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Interim Report - REPORT_NO68, 1963

CASE_NUMBER 294 (Spain) - COMPLAINT_DATE: 27-AUG-62 - Closed

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126. Le Comité a déjà examiné ce cas à sa session d'octobre 1962, au cours de laquelle il a présenté un rapport intérimaire qui figure aux paragraphes 472-495 de son soixante-sixième rapport; ce rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 153ème session (novembre 1962), contient les conclusions définitives du Comité sur certaines des allégations et prie le gouvernement de fournir certaines informations complémentaires.

126. Le Comité a déjà examiné ce cas à sa session d'octobre 1962, au cours de laquelle il a présenté un rapport intérimaire qui figure aux paragraphes 472-495 de son soixante-sixième rapport; ce rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 153ème session (novembre 1962), contient les conclusions définitives du Comité sur certaines des allégations et prie le gouvernement de fournir certaines informations complémentaires.
  1. 127. Les conclusions et recommandations du Comité figurent au paragraphe 495 du soixante-sixième rapport, précité, et sont libellées comme suit
  2. 495. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
  3. a) de signaler au gouvernement que la nécessité, prévue par la loi, d'une approbation préalable de la part du gouvernement pour la mise en vigueur d'une convention collective est contraire au principe même du régime des négociations volontaires, à savoir: que les syndicats doivent se voir reconnaître le droit, par voie de négociation collective, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent, et que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit, et de lui suggérer que, dans ces conditions, il pourra vouloir envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportés les amendements appropriés à sa législation, en vue de mettre cette dernière en harmonie avec les principes rappelés plus haut;
  4. b) de signaler au gouvernement - étant donné que le Comité a toujours appliqué le principe selon lequel les allégations relatives à l'exercice du droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure où elles mettent en cause l'exercice des droits syndicaux, mais seulement dans ce cas - que, dans sa forme actuelle, la législation espagnole en matière de grève risque d'être interprétée comme interdisant les grèves de manière absolue, et par là de mettre en cause l'exercice des droits syndicaux, et que, dans ces conditions, il voudra peut-être envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportés à cette législation des amendements appropriés, à la lumière des principes énoncés au paragraphe 481;
  5. c) de prier le gouvernement de lui faire parvenir le plus rapidement possible des informations plus précises sur les motifs qui sont à l'origine de la détention de quatre-vingt-quatorze personnes et la déportation de six autres, notamment des renseignements exacts sur les agissements ou les activités dont ces personnes seraient responsables, et de décider d'ajourner en attendant l'examen de cet aspect du cas;
  6. d) d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement espagnol sur les recommandations qu'il a formulées au paragraphe 187 b) et c) de son vingt-septième rapport, recommandations qui ont été approuvées par le Conseil d'administration à sa 137ème session (octobre 1957) et qui étaient conçues dans les termes suivants
  7. 187. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
  8. ....................................................................................................................................................
  9. b) d'attirer l'attention du gouvernement espagnol sur la contradiction fondamentale entre la législation en vigueur en Espagne et les principes de la liberté syndicale qui sont consacrés par la Constitution de l'O.I.T dans son Préambule, la Déclaration de Philadelphie et les conventions sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; de faire un pressant appel auprès du gouvernement pour que celui-ci modifie sa législation afin de la rendre compatible avec ces principes et, en particulier, avec les principes selon lesquels:
  10. i) les travailleurs devraient avoir le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations;
  11. ii) ces organisations devraient avoir le droit d'élaborer leurs statuts, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
  12. iii) ces organisations ne devraient pas être sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative;
  13. c) d'attirer l'attention du gouvernement sur le principe énoncé par la Conférence internationale du Travail à sa 35ème session, en 1952, dans sa résolution concernant l'indépendance du mouvement syndical, aux termes de laquelle les gouvernements « ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu'ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs politiques » et « ne devraient pas non plus essayer de s'immiscer dans les fonctions normales d'un syndicat en prenant prétexte de ses rapports librement établis avec un parti politique ».
  14. 128. Le soixante-sixième rapport du Comité, tel qu'il a été approuvé par le Conseil d'administration, a été transmis au gouvernement espagnol par communication du Directeur général en date du 29 novembre 1962.
  15. 129. L'Espagne n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  16. 130. Dans sa communication du 14 janvier 1963, le gouvernement espagnol, outre les informations qui lui étaient demandées à l'alinéa c) du paragraphe 495 du soixante-sixième rapport, envoie de nouvelles informations et observations sur les conclusions définitives qui figurent aux alinéas a), b) et d) du paragraphe susmentionné du soixante-sixième rapport.

A. Allégations relatives à l'imposition de conventions collectives

A. Allégations relatives à l'imposition de conventions collectives
  1. 131. En ce qui concerne ces allégations, le Comité a présenté ses conclusions définitives à l'alinéa a) du paragraphe 495 de son soixante-sixième rapport, reproduit au paragraphe 127 ci-dessus.
  2. 132. Dans sa communication du 14 janvier 1963, le gouvernement déclare que la fonction d'approbation, prévue à l'article 13 de la loi du 24 avril 1958 et exposée en détail à l'article 17 de l'ordonnance du 22 juillet 1958, constitue une simple attribution d'homologation, laquelle doit, en outre, en vertu des dispositions de la loi, être exercée dans le bref délai de quinze jours. Le gouvernement ajoute que l'objet de cette attribution d'approbation est le suivant: a) « vérifier et déclarer que la convention est conforme aux préceptes juridiques qui président à son élaboration, la convention devant être déclarée nulle chaque fois qu'elle ne satisfait pas aux conditions intrinsèques de validité » et b) « vérifier de même que ladite convention répond à son propre objectif, lequel, aux termes des dispositions de l'article 3 de la loi du 24 avril 1958 précitée, ne peut que consister à améliorer et à parfaire les conditions de vie et de travail de ceux que la convention intéresse ». Le gouvernement ajoute que l'article 19 du règlement d'application de la loi sur les conventions collectives syndicales prévoit l'approbation de la convention, soit par décision expresse, soit par accord tacite « car, précisément par respect de la volonté des parties, on a posé en principe que le silence de l'administration doit être pris pour un assentiment et non pour un refus ». Le gouvernement ajoute, enfin, que les statistiques apportent une preuve concluante que la nécessité de l'approbation « à posteriori » des conventions n'affecte en rien « le plein développement et l'usage du processus des négociations volontaires, dans l'objet de réglementer les conditions d'emploi au moyen de conventions collectives... ». D'après des données communiquées par le gouvernement, jusqu'au 31 octobre 1962, 1.935 conventions ont été approuvées (55 conventions interprovinciales et 1.880 conventions de portée inférieure) intéressant 534 entreprises et 3.211.769 travailleurs. Sur ces conventions, 12 ont été portées devant la Commission gouvernementale déléguée aux affaires économiques; neuf d'entre elles ont été approuvées et trois rejetées pour les motifs indiqués aux alinéas a) et b) du présent paragraphe.
  3. 133. Le Comité, tout en prenant note des informations soumises par le gouvernement espagnol dans sa communication du 14 janvier 1963, estime que ces informations ne contiennent sur ces allégations précises aucun élément qui puisse l'inciter à modifier les conclusions figurant à l'alinéa a) du paragraphe 495 de son soixante-sixième rapport.
    • Allégations relatives aux mesures de répression des grèves
  4. 134. Lorsque, à sa 32ème session (octobre 1962), le Comité a présenté, sur ces allégations, les conclusions définitives qui figurent à l'alinéa b) du paragraphe 495 de son soixante-sixième rapport, il a fait observer que, dans sa forme actuelle, la législation espagnole en matière de grève risquant d'être interprétée comme interdisant les grèves de manière absolue, ce qui ne concorde pas avec les principes généralement admis en matière de liberté syndicale, le gouvernement voudrait peut-être envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportés à cette législation des amendements appropriés.
  5. 135. Dans sa communication du 14 janvier 1963, le gouvernement déclare que, pour assurer « une solution actuelle et institutionalisatrice des différends du travail », on a adopté le décret no 2354/62, du 20 septembre 1962, sur les procédures de réglementation, de conciliation et d'arbitrage en matière de relations collectives de travail (dont le gouvernement communique le texte en annexe). Le gouvernement ajoute que l'exposé des motifs « fournit une explication claire et précise de ce qu'a été l'intention du législateur en promulguant ce décret, intention qui concorde parfaitement et en tout point avec la doctrine et la recommandation contenues au paragraphe 481 du soixante-sixième rapport du Comité de la liberté syndicale ».
  6. 136. Le décret no 2354/62 contient notamment les dispositions suivantes: Conformément à la loi du 24 avril 1958 sur les conventions collectives syndicales, la juridiction du travail a qualité pour connaître des différends collectifs du travail, les résoudre et exécuter leurs jugements concernant ces différends (art premier, paragr. 1). Les tribunaux du travail connaîtront des conflits collectifs selon une procédure spéciale dont les principes sont les suivants: a) priorité absolue sur toute autre affaire, quelle qu'elle soit; b) la procédure débute toujours, automatiquement, par la communication du cas au tribunal par la délégation du travail; c) cette démarche devra être précédée d'une tentative de conciliation ou de médiation de la part du syndicat; d) la procédure sera une procédure d'instruction, les deux parties étant entendues oralement devant le magistrat, la sentence de celui-ci mettant fin à la procédure; e) les sentences des tribunaux seront exécutoires dès qu'elles seront prononcées, nonobstant le recours (appel) qui peut être interjeté devant une chambre spéciale du Tribunal central du travail, sans qu'il existe le moindre recours contre la sentence de celui-ci (art premier, paragr. 2). Tout différend soulevé par l'application d'une convention collective pendant la durée de validité de celle-ci devra être connu des parties intéressées et tranché par celles-ci sur décision de la Commission de la convention (art. 2, paragr. 1). Si cette commission n'existe pas, ou si un accord ne peut être réalisé devant elle, et également si le différend porte sur des questions non visées par la convention, les parties essaieront de résoudre leurs différends par la voie syndicale et, en cas d'échec, les soumettront à l'autorité du travail qui a approuvé la convention et qui pourra les porter devant les tribunaux ou les arbitrer avec effet obligatoire, après avoir entendu les deux parties et tenté de les concilier, judiciairement, sans que la durée de cette procédure puisse en aucun cas excéder vingt jours, jusqu'à ce que la sentence arbitrale soit prononcée (art. 2, paragr. 2 et 3). En cas de différend collectif, lorsqu'il n'existe pas de convention collective, l'autorité du travail pourra décider immédiatement, sur la demande de l'une quelconque des parties et après tentative de conciliation syndicale, la constitution de la commission de négociation de la convention, en procédant ensuite de la façon prévue par la loi sur les conventions syndicales. Ou encore, l'autorité du travail, d'office ou sur la demande de l'une quelconque des parties, pourra porter le différend devant les tribunaux après tentative de conciliation ou de médiation de la part du syndicat (art. 3). Dans tout conflit collectif, il incombe à l'Inspection du travail, d'office ou sur la demande de l'une quelconque des parties, d'exercer ses fonctions de médiation et de conciliation (art. 4, paragr. 1 et 2). Lorsque le différend ne porte pas sur des questions de travail intéressant directement ceux qui y sont parties, ou lorsqu'il se produit en infraction aux procédures prévues par le présent décret, ou survient une fois prononcés les jugements de l'autorité du travail ou des tribunaux du travail, ou intervient pendant la durée d'application d'une convention collective intéressant une seule entreprise, les dossiers seront remis à l'autorité publique compétente, sans préjudice de l'application, le cas échéant, des sanctions prévues par la loi portant réglementation des délégations du travail (art. 5, paragr. 1). Dans les cas prévus audit paragraphe, sont considérés comme passibles de renvoi ceux qui ont participé au différend, et en conséquence, les entreprises pourront user de leur droit de résiliation (art. 5, paragr. 2). Quoi qu'il en soit, l'autorité publique compétente pourra adopter les mesures d'urgence que peut dicter le maintien de l'ordre public, conformément à la législation en vigueur (art. 5, paragr. 3). L'instruction des procédures engagées, quel que soit leur état d'avancement, sera interrompue et le différend sera considéré comme tranché, si les parties parviennent à un accord par l'entremise de l'organisation syndicale et si cet accord est approuvé par l'autorité compétente du travail (art. 6). Les accords conclus par les parties en vertu des procédures de conciliation prévues au présent décret ne pourront entraîner de conséquence pour le prix des produits (art. 7).
  7. 137. Le Comité observe que, s'il est vrai que le décret no 2354/62 contient certaines garanties pour la protection des droits des travailleurs en cas de conflit collectif, il n'en reste pas moins que rien n'est venu modifier la situation selon laquelle la législation espagnole en matière de grève risque d'être interprétée comme interdisant les grèves de manière absolue. A cet égard, le Comité rappelle que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, lorsqu'elle a effectué en 1959 une étude de caractère général sur la liberté syndicale, a indiqué que l'interdiction de la grève aux travailleurs autres que les fonctionnaires agissant comme organes de la puissance publique « risque de constituer une limitation importante des possibilités d'action des organisations syndicales ». La Commission d'experts a également signalé, à cette occasion, que dans trois pays - y compris l'Espagne - cette interdiction vise, semble-t-il, tous les travailleurs; elle a en outre signalé que ladite interdiction risque d'aller à l'encontre de la liberté d'action des organisations syndicales pour défendre leurs intérêts professionnels. De son côté, le Comité a signalé en diverses occasions que le droit de grève est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations en tant que moyen légitime de défense des intérêts professionnels.
  8. 138. Dans ces conditions, le Comité, tenant compte du fait qu'il a toujours été guidé par le principe selon lequel les allégations relatives à l'exercice du droit de grève ne sortent pas du champ de sa compétence dans la mesure - mais seulement dans la mesure - où elles affectent l'exercice des droits syndicaux, recommande au Conseil d'administration de constater que, bien que le décret no 2354/62 sur les procédures de réglementation, conciliation et arbitrage en matière de relations collectives de travail apporte certaines garanties en vue de la protection des droits des travailleurs en cas de conflit collectif, destinées à donner effet à la recommandation du Comité selon laquelle les restrictions apportées à l'exercice du droit de grève devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, il subsiste que la situation reste inchangée en ce qui concerne le fait que la législation actuellement en vigueur en matière de grève - Code pénal, Charte du travail, loi sur la sécurité de l'Etat, examinés aux paragraphes 81-88 au quarante et unième rapport du Comité - peut être interprétée comme impliquant mie interdiction générale de la grève appliquée à tous les travailleurs et pas seulement à ceux des services essentiels, et, en conséquence, d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement, comme il l'a fait au paragraphe 495 b) du soixante-sixième rapport du Comité, sur le principe selon lequel le droit de grève est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels.
    • Allégations relatives à l'intervention du gouvernement dans l'organisation syndicale
  9. 139. Le Comité a présenté ses conclusions définitives sur ces allégations à l'alinéa d) du paragraphe 495 de son soixante-sixième rapport, reproduit au paragraphe 127 du présent document.
  10. 140. Dans sa communication du 14 janvier 1963, le gouvernement formule des observations et des commentaires abondants sur les conclusions qui figurent à l'alinéa d) du paragraphe 495 de son soixante-sixième rapport, lesquelles sont en réalité les mêmes conclusions auxquelles est parvenu le Comité après avoir examiné en détail la question relative à l'intégration des organisations syndicales dans l'appareil de l'Etat, qui figurait déjà au paragraphe 187 b) et c) de son vingt-septième rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 137ème session (octobre 1957).
  11. 141. Le Comité estime que ces observations et commentaires ne contiennent, sur ces allégations particulières, aucun élément nouveau qui puisse l'inciter à modifier les conclusions figurant à l'alinéa d) du paragraphe 495 de son soixante-sixième rapport.
    • Allégations relatives aux détentions et déportations motivées par les grèves
  12. 142. Les plaignants ont signalé que le gouvernement a arrêté et déporté environ un millier de travailleurs et qu'il a également infligé des amendes aux grévistes et pris d'autres mesures d'intimidation et de violence contre ces derniers. Le gouvernement a démenti que les travailleurs se soient vu infliger des amendes ou aient été arrêtés pour le seul fait d'avoir participé aux grèves; il ajoute que les quelques personnes qui ont été arrêtées et qui n'ont pas été reconnues coupables d'un délit ont été remises en liberté immédiatement, et que les quatre-vingt-quatorze personnes inculpées et les six personnes mises en résidence surveillée l'ont été pour activités au sein du Parti communiste ou du Front de libération populaire.
  13. 143. A sa 32ème session (octobre 1962), le Comité a rappelé que lorsque, dans des cas précédents, les gouvernements ont répondu aux allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs avaient été arrêtés pour activités syndicales en déclarant que les personnes en cause avaient en fait été arrêtées pour leurs activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le Comité a toujours suivi la règle consistant à prier les gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible sur les arrestations et sur les motifs exacts de celles-ci, et il a ajouté que si, dans certains cas, le Comité est convenu que des allégations relatives aux arrestations ou aux détentions de militants syndicalistes ne méritaient pas un examen plus approfondi, c'est qu'il avait reçu des gouvernements certaines informations établissant de façon suffisamment évidente et précise que ces arrestations ou détentions n'avaient rien à voir avec des activités syndicales, mais résultaient uniquement d'activités dépassant le cadre syndical, qui nuisaient à l'ordre public ou atteignaient l'ordre politique.
  14. 144. A sa session d'octobre 1962, le Comité a fait observer que, dans le cas présent, le gouvernement se bornait à déclarer que les intéressés avaient été arrêtés ou mis en résidence surveillée parce que leurs activités communistes ou procommunistes constituaient un délit de subversion politique.
  15. 145. A sa session d'octobre 1962, le Comité a estimé que, pour pouvoir se faire une opinion en pleine connaissance de cause et déterminer si les allégations formulées étaient justifiées ou non, il était nécessaire d'obtenir du gouvernement des informations plus précises sur les motifs à l'origine de la détention de quatre-vingt-quatorze personnes et la déportation de six autres, notamment des renseignements exacts sur les agissements ou les activités dont ces personnes auraient été responsables; en conséquence, il a recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de lui fournir lesdites informations et de décider d'ajourner en attendant l'examen de cet aspect du cas.
  16. 146. Dans sa communication du 14 janvier 1963, le gouvernement déclare que, les derniers différends du travail n'étant pas réglés lorsqu'il a envoyé sa communication du 23 mai 1962, les chiffres cités de quatre-vingt-quatorze personnes détenues et de six autres mises en résidence surveillée doivent être rectifiés, car les détentions opérées se sont élevées au total à cent dix-neuf. D'autre part, le gouvernement ajoute que sur ces cent dix-neuf détenus, soixante-douze ont été mis en liberté, ce qui en laisse quarante-sept faisant l'objet de poursuites judiciaires et que les six personnes assignées à résidence ont été mises en liberté. D'après le gouvernement, sur les cent dix-neuf personnes détenues, soixante-huit l'ont été dans les Asturies, quinze en Biscaye, quinze en Giupúzcoa et vingt et une à Barcelone. Le gouvernement affirme de nouveau dans sa dernière communication que pas une seule personne n'a été détenue pour des motifs ayant trait à des questions de travail; il ajoute que les raisons pour lesquelles furent effectuées les détentions ont été entièrement indépendantes des différends du travail, dont les agitateurs extrémistes prétendirent profiter à des fins de subversion et de perturbation de l'ordre public, dans un but exclusivement politique: attaquer le gouvernement. Le gouvernement ajoute que les membres de ces groupes d'agitation subversive ont été détenus et poursuivis sous l'accusation, établie d'après des preuves concrètes, de délits prévus et sanctionnés par la législation espagnole en vigueur, et que tous les détenus ont été, dans les délais légaux, mis à la disposition de l'autorité judiciaire compétente. Comme preuve que les autorités n'étaient aucunement animées d'un désir de représailles, le gouvernement signale que trois des inculpés dans les Asturies, à savoir Bernardo Arranz Ramos et Ernesto Losa Fernández, du bassin de Mieres, et Florentino Lafuente Cuesta, de Giján, ont demandé et obtenu un passeport pour l'étranger, les deux premiers étant partis pour la France et le troisième, à destination de la Belgique. Le gouvernement ajoute que les quarante-sept détenus qui restent à la disposition de l'autorité judiciaire font l'objet de poursuites régulières, conformément à la procédure espagnole, et bénéficient des garanties et des moyens de défense que celle-ci leur reconnaît.
  17. 147. Dans tous les cas où une affaire faisait l'objet d'une sanction devant une instance judiciaire nationale, le Comité, estimant que la décision à intervenir était susceptible de lui fournir d'utiles éléments d'information dans son appréciation des allégations formulées, à décidé d'ajourner l'examen du cas en attendant d'être en possession du résultat des procédures engagées.
  18. 148. S'inspirant de ces précédents, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir lui communiquer le résultat des procédures engagées devant les tribunaux nationaux contre les quarante-sept personnes qui sont toujours détenues et, en particulier, le texte des jugements prononcés et celui de leurs considérants, et, dans l'attente de ces communications, d'ajourner l'examen de cet aspect déterminé du cas.
    • Envoi d'une commission d'enquête
  19. 149. Dans leur communication du 27 avril 1962, les plaignants demandaient l'envoi immédiat en Espagne d'une commission d'enquête pour vérifier les mesures de répression que le gouvernement espagnol aurait prises en raison de la grève. Cette demande a été réitérée dans la deuxième communication des plaignants, en date du 23 mai 1962. Dans sa réponse du 31 juillet 1962, le gouvernement déclarait que cette prétention « exprimée en des termes aussi absolus et vexatoires, est inadmissible »; il ajoutait qu'il y a lieu à ce propos de rappeler le ton bien différent du projet de résolution soumis à la dernière session de la Conférence internationale du Travail, qui suggérait au Conseil d'administration d'envisager l'opportunité d'une extension de la procédure actuelle du Comité de la liberté syndicale, qui pourrait, dans certaines circonstances, être autorisé à « demander au gouvernement intéressé d'inviter des représentants du Comité à procéder sur place à une enquête ». Le gouvernement ajoutait que « ce projet de résolution, sur lequel d'ailleurs la Conférence n'est pas parvenue à se prononcer, est rédigé dans une forme beaucoup plus respectueuse de la souveraineté nationale et offre un contraste frappant avec la recommandation formulée par les plaignants ».
  20. 150. A sa 32ème session (octobre 1962), le Comité a ajourné l'examen de la possibilité d'une forme quelconque d'enquête en attendant de recevoir les informations complémentaires qu'il avait recommandé au Conseil d'administration de solliciter du gouvernement.
  21. 151. Dans sa communication du 14 janvier 1963, le gouvernement a adressé certaines informations; toutefois, le Comité, ayant de toute façon recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement d'envoyer de nouvelles informations complémentaires, a ajourné de nouveau l'examen de cette question en attendant de recevoir lesdites informations complémentaires.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 152. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité, étant donné le fait qu'il a toujours été guidé par le principe selon lequel les allégations relatives à l'exercice du droit de grève ne sortent pas du champ de sa compétence dans la mesure - mais seulement dans la mesure - où elles affectent l'exercice des droits syndicaux, recommande au Conseil d'administration:
    • a) de constater que, bien que le décret no 2354/62 sur les procédures de réglementation, conciliation et arbitrage en matière de relations collectives de travail apporte certaines garanties en vue de la protection des droits des travailleurs en cas de conflit collectif, destinées à donner effet à la recommandation du Comité selon laquelle les restrictions apportées à l'exercice du droit de grève devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, il subsiste que la situation reste inchangée en ce qui concerne le fait que la législation actuellement en vigueur en matière de grève - Code pénal, Charte du travail, loi sur la sécurité de l'Etat, examinés aux paragraphes 81-88 du quarante et unième rapport du Comité - peut être interprétée comme impliquant une interdiction générale de la grève appliquée à tous les travailleurs et pas seulement à ceux des services essentiels, et, en conséquence, d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement, comme il l'a fait au paragraphe 495 b) du soixante-sixième rapport du Comité, sur le principe énoncé au paragraphe 481 dudit rapport, principe selon lequel le droit de grève est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels;
    • b) de prier le gouvernement, étant donné l'importance que le Conseil d administration a toujours attachée au principe selon lequel, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de droit commun que le gouvernement considère comme étant étrangers à leurs activités syndicales, ces personnes soient jugées promptement et équitablement par un tribunal impartial et indépendant, de bien vouloir indiquer le résultat des procédures engagées devant les tribunaux nationaux contre les quarante-sept personnes qui sont toujours détenues, en fournissant le texte des jugements prononcés ainsi que celui de leurs considérants et, dans l'attente de ces informations, d'ajourner l'examen de cet aspect du cas.
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