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- 417. Le Comité a déjà examiné ce cas lors de sa 39ème session (février 1965), à l'occasion de laquelle il a présenté un rapport intérimaire contenu aux paragraphes 57 à 64 de son quatre-vingt-deuxième rapport, que le Conseil d'administration a approuvé lors de sa 161ème session (mars 1965).
- 418. Les plaintes de la Confédération des travailleurs du Pérou (C.T.P.) sont contenues dans une communication du 10 mai 1963, et dans une autre du 21 mai 1963, transmise par le Secrétaire général des Nations Unies, ainsi que dans une troisième, du 3 juin 1963. Lors de ses sessions de novembre 1963, février 1964, juin 1964 et novembre 1964, le Comité a décidé chaque fois de renvoyer l'examen de ce cas, dans l'attente des observations du gouvernement, qui sont parvenues dans une communication du 5 janvier 1965. En examinant ce cas, lors de sa session de février 1965, le Comité a constaté que, dans sa réponse, le gouvernement ne traitait pas des points précis des plaintes présentées par la C.T.P, et que ses observations concernaient un cas antérieur, qui avait trait à des faits distincts. Par conséquent, le Comité, au paragraphe 64 de son quatre-vingt-deuxième rapport, a recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de faire connaître ses observations au sujet desdites plaintes précises.
- 419. Le gouvernement a envoyé les observations demandées dans une communication du 10 septembre 1965.
- 420. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations relatives à un projet de modification du Code pénal
A. Allégations relatives à un projet de modification du Code pénal
- 421. Dans leurs communications des 10 et 21 mai 1963, les plaignants déclarent protester contre un projet de loi qui porterait atteinte à la liberté syndicale. Selon le texte du projet, tel qu'il a été publié dans la presse et dont un exemplaire était joint à la plainte, ce texte avait pour objet d'apporter certaines adjonctions au Code pénal. Ce projet vise, à l'un de ses articles, ce qu'il désigne du nom de délit contre la liberté du travail, prévoyant des peines de prison contre ceux qui recourent à la violence afin de contraindre une personne à participer à une grève ou de lui interdire l'accès de son lieu de travail; la même peine est prévue contre l'employeur ou l'employé qui recourt à la force pour obliger autrui à prendre part à un lock-out, à s'affilier à une organisation de travailleurs ou d'employeurs ou à cesser d'en faire partie. Un autre article de ce projet prévoit également des peines de prison pour les travailleurs et les fonctionnaires au service de l'Etat ou d'organismes publics qui se concerteraient pour suspendre collectivement leur travail.
- 422. Dans sa communication du 10 septembre 1965, le gouvernement déclare que cette plainte n'a plus d'objet, le projet en question étant resté à l'état de simple projet. En réalité, il s'agissait d'un projet de décret-loi qui avait été envisagé pendant le régime antérieur, alors que le pouvoir exécutif était investi d'attributions législatives. Le gouvernement actuel a promulgué la loi no 15060, du 19 juin 1964, portant création de la Commission chargée de rédiger le Code du travail. Le gouvernement ajoute que cette commission fonctionne et que ses travaux devront porter sur les questions en rapport avec la liberté syndicale.
- 423. Compte tenu de ces circonstances, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note des déclarations du gouvernement et de décider qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
- Allégations relatives au décret présidentiel no 009, qui réglemente la constitution des organisations syndicales
- 424. Dans sa communication du 3 juin 1963, la C.T.P déclare que de nombreuses dispositions du décret présidentiel no 009, du 3 mai 1961, qui fixe les normes régissant la constitution des organisations syndicales, porte atteinte aux principes énoncés dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. L'organisation plaignante joignait à sa lettre le texte du décret et formulait des observations détaillées sur les articles de ce dernier dont elle estimait qu'il portait atteinte à la liberté syndicale. Dans les paragraphes qui suivent, le Comité analyse cette série d'allégations ainsi que les observations que le gouvernement a formulées à ce sujet dans sa communication du 10 septembre 1965.
- a) Allégation relative au droit de ne pas s'affilier à un syndicat
- 425. La C.T.P déclare que l'article 4 du décret présidentiel no 009 - aux termes duquel nul ne peut être contraint de s'affilier à un syndicat ou d'en rester membre - introduit dans la législation péruvienne un principe que, selon les plaignants, l'O.I.T a rejeté lorsqu'elle a mis au point le texte de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. La C.T.P ajoute que, lors des deux sessions où elle a examiné cette question, la Conférence internationale du Travail a rejeté trois amendements présentés par les membres employeurs et tendant à inscrire à l'article I de la convention no 98 le principe du droit de ne pas se syndiquer. Cette raison et le fait que le principe en question ne fait pas partie de la convention no 87 amènent la C.T.P à conclure qu'il ne convient pas non plus de l'inclure dans le décret réglementant les dispositions de cette dernière convention, qui a été ratifiée par le Pérou.
- 426. Le gouvernement affirme que cette objection n'est pas pertinente car l'article 4 du décret est parfaitement conforme à l'article 27 de la Constitution nationale, qui reconnaît le droit de libre association. Le gouvernement estime en outre qu'aucun article de la convention no 87 n'autorise ni ne peut autoriser quiconque à obliger les travailleurs à appartenir à un syndicat ou à s'en abstenir.
- 427. Par le passé, le Comité a dû examiner un certain nombre de cas où la législation autorisait ou interdisait la mise en pratique, au moyen de conventions collectives ou par d'autres moyens volontaires, de clauses de sécurité syndicale. Dans les cas de ce genre, le Comité a rejeté les allégations qui avaient été faites, en fondant son raisonnement sur les déclarations contenues dans le rapport de la Commission des relations professionnelles créée par la Conférence internationale du Travail en 1949, déclarations selon lesquelles la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ne devrait d'aucune façon être interprétée comme autorisant ou interdisant les clauses de sécurité syndicale et selon lesquelles de telles questions relèvent de la réglementation et de la pratique nationales. Etant donné que la Conférence a fait sienne cette opinion en adoptant le rapport de la Commission, le Comité estime que la disposition de l'article 4 du décret présidentiel no 009, citée par les plaignants, ne constitue pas, en tant que telle, une violation de la convention no 98, ratifiée par le Pérou, ni de la convention no 87, qui n'a pas trait à cette question.
- 428. Compte tenu de ces circonstances, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
- b) Allégation relative à l'interdiction d'activités politiques faite au syndicat
- 429. La C.T.P allègue que l'article 6 du décret - qui interdit de se consacrer institutionnellement à des activités politiques, à des activités religieuses ou à des activités de caractère économique poursuivant un but lucratif - est étranger à la convention no 87. Le gouvernement déclare, dans sa réponse, que cette limitation concerne la politique de parti et qu'elle suppose l'adhésion aveugle à des directives précises, données au détriment du syndicat lui-même. Il ajoute que l'action politique est en rapport avec la structure culturelle de la société. La restriction en question a pour base une connaissance directe et complète des réalités péruviennes. En outre, continue le gouvernement, la disposition dont il s'agit est en harmonie avec la résolution sur l'indépendance du mouvement syndical, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 35ème session, en 1952. Le gouvernement conclut en signalant que les buts politiques que suppose l'adhésion à une politique de parti portent atteinte à la cohésion interne des syndicats et entravent la réalisation des objectifs qui leur sont propres. Ce raisonnement justifierait l'interdiction contenue à l'article 6 du décret.
- 430. Le Comité constate que ni les plaignants ni le gouvernement ne fondent leurs arguments sur les points de l'article 6 qui se réfèrent aux questions religieuses et aux activités de « caractère économique poursuivant un but lucratif ». Au sujet de l'activité politique des syndicats, la résolution concernant l'indépendance du mouvement syndical adoptée par la Conférence internationale du Travail, lors de sa 35ème session (Genève, juin 1952), précise notamment que, lorsque les syndicats décident d'entreprendre une action politique ou de s'associer à une telle action, cette dernière ne devrait pas être « de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales et économiques, quels que soient les changements politiques qui peuvent survenir dans le pays ».
- 431. Le Comité rappelle néanmoins à ce sujet ce qu'a déclaré la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations en 1959. Cette commission a signalé qu'en interdisant a priori aux syndicats toute activité politique, on peut soulever des difficultés, car l'interprétation qui est donnée, dans la pratique, aux dispositions en question, est susceptible de changer à tout moment et de restreindre considérablement les possibilités d'action des organisations.
- 432. Dans ces conditions, le Comité se réfère au principe qu'il a déjà fait valoir à plusieurs reprises, et notamment lorsqu'il a examiné le cas no 423 concernant le Honduras, principe selon lequel il n'est pas indiqué d'interdire de façon générale toute activité poli tique aux organisations professionnelles, les autorités judiciaires seules pouvant se prononcer sur les abus auxquels pourraient se livrer les organisations qui auraient perdu de vue leur objectif fondamental qui, aux termes de la résolution concernant l'indépendance du mouvement syndical, adoptée par la Conférence en 1952, « est de favoriser le progrès économique et social des travailleurs ».
- 433. Compte tenu de ces circonstances, le Comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe énoncé au paragraphe 432 ci-dessus, de suggérer au gouvernement qu'il conviendrait peut être d'étudier les réformes nécessaires pour donner toute sa vigueur audit principe et d'exprimer l'espoir que de telles réformes seront effectuées sans tarder, peut-être lors de la promulgation du Code du travail dont le gouvernement annonce la rédaction.
- c) Allégations relatives au nombre minimum de membres d'un syndicat
- 434. Les plaignants allèguent que l'article 7 du décret, qui exige un nombre minimum de vingt personnes pour la formation ou le maintien d'un syndicat de travailleurs, restreint le champ d'application de l'article 2 de la convention no 87, aux termes duquel les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer les organisations de leur choix. La C.T.P ajoute que le même article du décret limite indûment à une seule personne la représentation des travailleurs des entreprises occupant cinq personnes ou un nombre de travailleurs plus élevé, mais inférieur à celui qui est fixé au même article pour la constitution d'un syndicat. Outre qu'elles seraient en contradiction avec la convention, ces deux dispositions constitueraient un recul par rapport à la législation péruvienne antérieure, car le décret présidentiel du 23 mars 1936, qui a été abrogé dans toute la mesure où il était en contradiction avec le décret présidentiel no 009, ne comportait pas cette condition du nombre minimum de membres; il prévoyait en outre que, en l'absence de syndicats, les travailleurs pouvaient se faire représenter par deux délégués; les plaignants affirment que les travailleurs des centres de travail, très nombreux au Pérou, occupant moins de vingt personnes, ont pu, jusqu'à l'entrée en vigueur du décret no 009, constituer des syndicats ou des comités syndicaux, lesquels pouvaient s'affilier à des syndicats ou à des fédérations tels que la Fédération nationale des travailleurs de l'hôtellerie et des branches similaires. Sous ce nouveau régime juridique, les travailleurs en question ont perdu le droit de s'associer et leurs dirigeants se sont vus privés du bénéfice du privilège syndical, facteurs qui ont donné lieu à certains congédiements.
- 435. Au sujet de ces allégations précises, le gouvernement se borne à déclarer que si le nombre minimum de membres a été fixé à vingt, la raison en est la nécessité de garantir la vie syndicale, car on constate, au Pérou, une tendance à constituer des syndicats dotés d'un comité directeur nombreux (dix à quinze membres) et que, si la condition posée à l'article 7 venait à être supprimée, le syndicat se composerait uniquement de son comité directeur. En outre, poursuit le gouvernement, cette exigence de la loi n'empêche pas les travailleurs non syndiqués de se faire représenter, de formuler des réclamations ni de conclure des conventions collectives.
- 436. Les plaignants affirment que l'article 9 du décret est contraire à l'article 3 de la convention. L'alinéa b) dudit article 9 prévoit que, pour être membre d'un syndicat de travailleurs, il faut travailler dans l'entreprise ou dans la même branche d'activité que les membres du syndicat. La réponse du gouvernement ne contient pas d'observations à ce sujet.
- 437. Le Comité estime qu'il lui est nécessaire, avant de se prononcer sur cet aspect du cas, de disposer de certaines informations complémentaires émanant du gouvernement. Par conséquent, il recommande au Conseil d'administration de prier ce dernier de bien vouloir lui faire savoir si les travailleurs des centres de travail groupant moins de vingt personnes peuvent se joindre à ceux d'autres centres de travail pour créer un syndicat et, dans l'affirmative, à quelles conditions.
- 438. Le Comité estime nécessaire d'examiner également, au sujet de ces allégations, le contenu de l'article 11 du décret, qui a été modifié par le décret présidentiel no 021, du 21 décembre 1962, et auquel le gouvernement se réfère dans son rapport sur l'application de la convention no 87 l. Sous sa forme modifiée, l'article 11 exige que le syndicat soit créé par plus de 50 pour cent des ouvriers, s'il s'agit d'un syndicat d'ouvriers, par plus de 50 pour cent des employés, s'il s'agit d'un syndicat d'employés, et par plus de 50 pour cent des ouvriers et employés, s'il s'agit d'un syndicat mixte.
- 439. Le Comité rappelle que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a signalé, en examinant une norme analogue de la législation birmane, qu'une telle disposition n'est pas compatible avec l'article 2 de la convention, aux termes duquel les travailleurs doivent pouvoir « sans autorisation préalable constituer des organisations de leur choix ». La Commission a ajouté qu'une telle norme met un obstacle considérable à la création de syndicats susceptibles de « promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres » et qu'elle a aussi indirectement pour résultat d'empêcher la création d'un nouveau syndicat s'il en existe déjà un dans l'entreprise ou l'établissement considéré.
- 440. Compte tenu de ces circonstances, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opinion émise par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations rappelée au paragraphe précédent; de suggérer au gouvernement qu'il conviendrait peut-être d'étudier les modifications nécessaires pour mettre la législation péruvienne en harmonie, sur ce point, avec les dispositions de la convention no 87, ratifiée par le Pérou, et d'exprimer l'espoir que de telles modifications seront effectuées sans tarder, peut-être lors de la promulgation du Code du travail dont le gouvernement annonce la rédaction.
- d) Allégation relative à la qualité personnelle de la fonction de dirigeant syndical
- 441. L'article 10 du décret présidentiel no 009 dispose que la qualité de membre ou de dirigeant d'un syndicat est strictement personnelle et qu'elle ne peut être transférée ou déléguée à aucun titre. Dans leur communication du 3 juin 1963, les plaignants déclarent que cette disposition rend tout mandat impossible. Comme exemple des difficultés que cette norme vaut au syndicat, il ajoute qu'aux termes de l'article en question, les dirigeants syndicaux se verraient obligés à se rendre personnellement à Lima pour effectuer n'importe quelle formalité, avec les frais que cela entraînerait et au risque de voir leurs démarches s'y prolonger indéfiniment.
- 442. Le Comité constate que le gouvernement ne formule, dans sa réponse, aucune observation au sujet de cette allégation.
- 443. Par conséquent, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir préciser si la disposition contenue à l'article 10 du décret présidentiel no 009 doit ou non s'interpréter comme privant les dirigeants syndicaux de la faculté de conférer à des tiers le mandat d'effectuer des formalités pour le compte du syndicat.
- e) Allégations relatives à l'enregistrement obligatoire des syndicats
- 444. Selon les plaignants, le chapitre du décret présidentiel no 009 qui traite de l'enregistrement des syndicats (art. Il à 19), contient des dispositions qui portent atteinte aux garanties de la convention no 87 en ce qu'elles rendent cet enregistrement obligatoire, pour en faire découler la faculté des autorités du travail de refuser cet enregistrement (art. 15) en se fondant sur la non-observation des dispositions légales ou sur une infraction à ces dispositions. Il ajoute que le décret va jusqu'à exiger la production de documents légalisés par un notaire ou un juge de paix, selon le cas, ou certifiés conformes par les membres du comité directeur, sous leur responsabilité. Les plaignants estiment que l'obligation d'enregistrement prescrite par les dispositions du décret donne, en réalité, à ce texte, un caractère de loi et non pas celui d'un règlement d'application de la convention no 87, par suite de la ratification de cet instrument, ces principes ont été introduits dans la législation péruvienne. Il ressort en effet de la lecture de l'article II, tel qu'il a été modifié par le décret présidentiel no 021, du 21 décembre 1962 (voir paragr. 438 ci-dessus), que la loi exige que la demande d'inscription soit accompagnée des pièces suivantes: copie de l'acte de constitution indiquant le nombre des travailleurs, pour établir si le syndicat a été constitué avec le nombre de membres voulu; liste complète des membres; copie des statuts; copie du compte rendu de l'assemblée générale au cours de laquelle ces derniers ont été approuvés. Ces documents doivent être présentés en deux exemplaires, légalisés par un notaire ou un juge de paix, ou encore certifiés conformes par les membres du comité directeur. L'article 13 [du décret tel qu'il a été également modifié par le décret présidentiel no 021 précise les détails que doit mentionner la liste des membres du syndicat. Cette dernière devra être dactylographiée et adressée séparément pour les ouvriers et les employés et consigner diverses données personnelles telles que la nationalité, le numéro du livret militaire et celui de la carte d'électeur, et chaque syndiqué devra la signer ou y apposer son empreinte digitale.
- 445. Le gouvernement répond, au sujet de ces allégations, que l'enregistrement obligatoire des syndicats répond au besoin de connaître l'existence de ces derniers pour que les autorités puissent plus facilement les prendre en considération et leur attribuer la qualité de représentant, il ajoute qu'il ne s'agit pas de reconnaissance des syndicats, institution qui a disparu au Pérou, mais d'un enregistrement « à des fins statistiques ».
- 446. Le Comité constate à ce sujet que le décret présidentiel no 021, du 21 décembre 1962, portant modification du décret présidentiel no 009 prévoit, à son article 2, que l'enregistrement obligatoire donne au syndicat le droit de représenter les travailleurs auprès des employeurs et des autorités administratives de la branche lors de conflits du travail; l'enregistrement est aussi une condition indispensable pour qu'il soit tenu compte des syndicats lors de la constitution d'organismes ou de commissions paritaires ou tripartites de caractère national ou international.
- 447. Compte tenu de ces circonstances, le Comité estime nécessaire de rappeler ce qu'a déclaré la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations en 1959. Cette commission a émis l'opinion que, si les fondateurs d'un syndicat sont tenus de respecter les formalités de publicité ou les autres formalités du même ordre qui peuvent être prévues dans une législation donnée, les formalités ainsi prescrites ne doivent pas être telles qu'elles équivaudraient pratiquement à une autorisation préalable. Après avoir signalé que, dans quelques pays, les formalités prescrites par la loi (dépôt des statuts, enregistrement ou autres mesures de publicité) sont obligatoires et, dans d'autres, facultatives, la Commission a émis l'opinion que le caractère obligatoire ou facultatif desdites formalités ne constitue pas toujours un critère suffisant pour déterminer s'il existe ou non une autorisation préalable. En effet, dans certains cas, bien que l'enregistrement soit obligatoire, l'autorité compétente pour y procéder n'a pas le pouvoir de s'y refuser ou, ce qui, en pratique, revient au même résultat, elle ne peut refuser cet enregistrement que pour des vices de forme auxquels il est toujours possible de remédier. Par contre, la Commission a conclu que, dans les cas où l'enregistrement, bien que facultatif, peut conférer à l'organisation enregistrée des droits fondamentaux pour lui permettre de « promouvoir et défendre les intérêts », le fait que l'autorité compétente pour procéder à l'enregistrement ait le pouvoir de refuser discrétionnairement cette formalité crée une situation qui n'est guère différente des cas pour lesquels une autorisation préalable est nécessaire.
- 448. Par conséquent, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache à l'opinion de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations mentionnée au para graphe 447 ci-dessus, et de lui suggérer qu'il conviendrait peut-être d'étudier les modifications nécessaires pour mettre la législation péruvienne en harmonie avec les dispositions de la convention no 87, en exprimant l'espoir que ces modifications seront effectuées sans tarder, par exemple lors de la promulgation du Code du travail dont le gouvernement annonce la rédaction.
- f) Allégations relatives à la liberté syndicale des travailleurs du secteur public
- 449. Selon la plainte de la C.T.P, l'article 28 du décret exclut du champ d'application de la convention no 87 le personnel au service de l'Etat et du secteur semi-public, portant ainsi atteinte à la liberté d'association que la convention reconnaît à tous les travailleurs sans aucune distinction. Cette disposition prive les travailleurs en question de la possibilité de faire valoir leurs revendications, à tel titre que bon nombre d'entre eux se trouvent, en fait, liés par des conditions de travail défavorables et que d'autres ont fait l'objet de mesures qui leur ont porté préjudice. Les plaignants citent notamment, à cet égard, les amendes qui auraient été infligées aux travailleurs de la Régie des tabacs qui se seraient refusés à effectuer des heures supplémentaires et les conditions « inhumaines » imposées aux travailleurs de la Compagnie fermière du guano et du sel.
- 450. Le gouvernement déclare, dans sa réponse du 10 septembre 1965, que les fonctionnaires de l'administration ont la possibilité de s'associer à des fins culturelles ou sportives, pour créer des coopératives et des institutions d'assistance, et qu'ils sont en outre au bénéfice d'un régime de protection comportant un emploi stable, des vacances payées, des pensions de départ et de retraite, des caisses de secours et des assurances sociales. Le gouvernement ajoute qu'il est en train d'adopter la législation péruvienne aux dispositions de la convention et que la récente loi no 15215 sur le statut et le tableau d'avancement du corps enseignant national prévoit le droit d'association dans ce secteur de la fonction publique.
- 451. Il ressort du texte de l'article 28 du décret présidentiel no 009 que ce dernier vise les employeurs, les ouvriers et les employés du secteur privé et que les travailleurs visés par des statuts spéciaux sont régis par des textes spéciaux. Il serait, par conséquent, erroné d'en déduire que cette disposition, en tant que telle, refuse au personnel du secteur public ou semi-public le bénéfice des droits et des garanties énoncés dans la convention no 87. Dans sa réponse, le gouvernement lui-même semble reconnaître implicitement l'obligation, que lui impose la ratification de la convention no 87, d'accorder aux fonctionnaires le droit de se syndiquer. Or l'article 2 de la convention no 87 dispose que les travailleurs « sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix ». La seule restriction prévue par ce même instrument est celle de l'article 9, qui autorise le législateur national à déterminer dans quelle mesure les garanties prévues par la convention s'appliqueront aux forces armées et à la police.
- 452. Compte tenu de ces circonstances, le Comité insiste de nouveau, comme il l'a fait à d'autres reprises, sur l'importance que revêt, pour le personnel de l'Etat, le droit de constituer des syndicats et de les faire enregistrer, pour qu'ils puissent fonctionner légale ment, et il recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur ce principe et de le prier de bien vouloir le tenir informé des progrès réalisés en vue de sa complète application.
- g) Allégations relatives aux conditions auxquelles peuvent être créées des fédérations et des confédérations
- 453. La C.T.P affirme que diverses dispositions contenues dans le chapitre du décret présidentiel consacré aux organisations du degré supérieur (art. 22 à 27) limitent le droit que l'article 5 de la convention no 87 accorde aux organisations de travailleurs de constituer des fédérations et des confédérations avec les mêmes garanties que les articles 2 et 3 prévoient pour les organisations de base. Selon les plaignants, le fait d'exiger cinq syndicats pour la création d'une fédération et dix fédérations pour la création d'une confédération ne constitue pas seulement une atteinte à la convention, mais il témoigne aussi d'une méconnaissance de la situation de fait au Pérou, pays où fonctionnent des unions syndicales groupant les organes syndicaux d'une même circonscription politique ou d'une même région géographique, sans exclure pour autant que les organisations de base puissent s'associer, dans le cadre d'un secteur économique donné, pour former la fédération correspondante. Ainsi les congrès de la C.T.P ont décidé que l'organisation syndicale du Pérou englobe les unions provinciales, départementales et régionales, ainsi que la Centrale syndicale des employés du secteur privé et les fédérations d'industries constituées par ces dernières, qui sont souvent formées des comités syndicaux de petits établissements ou de petits centres artisanaux. Nombre de ces fédérations d'industries sont de véritables syndicats de métier groupant des personnes d'une même profession, mais occupées dans des centres de travail distincts.
- 454. Dans sa réponse du 10 septembre 1965, déjà mentionnée, le gouvernement déclare que la disposition contenue à l'article 23 du décret et concernant le nombre de syndicats ou de fédérations exigé pour la création d'organismes du degré supérieur répond à la nécessité de tenir compte du nombre moyen d'organismes existants pour chaque branche d'activité. Le gouvernement affirme aussi que, pendant le régime actuel de gouvernement constitutionnel, il n'a pas été adopté de mesures touchant les activités des unions syndicales existantes et il renvoie à ce qu'il a déclaré au sujet de la promulgation de la loi no 15060, du 19 juin 1964, portant création de la Commission chargée de rédiger le Code du travail.
- 455. Le Comité tient compte de ce que l'article 23 du décret présidentiel no 009 a également été modifié par le décret présidentiel no 021 (voir paragr. 438 ci-dessus). Même sous cette nouvelle forme, la disposition dudit article 23, qui fixe à vingt au moins le nombre des syndicats de même nature exigé pour la création d'une fédération et à dix au moins le nombre de fédérations exigé pour la création d'une confédération, est contraire aux normes des articles 5 et 6 de la convention; aux termes de ces dispositions, « les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit de constituer des fédérations et des confédérations », et la création de fédérations et de confédérations est assortie des mêmes garanties que celles que l'article 2 de la convention prévoit pour la constitution des syndicats de base. En l'espèce, il convient de signaler spécialement que, comme le soutiennent les plaignants, l'article 23 du décret présidentiel semblerait empêcher la formation d'organismes du degré supérieur groupant des syndicats ou des fédérations de nature différente qui déploieraient leurs activités dans la même localité ou la même région.
- 456. Par conséquent, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer - l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il convient d'attribuer aux normes contenues aux articles 5 et 6 de la convention no 87, avec lesquelles l'article 23 du décret présidentiel no 009 est en contradiction; de suggérer au gouvernement qu'il conviendrait peut-être d'étudier les modifications nécessaires pour faire disparaître cette contradiction et d'exprimer l'espoir que ces modifications seront effectuées sans tarder, peut-être lors de la promulgation du Code du travail, dont le gouvernement annonce la rédaction.
- h) Allégations relatives au congédiement de dirigeants syndicaux
- 457. La C.T.P allègue que, par suite de la promulgation du décret présidentiel no 009, les dirigeants des organisations syndicales qui existaient déjà mais qui ne réunissent pas les conditions fixées par le décret se sont vus privés du bénéfice de leurs privilèges syndicaux, et qu'on est en train de les congédier.
- 458. Le gouvernement ne mentionne pas spécialement dans sa réponse les allégations relatives à ces congédiements.
- 459. Compte tenu de ces circonstances, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir lui faire parvenir le plus rapidement possible ses observations au sujet des allégations de congédiement, qui pourraient constituer des violations à la norme contenue à l'article I de la convention (no 98) sur le droit d'association et de négociation collective, 1949, que le Pérou a ratifiée.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 460. Au sujet du cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) en ce qui concerne les allégations relatives à un projet de modification du Code pénal, de prendre note des déclarations du gouvernement selon lesquelles il n'est plus envisage de promulguer ledit projet, et de décider qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de cet aspect du cas;
- b) en ce qui concerne l'allégation relative au droit de ne pas s'affilier à un syndicat (art. 4 du décret présidentiel no 009), de décider, pour les motifs exposés au paragraphe 427 ci-dessus, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de cet aspect du cas;
- c) en ce qui concerne différentes allégations relatives aux dispositions du décret présidentiel no 009, d'attirer l'attention du gouvernement:
- i) sur l'importance que revêt, pour le personnel de l'Etat, le droit de constituer des syndicats, principe consacré à l'article 2 de la convention no 87, que le Pérou a ratifiée, et selon lequel les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte et sans autorisation préalable, ont le droit de constituer les organisations de leur choix;
- ii) sur l'importance que revêt le principe selon lequel il n'est pas indiqué d'interdire de façon générale toute activité politique aux organisations professionnelles, les autorités judiciaires seules pouvant se prononcer sur les abus auxquels pourraient se livrer les organisations qui auraient perdu de vue leur objectif fondamental, qui, aux termes de la résolution concernant l'indépendance du mouvement syndical, adoptée par la Conférence en 1952, « est de favoriser le progrès économique et social des travailleurs »;
- iii) sur l'importance qu'il attache à l'opinion de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations selon laquelle, si les fondateurs du syndicat sont tenus de respecter les formalités de publicité ou les autres formalités du même ordre qui peuvent être prévues dans une législation donnée, les formalités ainsi prescrites ne doivent pas être telles qu'elles équivaudraient pratiquement à une autorisation préalable, et selon laquelle, dans les cas où l'enregistrement, bien que facultatif, peut conférer à l'organisation enregistrée des droits fondamentaux pour lui permettre de promouvoir et de défendre les intérêts de ses membres, le fait que l'autorité compétente pour procéder à l'enregistrement ait le pouvoir de refuser discrétionnairement cette formalité crée une situation qui n'est guère différente des cas pour lesquels une autorisation préalable est nécessaire;
- iv) sur l'importance qu'il convient d'attribuer aux normes contenues aux articles 5 et 6 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, normes avec lesquelles l'article 23 du décret présidentiel no 009, tel qu'il a été modifié par le décret présidentiel no 021, est en contradiction en ce qu'il exige un nombre minimum de syndicats et de fédérations pour la constitution d'organisations du degré supérieur et en ce qu'il empêche la constitution de fédérations et de confédérations au sein desquelles pourraient s'organiser les syndicats ou les fédérations de nature différente qui déploient leurs activités dans la même localité ou la même région;
- v) sur l'importance qu'il attache à l'opinion émise par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations lorsqu'elle a examiné une norme analogue à celle de l'article 11 du décret présidentiel no 009, qui dispose qu'un syndicat ne pourra exister que s'il groupe plus de 50 pour cent des travailleurs intéressés; selon cette opinion, une telle disposition n'est pas compatible avec l'article 2 de la convention no 87, met un obstacle considérable à la création de syndicats et a aussi indirectement pour résultat d'empêcher la création d'un nouveau syndicat s'il en existe déjà un dans l'entreprise ou l'établissement considéré;
- vi) sur l'opportunité d'envisager les modifications nécessaires pour mettre, dans un avenir aussi rapproché que possible, la législation péruvienne en harmonie avec les principes et considérations rappelés aux sous-alinéas i) à v) ci-dessus;
- d) en ce qui concerne les allégations relatives au nombre de vingt membres nécessaire pour la constitution d'un syndicat, de prier le gouvernement de bien vouloir lui faire savoir si les travailleurs des centres de travail groupant moins de vingt personnes peuvent se joindre à ceux d'autres centres de travail pour créer un syndicat et, dans l'affirmative, à quelles conditions;
- e) en ce qui concerne l'allégation selon laquelle l'article 10 du décret présidentiel no 009 priverait les dirigeants syndicaux de la faculté de conférer à des tiers le mandat d'effectuer des formalités pour le compte du syndicat, de prier le gouvernement de bien vouloir lui envoyer sans tarder ses observations à ce sujet;
- f) en ce qui concerne les congédiements de dirigeants syndicaux allégués par les plaignants et mentionnés au paragraphe 457 ci-dessus, de prier le gouvernement de bien vouloir lui envoyer sans tarder ses observations à ce sujet;
- g) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité présentera un nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des observations et des informations demandées au gouvernement aux alinéas d), e) et f) du présent paragraphe.