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Interim Report - REPORT_NO74, 1964

CASE_NUMBER 294 (Spain) - COMPLAINT_DATE: 27-AUG-62 - Closed

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  1. 169. Le Comité a déjà fait rapport sur le présent cas au Conseil d'administration dans ses soixante-sixième, soixante-huitième, soixante-dixième et soixante-douzième rapports. Les questions se trouvant encore en suspens, au sujet desquelles le Comité n'a pas présenté de recommandations définitives au Conseil d'administration sont les allégations relatives aux arrestations et aux déportations à la suite des grèves de 1962, aux mesures d'assignation à résidence en raison d'activités syndicales, aux questions soulevées par les grèves de 1963 et à la législation nationale en matière de grève et à la demande d'envoi d'une commission d'enquête en Espagne. Il ne sera question, dans les paragraphes qui suivent, que de ces questions restées en suspens.

Allégations relatives aux arrestations et aux déportations à la suite des grèves de 1962

Allégations relatives aux arrestations et aux déportations à la suite des grèves de 1962
  1. 170. Ces allégations ainsi que leur examen par le Comité ont été analysées aux paragraphes 96 à 115 du soixante-douzième rapport du Comité. En particulier, le Comité était saisi, à sa session de novembre 1963, d'une communication du gouvernement datée du 3 mai 1963 dans laquelle ce dernier donnait ses raisons pour ne pas fournir, ainsi que l'avait demandé le Conseil d'administration, le texte des jugements des tribunaux nationaux dans le cas de quarante-sept personnes accusées de délits commis à l'occasion des grèves de 1962, personnes que le gouvernement déclarait, dans sa communication en date du 14 janvier 1963, avoir toujours été en prison à cette date. Dans sa communication du 3 mai 1963, le gouvernement a informé le Comité qu'il avait récemment soumis au Parlement un projet de loi qui, en premier lieu, apportait des exceptions à certaines dispositions pénales, en second lieu, rendait de la compétence des tribunaux ordinaires certains délits qui, jusqu'alors, relevaient d'autorités judiciaires spéciales. Dans une communication en date du 29 juillet 1963, le gouvernement réaffirmait les points de vue qui viennent d'être exposés et ajoutait qu'un décret du 24 juin et une ordonnance du 19 juillet 1963 avaient amnistié un certain nombre des quarante-sept personnes intéressées et réduit les peines de certaines autres.
  2. 171. Les conclusions et recommandations du Comité figurent au paragraphe 138 du soixante-douzième rapport précité et sont libellées comme suit:
  3. ....................................................................................................................................................
  4. b) lorsqu'il invitera le gouvernement à collaborer entièrement à l'examen du cas présent, de le prier une fois de plus de communiquer le texte des jugements résultant de l'action entreprise contre les quarante-sept personnes dont il est question dans la communication du gouvernement espagnol en date du 14 janvier 1963;
  5. c) en ce qui concerne le projet de loi soumis au Cortès, de noter, d'une part, qu'il ne semble pas exister de possibilités d'une révision des jugements susmentionnés et, d'autre part, qu'il est prévu de créer une juridiction spéciale chargée des crimes contre l'ordre public, qui aura compétence privative par rapport aux autres tribunaux de la juridiction ordinaire, pour juger une série d'actes délictueux et de demander au gouvernement de le tenir au courant du texte que le pouvoir législatif adoptera en définitive;
  6. d) de prendre acte des mesures d'amnistie décrétées par le gouvernement et touchant les quarante-sept personnes ayant fait l'objet des jugements en question, et de prier le gouvernement de bien vouloir lui indiquer quelle est actuellement la situation de ces personnes à la suite de ces mesures;
  7. ......................................................................................................................................................
  8. 172. Ces conclusions ainsi que ces demandes d'informations complémentaires ayant été approuvées par le Conseil d'administration à sa 157ème session (novembre 1963), elles ont été portées à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 27 novembre 1963.
  9. 173. Par une communication du 10 février 1964, le gouvernement de l'Espagne a envoyé certains commentaires et informations concernant la demande formulée au paragraphe 138 du soixante-douzième rapport du Comité. Le gouvernement réaffirme son point de vue en ce qui concerne la communication des jugements et s'en tient à ses arguments antérieurs en la matière. Il soutient qu'il s'agit dans ce cas d'une question de principe puisque les jugements en question n'affectent pas des travailleurs ou des syndicalistes en tant que tels ou en raison de leur participation à des conflits du travail. Selon le gouvernement, ces jugements ne sont pas non plus fondés sur l'article 222 du Code pénal concernant les grèves qui ont pour motif de provoquer la subversion sociale. Se référant ensuite aux affirmations du Comité, le gouvernement indique que les décisions des tribunaux ne doivent pas être qualifiées de « mesures de nature politique », puisqu'elles émanent des organes d'un Pouvoir de l'Etat complètement indépendant. Par conséquent, l'argument selon lequel « personne ne peut être juge dans sa propre cause » ne paraît pas approprié car la fonction judiciaire est confiée à un Pouvoir qui jouit d'une entière indépendance par rapport à l'Exécutif.
  10. 174. Le gouvernement déclare toutefois que trente-sept personnes intéressées ont été relâchées à la suite d'une mesure de clémence. Les dix personnes restantes se trouvent encore en prison mais leur peine a été réduite et l'on pense que six d'entre elles pourront être relâchées entre mars 1964 et le début de 1965. Dans le cas des dix personnes en question, le gouvernement fournit des informations quant à la nature des délits qui sont à l'origine de leur condamnation. Ramón Ormazábal Tife a été convaincu d'être entré en Espagne sous un faux nom et avec de faux papiers et a admis être membre du Conseil de direction du Parti communiste espagnol clandestin, ainsi que responsable de l'organisation des activités de ce parti en Espagne à des fins subversives. Gregorio Rodriguez Gordón s'est révélé être un agitateur appartenant au Parti communiste espagnol en exil accompagnant Ramón Ormazábal Tife et a été convaincu d'être entré en Espagne de la même manière que ce dernier et pour les mêmes raisons. Agustin Ibarrola Goicoechea était le dirigeant local du Parti communiste espagnol et en contact étroit avec les personnes précédentes: il se livrait aux mêmes activités. José Giménez Pencás, Gonzalo José Villate Fernández, Vidal Nicolás Moreno, Enrique Mugica Herzog, Andrés Pérez Salazar et José Maria Ibarrola Goicoechea ont participé avec les personnes précédentes à la préparation et à la diffusion de propagande subversive en faveur du renversement du gouvernement par la force. Angel Abad Silvestre était organisateur du Front ouvrier catalan, branche locale du Parti communiste, dont l'un des buts, selon les tracts de cette organisation, est « de prendre le prétexte de toute revendication ouvrière pour fomenter la lutte, même violente, à des fins subversives visant à renverser le régime espagnol en place ».
  11. 175. Le Comité, tout en regrettant que le gouvernement maintienne sa décision de ne pas fournir le texte des jugements rendus dans le cas des quarante-sept personnes mentionnées ci-dessus et en soulignant que le texte même des décisions judiciaires fournit des éléments de preuve sensiblement plus clairs du fait que les procédures suivies ne se rapportent pas à des activités syndicales, recommande au Conseil d'administration de prendre note de la déclaration du gouvernement, contenue dans sa déclaration du 10 février 1964, selon laquelle trente-sept des personnes en question ont été remises en liberté à la suite de mesures de clémence, que les dix personnes se trouvant encore en prison ont été condamnées pour s'être rendues coupables d'actes destinés à renverser par la force le gouvernement et que six de ces dix personnes seront probablement relâchées d'ici le début de 1965.
  12. 176. En annexe à sa lettre du 10 février 1964, le gouvernement fournit également le texte de la loi no 154/1963, du 2 décembre 1963, portant création d'une cour et d'un tribunal d'ordre public. Le Comité note que cette loi établit un tribunal et une cour dans le cadre du système judiciaire ordinaire et avec pour seul mandat de traiter d'une série de délits - généralement selon une procédure d'urgence accélérée - prévus par la loi pénale (livre IV, titre III). La loi prévoit également la possibilité d'une révision des affaires traitées par l'autorité judiciaire spéciale à laquelle de tels cas étaient antérieurement renvoyés et pour lesquels une décision finale n'a pas été prise. Le Comité croit comprendre que les décisions prises contre les quarante-sept personnes dont il est ici question étaient les décisions définitives et que, en vertu de la nouvelle loi, elles ne peuvent pas être renvoyées aux fins de révision devant le nouveau tribunal. Il recommande, en conséquence, au Conseil d'administration de prendre note de ce qui précède.
  13. Allégations relatives aux mesures d'assignation à résidence comme conséquence d'activités syndicales
  14. 177. A sa session de novembre 1963, le Comité, dans les paragraphes 116 à 120 de son soixante-douzième rapport, a examiné les allégations formulées par la Confédération internationale des syndicats libres (C.I.S.L.) et par la Confédération internationale des syndicats chrétiens (C.I.S.C.) dans leur communication conjointe du 21 août 1963 relative au maintien des mesures d'assignation à résidence frappant de nombreux grévistes ayant participé aux grèves des Asturies de 1962, mesures qui s'accompagnaient pour les intéressés, lorsque ceux-ci étaient réintégrés, d'une partie de leurs droits acquis. Le Comité était saisi des observations fournies par le gouvernement dans sa communication en date du 16 octobre 1963.
  15. 178. Dans ces conditions, au paragraphe 138 f) de son soixante-douzième rapport, le Comité a recommandé au Conseil d'administration:
  16. ....................................................................................................................................................
  17. en ce qui concerne les mesures de résidence forcée décrétées à la suite des grèves de 1962 contre divers travailleurs désignés par les plaignants, de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer quels sont précisément les délits qui auraient été commis par ces personnes et quelle procédure a été appliquée pour assigner les intéressés à résidence.
  18. ......................................................................................................................................................
  19. 179. Cette conclusion ayant été approuvée par le Conseil d'administration à sa 157ème session (novembre 1963), elle a été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 27 novembre 1963. Le gouvernement a répondu par une communication en date du 10 février 1964.
  20. 180. Dans sa communication du 10 février 1964, le gouvernement signale que toutes les mesures de résidence forcée auxquelles se sont référées les communications antérieures ont été motivées par des tentatives d'organisation ou d'encouragement à la subversion qui prétendaient mettre à profit la situation offerte par un conflit du travail pacifique à des fins politiques de caractère nettement séditieux. Des mesures ont été prises par les autorités compétentes en vertu des pouvoirs que leur conférait le décret-loi du 8 juin 1962 qui, conformément à l'article 35 du Statut des Espagnols, suspendait provisoirement une partie des garanties établies par cette loi fondamentale de l'Etat. Le gouvernement signale que, depuis la promulgation du Statut, des suspensions provisoires ne se sont produites qu'en trois occasions. Une fois dépassées les circonstances qui les avaient rendues nécessaires, les quarante-huit mesures de résidence forcée qui avaient été finalement maintenues sont demeurées sans effet et, à l'heure actuelle, personne n'est touché par celles-ci.
  21. 181. Le décret-loi 17/1962, du 8 juin 1962, prévoit la suspension pour deux ans, sur tout le territoire national de l'article 14 du Statut des Espagnols. Il est recommandé au ministre de l'Intérieur d'adopter les mesures qui sont dans chaque cas jugées nécessaires en application de ladite disposition. De son côté, l'article 14 du Statut établit que les Espagnols ont le droit de fixer librement leur résidence sur le territoire national. Le Comité note que les personnes qui se trouvaient, il y a peu de temps, encore en résidence forcée, ont été frappées de cette peine à l'occasion d'une grève et que le gouvernement se réfère seulement d'une manière générale aux activités de caractère subversif qui auraient été la cause des mesures prises à leur encontre. Le gouvernement ne donne pas de précisions sur la procédure retenue pour ordonner la résidence forcée dans les différents cas.
  22. 182. Dans des situations analogues où le Comité a dû examiner le problème de la déportation de personnes ayant commis des actes contraires à la tranquillité et à l'ordre public ou à la sécurité de l'Etat, le Comité a estimé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la procédure suivie dans de tels cas, tout en reconnaissant néanmoins qu'il y aurait intérêt à entourer cette procédure de toutes les sauvegardes nécessaires afin de garantir qu'elle ne puisse être utilisée en vue de porter atteinte au libre exercice des droits syndicaux.
  23. 183. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note du fait qu'actuellement aucune des personnes intéressées n'est assignée à résidence, mais que le gouvernement se réfère seulement d'une manière générale aux activités de caractère subversif, qui auraient été la cause des mesures prises à leur encontre, et qu'il ne donne pas de précisions sur la procédure utilisée pour ordonner ces mesures; d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il a toujours attachée à ce que la procédure légale soit suivie lorsque des syndicalistes sont accusés d'infractions de nature politique ou de délits de droit commun et d'exprimer l'espoir que, d'après ce qui s'est fait antérieurement dans un cas concernant l'Espagne, les gouvernements, soucieux de voir les rapports de travail se développer dans une atmosphère de confiance mutuelle, aient recours, pour faire face aux conséquences résultant d'une grève ou d'un lock-out, à des mesures prévues par le droit commun plutôt qu'à des mesures d'exception qui risquent de comporter, de par leur nature même, certaines restrictions à des droits fondamentaux.
  24. Allégations relatives à la législation nationale en matière de grève
  25. 184. Dans leurs plaintes relatives aux grèves de 1963, les plaignants ont également demandé que le gouvernement soit prié de rétablir la liberté syndicale et d'assurer le libre exercice du droit de grève.
  26. 185. Ayant examiné cet aspect du cas à sa session de novembre 1963, le Comité, au paragraphe 138 e) de son soixante-douzième rapport, a recommandé au Conseil d'administration:
  27. ......................................................................................................................................................
  28. e) d'appeler une fois de plus l'attention du gouvernement, ainsi qu'il l'a déjà fait dans des occasions précédentes, sur le fait que, sous sa forme actuelle, la législation espagnole en matière de grève peut être interprétée comme interdisant les grèves de manière absolue, ce qui n'est pas compatible avec les principes généralement admis en matière de liberté syndicale, et que, dans ces conditions, il voudra peut-être envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportés à cette législation des amendements appropriés.
  29. ......................................................................................................................................................
  30. 186. Cette recommandation ayant été approuvée par le Conseil d'administration à sa 157ème session (novembre 1963), elle a été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 27 novembre 1963.
  31. 187. En ce qui concerne le droit de grève, le gouvernement réitère, dans sa communication du 10 février 1964, la position qu'il a soutenue antérieurement , selon laquelle la législation en vigueur est en accord avec les recommandations du Comité de la liberté syndicale. Le gouvernement indique qu'il y a eu, en diverses occasions, des débrayages collectifs, sans que ceux-ci puissent être qualifiés d'illégaux, étant donné qu'il s'agissait d'arrêts volontaires se situant intégralement ou essentiellement sur le plan du travail. Selon le gouvernement, la législation espagnole actuelle ne peut pas être interprétée comme interdisant les grèves de manière absolue. La possibilité des conflits du travail est reconnue expressément dans le décret no 2354-62, du 20 septembre 1962, sur les formalités et procédures de conciliation et d'arbitrage en matière de conflits collectifs du travail. Le gouvernement ajoute que l'article 222 du Code pénal a été constamment interprété dans le sens que seules les grèves qui ont pour motif de provoquer la subversion ou la sédition appartiennent à cette catégorie sanctionnée par la loi. Par ailleurs, le décret no 2354-62 reconnaît que les conflits collectifs motivés par des questions de travail sont légitimes et ne sont pas passibles de sanction.
  32. 188. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note de la déclaration du gouvernement, contenue dans sa communication du 10 février 1964, selon laquelle rien ne permet d'interpréter la législation espagnole en vigueur comme signifiant que les grèves sont interdites de manière absolue, que le décret no 2354-62 reconnaît que les conflits collectifs du travail sont licites et ne sont pas punissables, et que l'article 222 du Code pénal a toujours été interprété comme signifiant que seules les grèves visant des fins subversives ou séditieuses pouvaient être considérées comme étant illicites; de réaffirmer les vues exprimées aux paragraphes 137 et 138 du soixante-huitième rapport du Comité, selon lesquelles le droit des travailleurs et de leurs organisations de se mettre en grève en tant que moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels est généralement reconnu et que les restrictions apportées au droit de grève devraient s'assortir de procédures impartiales et expéditives de conciliation et d'arbitrage.
  33. Allégations relatives aux grèves de 1963
  34. 189. Ces allégations, formulées par la C.I.S.L et la C.I.S.C dans leurs communications en date des 16 août, 21 août et 24 septembre 1963, au sujet desquelles le gouvernement a présenté des observations dans deux communications datées des 16 et 19 octobre 1963, ont été examinées par le Comité à sa session de novembre 1963 et ont été traitées dans les paragraphes 121 à 130 de son soixante-douzième rapport. Le Comité a également noté que le gouvernement n'avait pas présenté d'observations au sujet d'une communication ultérieure de ces deux plaignants, datée du 8 octobre 1963, contenant des informations supplémentaires spécifiques à l'appui des allégations formulées dans leurs communications antérieures, et a décidé de prier le gouvernement de fournir à ce sujet ses observations.
  35. 190. Entre autres, les plaignants donnaient le nom et le lieu de résidence de huit personnes - MM. Pedro León Alvarez, Leonardo Velasco Garcia, Gerardo Alvarez Garcia, José Cuesta Garcia, Antonio Paredes Fernández, Francisco Rubio Casa, César Fernández, Faustino Rodriguez Garcia - dont on alléguait qu'ils avaient été accusés d'avoir été des meneurs des grèves des Asturies de 1963 et de s'être livrés à des activités de propagande subversive (voir paragr. 122 du soixante-douzième rapport du Comité).
  36. 191. Le Comité, lorsqu'il a examiné les allégations relatives aux grèves de 1962, avait déjà rappelé au paragraphe 97 de son soixante-douzième rapport que, dans le passé, lorsque les gouvernements ont répondu à des allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs avaient été arrêtés ou détenus pour activités syndicales en déclarant que les personnes en cause avaient en fait été arrêtées pour leurs activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le Comité a toujours suivi la règle consistant à prier les gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible sur les arrestations et les déportations, et il a ajouté que si, dans certains cas, il est convenu que des allégations relatives aux arrestations ou aux détentions de militants syndicalistes ne méritaient pas un examen plus approfondi, c'est qu'il avait reçu des gouvernements certaines informations établissant de façon suffisamment évidente et précise que ces arrestations ou détentions n'avaient rien à voir avec des activités syndicales mais résultaient uniquement d'activités dépassant le cadre syndical qui nuisaient à l'ordre public ou étaient de caractère politique a.
  37. 192. Dans ces conditions, le Comité, au paragraphe 138 g) de son soixante-douzième rapport, avait recommandé au Conseil d'administration:
  38. ......................................................................................................................................................
  39. g) en ce qui concerne la détention à la suite des grèves de 1963 des personnes désignées par les plaignants et en vertu des principes maintes fois appliqués par le Comité en des cas analogues et exposés plus haut au paragraphe 97, de prier le gouvernement de bien vouloir communiquer le résultat des poursuites engagées contre les huit personnes mentionnées au paragraphe 122 et plus particulièrement d'envoyer le texte des jugements prononcés ou à prononcer en ajournant l'examen de cet aspect du cas jusqu'à ce qu'il soit en possession de ces informations.
  40. ......................................................................................................................................................
  41. 193. Cette recommandation ayant été approuvée par le Conseil d'administration à sa 157ème session (novembre 1963), elle a été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 27 novembre 1963.
  42. 194. Dans sa communication du 10 février 1964, le gouvernement indique que, parmi les huit personnes détenues, M. Pedro León Alvarez a été remis en liberté. Les autres se trouvent à la disposition des autorités judiciaires compétentes, bien que, jusqu'ici, aucun jugement n'ait été prononcé dans leurs cas respectifs. Dans sa communication le gouvernement ne fait pas mention des informations complémentaires adressées par les plaignants le 8 octobre 1963.
  43. 195. Dans cette communication la C.I.S.L et la C.I.S.C apportent des informations sur les sévices et les tortures dont auraient été victimes Rafael González, Silvino Zapico et son épouse, Vicente Marañaga, Alfonso Braña et son épouse, Antonio Zapico, Jerónimo Fernández Terente, Jesús Ramos Talavera, Everardo Castro, Tina Martinez, Juan Alberdi, etc. La première des personnes énumérées serait décédée à la suite de tortures. Il signale également que les entreprises dans lesquelles il n'y a pas eu de grève et qui donnent un emploi à un travailleur ayant participé aux grèves, reçoivent une amende de 1.000 pesetas la première fois, de 6.000 pesetas la seconde fois et, la troisième fois, sont obligées de fermer. En accord avec les plaignants, ces renseignements ont été obtenus grâce à une lettre (dont copie ci-jointe) adressée au ministre de l'Information et du Tourisme par une centaine d'intellectuels.
  44. 196. Dans ces circonstances, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note du fait que M. Pedro León Alvarez se trouve en liberté, mais que le gouvernement n'a pas adressé le texte du jugement le concernant; que les sept autres personnes mentionnées par les plaignants sont encore à la disposition des autorités sans qu'un jugement ait été prononcé contre elles et que le gouvernement n'a pas encore envoyé ses commentaires sur les allégations précises contenues dans la communication des plaignants en date du 8 octobre 1963.
  45. Envoi d'une commission d'enquête
  46. 197. A sa session de novembre 1963, le Comité a examiné aux paragraphes 131 à 137 de son soixante-douzième rapport les diverses demandes formulées par les plaignants visant à l'envoi d'une commission d'enquête en Espagne, les observations présentées par le gouvernement sur cet aspect de l'affaire dans sa communication en date du 31 juillet 1962 et les allusions faites à cette question lors de la 153ème session du Conseil d'administration.
  47. 198. Le Comité observe que la première de ces demandes a été faite en 1962 au sujet des questions posées par les grèves de 1962 alors qu'il appartenait au Comité de déterminer si les personnes arrêtées à cette époque avaient légalement exercé leur droit de grève - ce que le gouvernement déclarait n'être en soi pas illicite - ou si elles s'étaient livrées à des activités subversives, question à propos de laquelle le Comité avait indiqué qu'il n'était pas en mesure d'évaluer le poids relatif des assertions des plaignants et de la négation du gouvernement en l'absence d'éléments de preuves satisfaisantes. Bien que certaines informations aient depuis été fournies par le gouvernement en ce qui concerne le cas des quarante-sept personnes arrêtées à la suite des grèves de 1962, le Comité note que de nouvelles demandes d'enquêtes ont été formulées à la suite des arrestations ou d'autres questions soulevées à l'occasion des grèves de 1963 au sujet desquelles le gouvernement n'a pas fourni les informations complémentaires sollicitées de lui, et des questions soulevées dans la plainte de la C.I.S.L et de la C.I.S.C en date du 8 octobre 1963 sur laquelle le gouvernement n'a pas fourni d'observations. Cet aspect du cas se trouve donc en suspens devant le Comité.
  48. 199. Le Comité se propose d'examiner cette question plus avant lors de sa prochaine session (3-4 juin 1964), avant la 159ème session du Conseil d'administration, afin de décider si, à la lumière de tout élément de preuve susceptible de lui être communiqué d'ici là, il devrait recommander au Conseil d'administration de prier le gouvernement de donner son consentement à une enquête plus approfondie sur celles des questions dont le Comité a été saisi qui se trouvent toujours en suspens.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 200. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de noter, en ce qui concerne les allégations relatives aux arrestations et aux déportations à la suite des grèves de 1962, la déclaration du gouvernement contenue dans sa communication du 10 février 1964 selon laquelle trente-sept des quarante-sept personnes se trouvant encore en prison en juin 1963 ont depuis été libérées à la suite de mesures de clémence, que les dix personnes se trouvant encore en prison ont été condamnées pour s'être rendues coupables d'actes visant à renverser le gouvernement par la force et que six de ces dix personnes seront probablement relâchées d'ici le début de 1965;
    • b) de noter que la loi no 154/1962, portant création d'une cour et d'un tribunal d'ordre public, institue un tribunal et une cour dans le cadre du système judiciaire ordinaire avec pour seul mandat de traiter d'une série de délits - généralement en suivant une procédure d'urgence accélérée - prévus par la loi pénale (livre IV, titre III) et que la loi prévoit également la possibilité d'une révision des affaires lorsqu'une décision finale n'a pas été prise;
    • c) en ce qui concerne les allégations relatives aux mesures d'assignation à résidence prises en raison d'activités syndicales:
    • i) de prendre note du fait qu'à l'heure actuelle aucune des personnes intéressées n'est assignée à résidence;
    • ii) de prendre note du fait que le gouvernement ne fait allusion qu'en termes généraux aux activités de caractère subversif, dont il est dit qu'elles sont à l'origine des mesures prises contre les intéressés et qu'il ne fournit aucune précision en ce qui concerne la procédure qui a conduit à l'adoption de telles mesures;
    • iii) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée, lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de crimes de droit commun, à ce que ces personnes bénéficient des garanties d'une procédure judiciaire régulière, en exprimant l'espoir comme il l'avait fait à l'occasion d'un cas précédent relatif à l'Espagne, que les gouvernements soucieux de voir les rapports de travail se développer dans une atmosphère de confiance mutuelle, aient recours, pour faire face aux conséquences résultant d'une grève ou d'un lock-out, à des mesures prévues par le droit commun plutôt qu'à des mesures d'exception qui risquent de comporter, de par leur nature même, certaines restrictions des droits fondamentaux;
    • d) en ce qui concerne les allégations relatives à la législation nationale en matière de grève:
    • i) de prendre note de la déclaration du gouvernement contenue dans sa communication du 10 février 1964 selon laquelle rien ne permet d'interpréter la législation espagnole en vigueur comme signifiant que la grève est interdite de manière absolue, que le décret no 2354/1962 reconnaît que les conflits collectifs du travail sont licites et que l'article 222 du Code pénal a constamment été interprété comme signifiant que seules les grèves ayant un but subversif ou séditieux pouvaient être considérées comme illicites;
    • ii) de réaffirmer les vues exprimées aux paragraphes 137 et 138 du soixante-huitième rapport du Comité selon lesquelles le droit des travailleurs et de leurs organisations de se mettre en grève en tant que moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels est généralement reconnu et que les restrictions apportées aux grèves devraient s'assortir de procédures impartiales et expéditives de conciliation et d'arbitrage;
    • e) en ce qui concerne les allégations relatives aux grèves de 1963, de prendre note du fait que M. Pedro León Alvarez a été relâché; que les sept autres personnes mentionnées par les plaignants se trouvent encore à la disposition des autorités sans avoir été condamnées; que le gouvernement n'a pas encore fourni ses observations sur les allégations détaillées formulées par les plaignants dans leur communication en date du 8 octobre 1963;
    • f) de noter que le Comité se propose d'examiner plus avant à sa prochaine session (3-4 juin 1964), avant la 159ème session du Conseil d'administration, à la lumière de tous éléments de preuve susceptibles de lui avoir été soumis d'ici là, la question de savoir s'il devrait recommander au Conseil d'administration de prier le gouvernement de donner son consentement à une enquête plus approfondie sur celles des questions dont le Comité a été saisi qui se trouvent toujours en suspens.
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