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Definitive Report - REPORT_NO85, 1966

CASE_NUMBER 411 (Dominican Republic) - COMPLAINT_DATE: 19-AUG-64 - Closed

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  1. 214. La plainte de la Confédération latino-américaine des syndicalistes chrétiens est contenue dans une communication datée du 19 août 1964 et celle de la Confédération internationale des syndicats chrétiens dans une autre communication en date du 20 août de la même année. Dans une nouvelle communication, datée du 25 août 1964, la C.I.S.C a fourni des renseignements complémentaires. Ceux-ci ont été transmis au gouvernement, qui a fait parvenir ses observations les 16 novembre 1964 et 11 mars 1965. Les allégations dont est saisi le Comité visent en particulier les dispositions de la législation en vigueur et leur application dans la pratique.
  2. 215. La République dominicaine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

216. Dans sa communication du 19 août 1964, la C.L.A.S.C dénonçait l'incarcération des dirigeants syndicaux chrétiens Jesús Caminero, Henry Molina, Porfirio Zarzuela, Rosendo López et d'autres, à la suite du déclenchement d'une grève générale. La communication du 20 août 1964 de la C.I.S.C reprenait cette information, indiquant que les principaux dirigeants de la Confédération autonome des syndicats chrétiens (C.A.S.C.) avaient été emprisonnés. Dans une communication supplémentaire, la C.I.S.C signalait que M. Zarzuela avait été condamné à une peine de prison, que quarante autres dirigeants avaient été arrêtés et que la police avait envahi plusieurs locaux syndicaux.

216. Dans sa communication du 19 août 1964, la C.L.A.S.C dénonçait l'incarcération des dirigeants syndicaux chrétiens Jesús Caminero, Henry Molina, Porfirio Zarzuela, Rosendo López et d'autres, à la suite du déclenchement d'une grève générale. La communication du 20 août 1964 de la C.I.S.C reprenait cette information, indiquant que les principaux dirigeants de la Confédération autonome des syndicats chrétiens (C.A.S.C.) avaient été emprisonnés. Dans une communication supplémentaire, la C.I.S.C signalait que M. Zarzuela avait été condamné à une peine de prison, que quarante autres dirigeants avaient été arrêtés et que la police avait envahi plusieurs locaux syndicaux.
  1. 217. Dans sa communication du 16 novembre 1964, le gouvernement a déclaré qu'après avoir eu communication de la dénonciation faite par ces organisations syndicales, il avait ordonné une vérification des faits ayant entraîné la détention des personnes mentionnées. Aucune sentence définitive n'avait encore été prononcée dans les procès en cours, car la dernière audience n'aurait lieu que le 28 novembre 1964; le gouvernement ferait alors parvenir le texte du jugement rendu. Par sa communication du 11 mars 1965, le gouvernement a envoyé les textes de la sentence du 25 août 1964 et de ses attendus, prononcée contre MM. Luis H. Molina Peña, José de Js. Camino, Felipe Alcántara Valdez, Juan B. Ramirez Bello et Rosendo López R, par la quatrième Chambre pénale du district national, ainsi que les textes de la sentence du 28 août 1964 et de ses attendus, prononcée par la Cour du travail, et un certificat indiquant que les personnes condamnées le 25 août 1964 avaient recouru en appel contre ladite sentence.
  2. 218. Selon ce qui ressortait de la sentence prononcée le 25 août 1964 par la Chambre pénale, on avait eu connaissance du fait que divers dirigeants syndicaux incitaient les travailleurs à la grève, et des enquêtes faites à ce sujet avaient abouti à leur accusation officielle de violation des articles 103 et 106 du Code pénal (incitation au délit), et des lois no 5915 sur la grève illégale et no 6132 sur l'expression et la propagation d'opinions. Les parties ont comparu devant le tribunal le 25 août, afin d'exposer leurs arguments. Après avoir entendu les déclarations des inculpés, le tribunal a conclu que ceux-ci avaient fomenté une grève illégale, violant ainsi les règles et dispositions légales précitées. Enfin, le dispositif du jugement a condamné les accusés à payer une amende, pour violation de la loi no 5915 sur la grève illégale, leur accordant ainsi d'amples circonstances atténuantes. La loi précitée spécifie que sont considérées illégales les grèves fondées sur des motifs politiques, celles qui sont fondées sur des motifs de pure solidarité avec d'autres travailleurs et celles qui sont déclenchées sans remplir les formalités prévues à l'article 374 du Code du travail.
  3. 219. Le jugement prononcé le 28 août 1964 par la Cour du travail confirme que la grève à laquelle participèrent les personnes mises en cause a été déclenchée sans qu'aient été remplies les conditions prévues à l'article 374 du Code du travail. Conformément à l'article 373 de ce Code, sont considérées comme illégales les grèves déclenchées en infraction de l'article 374, qui définit la procédure devant être suivie pour pouvoir déclarer la grève. Selon des renseignements fournis par le secrétaire d'Etat au Travail, aucune des formalités prescrites dans cet article n'avait été accomplie. Le 24 août 1964, les personnes inculpées ont été citées à comparaître à l'audience de qualification de la grève, mais elles ne se sont pas présentées. Par conséquent, et en raison des antécédents de fait et de droit, la grève à laquelle a participé, entre autres, la Confédération autonome des syndicats chrétiens a été déclarée illégale.
  4. 220. L'article 374 du Code du travail dispose que:
  5. Pour déclarer la grève, les travailleurs doivent justifier devant le secrétariat au Travail:
  6. 1) qu'elle a pour objet exclusif la solution d'un différend économique;
  7. 2) que la solution de ce différend économique a été recherchée sans succès par des procédures de conciliation administrative et que ni les parties ni l'une d'entre elles n'ont désigné d'arbitres ou n'ont notifié en temps utile la désignation de ces arbitres, conformément aux dispositions de l'article 636;
  8. 3) que la grève a été votée par plus de 60 pour cent des travailleurs de l'entreprise ou des entreprises intéressées;
  9. 4) que les services affectés par la grève ne sont pas de la nature de ceux qui sont indiqués à l'article 371 (services publics d'utilité permanente).
  10. La grève ne peut être déclarée moins de quinze jours après la date de notification adressée par les représentants du syndicat au secrétariat d'Etat au Travail pour fournir les justifications susvisées.
  11. ......................................................................................................................................................
  12. Dans les quarante-huit heures du dépôt de la notification, le secrétariat d'Etat au Travail avisera l'employeur en lui remettant une copie.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 221. Le Comité fait observer que l'on se trouve en face de deux aspects d'un même problème découlant au fond de la législation en vigueur en République dominicaine sur les conflits collectifs et la grève. L'un d'eux est l'aspect pénal alors que l'autre est l'aspect strictement social, cependant, tous deux sont étroitement liés.
  2. 222. En ce qui concerne l'aspect social, le Comité rappelle qu'il a déjà eu l'occasion d'examiner la législation de la République dominicaine en matière de conflits collectifs du travail et du droit de grève. Malgré certaines modifications qui y ont été apportées, le Comité fait observer que les normes applicables sont fondamentalement les mêmes. A cette occasion, le Comité avait estimé que « l'effet cumulatif des diverses dispositions applicables en la matière, notamment la disposition selon laquelle un syndicat doit, avant de déclencher une grève, justifier le caractère économique du différend devant une autorité gouvernementale, disposition qu'il pourra être difficile de distinguer en pratique d'une obligation d'obtenir une autorisation préalable du gouvernement pour déclencher une grève, revient à méconnaître le droit de grève », pour ces raisons, le Comité avait recommandé au Conseil d'administration « d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opportunité pour lui de réexaminer la question ».
  3. 223. D'autre part, et afin de préciser encore davantage ses observations sur ladite législation, le Comité doit signaler que, selon l'article 374 du Code du travail, l'une des conditions requises pour pouvoir déclarer légalement la grève est que l'une des parties en cause n'a pas désigné d'arbitres après les procédures de conciliation administratives. Dans ce cas, et conformément à l'article 636, les arbitres peuvent être désignés d'office, c'est-à-dire que dans n'importe quel cas on peut avoir recours à l'arbitrage. Cependant, d'après l'article 377, il semblerait qu'une grève déclenchée après l'ouverture de la procédure d'arbitrage serait illégale. D'autre part, aux termes de l'article 656, une fois que la sentence d'arbitrage a été prononcée, elle produit les effets d'une convention collective et son application est obligatoire. Prises dans leur ensemble, ces clauses peuvent être interprétées dans le sens d'une interdiction absolue de la grève.
  4. 224. Le Comité a toujours considéré que les allégations concernant le droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure, mais seulement dans la mesure, où elles mettent en cause la liberté syndicale a et a déclaré à diverses occasions que le droit de grève est communément reconnu aux travailleurs et à leurs organisations pour leur permettre de défendre leurs intérêts économiques. A ce propos, le Comité a rappelé l'importance qu'il attache, dans les cas où les grèves dans les services essentiels sont interdites ou sujettes à des restrictions, à ce que des garanties adéquates soient accordées pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs, ainsi privés d'un moyen essentiel de défendre leurs intérêts professionnels, il a ajouté que les restrictions devraient s'accompagner des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer et que les sentences d'arbitrage devraient avoir force obligatoire pour les deux parties. Le Comité a déclaré que ces principes visent non pas à restreindre absolument le droit de grève, mais à le limiter aux services essentiels ou à la fonction publique, auquel cas des garanties adéquates devraient être prévues pour sauvegarder les intérêts des travailleurs.
  5. 225. Le Comité relève que dans un rapport envoyé par le gouvernement de la République dominicaine sur l'application de la convention no 87, celui-ci déclare que toutes les conditions et formalités que les syndicats doivent remplir, aux termes du Code du travail, avant de déclarer une grève, n'ont qu'une valeur d'information pour le secrétariat d'Etat au Travail lui permettant d'offrir ses bons offices pour tenter de régler le différend par voie de conciliation; jamais cependant ledit secrétariat n'exige ces renseignements en vue de prendre une décision, quelle qu'elle soit, sur l'intention qu'ont les travailleurs de déclencher ou non une grève ou sur la légalité de cette grève, questions qui relèvent exclusivement de la compétence des tribunaux du travail. Le gouvernement ajoute que jamais les travailleurs n'ont été l'objet de pressions lorsqu'ils ont eu à décider, en toute liberté, s'ils voulaient déclencher une grève, alors même qu'on leur a signalé à de nombreuses reprises qu'ils étaient tenus d'observer les formalités prévues par le Code du travail pour qu'une grève puisse être déclarée légale.
  6. 226. Pour sa part, le Comité estime que les dispositions légales précitées peuvent donner lieu à une interprétation selon laquelle il est possible d'interdire le déclenchement d'une grève, dans n'importe quel cas, en la déclarant - même par voie judiciaire - illégale. D'autre part, on pourrait considérer que l'existence de dispositions apparemment contradictoires sur le droit de grève serait susceptible de créer une confusion.
  7. 227. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de signaler de nouveau au gouvernement l'opportunité pour lui de réexaminer les dispositions en vigueur en matière de grève à la lumière des considérations exposées aux paragraphes 224 et 226, dans le but d'instituer des procédures simplifiées et expéditives, avant le déclenchement de la grève, afin d'éviter que, dans la pratique, les travailleurs ne se voient privés d'un des moyens essentiels dont ils disposent pour faire aboutir leurs revendications.
  8. 228. En ce qui concerne l'aspect pénal de ce cas, le Comité relève que, conformément à la législation, le fait d'avoir fomenté une grève illégale peut valoir à ses auteurs, aux termes de la loi no 5915, une peine de prison allant de quinze jours à six mois. A ce sujet, le Comité note que, selon le rapport du gouvernement, les personnes impliquées ont été condamnées exclusivement pour avoir violé ladite loi, n'ont été frappées que d'une amende et ont bénéficié amplement des circonstances atténuantes.
  9. 229. Dans ces conditions, le Comité, tout en prenant note que les personnes inculpées n'ont pas été emprisonnées et ont seulement été frappées d'une amende, recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que la nature restrictive des dispositions en matière de grève ainsi que les résultats auxquels peut aboutir la procédure qui doit être suivie avant la déclaration de la grève semble donner la possibilité d'infliger, dans tous les cas, des sanctions pénales aux grévistes - ce qui constituerait une violation de la convention no 87 qui dit en son article 8, paragraphe 2, que « la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention », et plus particulièrement au droit des organisations de travailleurs « d'organiser leurs activités et de formuler leur programme d'action » (art. 3).

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 230. Dans ces conditions, et tout en réaffirmant le principe que les allégations concernant le droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure, mais seulement dans la mesure, où elles mettent en cause la liberté syndicale, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement sur l'opportunité pour lui de réexaminer les dispositions en vigueur en matière de grève, à la lumière des considérations exposées aux paragraphes 224 et 226, dans le but d'instituer des procédures simplifiées précédant la déclaration de grève, afin d'éviter que les travailleurs ne se voient privés d'un des moyens essentiels dont ils disposent pour faire aboutir leurs revendications.
    • b) tout en prenant note que les personnes inculpées n'ont pas été emprisonnées et ont seulement été frappées d'une amende, d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que la nature restrictive des dispositions en matière de grève et les résultats auxquels peut aboutir la procédure qui doit être suivie avant la déclaration de la grève sembleraient donner la possibilité d'infliger, dans tous les cas, des sanctions pénales aux grévistes, ce qui constituerait une violation de la convention no 87, qui dit en son article 8, paragraphe 2, que « la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention », et plus particulièrement au droit des organisations de travailleurs « d'organiser leurs activités et de formuler leur programme d'action » (art. 3).
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