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- 171. Les plaintes de la Confédération autonome des syndicats chrétiens (C.A.S.C.), de la Confédération latino-américaine des syndicalistes chrétiens (C.L.A.S.C.), de la Confédération internationale des syndicats chrétiens (C.I.S.C.) et de la Confédération internationale des syndicats chrétiens du personnel des services publics et des postes, télégraphes et téléphones figurent dans les communications adressées directement par ces organisations au B.I.T les 15, 19 (deux) et 21 novembre 1963. Deux plaintes ont été adressées par la Confédération nationale dominicaine des travailleurs FOUPSA-CESITRADO, l'une par son secrétaire général (en exil) le 20 janvier 1964, l'autre par son président le 31 mars 1964. La C.A.S.C a envoyé une nouvelle communication le 16 avril 1964. Toutes ces communications ont été transmises au gouvernement de la République dominicaine, qui a envoyé ses observations le 29 juin 1964.
- 172. La République dominicaine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations relatives à l'arrestation du dirigeant Henry Molina
A. Allégations relatives à l'arrestation du dirigeant Henry Molina
- 173. Les communications des organisations syndicales chrétiennes ci-dessus mentionnées accusent le gouvernement d'avoir fait arrêter plusieurs dirigeants syndicaux, parmi lesquels est spécialement mentionné M. Henry Molina, dont l'expulsion serait prochaine.
- 174. Ces communications ont été transmises au gouvernement le 28 novembre 1963 et il lui a été indiqué que ce cas appartenait à la catégorie de ceux que le Conseil d'administration du B.I.T considère comme urgents. Malgré le temps écoulé et en dépit de plusieurs rappels, le gouvernement n'a pas encore répondu.
- 175. Le Comité a toujours souligné l'importance qu'il attache à la garantie de la procédure légale régulière lorsque des syndicalistes sont accusés d'infractions de caractère politique ou de délits de droit commun, et il a émis l'avis que le fait de mettre un syndicaliste en liberté sous la condition qu'il quitte le pays n'est pas compatible avec le libre exercice des droits syndicaux.
- 176. N'ayant pas obtenu d'informations du gouvernement, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur le principe énoncé au paragraphe précédent et de le prier d'envoyer, dans le plus bref délai possible, ses observations sur la situation dans laquelle se trouve M. Henry Molina, en rappelant le caractère urgent de cet aspect du cas.
- Occupation et fermeture du siège de la Confédération nationale dominicaine des travailleurs FOUPSA-CESITRADO, arrestation du dirigeant Miguel Soto et exil des dirigeants M et Mme Monegro
- 177. Dans une communication adressée de l'exil, le secrétaire général de la Confédération dominicaine des travailleurs FOUPSA-CESITRADO, le 20 janvier 1964, annonce que le siège a été occupé et que divers objets appartenant à des ouvriers dominicains, avec les documents de la Confédération, ont été soustraits. Le local de la Confédération a été fermé et ses dirigeants ont été poursuivis et expulsés du pays. Selon la même communication, le président de la Confédération, M. Miguel Soto, a été mis au secret. M. Modesto Américo Negro, qui signe la communication en qualité de secrétaire général de la Confédération, a été transféré par la police, après quelques jours de détention, à l'ambassade du Mexique avec un sauf-conduit du ministère des Affaires étrangères, en qualité de réfugié, mais avec obligation de quitter le pays. Mme Marcia Adaljisa de Monegro, secrétaire ouvrière et patronale de la Confédération, a aussi été invitée à quitter le pays et figure actuellement sur une liste de personnes auxquelles le retour est interdit. Le 31 mars 1964, la Confédération a envoyé une nouvelle communication, signée cette fois à Saint-Domingue et par trois dirigeants, dont le président, M. Miguel Soto. Il y est de nouveau fait mention, entre autres faits, de la destruction du mobilier et de la fermeture du siège, de l'emprisonnement illégal du président, et il est aussi indiqué que le gouvernement viole la correspondance de la FOUPSA-CESITRADO, arrêtant les lettres et imprimés envoyés à la Confédération.
- 178. De son côté, la C.A.S.C, invitée par le secrétaire d'Etat au Travail à présenter les observations qu'elle estime nécessaires sur la communication des époux Monegro, confirme que le siège des travailleurs FOUPSA-CESITRADO a été occupé par la police nationale et qu'on ignore encore ce que sont devenus les documents et le mobilier. Dans la communication de la C.A.S.C, il est ajouté que M. Miguel Soto a été arrêté sans justification et a été remis en liberté après trois mois, aucune charge n'ayant été relevée contre lui. La C.A.S.C affirme que les époux Monegro ont demandé à l'ambassade du Mexique le droit d'asile, qui leur a été accordé.
- 179. Le gouvernement a envoyé, dans sa communication du 29 juin 1964, une série de documents d'où il résulte que M. Miguel Soto a été déféré à la justice pénale, une ordonnance de non-lieu ayant été rendue le 24 janvier 1964. Les motifs de son arrestation étaient des actes de terrorisme, l'organisation de réunions de caractère subversif et l'incitation à la rébellion et au désordre. A aucun moment, il n'a été soumis à de mauvais traitements physiques ou moraux ni n'a été mis au secret, et il se trouve actuellement en liberté.
- 180. Quant à M. Monegro, le gouvernement fait connaître qu'il a été condamné en 1951 et 1952 pour délits de droit commun. Lui-même et Mme Marcia Adaljisa de Monegro ont été plusieurs fois conduits au commissariat de police pour incitation à des grèves illégales.
- 181. Le Comité observe qu'en ce qui concerne l'occupation et la fermeture du siège de la Confédération dominicaine du travail FOUPSA-CESITRADO, la documentation qui lui est soumise ne lui permet pas de se faire une idée suffisamment claire. Les diverses plaintes concordent quant à l'occupation du siège central, la destruction du mobilier, la disparition des documents et la suppression de l'activité de l'organisation. Toutefois, le Comité observe que la Confédération a envoyé sa communication du 31 mars 1964 en indiquant sur son en-tête le domicile de l'organisation et en faisant figurer parmi les signataires plusieurs dirigeants, dont son président, M. Miguel Soto. De sorte qu'on ne voit pas clairement si le local de la Confédération a été rouvert, ni quelle est la situation de droit et de fait du siège central.
- 182. De son côté, le gouvernement n'a envoyé aucune observation sur cet aspect du cas.
- 183. Tout en reconnaissant en diverses occasions que les syndicats, comme toutes les autres associations ou personnes, ne peuvent prétendre à une immunité de perquisition dans leurs locaux, le Comité a souligné l'importance attribuée par lui au principe que de telles perquisitions n'aient lieu que si l'autorité judiciaire a délivré le mandat nécessaire, estimant probable que dans ces locaux existent les preuves nécessaires pour l'instruction du procès comme conséquence de l'infraction à la loi, et à condition que cette perquisition ait lieu dans les limites fixées par le mandat judiciaire. Le Comité observe en outre que la République dominicaine a ratifié la convention no 87, qui prévoit en particulier que les organisations d'employeurs et de travailleurs ne peuvent être dissoutes ou suspendues par la voie administrative.
- 184. Dans ces conditions, vu l'absence d'éléments suffisants, le Comité recommande au Conseil d'administration d'inviter le gouvernement, en réaffirmant les principes énoncés au paragraphe précédent, à envoyer ses observations sur les allégations relatives à l'occupation et à la fermeture du siège de la Confédération nationale dominicaine des travailleurs FOUPSA-CESITRADO, et en particulier sur la situation de droit et de fait où se trouve actuellement cette organisation.
- 185. Quant à l'arrestation de M. Miguel Soto, le Comité, dans de nombreux cas où il a été allégué que des délégués syndicaux avaient été arrêtés préventivement, a déclaré que ces mesures pourraient constituer une grave immixtion dans l'exercice des droits syndicaux et qu'il paraissait nécessaire qu'elles fussent justifiées par une situation grave, que, à moins d'être assorties des garanties judiciaires voulues, appliquées dans un délai raisonnable, elles seraient exposées à des critiques, et que la politique de tout gouvernement devrait être de veiller à la garantie des droits de l'homme, et particulièrement du droit de toute personne détenue à être jugée équitablement et le plus tôt possible. Le Comité a également fait observer que l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels finalement aucun chef d'inculpation n'est relevé pourrait entraîner des restrictions de la liberté syndicale. Dans ces mêmes cas, le Comité a recommandé au Conseil d'administration d'inviter les gouvernements à bien vouloir prendre des dispositions afin que les autorités intéressées reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent pour les activités syndicales les mesures d'arrestation .
- 186. Dans le cas présent, le Comité observe que M. Miguel Soto se trouve en liberté, étant l'un des signataires de la plainte envoyée le 31 mars 1964. Il observe également que M. Soto a recouvré la liberté après une détention de trois mois, la preuve des accusations formulées contre lui n'ayant pu être apportée.
- 187. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement, en même temps qu'il prend note du fait que M. Miguel Soto n'est plus détenu, sur le risque que peut comporter pour l'exercice des droits syndicaux la détention préventive de dirigeants contre lesquels n'a été relevé aucun chef d'inculpation, et de l'inviter à bien vouloir prendre des dispositions afin que les autorités reçoivent des instructions pour prévenir ce risque.
- 188. Quant aux époux Monegro, qui semblent avoir été obligés de quitter le pays pour conserver leur liberté, le Comité recommande au Conseil d'administration d'inviter le gouvernement, se référant au principe énoncé au paragraphe 175, à bien vouloir fournir des informations sur la situation légale dans laquelle se trouvent ces personnes et les possibilités qui leur sont offertes de retourner légalement dans leur pays.
- Allégations relatives à l'assassinat du dirigeant Benito Acevedo
- 189. Dans la plainte du 20 janvier 1964 est mentionné l'assassinat de M. Benito Acevedo, dirigeant du syndicat de la Central Romana Corporation. Cet acte, commis le 24 ou 25 décembre 1963, est également visé dans la plainte du 31 mars 1964 et dans celle du 16 avril 1964. Dans ces deux dernières, il est indiqué que les circonstances de ce décès n'ont pas encore été éclaircies, le secrétaire d'Etat à la Justice n'ayant tenu aucun compte des demandes de diverses organisations syndicales pour que le crime fût élucidé.
- 190. Dans sa réponse, le gouvernement a envoyé les interrogatoires auxquels ont été soumises diverses personnes par les autorités sur la mort de M. Benito Acevedo. Le gouvernement a indiqué aussi que le 30 décembre a été demandé l'intervention du juge d'instruction compétent pour qu'il procède à l'enquête. Le dossier est encore en instance chez le juge d'instruction.
- 191. Le Comité a toujours observé la pratique de ne pas poursuivre l'examen de questions qui sont soumises à un tribunal national, lorsque la procédure engagée peut lui fournir des éléments d'information utiles pour apprécier si le cas est fondé ou non . Le Comité a aussi fait observer à d'autres occasions que sa pratique réitérée a été de demander aux gouvernements l'envoi d'informations sur la procédure judiciaire engagée et ses résultats .
- 192. Dans ces conditions, le Comité prend note du fait que l'enquête sur les faits est en cours ainsi que la documentation envoyée et prie le gouvernement de bien vouloir le tenir au courant des résultats de la procédure en cours, sursoyant entre-temps à ses conclusions sur cet aspect du cas.
- 193. Parmi les plaintes présentées par la Confédération nationale dominicaine des travailleurs FOUPSA-CESITRADO, en date du 31 mars 1964, et par la Confédération autonome des syndicats chrétiens, en date du 16 avril 1954, il est aussi mentionné d'autres faits d'où résulterait une violation de la liberté syndicale dans la République dominicaine. La première de ces plaintes fait mention de l'assassinat des chefs syndicaux Héctor Porfirio Guezada, Julio Anibal Garcia Dickson et Alberto Laracuent dans la région de la Romana, grand centre sucrier du pays. Il est aussi indiqué dans cette communication que les programmes de l'organisation sur les questions ouvrières, diffusés par les émetteurs Radio Universal, Radio Unión, Radio Tricolor et Radio R.P.Q avaient été supprimés. Dans la deuxième, il est fait mention de l'emprisonnement du dirigeant syndical Rodolpho Sessman et de la menace d'expulsion contre lui, ainsi que de l'emprisonnement du dirigeant Luis Polibio Padilla. De même, la C.A.S.C allègue que les programmes de radiodiffusion de la Confédération ont été deux fois suspendus. Une autre plainte porte sur la création d'un syndicat jaune par la municipalité du District national. Dans la communication de la C.A.S.C comme dans celle des époux Monegro, il est indiqué que le gouvernement appuie la Confédération dominicaine CONATRAL, affiliée à l'O.R.T.I, dont les dirigeants sont les seuls à jouir de garanties, et que tout dirigeant qui s'oppose à cette centrale est accusé d'être communiste.
- 194. Le gouvernement n'a présenté aucune observation au sujet de toutes ces allégations, se contentant de joindre aux documents envoyés le 29 juin 1964 une lettre adressée par la CONATRAL au secrétaire d'Etat au Travail. Il est dit, dans cette lettre, qu'à aucun moment le gouvernement n'a exercé une pression sur les dirigeants de cette organisation centrale qui est apolitique, étrangère à tout parti et anticommuniste, se consacrant exclusivement à des tâches syndicales. Par contre, les dirigeants syndicaux Monegro se sont consacrés à des tâches étrangères au mouvement ouvrier et c'est pour cette raison qu'ils ont dû partir en exil.
- 195. Dans ces conditions, et vu le défaut d'informations directes de la part du gouvernement quant aux allégations énumérées au paragraphe 193 sur les questions entrant dans la catégorie des questions urgentes selon la procédure en vigueur, le Comité recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement ses observations à ce sujet dans le plus bref délai, notamment en ce qui concerne l'assassinat et l'arrestation des dirigeants syndicaux mentionnés.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 196. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'appeler l'attention du gouvernement, en même temps qu'il prend note du fait que M. Miguel Soto n'est plus détenu, sur le risque que peut comporter pour l'exercice des droits syndicaux l'arrestation préventive de dirigeants contre lesquels n'a été relevé plus tard aucun chef d'accusation, et de le prier de bien vouloir prendre des dispositions afin que les autorités reçoivent des instructions en vue de prévenir ce risque;
- b) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache à la garantie d'une procédure judiciaire régulière lorsqu'un syndicaliste est accusé d'infractions de caractère politique ou de délits de droits commun et sur le fait qu'accorder à un syndicaliste sa liberté sous la condition qu'il quitte le pays n'est pas compatible avec le libre exercice des droits syndicaux, et de prier le gouvernement d'envoyer dans le plus bref délai possible ses observations sur la situation dans laquelle se trouve M. Henry Molina, en réaffirmant le caractère urgent de cet aspect du cas, ainsi que sur la situation légale où se trouvent les époux Monegro et sur les possibilités qui leur sont offertes de retourner légalement dans leur pays;
- c) de réaffirmer les principes énoncés plus haut au paragraphe 183 et d'inviter le gouvernement à envoyer ses observations sur les allégations relatives à l'occupation et à la fermeture du siège de la Confédération nationale dominicaine de travailleurs FOUPSA-CESITRADO, et notamment sur la situation de droit et de fait où se trouve actuellement cette organisation;
- d) vu le défaut d'informations directes de la part du gouvernement sur les autres allégations énumérées au paragraphe 193, y compris les questions qui figurent dans la catégorie des questions urgentes, selon la procédure en vigueur, d'inviter le gouvernement à envoyer ses observations à ce sujet dans le plus bref délai possible, notamment en ce qui concerne l'assassinat et l'arrestation des dirigeants syndicaux mentionnés;
- e) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité fera à nouveau rapport au Conseil d'administration lorsqu'il aura reçu les informations complémentaires demandées.