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- 377. La plainte de la Fédération syndicale mondiale (F.S.M.) figure dans une communication en date du 22 janvier 1963 adressée directement au Directeur général du B.I.T. Par lettre du 1er février 1963, la plainte a été communiquée pour observations au gouvernement. Le gouvernement a envoyé sa réponse par une communication du 15 mars 1963, transmise par la délégation permanente du Pérou le 25 du même mois et de la même année. Les plaignants, qui avaient été informés de leur droit de présenter des informations complémentaires à l'appui de leur plainte, n'ont pas fait usage de ce droit.
- 378. Le Pérou a ratifié la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 (no 87), mais n'a pas ratifié la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 (no 98).
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 379. La F.S.M allègue, dans sa plainte, que le gouvernement militaire du Pérou, sous prétexte d'avoir découvert un complot subversif, a décrété, le 5 janvier 1963, la suspension des garanties constitutionnelles sur tout le territoire et a déclenché une vague de répression contre le mouvement ouvrier. Les plaignants allèguent aussi que la police a occupé le siège de divers syndicats et que plus d'un millier de personnes ont été arbitrairement arrêtées, notamment de nombreux militants et dirigeants syndicaux. Parmi les personnes arrêtées, les plaignants citent MM. José Luis Alvarado, secrétaire général de la Fédération des employés de banque, Emiliano Huamatica, président de l'Union départementale des travailleurs de Cuzco, et Guillermo Sheen, dirigeant des employés, de même que tous les dirigeants du Syndicat des travailleurs du bâtiment de Lima. Toujours d'après les plaignants, de nombreux détenus ont été envoyés au pénitencier de El Sepa, situé au coeur même de la jungle de l'Amazone. Les plaignants allèguent également que ce n'est pas la première fois que la Junte militaire du Pérou utilise ces méthodes contre le mouvement syndical. Déjà en décembre 1962, la grève des mineurs de la Cerro de Pasco Corporation a été l'objet d'une brutale répression ayant entraîné de nombreux morts et blessés parmi les grévistes, et la Confédération paysanne du Pérou a publiquement dénoncé l'assassinat, dans les derniers jours de décembre 1962, de quarante-trois paysans dont les cadavres ont été jetés dans la Vilcota par les forces de répression. Enfin, les plaignants allèguent que le 5 janvier 1963, les travailleurs de El Callao, qui étaient en grève pour appuyer leur demande d'augmentation de salaire, ont été attaqués par les forces de la police, qui ont fait un mort et trois blessés, et que depuis le coup d'Etat de juillet 1962, le nombre des ouvriers et des paysans tués par les forces de répression dépasse quatre-vingts.
- 380. Dans sa communication du 15 mars 1963, le gouvernement déclare, en premier lieu, qu'il n'est pas admissible qu'un organisme tel que la Fédération syndicale mondiale, qui prétend exercer une fonction de surveillance sur les droits syndicaux, ne s'assure pas au préalable, comme c'est indispensable, de l'authenticité des informations qu'elle reçoit et se borne à être un instrument aveugle de transmission. Il ajoute qu'une plainte de ce genre peut porter préjudice aux gestes de bonne volonté et de coopération que les gouvernements pourraient accomplir en s'engageant à accepter des instruments qui, en fin de compte, à défaut des précisions nécessaires, peuvent être utilisés pour attaquer le comportement moral et juridique des Etats qui sont parties à ces instruments, ne serait-ce que par les procédés infondés dont on a usé dans le présent cas. Le gouvernement ajoute que, dans le cas présent, il ne s'agit pas d'une violation des obligations internationales contractées par le Pérou en ratifiant une convention - ratification qui témoigne de sa volonté d'améliorer la législation et de son esprit de coopération internationale. En effet, il n'a pris aucune initiative portant atteinte aux principes établis par cette convention et par d'autres conventions du travail, et il n'y a aucun indice de réaction contre les droits des travailleurs. Le gouvernement continue en précisant qu'il s'agit en réalité de mesures de protection que l'Etat péruvien a prises face à des faits et à des actes qui portaient atteinte à l'ordre juridique, et que ces faits remontent à une date antérieure à la date du dépôt de la plainte de la F.S.M. Ainsi, le gouvernement déclare, pour donner un exemple, qu'à l'occasion des événements très graves qui se sont produits à La Oroya, il se vit contraint de suspendre les garanties individuelles en usant de la faculté que lui confère l'article 70 de la Constitution; cette mesure ne visait pas les travailleurs, mais ceux qui troublaient l'ordre public, et elle avait pour objet, dans cette atmosphère perturbée, de restaurer l'ordre juridique nécessaire pour le déroulement pacifique et normal de la vie publique et privée ainsi perturbée. Le gouvernement déclare également qu'il y allait, en l'occurrence, d'un plan visant à déclencher, sur instructions de l'étranger, des activités subversives sur le territoire de la République, en vue de créer un climat de chaos et de violence dans l'ensemble du pays.
- 381. Dans sa communication du 15 mars 1963, le gouvernement déclare aussi qu'en dépit de la suspension temporaire des garanties constitutionnelles, le mouvement normal d'organisation des travailleurs s'est poursuivi, sans difficulté, comme le prouvent les faits suivants: a) organisation de nouveaux syndicats; b) reconnaissance des syndicats antérieurement constitués; c) revendications ayant pour objet la majoration des salaires et l'amélioration des conditions de travail, présentées par différentes organisations professionnelles, et solutions données à ces revendications; d) grèves d'ordre strictement professionnel décrétées et suivies pendant cette période; e) conciliation dont ont été saisis les organismes centraux et régionaux du ministère du Travail; f) liberté absolue accordée aux dirigeants des organisations de travailleurs dans leurs interventions pour la défense de leurs intérêts.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 382. Le Comité note, parmi les faits allégués par les plaignants, que certains, et précisément les plus graves, comme le sont ceux qui intéressent la mort de plus de quatre-vingts ouvriers et paysans, ont été exprimés dans la plainte en termes très vagues et qu'en dépit du droit concédé aux plaignants de compléter les informations fournies, ces derniers se sont abstenus d'apporter des renseignements plus concrets à l'appui de leurs graves accusations. C'est pourquoi le Comité estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
- 383. Le Comité note également que, bien que la réponse gouvernementale rejette de manière générale ce que le gouvernement considère comme des accusations non fondées, en affirmant qu'il s'agit, en réalité, d'une attitude de défense prise par l'Etat péruvien en face de faits et d'actes contraires à l'ordre juridique, en citant aussi une série de faits afin de prouver que le mouvement syndical a continué à exister sans interruption, cette réponse ne contient aucune référence à d'autres accusations de caractère plus précis formulées par les plaignants, à savoir la détention des dirigeants syndicaux José Luis Alvarado, Emiliano Huamatica et Guillermo Sheen, ainsi que de tous les dirigeants du Syndicat du bâtiment de Lima, et de l'envoi de nombreuses personnes - parmi lesquelles figurent des militants syndicaux - au pénitencier de El Sepa.
- 384. Lorsque, à l'occasion de cas précédents, les gouvernements ont répondu à des allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs avaient été emprisonnés en raison d'activités syndicales, en déclarant que les personnes en question avaient été en réalité détenues pour des activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des délits de droit commun, le Comité a toujours suivi la règle qui consiste à prier les gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires, les plus précises possible, sur ces détentions et leurs motifs exacts. Si, dans certains cas, le Comité a décidé que des allégations relatives à l'arrestation ou à la détention de militants syndicalistes n'exigeaient pas d'examen plus approfondi, c'est parce qu'il avait reçu des gouvernements certaines informations prouvant, de manière suffisamment évidente et précise, que ces arrestations ou détentions n'avaient rien à voir avec les activités syndicales, mais étaient la conséquence d'activités n'ayant rien à faire avec des questions syndicales, préjudiciables à l'ordre public et contraires à l'ordre politique.
- 385. Dans le cas présent, le gouvernement s'est limité à déclarer que les mesures qu'il s'est vu obligé de prendre n'avaient pas été dirigées contre les travailleurs, mais contre les perturbateurs de l'ordre public.
- 386. Le Comité considère que, pour pouvoir se faire une idée des faits en pleine connaissance de cause et pour pouvoir déterminer si les allégations formulées sont ou ne sont pas justifiées, il serait nécessaire de demander au gouvernement des informations plus précises sur les motifs qui ont provoqué la détention de MM. José Luis Alvarado, Emiliano Huamatica et Guillermo Sheen, en particulier sur les actes définis ou sur les activités exactes dont ces personnes seraient responsables, et de lui demander s'il y a eu ou s'il y a encore des syndicalistes détenus à la prison de El Sepa.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 387. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) en ce qui concerne les allégations mentionnées au paragraphe 382 et pour les raisons indiquées dans ce même paragraphe, de décider qu'il n'y a pas lieu d'en poursuivre l'examen;
- b) en ce qui concerne les autres allégations, de demander au gouvernement péruvien de fournir des informations plus précises sur les motifs qui ont provoqué la détention de MM. José Luis Alvarado, Emiliano Huamatica et Guillermo Sheen, en particulier sur les actes définis ou sur les activités exactes dont ces personnes seraient responsables, et de préciser s'il y a eu ou s'il y a encore des syndicalistes détenus à la prison de El Sepa, et de décider d'ajourner entre-temps l'examen de ce cas.