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- 79. La présente affaire a déjà fait l'objet de la part du comité de trois rapports intérimaires contenus respectivement aux paragraphes 191 à 206 de son 112e rapport, 276 à 315 de son 116e rapport et 81 à 87 de son 124e rapport.
- 80. La Bolivie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; elle n'a pas ratifié, par contre, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 81. A la suite du dernier examen du cas par le comité, à sa session de mai 1971, deux séries d'allégations restaient en suspens: allégations relatives à la détention de M. Barrisueta, dirigeant de l'Action syndicale bolivienne (ASIB); allégations relatives aux élections dans les mines de « Siglo XX ».
- 82. En dépit des demandes réitérées qui lui ont été présentées à cet effet par le comité et le Conseil d'administration, le gouvernement n'a pas fourni sur ces allégations - qui portent sur des événements qui se seraient déroulés en 1968 - les informations sollicitées de lui. Par conséquent, à sa session de novembre 1971, le comité a lancé un appel pressant au gouvernement pour que celui-ci veuille bien fournir les renseignements attendus de lui (127e rapport, paragr. 7). Cet appel étant resté sans écho, le comité, à sa session de février 1972 et en vertu de la règle de procédure énoncée au paragraphe 17 de son 127e rapport, a fait savoir au gouvernement que l'affaire pourrait être traitée quant au fond à la présente session, même à défaut des informations sollicitées de lui. A ce jour, ces informations n'ont pas été reçues.
- 83. Dans ces conditions, et avant d'examiner les allégations formulées, le comité croit utile de rappeler l'observation qu'il avait présentée dès son 1er rapport où l'on peut lire, au paragraphe 31: « Le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait, et le comité est convaincu que, si elle protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a, pour leur propre réputation, à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées, et portant sur des faits précis, aux accusations bien détaillées, et portant sur des faits précis, qui pourraient être dirigées contre eux. »
- Allégations relatives à la détention de M. Barrisueta
- 84. Par un télégramme du 23 décembre 1968, les plaignants avaient allégué que M. Alejandro Barrisueta, dirigeant de l'Action syndicale bolivienne (ASIB), avait été incarcéré à La Paz avec d'autres dirigeants syndicaux des mineurs et mis au secret. Postérieurement, par une communication du 23 janvier 1969, ils ont précisé que M. Barrisueta avait été arrêté le 19 décembre 1968 et que, le 24 du même mois, l'ASIB avait présenté une demande d'habeas corpus afin d'obtenir sa mise en liberté, les autres détenus ayant été relâchés entre-temps. A la suite de cette demande d'habeas corpus, les autorités auraient fait savoir à l'ASIB que M. Barrisueta était assigné à résidence à Ixiamas. Les plaignants ont également déclaré ce qui suit: « Ce qui est sûr, c'est que, selon le témoignage des autorités, le camarade Barrisueta a été mis en liberté la nuit du 24 décembre. D'après les renseignements qui nous parviennent, Barrisueta a été soumis, pendant sa détention, à de terribles tortures physiques, mais le plus grave est qu'on ne sait pas où il est. D'après tous les indices, Barrisueta est séquestré par la police afin qu'on ne sache pas dans quel état physique lamentable il se trouve à la suite des tortures qu'il a subies. »
- 85. Dans une première réponse, le gouvernement se bornait à déclarer que M. Barrisueta n'était pas enregistré en tant que dirigeant d'une organisation syndicale du pays. Dans une communication ultérieure, le gouvernement faisait savoir que M. Barrisueta « n'a été détenu que pendant vingt-quatre heures pour vérification concernant sa participation éventuelle au meurtre d'un citoyen, délit considéré comme un délit de droit commun par la législation générale de tous les pays ».
- 86. A sa session de mai 1969, le comité a recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement bolivien de bien vouloir répondre d'urgence aux déclarations contenues dans la plainte, notamment en ce qui concerne les mauvais traitements qui auraient été infligés à M. Barrisueta, en indiquant la situation « dans laquelle se trouve actuellement l'intéressé ». Le comité a fait une recommandation analogue au Conseil d'administration à sa session de février 1970 et, pour la dernière fois, à sa session de mai 1971.
- 87. Le gouvernement, on l'a vu, s'est abstenu à ce jour de fournir les informations qui lui ont été demandées.
- Allégations relatives aux élections dans les mines de « Siglo XX »
- 88. Dans une communication du 30 décembre 1968, l'organisation plaignante, qui faisait état d'informations reçues de l'ASIB, a déclaré que, lors des élections qui avaient eu lieu dans les mines de « Siglo XX », quatre groupes avaient cherché à obtenir la direction du syndicat: les indépendants, les « officiels », l'ORIT et le Parti démocrate-chrétien. D'après les plaignants, les représentants de ces quatre groupes se réunirent avec l'inspecteur régional du travail de la localité de Llallagua pour établir un compromis aux termes duquel il fut convenu que, quel qu'il fût, le groupe qui l'emporterait serait reconnu par le ministère du Travail aux fins de l'exercice de ses fonctions. Selon les plaignants, ce compromis ne fut pas respecté, car le ministère du Travail refusa de reconnaître le groupe des indépendants, qui avait remporté les élections, et exigea que le groupe de la minorité, à savoir celui des « officiels », fût représenté au sein du comité directeur, et cela dans une proportion de 50 pour cent. Les plaignants ajoutaient que les travailleurs s'opposèrent à cette formule et que, malgré les démarches entreprises, tous les moyens de règlement pacifique furent épuisés du fait que le ministère du Travail maintenait sa position intransigeante.
- 89. Malgré les demandes répétées qui ont été adressées dans ce sens au gouvernement, celui-ci s'est abstenu de présenter ses observations sur cet aspect du cas.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 90. Le comité est conscient du fait que, depuis les événements auxquels font allusion les deux séries d'allégations dont il vient d'être question, le régime politique de la Bolivie a changé plusieurs fois.
- 91. A ce propos, le comité croit devoir rappeler le principe qu'il a toujours souligné selon lequel, d'une part, il existe un lien de continuité entre les gouvernements qui se succèdent dans un même Etat et que, bien qu'un gouvernement ne puisse être tenu pour responsable d'événements survenus sous un gouvernement précédent, il est clairement responsable de toutes suites que de tels événements peuvent continuer d'avoir depuis son accession au pouvoir et, d'autre part, en cas de changement de gouvernement ou de régime dans un pays, le gouvernement au pouvoir devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences que les faits sur lesquels porte la plainte auraient pu continuer à avoir depuis son arrivée au pouvoir, bien que ces faits se soient produits sous le régime de son prédécesseur.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 92. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de noter que le régime politique de la Bolivie a changé depuis les événements auxquels font allusion les allégations formulées par les plaignants;
- b) de rappeler à ce propos le principe selon lequel, d'une part, il existe un lien de continuité entre les gouvernements qui se succèdent dans un même Etat et que, bien qu'un gouvernement ne puisse être tenu pour responsable d'événements survenus sous un gouvernement précédent, il est clairement responsable de toutes suites que de tels événements peuvent continuer d'avoir depuis son accession au pouvoir, et, d'autre part, en cas de changement de gouvernement ou de régime dans un pays, le gouvernement au pouvoir devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences que les faits sur lesquels porte la plainte auraient pu continuer à avoir depuis son arrivée au pouvoir, bien que ces faits se soient produits sous le régime de son prédécesseur;
- c) de rappeler l'observation faite par le comité dès son 1er rapport selon laquelle le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait, et le comité est convaincu que, si elle protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci devraient reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a, pour leur propre réputation, à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées, et portant sur des faits précis, aux accusations bien détaillées, et portant sur des faits précis, qui pourraient être dirigés contre eux;
- d) de rappeler le principe selon lequel les travailleurs doivent avoir le droit d'élire librement leurs représentants, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
- e) de rappeler l'importance qu'il y a à ce que les détenus jouissent des garanties d'une procédure régulière, conformément aux principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, et le principe selon lequel la présentation rapide d'un détenu devant le juge compétent constitue l'une des garanties fondamentales de l'individu, garantie qui est reconnue par des instruments tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies, par la Déclaration américaine des droits et des devoirs de l'homme et par la Convention américaine sur les droits de l'homme;
- f) de déplorer que, malgré les demandes réitérées adressées dans ce sens au gouvernement, celui-ci se soit abstenu de fournir les informations sollicitées de lui au sujet d'allégations dont certaines revêtent un caractère éminemment grave puisqu'elles portent sur des tortures dont aurait été victime un dirigeant syndical arrêté, mettant ainsi le comité dans l'impossibilité de présenter sur l'affaire ses conclusions en pleine connaissance de cause;
- g) de charger le Directeur général de maintenir avec le gouvernement tous contacts appropriés en vue d'obtenir les informations qui avaient été demandées à celui-ci au sujet du sort de M. Barrisueta.