DISPLAYINEnglish - Spanish
- 191. La plainte de la Confédération mondiale du travail est contenue dans trois communications en date des 23 décembre 1968, 30 décembre 1968 et 23 janvier 1969. Le texte de ces communications ayant été transmis au gouvernement dès leur réception, celui-ci a présenté ses observations à leur sujet par une communication en date du 28 mars 1969.
- 192. La Bolivie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; elle n'a pas ratifié, par contre, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 193. Les plaignants, par un télégramme en date du 23 décembre 1968, allèguent que M. Alejandro Barrisueta, dirigeant de l'Action syndicale bolivienne (ASIB), affiliée à la Confédération latino-américaine syndicale chrétienne, elle-même affiliée à la Confédération mondiale du travail, aurait été arrêté et incarcéré à La Paz avec d'autres dirigeants mineurs et mis au secret.
- 194. Par une communication du 23 janvier 1969, les plaignants ont apporté sur cet aspect de l'affaire les précisions suivantes. M. Barrisueta aurait, comme de nombreux autres militants, été arrêté le 19 décembre 1968; le 24 du même mois, l'ASIB aurait présenté une demande d'habeas corpus afin d'obtenir la mise en liberté de M. Barrisueta, étant donné que, par ailleurs, tous les autres travailleurs arrêtés avaient été relâchés « grâce aux pressions exercées par les travailleurs, par des secteurs évolués du pays, par des organisations inter nationales et par une intervention publique de l'Eglise catholique de Bolivie ».
- 195. A la suite de la demande d'habeas corpus présentée pour obtenir la mise en liberté de M. Barrisueta, poursuivent les plaignants, les autorités boliviennes auraient fait savoir à l'ASIB que l'intéressé était assigné à résidence à Ixiamas. « Cette mesure - affirment les plaignants - n'a pas eu d'autre motif que d'éviter la comparution du camarade Barrisueta devant les tribunaux. »
- 196. « Ce qui est sûr - déclarent les plaignants - c'est que selon le témoignage des autorités le camarade Barrisueta a été mis en liberté la nuit du 24 décembre. D'après les renseignements qui nous parviennent, Barrisueta a été soumis, pendant sa détention, à de terribles tortures physiques, mais le plus grave est qu'on ne sait pas où il est. D'après tous les indices, Barrisueta est séquestré par la police afin qu'on ne sache pas dans quel état physique lamentable il se trouve à la suite des tortures qu'il a subies. »
- 197. Un autre aspect du cas ressort de la communication du 30 décembre 1968 de l'organisation plaignante qui fait état d'informations qui lui ont été fournies par l'ASIB. A l'occasion d'élections tenues dans les mines de « Siglo XX », quatre groupes auraient cherché à obtenir la direction du syndicat: les indépendants, les officiels, l'ORIT et le Parti démocrate chrétien; les représentants des quatre groupes se seraient réunis avec l'inspecteur régional du travail de la localité de Llallagua pour établir un compromis aux termes duquel il aurait été convenu que, quel qu'il fût, le groupe qui l'emporterait serait reconnu par le ministère du Travail aux fins de l'exercice de ses fonctions.
- 198. Le groupe des indépendants aurait gagné les élections où il aurait obtenu une majorité considérable « parce qu'il représente véritablement les mineurs qui accordent toute leur confiance à ce comité directeur ». Or le compromis aurait été violé en ce sens que le gouvernement, par l'entremise du ministère du Travail, refuserait de reconnaître le comité directeur et exigerait l'intégration, au sein de celui-ci, du groupe de la minorité, à savoir celui des officiels, et cela dans une proportion de 50 pour cent.
- 199. Les travailleurs s'opposeraient à cette formule et auraient entrepris de nombreuses démarches afin qu'il y soit renoncé; tous les moyens de règlement pacifique auraient été épuisés; toutes les tentatives en vue d'aboutir à un dialogue et à une entente avec le ministère du Travail se seraient révélées inutiles, ledit ministère maintenant sa position intransigeante.
- 200. Dans ses observations, le gouvernement commence par déclarer qu'il n'est pas rare que des agitateurs professionnels, dans le cadre de la guérilla castro-communiste, s'efforcent, de l'extérieur comme à l'intérieur du pays, de masquer leur action subversive en lançant, à l'intention des organisations internationales, des accusations relatives à la violation des droits de l'homme et des droits syndicaux en Bolivie. De tels procédés, poursuit le gouvernement, visent à entretenir une constante violation des lois nationales et à créer un climat anarchique et chaotique dans le pays.
- 201. En réponse aux allégations formulées, le gouvernement se borne à déclarer, d'une part, que M. Barrisueta n'est enregistré en tant que dirigeant d'aucune organisation syndicale reconnue du pays, d'autre part, que l'ASIB n'a pas d'existence légale n'étant pas en possession de documents accréditant sa personnalité juridique, ce qui lui interdit de s'arroger le droit de représenter les travailleurs.
- 202. Le gouvernement suggère donc en terminant que le comité détermine en premier lieu quelle est la situation juridique de l'ASIB et que ce n'est que sur le vu des constatations du comité à cet égard que le gouvernement pourra répondre officiellement à une demande quelconque d'informations et d'observations.
- 203. Dans ses observations, le gouvernement paraît laisser entendre que, l'ASIB n'ayant pas d'existence légale, les allégations constituant la présente affaire ne sont pas recevables.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 204. Une première remarque s'impose à ce propos, à savoir que si, faute d'une reconnaissance de la part des autorités ou en raison d'un défaut d'enregistrement - qui, d'ailleurs, peut être soit la conséquence d'une carence de l'organisation intéressée, soit la conséquence d'un refus des autorités d'octroyer cet enregistrement - si, donc, pour une raison quelconque, l'ASIB n'a pas d'existence légale, elle a du moins une existence de fait, puisque aussi bien elle est membre d'une organisation affiliée à l'organisation plaignante.
- 205. Et c'est ici qu'une remarque plus importante encore doit être faite. Le plaignant, en l'occurrence, n'est en effet pas l'ASIB mais la Confédération mondiale du travail, organisation qui jouit du statut consultatif auprès de l'OIT et pour laquelle il ne saurait en aucun cas se poser de question de recevabilité.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 206. Dans ces conditions - et compte tenu de l'extrême gravité de certaines des allégations formulées - le comité croit devoir recommander au Conseil d'administration:
- a) de prier instamment le gouvernement de bien vouloir répondre d'urgence aux allégations selon lesquelles M. Barrisueta aurait été arrêté et torturé, en indiquant la situation dans laquelle se trouve actuellement l'intéressé;
- b) de prier le gouvernement de bien vouloir présenter ses observations au sujet des allégations qui sont analysées aux paragraphes 197 à 199 ci-dessus et qui portent sur les élections syndicales qui se sont déroulées dans les mines de « Siglo XX »;
- c) de prier également l'organisation plaignante de bien vouloir fournir toutes précisions utiles sur les fonctions syndicales de M. Barrisueta;
- d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations dont la nature est précisée aux trois alinéas précédents.
- Genève, 27 mai 1969. Roberto AGO, président.