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Interim Report - REPORT_NO80, 1965

CASE_NUMBER 413 (Greece) - COMPLAINT_DATE: 04-SEP-64 - Closed

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  1. 4. Le Comité a été saisi du cas à sa 38ème session, tenue en novembre 1964, et il a présenté à son endroit certaines observations préliminaires, contenues aux paragraphes 331 à 333 de son soixante-dix-huitième rapport, lequel a été approuvé par le Conseil d'administration lors de sa 160ème session (novembre 1964). Ces paragraphes sont ainsi conçus:
  2. 331. La plainte originale de la Confédération générale du travail de Grèce est contenue dans un télégramme en date du 4 septembre 1964 adressé directement à l'O.I.T. Elle a été complétée par une communication en date du 15 septembre 1964. Le texte de ces deux communications a été transmis au gouvernement pour observations par deux lettres datées respectivement des 9 et 30 septembre 1964. Par une communication en date du 23 septembre 1964, le gouvernement a présenté certaines observations préliminaires au sujet de la plainte de la C.G.T.G et a annoncé l'envoi ultérieur d'observations complètes. Par une communication en date du 30 octobre 1964, les plaignants ont présenté une nouvelle série d'informations complémentaires à l'appui de leur plainte, informations qui ont été transmises au gouvernement pour observations. Par une communication en date du 6 novembre 1964, le gouvernement a présenté les observations annoncées dans sa lettre du 23 septembre 1964.
  3. 332. Cette communication - qui constitue la réponse du gouvernement aux allégations formulées par la Confédération générale du travail de Grèce au sujet de la nouvelle législation syndicale hellénique - est parvenue au Bureau le jour même de la réunion du Comité. Celui-ci n'a donc pas eu la possibilité d'en faire une étude approfondie. Etant donné l'importance de la question, le Comité se propose d'entreprendre, à sa prochaine session, un examen urgent des nouvelles dispositions législatives et des allégations relatives au financement des organisations syndicales qui ont été formulées à la lumière des principes figurant dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Grèce et, en particulier, des principes de l'article 3 de cet instrument, selon lesquels, d'une part, les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent avoir le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action, d'autre part, les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.
    • En attendant, le Comité veut croire que, dans la mise en oeuvre du nouveau système, le gouvernement veillera à ce qu'il ne soit pas porté atteinte aux principes de la convention rappelée plus haut.
  4. 333. Le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note des observations préliminaires formulées au paragraphe précédent.
  5. 5. La Grèce a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 6. Les plaignants allèguent que le gouvernement hellénique, issu des élections du 16 février 1964, aurait, par une série de mesures dont le point culminant aurait été l'entrée en vigueur, le 2 septembre 1964, du décret-loi no 4361, sur lequel porte l'essentiel des griefs de la Confédération générale du travail de Grèce (C.G.T.G.), tenté de subordonner le mouvement syndical au contrôle des pouvoirs publics et, à cette fin, serait intervenu autoritairement dans les affaires syndicales, au mépris des obligations découlant pour lui de la ratification par la Grèce de la convention internationale du travail no 87.
  2. 7. Les dispositions du texte législatif incriminé - le décret-loi no 4361 - sont passées en revue tour à tour par le plaignant et par le gouvernement: le premier, pour les critiquer, le second, pour les justifier. Au préalable, cependant, l'un et l'autre présentent un certain nombre d'observations préliminaires de caractère général dont il convient tout d'abord de faire l'analyse.
  3. 8. Aux dires des plaignants, à l'époque où l'actuel Premier ministre n'était encore que le chef de l'opposition parlementaire, celui-ci aurait à maintes reprises incité le secrétaire général de la C.G.T.G à faire avec lui cause commune en luttant contre le gouvernement au pouvoir. Ces avances - poursuivent les plaignants - ont été rejetées par la C.G.T.G comme étant contraires « à sa ligne de conduite d'indépendance politique ». Devant ce refus, l'ancien chef de l'opposition aurait suscité la création de l'« Association syndicaliste indépendante de l'Union du centre », tentant ainsi de faire éclater le mouvement syndical grec. Lorsque, ayant triomphé aux élections générales de février 1964, le parti de l'opposition, l'Union du centre, eut accédé au pouvoir, les attaques contre la C.G.T.G se firent plus précises.
  4. 9. En premier lieu, sur ordre du gouvernement, la C.G.T.G s'est vu retirer toutes les ressources financières qui lui étaient jusqu'alors accordées par la loi. De leur côté, les organisations syndicales restées fidèles à la C.G.T.G subissaient des sanctions financières alors que, parallèlement, les prestations économiques octroyées par le gouvernement à celles des organisations acceptant de suivre la ligne politique du nouveau régime allaient en se multipliant. Le plaignant fournit à l'appui de sa thèse des indications précises sur les montants ainsi alloués.
  5. 10. Ensuite, par le truchement du décret-loi no 4361, le gouvernement a entendu interdire la réunion du 15ème Congrès national de la C.G.T.G dans le but d'empêcher la présentation du rapport des activités de l'administration sortante devant le Congrès ainsi que l'élection libre d'une nouvelle administration.
  6. 11. Enfin, toujours grâce au jeu des dispositions du décret-loi no 4361, le gouvernement a entendu destituer de ses fonctions l'administration en place de la C.G.T.G et procéder à la nomination d'une nouvelle administration composée de personnes favorables au parti au pouvoir.
  7. 12. Toutes ces mesures - concluent les plaignants - visent à «l'établissement d'un régime de syndicalisme gouvernemental dans le but de soumettre les associations syndicales à la volonté gouvernementale et au service des projets du parti ».
  8. 13. Dans les remarques préliminaires qu'il présente en guise d'introduction à sa réponse, le gouvernement donne tout d'abord un bref aperçu historique des conditions dans lesquelles le mouvement syndical hellénique s'est développé. Il explique l'état insatisfaisant de la situation syndicale actuelle par les à-coups de la vie politique nationale des quelque trente dernières années : régime de dictature de 1936 à 1941, occupation étrangère de 1941 à 1944, guerre civile de 1945 à 1950, situation anormale à laquelle cette dernière a donné naissance et dont les séquelles subsistent encore aujourd'hui.
  9. 14. Le gouvernement s'attache ensuite à démontrer le manque d'authenticité et de représentativité des dirigeants de la C.G.T.G. Aux dires du gouvernement, les personnes composant l'équipe dirigeante de cette organisation avaient, en échange d'un fanatisme anticommuniste artificiel, obtenu l'appui financier et politique des gouvernements précédents, appui qui assurait la stabilité de leur situation dominante au sein du mouvement syndical.
  10. 15. La direction de la C.G.T.G, déclare le gouvernement, « a été installée et maintenue non pas suivant des méthodes démocratiques, mais grâce à la violence psychologique sur les délégués et aussi parce qu'elle a été favorisée par un statut illégal et discriminatoire pour les organisations ayant des effectifs importants d'affiliés. Ces mêmes dispositions du statut confédéral favorisaient scandaleusement la représentation aux congrès des organisations faibles parce que celles-ci ont été facilement dominées par les dirigeants de la C.G.T.G. Cet état de choses a permis à ces dirigeants d'être toujours confortablement réélus, malgré les protestations multiples de la part des syndicats importants lésés et de la part de l'opinion publique ».
  11. 16. Contrairement à ce qui se passe dans les pays démocratiques, le fonctionnement de la C.G.T.G a donc été caractérisé, aux yeux du gouvernement, par l'arbitraire de son administration, par l'obtention de privilèges irréguliers, par l'absence de toute action indépendante et authentiquement syndicale, par une indifférence marquée, enfin, devant les problèmes véritables confrontant la classe laborieuse. Une telle situation ne devait pas manquer de provoquer des conflits aigus au sein même de la C.G.T.G. Ainsi, une opposition a été créée sous le nom de « Mouvement pour le rétablissement du fonctionnement démocratique dans la C.G.T.G. », création à la suite de laquelle de nombreuses scissions ont eu lieu. Cette situation chaotique, ajoute le gouvernement, a eu pour conséquence une désaffection des salariés pour le syndicalisme qui s'est manifestée notamment par la diminution considérable du nombre des affiliés et, parmi ceux-ci, par un refus quasi total de verser leurs cotisations.
  12. 17. Porté au pouvoir par une importante majorité après deux ans de lutte en vue du rétablissement des libertés politiques et syndicales, le gouvernement actuel déclare qu'il ne saurait se dérober devant ce qu'il considère comme son devoir. Conscient du rôle que peut jouer un syndicalisme authentique dans le développement démocratique, économique et social du pays, conscient aussi de la nécessité de ne pas décevoir ceux qui l'ont placé à la tête du pays en faisant disparaître des injustices qui n'ont que trop duré, le gouvernement affirme être déterminé à aider les travailleurs à jeter les bases d'un syndicalisme sain.
  13. 18. A cette fin - et c'est l'objet du décret-loi no 4361 - il a institué certaines normes juridiques qui visent, d'une part, à éliminer de la législation nationale toutes les dispositions contraires à la notion d'un syndicalisme libre, d'autre part, à créer les conditions nécessaires pour que les travailleurs puissent élire sans aucune entrave et en toute indépendance les conseils d'administration de leurs syndicats.
  14. 19. Ayant fait l'analyse des remarques préliminaires dont tant les plaignants que le gouvernement ont jugé bon de faire précéder l'exposé de leur argumentation au sujet des dispositions du texte incriminé, on procédera maintenant à l'examen dudit texte, à la lumière des points de vue présentés sur lui par les parties en présence.
    • Examen des dispositions du décret-loi no 4361, du 2 septembre 1964
  15. 20. Le décret-loi no 4361 du 2 septembre 1964, qui tend à compléter et à modifier certaines dispositions de la législation relative aux associations professionnelles, comporte douze articles contenant des dispositions de fond. Sur ces douze articles, cinq seulement ont fait l'objet de critiques de la part des plaignants. Toutefois, afin d'avoir une vue d'ensemble de ce texte, il convient de l'examiner dans son intégralité. Cet examen portera en premier lieu sur ceux des articles du décret qui ne sont pas mis en cause par les plaignants. Il s'agit des articles 1, 2, 3, 4, 7, 9 et 12, que l'on passera ci-dessous brièvement en revue.
  16. 21. En vertu de l'article premier, les préfets ne peuvent plus, désormais, intervenir dans la structure des syndicats ni décider de la destitution des membres de l'administration d'un syndicat.
  17. 22. L'article 2 remet en vigueur l'article 21 du D.R du 15-20 mai 1920 selon lequel le statut de tout syndicat peut définir le quorum de son assemblée générale à un taux plus élevé que celui qui était requis jusqu'ici en vertu de la loi no 281.
  18. 23. L'article 3 prévoit que l'abrogation des décisions émises par les assemblées générales se fera, dorénavant, par le juge de paix, afin de raccourcir les délais de liquidation des différends syndicaux.
  19. 24. L'article 4 abolit l'interdiction précédemment faite aux syndicats d'acquérir des biens immobiliers.
  20. 25. L'article 7 abolit le contrôle financier des syndicats par les pouvoirs publics et assure la libre gestion des fonds syndicaux conformément aux dispositions des statuts et par les organes propres des syndicats. Il autorise également l'indemnisation des adhérents ou des dirigeants qui sont chargés de s'occuper de l'administration syndicale.
  21. 26. L'article 9 supprime l'obligation qui existait auparavant pour les syndicats de présenter par écrit aux préfets une multitude de renseignements concernant leurs membres, leur administration, etc., les renseignements demandés ne constituant plus maintenant qu'une formalité.
  22. 27. En vertu de l'article 12, enfin, la protection contre le licenciement accordée par la loi no 1803 de 1951 aux présidents et aux secrétaires des syndicats est étendue aux deux vice-présidents et aux trésoriers.
  23. 28. On examinera maintenant les articles restants, qui sont expressément visés par les plaignants. Il s'agit des articles 5, 6, 8, 10 et 11.
  24. 29. Selon l'article 5, chaque syndicat ou union de syndicats doit être, en vertu de ses statuts qui devront être modifiés dans ce sens, représenté aux assemblées générales des unions de tous degrés (fédérations, confédérations) et y disposer d'un nombre de voix proportionnel au nombre de ses membres votants et s'étant acquittés de leurs obligations. La proportion du nombre de voix fixée par le statut de chacune de ces unions doit être la même pour tous les syndicats faisant partie de la même union et applicable à l'ensemble des membres votants. En tout état de cause, l'ensemble des voix de chaque syndicat ou de chaque union de syndicats ne peut être supérieur au dixième du nombre total des voix.
  25. 30. Aux yeux des plaignants, cette disposition, qui impose, par voie législative, des modifications aux statuts des syndicats, s'inscrit en violation du principe de l'article 3 de la convention no 87 qui veut que les organisations de travailleurs aient le droit d'élaborer librement leurs statuts et règlements administratifs.
  26. 31. De son côté, le gouvernement se déclare convaincu que les dispositions de cet article, loin de porter atteinte à la liberté syndicale, créent les conditions nécessaires au développement d'un syndicalisme libre et démocratique.
  27. 32. Jusqu'à présent, affirme le gouvernement, les administrations des organisations syndicales, soucieuses de se maintenir en place, procédaient à des amendements de leurs statuts suivant les circonstances et falsifiaient la représentativité soit en l'augmentant quand il s'agissait de petites associations, soit en la limitant lorsqu'elles avaient affaire à de grandes associations.
  28. 33. Les nouvelles dispositions contenues à l'article 5 du décret-loi visent uniquement, d'après le gouvernement, à introduire des critères de représentativité qui soient justes et objectifs. « Par l'adoption d'une mesure de représentativité unitaire en fonction de la limitation de un dixième, la demande des travailleurs est satisfaite à l'égard d'une non-falsification des vues de la majorité ainsi que d'une non-méconnaissance des organisations de moindre importance. »
  29. 34. L'article 6 du décret-loi dispose que les élections syndicales se dérouleront sous la direction des comités de scrutateurs prévus par les statuts. Il stipule en outre qu'un représentant judiciaire assistera aux élections et veillera au respect des dispositions des statuts et de la loi. En ce qui concerne plus précisément le rôle du représentant judiciaire, l'article 6 indique que celui-ci, avant le scrutin, doit, de concert avec l'administration du syndicat, vérifier notamment que les personnes entendant voter ont payé leurs cotisations. C'est à lui qu'il appartient, après le scrutin, d'en consigner les résultats dans le registre du syndicat.
  30. 35. Aux yeux des plaignants, cet article confie au représentant judiciaire des pouvoirs dont l'étendue empêche le déroulement normal des travaux des assemblées des syndicats et « prive les représentants des travailleurs de leurs droits souverains découlant des statuts et de leur qualité de délégués ».
  31. 36. Dans ses observations, le gouvernement déclare que l'article 6, en chargeant le représentant judiciaire de vérifier un certain nombre de données dûment définies dans le texte de la loi, vise à éviter que, comme par le passé, ne se déroulent des élections sur la base de données falsifiées quant au nombre légal des représentants ou quant à l'effectif des organisations. Le gouvernement fait observer que, bien avant la promulgation du nouveau décret, un représentant judiciaire assistait au déroulement des élections syndicales et que jamais, alors, la C.G.T.G n'avait protesté contre cette pratique.
  32. 37. L'article 8 du décret-loi prévoit que la durée du mandat des conseils d'administration des syndicats sera fixée par les statuts des syndicats; il stipule toutefois qu'une fois arrivé à expiration, ce mandat ne pourra être prolongé que pour une durée n'excédant pas un mois.
  33. 38. Les plaignants mentionnent l'article 8 parmi ceux qui leur paraissent être critiquables mais ils s'abstiennent de préciser en quoi, à leurs yeux, les dispositions de cet article seraient en contradiction avec le libre exercice des droits syndicaux.
  34. 39. De son côté, dans ses observations, le gouvernement indique que la réserve contenue dans l'article 8 a été jugée nécessaire « car les statuts prévoyaient une autre prolongation du mandat: trois mois ou une durée plus courte et parfois même aucune prolongation; l'administration de l'association à la fin du mandat n'était même pas prévue par une disposition positive ».
  35. 40. L'article 10 frappe de nullité toute élection syndicale qui se serait déroulée en vertu de dispositions statutaires contraires aux dispositions de la nouvelle législation et prévoit des sanctions pénales pour toute personne ayant organisé de telles élections ou s'y étant portée candidate. Dans ses observations, le gouvernement déclare que les dispositions de l'article 10 étaient nécessaires pour que puissent être appliquées celles de l'article 5 ainsi que les garanties de l'article 6.
  36. 41. De leur côté, les plaignants déclarent que les dispositions de l'article 10 jointes à l'interdiction qui est faite par l'article 8 de prolonger au-delà d'un mois les mandats des comités directeurs des syndicats ont eu pour résultat d'empêcher la réunion du Congrès national de la C.G.T.G qui était prévue pour le mois de septembre 1964. En effet, la C.G.T.G, n'ayant pas eu la possibilité matérielle de modifier ses statuts de manière à les mettre en harmonie avec la nouvelle législation, un congrès tenu par elle n'aurait pas pu l'être conformément aux dispositions de l'article 5 du décret-loi no 4361 et, par suite, en vertu des dispositions de l'article 10, aurait été frappé de nullité.
  37. 42. En outre, l'entrée en vigueur du décret-loi no 4361 comporte pour la C.G.T.G les conséquences suivantes. Mise dans l'impossibilité par l'article 10 de réunir son congrès et le mandat de son administration actuelle ne pouvant être prolongé de plus d'un mois, en vertu de l'article 8, la C.G.T.G ne peut que se trouver, à la fin du mandat de son administration en novembre 1964, dans la situation prévue par l'article 69 du Code civil en vertu duquel, à l'expiration du mandat d'une administration syndicale, tout syndicat peut demander au tribunal de constater l'expiration dudit mandat et de désigner un nouveau comité directeur.
  38. 43. Cette interprétation n'est pas contestée par le gouvernement qui déclare, en effet, que, selon l'article 69 du Code civil, dans le cas où les membres du conseil d'administration d'une personne morale ne sont pas désignés par l'assemblée, le président du tribunal de première instance procède à la nomination d'une administration provisoire.
  39. 44. Le gouvernement précise toutefois que, le président du tribunal de première instance appartenant au corps judiciaire, il est, en vertu de la Constitution, indépendant de toute influence du pouvoir exécutif. « Par conséquent - poursuit-il -, le gouvernement ne peut exercer aucune pression sur ledit président lors de la nomination. »
  40. 45. Le dernier article du décret-loi no 4361 qui soit mis en cause par les plaignants est l'article 11 qui prévoit essentiellement que la participation aux assemblées générales des syndicats ou des unions de syndicats est subordonnée à l'acquittement préalable de toute obligation financière prévue par les statuts.
  41. 46. Les plaignants ne précisent pas en quoi ils considèrent cet article comme répréhensible. Pour sa part, le gouvernement présente à son sujet les observations ci-après.
  42. 47. Au cours des quelque quinze années pendant lesquelles les dirigeants de la C.G.T.G ont été en fonctions, ils ne sont pas parvenus à obtenir l'élimination d'un système de financement des syndicats pourtant dénoncé de longue date tant par les organisations professionnelles nationales que par le mouvement syndical international et les instances internationales. A dire vrai, affirme le gouvernement, ces dirigeants n'ont pas essayé de faire réformer un système qui, grâce à l'influence de la C.G.T.G sur les gouvernements précédents, assurait à cette organisation des avantages matériels considérables.
  43. 48. L'actuel gouvernement est conscient des défauts du système de financement hérité du régime antérieur. Aussi envisage-t-il son abolition. L'article 11 du décret-loi no 4361 doit être considéré comme une première étape vers un système de financement indépendant et libre des organisations par leurs propres membres en ce qu'il pose le principe selon lequel aucun membre ne pourra participer légalement aux assemblées générales d'une association s'il ne s'est auparavant acquitté envers elle de ses obligations financières.
  44. 49. Dans ses observations, cependant, le gouvernement fait valoir qu'il n'a été jugé ni possible ni opportun de supprimer, dès à présent, d'une manière absolue le système de financement des organisations syndicales par le truchement du Foyer ouvrier. En effet, s'il était procédé à l'abolition de ce système avant que les organisations syndicales soient arrivées à un autofinancement basé sur les cotisations de leurs membres, elles se trouveraient privées de leurs ressources, privation d'autant plus lourde de conséquences que celles-ci se feraient sentir à un moment où les syndicats vont devoir convoquer leurs assemblées générales afin de modifier leurs statuts ou d'élire leurs administrations selon la loi.
  45. 50. Le gouvernement conclut ses remarques sur ce point en indiquant qu'il n'est nullement dans ses intentions de maintenir le système actuel de financement des organisations professionnelles, qu'il considère comme « destructif pour la liberté syndicale ». Il affirme que « très prochainement, conjointement aux autres mesures qui seront prises en faveur des travailleurs, se posera également la question du financement des organisations professionnelles sur une nouvelle base plus saine ».
  46. 51. Par une communication en date du 28 janvier 1965, le gouvernement hellénique apporte certaines précisions sur le déroulement des événements depuis ses observations du 6 novembre 1964.
  47. 52. En premier lieu, il déclare que, tenant compte du voeu exprimé par le Comité de la liberté syndicale au paragraphe 332 de son soixante-dix-huitième rapport (voir paragr. 4 ci-dessus), voeu qui a été repris à son compte par le Conseil d'administration lorsqu'il a adopté ce rapport, le gouvernement n'a toléré, depuis cette adoption, aucune action susceptible de constituer une atteinte à la liberté syndicale.
  48. 53. Le gouvernement indique ensuite que le comité directeur de la C.G.T.G a été mis en place depuis l'envoi de ses observations du 6 novembre 1964. Toutefois - ajoute-t-il -, de nombreux recours ayant été formés devant les tribunaux par les représentants des diverses tendances syndicales au sujet de la composition de ce comité directeur, la désignation de celui-ci n'est pas encore définitive.
  49. 54. Le gouvernement rappelle enfin que, dans ses communications antérieures, il avait indiqué qu'il accepterait avec reconnaissance toute assistance de l'O.I.T en vue de faire face au problème de la réorganisation du mouvement syndical grec. A cet égard, le gouvernement s'exprime en ces termes: « ... la meilleure procédure permettant un examen plus systématique des aspects compliqués que suscite la plainte contre le gouvernement hellénique serait de renvoyer le cas de la plainte de la C.G.T.G à la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale, laquelle a été constituée en 1950 par le Conseil d'administration du B.I.T pour effectuer des enquêtes sur les plaintes adressées au B.I.T. Le gouvernement, très soucieux d'un examen complet et objectif de la situation syndicale et désirant en même temps créer les conditions requises pour réorganiser le mouvement syndical par les travailleurs eux-mêmes, accepterait avec plaisir que ladite Commission visite la Grèce en vue de procéder à un examen de la question. »

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 55. Dans ces conditions, étant donné, d'une part, l'importance des questions soulevées dans la présente affaire, étant donné, d'autre part, que le gouvernement hellénique a spontanément exprimé son consentement à ce que le cas soit porté devant la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider le renvoi de l'affaire à ladite commission.
  2. 56. Au cas où le Conseil d'administration approuverait cette recommandation, il appartiendrait au Directeur général de présenter au Conseil d'administration, à sa prochaine session, des propositions sur la composition du groupe de la Commission qui serait appelé à examiner l'affaire.
    • Genève, 23 février 1965. (Signé) Roberto AGO, Président.
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