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  1. 41. La Fédération internationale des employés et techniciens a fait parvenir, en date des 2 octobre, 24 novembre et 15 décembre 1964, diverses communications qui lui avaient été adressées par le Syndicat des employés, techniciens et travailleurs assimilés de Saint-Vincent, dans lesquelles figure une série d'allégations concernant la violation de la liberté syndicale à Saint-Vincent. Ces communications ont été transmises au gouvernement du Royaume-Uni, lequel a communiqué, le 20 janvier 1965, les observations du gouvernement de Saint-Vincent.
  2. 42. Le gouvernement du Royaume-Uni qui a ratifié la convention (no 11) sur le droit d'association (agriculture), 1921, la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, a déclaré que les dispositions de ces conventions sont applicables sans modification à Saint-Vincent. Le gouvernement du Royaume-Uni a également ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et l'a déclarée applicable à Saint-Vincent avec certaines modifications. Ces modifications portent sur la composition du Comité directeur d'un syndicat, l'adoption de décisions au scrutin secret dans certains cas et l'utilisation des fonds syndicaux.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 43. Dans sa première communication, le Syndicat des employés, techniciens et travailleurs assimilés de Saint-Vincent déclare qu'il représente la majorité des employés du Département de la santé publique de la ville de Kingstown et ceux de la clinique psychiatrique. Ces deux établissements officiels font partie de ce que l'on appelle « les services essentiels », et le droit de grève y est limité par la loi à certains égards. Toutefois, l'ordonnance no 4 de 1952 contient une disposition aux termes de laquelle l'administrateur nommé par le gouvernement de Sa Majesté à Londres institue, pour le règlement des différends, les tribunaux dont les membres doivent être des représentants des travailleurs et des employeurs. Depuis le 16 septembre 1963, poursuivent les plaignants, ceux-ci essaient de se faire reconnaître par le gouvernement comme les représentants de ces travailleurs aux fins de négociation collective. Toutes les démarches effectuées à cet effet auprès de divers ministres, l'administrateur lui-même et le secrétaire d'Etat aux Colonies à Londres n'ont jusqu'ici donné aucun résultat. Qui plus est, aussi bien le premier ministre de la Couronne que le ministre des Affaires sociales chargé de la Santé ont attaqué le syndicat et ont menacé les travailleurs des institutions susmentionnées de mesures de rétorsion. En outre, le premier ministre a déclaré, lors d'une réunion politique, qu'il se refuserait à reconnaître le syndicat aussi longtemps que son gouvernement conserverait son mandat et que les travailleurs qui se déclareraient en grève seraient congédiés. Pourtant, ce même ministre dirige un syndicat contrôlé par le gouvernement, qu'il s'efforce d'imposer aux employés des institutions gouvernementales, en vue de concurrencer le syndicat plaignant.
  2. 44. Par une communication du 24 novembre 1964, la Fédération internationale des employés et des techniciens transmet de nouvelles communications reçues du syndicat plaignant de Saint-Vincent. Selon ces communications, le gouvernement, en recevant la demande de reconnaissance du Syndicat des employés, techniciens et travailleurs assimilés de Saint-Vincent en vue de faire fonction de représentant des travailleurs de certaines institutions, a décidé alors de reconnaître, aux fins de négociation collective, son propre syndicat, sans l'approbation des travailleurs intéressés. L'information publiée dans un journal local, dont une photocopie était jointe à la communication, au cours de la réunion où fut décidée la reconnaissance de la Fédération des employés (F.I.A.W.U.), cette dernière fut représentée par son président général M. E. T. Joshua, accompagné de deux autres dirigeants syndicaux, alors que les représentants du gouvernement étaient M. E. T. Joshua lui-même en sa qualité de premier ministre et le ministre des Services sociaux et le médecin principal.
  3. 45. Dans leur communication du 15 décembre 1964, les plaignants envoient des informations complémentaires à l'appui de leur plainte et qui concernent la suite des démarches effectuées pour obtenir la représentation du syndicat. Le 9 octobre 1963, les plaignants ont demandé à l'administrateur qu'il intervienne afin que leur plainte soit examinée, et celui-ci déclara qu'il était certain que le ministre du Travail remplirait le devoir que lui impose la loi. Ces démarches furent renouvelées les semaines suivantes sans que la question soit réglée. Le syndicat plaignant a également rencontré le ministre du Travail auquel il a demandé d'intervenir. Le ministre du Travail fit d'abord observer que, dans le cas particulier, c'était le ministre des Services sociaux qui était l'employeur et que, pour agir, il devait être saisi d'une demande émanant des deux parties (employeur et travailleurs). Le commissaire du travail, que l'on avait informé de l'évolution de la question, fut du même avis. Le 17 janvier, le syndicat reçut une lettre du ministère des Services sociaux qui l'informait que le ministre avait demandé au ministère du Travail de prendre les mesures nécessaires et que ce dernier ministère serait désormais chargé de la question. Malgré cette communication et les diverses démarches effectuées auprès du ministère du Travail pour lui demander d'intervenir, les plaignants n'ont obtenu aucune réponse écrite et il leur fut seulement déclaré que les autorités du travail n'avaient pas à intervenir. Le 27 janvier 1964, les plaignants ont demandé de nouveau que le syndicat soit reconnu comme agent qualifié pour représenter les travailleurs de la clinique psychiatrique, mais aucune réponse ne leur fut donnée. Bien plus, le ministre des Services sociaux s'est rendu à cet établissement et a proféré des menaces contre les travailleurs, leur interdisant d'adhérer au syndicat plaignant. La dernière tentative en vue de se faire reconnaître a eu lieu en septembre 1964, mais le syndicat n'a pas obtenu satisfaction.
  4. 46. Dans sa réponse en date du 20 janvier 1965, le gouvernement du Royaume-Uni présente les observations du gouvernement de Saint-Vincent et déclare que ce territoire est régi par un gouvernement autonome interne et que les questions qui font l'objet des allégations sont entièrement de la compétence des ministres du gouvernement de Saint-Vincent; ce dernier mentionne deux points distincts qui concernent les allégations relatives au droit d'immatriculation et la reconnaissance de la part des autorités du syndicat plaignant en qualité d'agent chargé de représenter les travailleurs.
  5. 47. D'une part, le gouvernement soutient que le Syndicat des employés, techniciens et travailleurs assimilés de Saint-Vincent a obtenu son inscription provisoire le 22 juin 1963 et que la Cour suprême lui a ordonné, en même temps, de tenir ses archives et ses comptes de manière appropriée et conformément aux normes en vigueur. Le 11 décembre 1963, le syndicat a demandé à être inscrit à titre définitif. Le fonctionnaire chargé de l'enregistrement des syndicats n'a pas donné suite à cette requête, car la façon dont les archives et les comptes étaient tenus ne permettait pas d'assurer que le syndicat avait atteint un « degré d'efficacité et d'organisation suffisant dans la conduite de ses affaires », comme il est prévu dans l'ordonnance no 30 de 1954. Le 23 mars 1964, une nouvelle demande visant à proroger l'inscription provisoire fut présentée et accordée. Après des observations adressées à diverses reprises, le fonctionnaire chargé de l'inscription des syndicats a obtenu que le syndicat présente, le 17 septembre 1964, un état des archives et des comptes en vue de l'exercice financier se terminant le 31 mai de la même année. En conséquence, un vérificateur des comptes indépendant a été désigné pour examiner les registres de comptabilité de l'organisation; il a déclaré que la manière dont ces registres étaient tenus ne permettait pas de les vérifier. Il n'existe donc aucune justification satisfaisante de la situation financière du syndicat et il n'a été procédé à aucune vérification des documents concernant ses membres.
  6. 48. Le 16 septembre 1963, poursuit le gouvernement, le syndicat plaignant a demandé effectivement à être reconnu comme organisation représentant la majorité des travailleurs aux fins de négociation collective, mais aucune preuve en ce sens n'a été fournie. Aux mois d'octobre et de décembre 1963, l'administrateur a prié le ministre du Travail de s'occuper de cette question le plus tôt possible et, en janvier 1964, le ministre du Travail a eu un entretien avec le représentant du syndicat plaignant. Le 14 janvier, ce dernier a demandé par écrit au Commissaire du travail de certifier « au moyen d'un vote ou de toute autre méthode respectant la liberté et l'équité », que les membres de ce syndicat représentaient la majorité des services de l'Etat en cause. Le Commissaire du travail a répondu à cette demande en indiquant qu'il ne pourrait intervenir pour effectuer une enquête que s'il y était invité à la fois par l'employeur et par le syndicat. Par la suite, le Syndicat des employés, techniciens et travailleurs assimilés de Saint-Vincent n'ayant pas réussi à mettre ses affaires en ordre, conformément aux dispositions de la loi, son inscription provisoire n'a pas été prorogée et elle est arrivée à expiration le 15 novembre 1964. Ce syndicat n'est donc plus inscrit.
  7. 49. En ce qui concerne la reconnaissance de la Fédération des employés (F.I.A.W.U.), le ministre des Services sociaux a obtenu la preuve que cette organisation représente la majorité des travailleurs du Home Lewis Punnett, de l'hôpital colonial et de son annexe, ainsi que de l'asile des lépreux. Le gouvernement a alors reconnu à ce syndicat la qualité de négociateur pour les travailleurs des services mentionnés ci-dessus. Néanmoins, ce syndicat n'a pas demandé à être reconnu comme négociateur pour les travailleurs du département de la santé publique de Kingstown et de la clinique psychiatrique et il n'a pas été, reconnu en tant que tel.
  8. 50. Le Comité prend note de la déclaration faite par le gouvernement du Royaume-Uni selon laquelle, étant donné le régime d'autonomie interne existant à Saint-Vincent, les questions relatives aux allégations présentées relèvent de la compétence du gouvernement de ce territoire. En même temps, le Comité tient à signaler que le Royaume-Uni continue à être responsable des relations internationales de Saint-Vincent.
  9. 51. Après avoir résumé les allégations des plaignants et les arguments du gouvernement en ce qui concerne le droit d'organisation et de négociation collective, le Comité fait observer que les plaignants déclarent avoir demandé à être reconnus en tant que négociateurs pour les travailleurs des services de la santé publique de Kingstown et de la clinique psychiatrique. Malgré les démarches effectuées auprès des diverses autorités, notamment le ministre des Services sociaux, qui est l'employeur direct dans le cas présent, l'administrateur représentant de la Couronne, le premier ministre et le ministre du Travail, cette qualité n'a pas été reconnue. Le ministre du Travail ainsi que le commissaire du Travail ont indiqué qu'ils ne pouvaient intervenir que sur une demande émanant des deux parties (employeur et travailleurs). D'autre part, le premier ministre est en même temps président d'un syndicat (F.I.A.W.U.) et il aurait participé, en cette double qualité, à un accord conclu entre les autorités et ladite organisation en vue de la reconnaissance de cette organisation comme négociateur au nom des travailleurs des hôpitaux. Aussi bien le premier ministre que le ministre des Services sociaux et d'autres fonctionnaires auraient fait pression sur les travailleurs, les incitant à adhérer à la F.I.A.W.U et à abandonner le syndicat plaignant. De son côté, le gouvernement soutient que cette dernière organisation a obtenu seulement l'inscription provisoire et que, après avoir été prorogée une première fois, cette inscription est finalement venue à expiration le 15 novembre 1964, le fonctionnaire chargé de l'enregistrement des syndicats ayant refusé l'immatriculation définitive car le syndicat en question n'avait pas rempli les conditions requises en cette matière par la loi. Pour ce qui est de la reconnaissance du syndicat plaignant en qualité de négociateur, le commissaire du Travail ne peut intervenir, pour effectuer une enquête afin de déterminer si le syndicat représente vraiment la majorité des travailleurs, que si les deux parties en cause en font la demande. La F.I.A.W.U, de son côté, n'a pas demandé à être reconnue comme négociateur pour représenter les travailleurs du Département de la santé publique de Kingstown et de la clinique psychiatrique et elle n'a pas été reconnue en tant que tel.
  10. 52. En ce qui concerne la reconnaissance du Syndicat des employés, techniciens et travailleurs assimilés de Saint-Vincent de la part du gouvernement en sa qualité d'employeur, aux fins de négociation collective, le Comité fait observer que depuis le mois de septembre 1963 jusqu'au mois de septembre 1964, période durant laquelle ladite organisation a demandé à diverses reprises à se faire reconnaître, celle-ci était inscrite à titre provisoire et jouissait, à ce titre, du droit de négociation collective, conformément aux dispositions de l'ordonnance no 30 de 1954. Le gouvernement indique, pour sa part, que le 14 janvier 1964 le syndicat a demandé au commissaire du Travail de vérifier « au moyen d'un vote ou de toute autre méthode respectant la liberté et l'équité » qu'il représentait la majorité des travailleurs des institutions de l'Etat dont il s'agit. Il n'a pas été donné suite à cette requête par le commissaire du Travail, car l'employeur, c'est-à-dire le gouvernement, n'avait pas lui-même présenté la même demande.
  11. 53. C'est le 15 novembre 1964 seulement que l'inscription provisoire est venue à expiration et que l'inscription définitive a été refusée, le fonctionnaire chargé de l'inscription des syndicats ayant estimé que le syndicat en question n'avait pas atteint « un degré d'efficacité et d'organisation suffisant dans la conduite de ses affaires », comme l'exige l'ordonnance no 30 de 1954. Même lorsque le gouvernement fournit une série d'informations concernant la situation dans laquelle se trouve le syndicat pour ce qui est de son inscription, soit provisoire, soit définitive, en réponse à la plainte relative à la non-reconnaissance de ce dernier aux fins de négociation collective, le Comité estime que cette question n'a aucun rapport avec le droit de négociation, droit que ce syndicat possédait en vertu de son inscription provisoire.
  12. 54. A cet égard, le Comité tient à signaler que l'article 3 de la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, dispose que toutes mesures pratiques et possibles seront prises pour assurer aux organisations syndicales représentant les travailleurs intéressés le droit de conclure des conventions collectives avec des employeurs ou avec des organisations d'employeurs. D'autre part, l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, prévoit que des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, le cas échéant, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs d'une part, et les organisations de travailleurs d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi. Le Comité a souligné dans un cas antérieur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les employeurs, y compris les autorités gouvernementales agissant en tant qu'employeur, devraient reconnaître, aux fins de négociation collective, les organisations représentatives des travailleurs.
  13. 55. Dans le présent cas, le gouvernement n'a pas nié que le Syndicat des employés de commerce, techniciens et travailleurs assimilés de Saint-Vincent représente la majorité des travailleurs du Département de la santé publique de la ville de Kingstown et de la clinique psychiatrique. D'autre part, il n'y a pas eu de concurrence entre des organisations syndicales en ce qui concerne la représentation d'une même catégorie de travailleurs aux fins de négociation collective puisque, selon le gouvernement, le Syndicat fédéré des travailleurs de l'agriculture et de l'industrie (F.I.A.W.U.) n'a pas demandé la représentation des travailleurs intéressés.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 56. Sur la base des éléments dont il dispose, le Comité estime que l'attitude adoptée dans le présent cas par le gouvernement de Saint-Vincent, en l'occurrence, le fait de n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour reconnaître le syndicat majoritaire représentant les travailleurs du Département de la santé publique et de la clinique psychiatrique, ne semble pas compatible avec les principes énoncés dans les conventions nos 84 et 98, qui préconisent le recours à la négociation collective comme moyen de fixation des conditions d'emploi.
  2. 57. Pour ce qui est de l'enregistrement du Syndicat des employés de commerce, techniciens et travailleurs assimilés de Saint-Vincent, le Comité constate que l'ordonnance no 30 de 1954, qui modifie l'ordonnance de 1950 sur les syndicats et les différends du travail, dispose que tout syndicat qui désire se faire enregistrer (condition nécessaire pour pouvoir fonctionner légalement comme organisation professionnelle) sera inscrit provisoirement pour une période que le fonctionnaire préposé à l'enregistrement des syndicats pourra prolonger à son gré et que, durant ce laps de temps, il jouira de tous les droits syndicaux, y compris le droit de négociation collective. Le fonctionnaire préposé à l'enregistrement des syndicats enregistrera définitivement le syndicat intéressé s'il estime, entre autres choses, que l'organisation et l'administration du syndicat ont atteint un niveau raisonnable d'efficacité. L'ordonnance de 1950 précise que le refus du fonctionnaire préposé à l'enregistrement d'inscrire un syndicat provisoirement ou définitivement peut faire l'objet d'un recours devant la Cour suprême.
  3. 58. Dans le présent cas, le Comité constate que l'enregistrement définitif a été refusé parce que le fonctionnaire préposé à l'enregistrement estimait que le syndicat plaignant ne remplissait pas les conditions susmentionnées. Le Comité considère que la disposition de l'ordonnance no 30 de 1954, aux termes de laquelle le fonctionnaire préposé à l'enregistrement des syndicats peut refuser l'enregistrement définitif d'un syndicat s'il estime que celui-ci n'a pas encore atteint un degré raisonnable d'efficacité et d'organisation dans ses affaires, confère un pouvoir d'appréciation excessif à ce fonctionnaire pour ce qui est de décider s'il y a lieu ou non d'accorder l'enregistrement à une organisation professionnelle. Bien que la législation prévoie la possibilité de recourir devant la Cour suprême contre la décision du fonctionnaire préposé à l'enregistrement, le Comité tient à rappeler que, dans des cas analogues, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a fait remarquer que « l'existence d'une procédure de recours judiciaire ne semble pas une garantie suffisante: en effet, cela ne modifie pas la nature des pouvoirs conférés aux autorités chargées de l'enregistrement et les juges saisis d'un tel recours n'auraient eux-mêmes... que la possibilité de s'assurer que la législation a été correctement appliquée ».
  4. 59. Dans ces conditions, le Comité estime, comme il l'a déjà fait dans un cas antérieur, qu'il convient de définir clairement dans la législation les conditions précises que les syndicats doivent remplir pour pouvoir se faire enregistrer et d'indiquer des critères légaux précis permettant de déterminer si ces conditions sont remplies ou non.
  5. 60. Le gouvernement n'a fait parvenir aucune observation en ce qui concerne les mesures de coercition qui auraient été prises contre les travailleurs et la menace dont ils ont fait l'objet à propos de leur affiliation syndicale. En conséquence, le Comité ne dispose pas d'éléments suffisants pour pouvoir se prononcer sur ces allégations, mais il tient à rappeler l'importance qu'il a toujours attachée à la norme contenue dans la convention no 98, norme selon laquelle les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination en matière d'emploi motivés par leur affiliation syndicale ou leurs activités syndicales. En vertu de cette norme, le gouvernement doit, le cas échéant, prendre des mesures pour que cette protection soit efficace, ce qui implique, bien entendu, que les autorités doivent s'abstenir de tout acte de discrimination à l'égard d'un travailleur exerçant un emploi qui soit motivé par des raisons d'ordre syndical, comme aussi de tout acte pouvant entraîner une telle discrimination.
  6. 61. En ce qui concerne les actes d'ingérence dans les organisations syndicales, le Comité constate que le premier ministre est en même temps président du Syndicat fédéré des travailleurs de l'agriculture et de l'industrie. Selon les plaignants, il aurait participé en cette double qualité à une négociation qui a abouti à la reconnaissance, par le gouvernement, du syndicat qu'il dirige, aux fins de négociation collective. Dans sa réponse, le gouvernement n'a pas nié ce fait; il s'est borné à déclarer que le ministre des Services sociaux et un autre haut fonctionnaire avaient constaté que ledit syndicat représentait la majorité des travailleurs des institutions intéressées. Il semblerait, de ce fait, que le premier ministre, qui est l'une des principales autorités de l'Etat - lequel, dans le présent cas, agit en qualité d'employeur - se trouve en même temps à la tête d'un syndicat représentant plusieurs catégories de travailleurs au service de cet employeur, d'où la possibilité d'une ingérence de ce dernier dans ladite organisation professionnelle. Une telle situation pourrait entraîner une infraction à l'article 2 de la convention no 98, qui dispose que les organisations de travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre les mesures tendant à provoquer la création de syndicats dominés par un employeur.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 62. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne la non-reconnaissance du Syndicat des employés de commerce, techniciens et travailleurs assimilés de Saint-Vincent aux fins de négociation collective:
    • i) de signaler à l'attention du gouvernement la norme qui figure à l'article 3 de la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, norme aux termes de laquelle toutes mesures pratiques et possibles seront prises pour assurer aux organisations syndicales représentant les travailleurs intéressés le droit de conclure des conventions collectives avec des employeurs ou avec des organisations d'employeurs, ainsi que la norme contenue dans l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, selon laquelle des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, le cas échéant, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs d'une part, et les organisations de travailleurs d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi;
    • ii) de souligner l'importance qu'il attache au principe selon lequel les employeurs, y compris les autorités gouvernementales agissant en tant qu'employeur, devraient reconnaître, aux fins de négociation collective, les organisations représentatives des travailleurs;
    • iii) de signaler également au gouvernement que l'attitude adoptée par les autorités dans le présent cas, en l'occurrence le fait de n'avoir pas pris des mesures pour reconnaître le syndicat majoritaire représentant les travailleurs du Département de la santé publique et de la clinique psychiatrique, ne semble pas compatible avec les principes énoncés dans les conventions nos 84 et 98, qui préconisent le recours à la négociation collective comme moyen de fixation des conditions d'emploi;
    • b) en ce qui concerne l'enregistrement définitif des syndicats:
    • i) de signaler au gouvernement qu'il convient de définir clairement dans la législation les conditions précises que les syndicats doivent remplir pour pouvoir se faire enregistrer et d'indiquer des critères légaux précis permettant de déterminer si ces conditions sont remplies ou non;
    • ii) de suggérer au gouvernement d'envisager la possibilité d'examiner minutieusement les dispositions de l'ordonnance no 30 de 1954 afin de déterminer les modifications qu'il pourrait être opportun d'y apporter à la lumière des considérations qui précèdent;
    • c) en ce qui concerne les actes d'ingérence, de signaler au gouvernement que le fait que l'un des membres du gouvernement est à la fois dirigeant d'un syndicat représentant plusieurs catégories de travailleurs au service de l'Etat rend possible des actes d'ingérence qui sont contraires aux dispositions de l'article 2 de la convention no 98, aux termes duquel les organisations de travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre les mesures tendant à provoquer la création de syndicats dominés par un employeur;
    • d) pour ce qui est des mesures de coercition qui auraient été prises contre les travailleurs en raison de leur affiliation syndicale, de demander au gouvernement de bien vouloir lui faire parvenir ses observations sur cet aspect du cas;
    • e) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité soumettra un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les informations demandées au gouvernement.
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