance syndicale; non seulement le renvoi, mais aussi la mise à la retraite d'office ou le licenciement seraient contraires au principe de la non-discrimination antisyndicale à l'emploi dans le cas où les activités en raison desquelles des mesures ont été prises contre certains employés seraient réellement des activités syndicales licites.
    6. 27 Dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou criminels que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question doivent être jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Sans que l'on se prononce sur l'aspect politique d'un régime d'exception, il convient qu'une procédure de détention soit accompagnée de garanties juridiques mises en oeuvre dans des délais raisonnables et que toute personne détenue bénéficie des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible.
    7. 28 C'est parce que les principes ci-dessus paraissaient être mis en cause dans le cas dont il s'agit que les allégations des plaignants ont été transmises au gouvernement du Lesotho pour observations selon la procédure en vigueur en la matière. Ces observations n'ayant toutefois pas été communiquées au BIT par le gouvernement, le comité s'est trouvé dans l'impossibilité, alors que le Lesotho était encore Membre de l'OIT, de traiter l'affaire quant au fond et de présenter sur elle des conclusions et des recommandations de substance au Conseil d'administration.
  • Conséquences du retrait du Lesotho de l'OIT
    1. 29 En vertu des dispositions de la procédure d'examen des plaintes en violation de la liberté syndicale instituée par voie d'accord entre les Nations Unies et l'Organisation internationale du Travail, avant que le Conseil d'administration du BIT renvoie à la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale une plainte déposée contre un Membre des Nations Unies non Membre de l'OIT, cette plainte devrait être renvoyée au Conseil économique et social pour examen Dans la résolution n, 277 (X) approuvant les dispositions prises, l'OIT a été invitée à renvoyer en premier lieu au Conseil économique et social toute plainte en violation de la liberté syndicale déposée contre un Membre des Nations Unies non Membre de l'OIT. Si le Conseil d'administration est saisi d'une telle plainte en violation de la liberté syndicale, il la renverra, avant d'en saisir la commission, au Conseil économique et social pour examen. La procédure prévoit que le Secrétaire général des Nations Unies sollicitera le consentement du gouvernement intéressé avant tout examen de la plainte par le Conseil économique et social; faute du consentement du gouvernement, le Conseil économique et social examinera la situation créée par ce refus afin de prendre toute autre mesure appropriée de nature à protéger les droits relatifs à la liberté d'association mis en cause dans l'affaire.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 30. Dans ces conditions, étant donné ce qui est exposé au paragraphe précédent, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de renvoyer au Conseil économique et social pour examen, conformément à la résolution no 277 (X), du 17 février 1950, la plainte déposée par le Syndicat général des travailleurs du Lesotho contre le gouvernement du Lesotho, lequel n'est plus Membre de l'OIT;
    • b) de noter que, conformément à la résolution du Conseil économique et social no 277 (X), du 17 février 1950, il appartient au Conseil économique et social de décider quelles mesures il entend prendre en la matière, en sollicitant le consentement du Lesotho au renvoi du cas devant la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale ou de toute autre manière.
      • Genève, 11 novembre 1971. Roberto AGO, président.
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