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- 30. Le comité a examiné pour la dernière fois la présente affaire à sa 59e session, tenue à Genève le 8 novembre 1971, à l'occasion de laquelle il a présenté au Conseil d'administration un rapport intérimaire contenu aux paragraphes 158 à 197 de son 127e rapport. Ce rapport a été adopté par le Conseil d'administration à sa 184e session (novembre 1971).
- 31. Le Sénégal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 32. A la suite de son dernier examen du cas, le comité avait en premier lieu recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer si les syndicalistes mentionnés par les plaignants comme ayant été arrêtés étaient passés en jugement et, dans l'affirmative, de préciser la nature de l'instance judiciaire qui a eu a connaître de leur cas et de fournir le texte du jugement rendu ainsi que celui de ses considérants $.
- 33. En second lieu, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir présenter ses observations sur les allégations suivantes formulées par les plaignants:
- a) l'expulsion de l'organisation plaignante (ex-UNTS) par la force armée de sa bourse du travail du 24 de la rue Armand-Angrand, « avec la complicité d'Alioune Cissé, bien que la réglementation en vigueur et le contrat de location nous aient donné six mois de préavis »;
- b) les pressions exercées auprès des sociétés immobilières et des personnes physiques pour empêcher l'organisation plaignante de trouver des locaux destinés à lui servir de bourse du travail;
- c) les pressions exercées par le directeur du Cabinet de la présidence de la République sur le propriétaire (citoyen mauritanien) des locaux occupés par l'organisation plaignante, 48, rue Vincens, et les menaces d'expulsion du Sénégal en vue de faire évacuer lesdits locaux par cette organisation;
- d) les pressions sur la justice, par le canal de l'avocat général du gouvernement, afin que les travailleurs des banques, « licenciés illégalement pour fait de grève, ne perçoivent pas leurs droits »;
- e) l'interdiction de fêter le 1er mai 1970;
- f) la violation quotidienne de l'exercice des droits syndicaux sous la forme, notamment, de l'interdiction des élections de délégués et de réunions sur les lieux de travail.
- 34. Les informations mentionnées aux deux paragraphes précédents ayant été sollicitées du gouvernement par une lettre en date du 24 novembre 1971, le gouvernement a répondu par une communication en date du 4 février 1972, parvenue trop tard pour permettre au comité de l'examiner quant au fond à sa 60e session (février 1972).
- 35. En réponse à la demande rappelée au paragraphe 32 ci-dessus, le gouvernement déclare que les syndicalistes concernés ont été arrêtés non pas pour des actes résultant de leurs activités syndicales, mais pour avoir accompli « des manoeuvres ou actes de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves, à jeter le discrédit sur les institutions politiques ou leur fonctionnement, à enfreindre les lois du pays », c'est-à-dire des délits politiques prévus et réprimés par le Code pénal.
- 36. Le gouvernement précise que l'instance qui a eu à connaître de l'affaire est le tribunal spécial institué par la loi n, 61-57, du 21 septembre 1961, auquel peuvent être déférés: a) les crimes et délits contre la sûreté intérieure et la sûreté extérieure de l'Etat prévus par le Code pénal; b) les crimes et délits politiques et ceux de droit commun qui leur sont connexes; c) les crimes et délits de droit commun déterminés en tout ou partie par des motifs d'ordre politique. Le gouvernement indique que les intéressés ont été jugés par cette juridiction au cours de son audience publique des 19 et 20 juillet 1971 et il joint à sa réponse, comme cela lui avait été demandé, le texte du jugement et de ses considérants.
- 37. De ce texte, il découle que les personnes suivantes étaient mises en accusation: MM. Abdoulaye Thiaw, Iba Der Thiam, Ousmane Top, Demba Sall Niang, Andoulaye Gueye, Bakhao Seck, Assane Diagne, Babacar Sane, Ousmane Diallo et M'Baba Guisse. Tous les prévenus étaient accusés d'avoir accompli des manoeuvres ou actes de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves, à jeter le discrédit sur les institutions politiques ou leur fonctionnement et à enfreindre les lois du pays.
- 38. Les attendus du jugement relèvent « qu'il résulte du dossier que, lors d'une perquisition effectuée le 20 janvier 1971 dans les bureaux de la bourse du travail de l'ex-UNTS, la police a découvert du matériel et divers documents, dont notamment deux déclarations, l'une du bureau national, du 2 janvier 1971, l'autre du bureau régional, du 13 janvier 1971, respectivement intitulées: « L'UNTS veille » et « Pour une action syndicale révolutionnaire radicale » et que ces documents, qui sont ronéotypés et diffusés, révèlent que leurs auteurs ont transposé une action syndicale sur le plan politique en vue de plonger le régime en place dans le désordre ».
- 39. Les décisions du tribunal concernant les intéressés ont été les suivantes: MM. Abdoulaye Thiaw, Iba Der Thiam et M'Baba Guisse ont été condamnés à trois ans d'emprisonnement; M. Ousmane Diallo à deux ans; M. Bakhao Seck à dix mois; M. Ousmane Top à huit mois; M. Demba Sall Niang à 25 000 francs d'amende; M. Babacar Sane à 20 000 francs d'amende; MM. Assane Diagne et Abdoulaye Gueye ont été relaxés.
- 40. Dans sa réponse, le gouvernement déclare que, par mesure de clémence, les syndicalistes condamnés ont été graciés par décrets nos 71-1079, 71-1080, 71-1081, 71-1082 et 71-1083, du 7 octobre 1971, et les fonctionnaires réintégrés dans leurs fonctions conformé ment aux arrêtés nos 14049, du 13 novembre 1971, 731 et 732, du 29 janvier 1972, du ministre du Travail, de la Fonction publique et de l'Emploi.
- 41. Le comité regrette de n'avoir pas eu connaissance de la teneur même des tracts sur la base desquels certaines des personnes concernées ont encouru des condamnations, ce qui le met dans l'impossibilité de se prononcer sur le fond de l'affaire en pleine connaissance de cause. Etant donné, toutefois, que les intéressés ont bénéficié d'une mesure de grâce, le comité recommande au Conseil d'administration de décider qu'il serait sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
- 42. En ce qui concerne les questions évoquées sous a) au paragraphe 33 ci-dessus, le gouvernement déclare qu'il est inexact de parler d'expulsion des locaux syndicaux et il donne à cet égard les explications suivantes: à la suite d'une scission au sein de l'ex-UNTS, la fraction ayant suivi M. Alioune Cissé a résilié le bail qu'il avait lui-même signé, en sa qualité de secrétaire général de cette organisation, et ordonné la fermeture de la bourse du travail, - 24, rue Armand-Angrand, après avoir versé au propriétaire du bâtiment le montant de six mois de loyers arriérés. « Cette décision - poursuit le gouvernement - ayant suscité une réaction parmi les amis de M. Thiaw, l'action des forces de police s'est seulement limitée à maintenir l'ordre sur la voie publique, et notamment aux abords de la bourse, afin de prévenir tout affrontement. Son but n'était donc pas d'expulser l'une quelconque des deux fractions antagonistes. »
- 43. En ce qui concerne les allégations mentionnées sous b), c) et d) du paragraphe 33 ci-dessus (pressions exercées par le gouvernement sur des personnes morales et physiques), le gouvernement déclare que ce sont là des accusations calomnieuses que les plaignants n'appuient d'aucune preuve. Il affirme que le gouvernement sénégalais, respectueux des libertés individuelles, ignore les procédés tels que ceux évoqués par les plaignants. S'agissant du fonctionnement des organes juridictionnels, le gouvernement déclare que le Sénégal est attaché au principe de la séparation des pouvoirs inscrit dans la Constitution nationale et affirme que, dans ce pays, l'indépendance de la magistrature est une réalité. Par ailleurs, ajoute le gouvernement, le tribunal qui connaît des différends individuels du travail est une juridiction collégiale composée d'un magistrat, de deux assesseurs employeurs et de deux assesseurs travailleurs; le ministère public n'y est point représenté. « Les plaignants qui connaissent l'état du droit en la matière - déclare le gouvernement - ne pouvaient avoir d'autres motivations que de jeter le discrédit sur les institutions sénégalaises. »
- 44. En ce qui concerne les allégations relatives à l'interdiction de fêter le 1er mai 1970 (voir paragr. 33 e) ci-dessus), le gouvernement déclare que le 1er mai 1970 a été fêté au Sénégal par l'ensemble des organisations syndicales groupant la quasi-totalité des travailleurs. A cette occasion, poursuit le gouvernement, aucune entrave ne fut apportée à l'organisation de cette journée qui permit la remise, entre les mains du chef de l'Etat, du traditionnel cahier de doléances par les travailleurs.
- 45. En ce qui concerne les allégations mentionnées sous f) du paragraphe 33 ci-dessus (interdiction des élections de délégués du personnel et interdiction des réunions sur les lieux de travail), le gouvernement fournit les explications suivantes.
- 46. Après les troubles qui ont bouleversé le Sénégal au mois de mai 1968 et le début d'agitation sociale qui marqua la première moitié de 1969, il était nécessaire de suspendre provisoirement tout ce qui pouvait être de nature à susciter des affrontements et à provoquer de nouvelles perturbations dans le monde du travail. Or, déclare le gouvernement, les élections des délégués du personnel peuvent précisément, en période d'agitation, être l'occasion de heurts susceptibles de favoriser le désordre. C'est pourquoi, poursuit le gouvernement, il fut décidé, dans un souci d'apaisement et dans le but de rétablir progressivement le calme, de suspendre temporairement l'élection des délégués du personnel. Le gouvernement précise que la mesure était, au demeurant, prise à l'égard de toutes les centrales syndicales sans discrimination et que les délégués du personnel alors en fonction demeuraient en place.
- 47. Le gouvernement déclare que cette mesure a été rapportée par lettre circulaire no 1031/MFPT/CAB/BEL/T2, du 20 février 1970, dès que les conditions qui l'avaient rendue nécessaire eurent cessé de prévaloir. Depuis, indique le gouvernement, qui fournit à cet égard des statistiques, les élections des délégués du personnel se sont déroulées normalement, avec la participation de toutes les centrales syndicales, y compris l'organisation nationale plaignante dans la présente affaire, à savoir la fraction de l'ex-UNTS étant demeurée en dehors de la CNTS après la fusion.
- 48. S'agissant des réunions sur les lieux de travail, le gouvernement déclare qu'il est d'usage que, l'entreprise étant une propriété privée, seul l'employeur soit habilité à les y autoriser.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 49. Le comité recommande au Conseil d'administration de prendre note des explications fournies par le gouvernement sur les divers aspects du cas mentionnés au paragraphe 33 ci-dessus.
- 50. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de décider, pour les raisons indiquées au paragraphe 41 ci-dessus et sous réserve de l'observation qui y est contenue, qu'il serait sans objet de poursuivre l'examen des allégations relatives à l'arrestation de syndicalistes;
- b) de prendre note des explications fournies par le gouvernement au sujet des allégations mentionnées au paragraphe 33 ci-dessus.