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- 44. Le Comité a déjà examiné la présente affaire à sa session du mois de mai 1966, à l'occasion de laquelle il a recommandé au Conseil d'administration de décider, pour les raisons indiquées aux paragraphes 211 à 221 de son quatre-vingt-douzième rapport, que certaines allégations relatives à la non-reconnaissance de l'Association des téléphonistes d'Irlande n'appelaient pas un examen plus approfondi. Cette recommandation a été approuvée par le Conseil d'administration à sa 166ème session (juin 1966). En ce qui concerne d'autres allégations, relatives à l'arrestation de piquets de grève, au sujet desquelles le Comité a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration contenu aux paragraphes 222 à 226 de son quatre-vingt-douzième rapport, le Comité a décidé de prier le gouvernement de bien vouloir fournir des informations complémentaires sur certains points avant de formuler ses recommandations au Conseil d'administration. Cette demande a été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 4 juillet 1966. Le gouvernement a répondu par une communication en date du 19 octobre 1966. Les paragraphes qui suivent ne traitent que des allégations restées en suspens.
- 45. L'Irlande a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 46. L'organisation plaignante alléguait que le 25 septembre 1965, à l'occasion de la grève déclenchée par elle à l'appui de sa demande de reconnaissance aux fins de négociations collectives, un tribunal avait pris une décision provisoire pour empêcher le président, certains des membres désignés de l'Association et ses préposés de constituer des piquets de grève autour du bâtiment des postes. Le 8 octobre, un jugement interlocutoire a été rendu contre les personnes en question et, le 21 octobre, un mandat de dépôt était décerné par la Haute Cour contre trois des six prévenus. Deux des membres de l'Association ont été emprisonnés le 26 octobre « pour avoir fait le piquet de grève à leur poste de travail dans le cadre d'un conflit du travail ». Ces hommes ont fait une grève totale de la faim, à la suite de quoi le gouvernement a demandé et obtenu leur libération sans condition par l'intermédiaire de la Haute Cour. Il était allégué que vingt membres de l'Association ont été mis en prison pour avoir participé à des piquets pacifiques devant le Parlement national, de même que quatre téléphonistes du sexe féminin qui avaient fait cause avec eux, le gouvernement invoquant à cet effet les dispositions de l'article 28, paragraphe 1, de la loi sur les délits contre l'Etat, aux termes desquelles «n'est pas considérée comme légale une réunion publique organisée sur la voie publique ou en lieu fermé, ou un défilé suivant ou traversant la voie publique ou un lieu clos qui est situé en tout ou en partie à moins de 800 mètres d'un édifice dans lequel les deux Chambres ou l'une des deux Chambres de l'Oireachtas siègent ou sont sur le point de siéger ». De l'avis de l'organisation plaignante, le fait d'invoquer une loi qui est conçue pour les délits politiques contre des citoyens qui font des piquets de grève dans le cadre d'un conflit du travail constitue « une violation injustifiée de la liberté du travail ». L'organisation plaignante déclarait que ses membres avaient un conflit du travail, par l'intermédiaire de leur employeur (en l'occurrence le ministre des Postes et des Télégraphes), avec le gouvernement et qu'aux termes de la loi sur les conflits du travail de 1906, ils pouvaient « se réunir dans ou près d'une maison dans laquelle une personne demeure ou travaille ou exerce une activité ou peut se trouver ».
- 47. Le gouvernement déclarait dans sa communication du 20 avril 1966 que des piquets avaient été placés dans les centraux téléphoniques de Dublin, Cork, Limerick, de l'aéroport de Shannon et dans d'autres localités. Le tribunal a accordé une injonction provisoire interdisant aux membres de l'Association de placer des piquets tant que la procédure était en instance. Les membres de l'Association persistèrent cependant à former des piquets de grève dans les locaux des postes et une procédure fut alors engagée pour refus d'obéissance aux décisions de la Cour. Deux membres de l'Association, qui avaient déclaré devant le tribunal ne pas vouloir s'engager à obéir à la décision de la Cour, furent écroués pour outrage à magistrat. En prison, ils refusèrent toute nourriture et ils furent remis en liberté au bout de huit jours, sur ordre de la Cour, qui déférait ainsi à la demande du procureur général. Le gouvernement souligne que ces hommes n'ont pas été écroués parce qu'ils avaient formé des piquets de grève, mais parce qu'ils avaient refusé de se soumettre à une décision de la Cour. Il leur aurait été loisible d'en appeler à la Cour suprême, mais ils ne l'ont pas fait. Des membres de l'Association ont continué à placer des piquets de grève dans les locaux de postes, mais le ministre des Postes et des Télégraphes s'est abstenu de les faire poursuivre. Certains membres, cependant, furent poursuivis en justice pour menaces, intimidation, etc.
- 48. En ce qui concerne l'allégation relative à la mise en place de piquets à proximité du siège du Parlement, le gouvernement déclarait que l'article 40 de la Constitution garantit le droit des citoyens de se rassembler pacifiquement et sans armes, sous réserve des mesures qui peuvent être prises par voie législative en vue d'interdire ou de contrôler tout rassemblement à proximité des deux Chambres du Parlement, et que l'article 28 de la loi de 1939 sur les délits contre l'Etat se fonde sur cette disposition de la Constitution. Toutefois, le gouvernement déclare qu'aucune des personnes en question n'a été emprisonnée au titre de la loi sur les délits contre l'Etat. Certains de ceux qui avaient été arrêtés dans les conditions prévues par l'article 28 de la loi refusèrent leur mise en liberté sous caution et durent être gardés en détention préventive jusqu'à ce que le tribunal soit saisi de leur cas. Ils furent ensuite jugés et condamnés à une amende par le tribunal de simple police.
- 49. Le Comité a rappelé à sa session de mai 1966 avoir toujours appliqué le principe selon lequel les allégations relatives au droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure, mais seulement dans la mesure, où elles touchent à l'exercice des droits syndicaux. Il a souligné que le droit qu'ont les travailleurs et leurs organisations de se mettre en grève leur est généralement reconnu comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels. Le Comité a également souligné l'importance qu'il attache aux principes selon lesquels les piquets de grève organisés dans le respect de la loi ne doivent pas voir leur action entravée par les autorités publiques.
- 50. Il est apparu au Comité, au vu des éléments d'information fournis par le gouvernement, qu'un certain nombre de personnes ont été arrêtées pour voies de fait, intimidation, etc., et pour des délits commis dans des circonstances illégales à proximité du Parlement. Le Comité n'a donc pas estimé que ces divers points méritaient d'être examinés de façon plus approfondie. Toutefois, il y a un point sur lequel il lui a paru difficile à se prononcer, en dépit des informations fournies par le gouvernement. Le gouvernement, en effet, n'a pas précisé son attitude à l'égard de l'allégation de l'organisation plaignante selon laquelle ses membres avaient un conflit avec leur employeur, le ministre des Postes et des Télégraphes, et que, à l'occasion de ce conflit, ils avaient le droit de mettre en place des piquets pacifiques sur les lieux de l'emploi en vertu de la loi sur les conflits du travail de 1906. Dans ces circonstances, le Comité n'a pas perçu les motifs pour lesquels la Cour a été invitée à rendre une injonction leur interdisant de placer des piquets sur les lieux de travail - bureaux de postes de Dublin, Limerick, Cork, aéroport de Shannon, etc. - ou les motifs sur lesquels l'injonction rendue à cet égard s'est fondée. Aussi, avant de soumettre au Conseil d'administration ses recommandations sur cet aspect du cas, le Comité a-t-il décidé de prier le gouvernement de bien vouloir lui fournir des renseignements plus complets sur ce point particulier.
- 51. Dans sa lettre en date du 19 octobre 1966, le gouvernement déclare que le ministre des Postes et Télégraphes et le procureur ont demandé à la Haute Cour de rendre une injonction interdisant aux membres de l'Association des téléphonistes d'Irlande de placer des piquets de grève devant leurs locaux d'emploi et ce pour les raisons suivantes: 1) l'Association n'est pas un syndicat habilité à négocier et, en conséquence, en vertu de l'article 11 de la loi de 1941 sur les syndicats, les articles 2, 3 et 4 de la loi de 1906 sur les conflits du travail n'ont pas été appliqués; 2) la demande de l'Association d'être reconnue en tant qu'agent négociateur ne constituait pas un conflit du travail au sens de la loi de 1906 et c'est la raison pour laquelle l'article 2 de cette loi n'a pas été appliqué. C'est pour ces motifs que la Haute Cour a rendu son injonction.
- 52. Il semblerait que la Haute Cour ait estimé que, juridiquement parlant, l'organisation plaignante n'ait pas été en conflit avec l'autorité intéressée et que, par suite, l'article 2 de la loi de 1906 sur les conflits du travail (qui permet les piquets de grève pacifiques en vue d'appuyer un différend) ne pouvait pas s'appliquer. En fait, lorsqu'il a recommandé au Conseil d'administration, aux paragraphes 211 à 221 de son quatre-vingt-douzième rapport, de disposer des allégations relatives à la non-reconnaissance de l'organisation plaignante, c'est parce qu'au vu des éléments dont il disposait la raison de cette non-reconnaissance était liée au premier chef à l'existence d'un système établi fondé sur des arrangements de sécurité syndicale.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 53. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que ces allégations et, par suite, le cas dans son ensemble n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.