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- 47. La plainte du Syndicat unique de l'enseignement laïc du Sénégal (S.U.E.L.) est contenue dans une communication en date du 20 novembre 1961 adressée au Secrétaire général des Nations Unies. Conformément à la procédure en vigueur, ce dernier a renvoyé la communication du S.U.E.L à l'Organisation internationale du Travail par une lettre en date du 18 décembre 1961. La plainte a été transmise au gouvernement intéressé pour observations le 5 janvier 1962. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse par une communication en date du 4 juillet 1962.
- 48. Le Sénégal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
- 49. Les plaignants allèguent en termes généraux que le S.U.E.L ferait l'objet de la part des autorités de toutes sortes de mesures discriminatoires visant à affaiblir l'organisation plaignante au profit de l'autre syndicat de la branche professionnelle intéressée - le SYNELS -, qui jouirait des faveurs du gouvernement. A l'appui de ces affirmations de caractère général, les plaignants formulent un certain nombre d'allégations spécifiques, qui peuvent être classées en trois catégories, que l'on passera séparément en revue dans les paragraphes qui suivent.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- Allégations relatives à la mutation, au transfert et à la suspension d'instituteurs et de professeurs
- 50 Les plaignants allèguent que de nombreux instituteurs et professeurs, membres du S.U.E.L, auraient, depuis 1958, été mutés ou suspendus. D'après les plaignants, ces mesures ne seraient pas étrangères au fait de l'affiliation des intéressés au S.U.E.L.
- 51 Plus précisément, les plaignants allèguent que M. Amadou N'Dené N'Daw, secrétaire adjoint du bureau national du S.U.E.L, aurait été muté à moins d'un mois du congrès de cette organisation dans le but de compromettre la préparation dudit congrès. Il aurait par la suite été suspendu sans traitement sans qu'aucune raison d'ordre professionnel puisse être invoquée pour justifier cette mesure. De même, déclarent les plaignants, MM. Mamady Sane et Babacar Diallo auraient été affectés, respectivement, à Tamba Counda et à Pata « dans le but unique d'affaiblir la section S.U.E.L de Rufisque ». Les plaignants s'abstiennent toutefois de préciser les fonctions syndicales qu'auraient éventuellement occupées ces personnes.
- 52 Dans sa réponse, le gouvernement reconnaît que certains fonctionnaires ont fait l'objet de mesures disciplinaires et, notamment, de déplacements d'office. Il nie toutefois que ces mesures aient eu pour origine les activités syndicales de ceux qu'elles ont frappés. Le gouvernement indique que, d'ailleurs, les mesures incriminées ont été prises après avis de conseils de discipline dont la composition prévoit la participation des représentants des intéressés sur une base paritaire avec ceux de l'administration.
- 53 Le gouvernement déclare que les membres du personnel enseignant auxquels la plainte fait allusion - et dont beaucoup ont par ailleurs été déférés devant les tribunaux de droit commun - ont été pris en flagrant délit d'actes, tels que jet de pierres, port d'armes prohibé, manifestations interdites en période électorale, « irruption dans les bureaux de vote, poignard ou revolver en main, pour brûler les urnes après y avoir versé de l'essence ».
- 54 En ce qui concerne le cas particulier de M. Amadou N'Dené N'Daw, lequel était directeur adjoint de l'Ecole Gambetta à Kaolack, le gouvernement déclare que l'intéressé avait à plusieurs reprises été signalé par l'Inspecteur de l'enseignement primaire comme absentéiste systématique. Le ministre de l'Education nationale - poursuit le gouvernement - a fait procéder à une enquête pour déterminer les causes de ces absences fréquentes et injustifiées, enquête qui a révélé que les activités politiques intenses de l'intéressé l'avaient poussé à négliger de plus en plus ses fonctions officielles d'éducateur. C'est en raison de ces fautes de service que M. N'Dené N'Daw a été muté à Mondéry, où - déclare le gouvernement - on lui offrait d'ailleurs le poste de directeur d'école. M. N'Dené N'Daw ayant refusé de rejoindre son nouveau poste, il a été suspendu de ses fonctions à la suite de la procédure disciplinaire réglementaire ouverte contre lui.
- 55 Aux affirmations des plaignants qui n'apportent aucun élément de preuve pour les appuyer, le gouvernement oppose des informations détaillées et précises sur les raisons qui ont motivé les mesures dont les personnes en cause ont été l'objet. Il ressort de la réponse gouvernementale, d'une part, que lesdites mesures ont été prises en application d'une procédure régulière, d'autre part, qu'elles ont eu leur origine, soit dans des actes éminemment répréhensibles (voir paragr. 53 ci-dessus), soit dans des fautes commises par les intéressés dans l'exercice de leur profession. En tout état de cause, les plaignants n'ont pas apporté la preuve que les mesures en question aient été motivées par les activités ou l'appartenance syndicales de ceux qui en ont été frappés.
- 56 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations relatives aux obstacles mis à des réunions syndicales
- 57 Les plaignants allèguent que le gouvernement mettrait obstacle aux réunions organisées par le S.U.E.L. Plus précisément, le 6 avril 1961, le gouvernement aurait interdit au S.U.E.L la tenue d'une journée d'études pédagogiques dans les locaux de l'Ecole publique Clémenceau de Dakar. Le 22 juin de la même année, le gouvernement aurait fait cerner l'Ecole Clémenceau par la police en vue d'empêcher la section du S.U.E.L de Dakar d'y tenir sa conférence régionale. Le 20 juillet, enfin, le gouvernement aurait réédité son geste à l'occasion d'une conférence nationale. Par contre, déclarent les plaignants, aucun obstacle n'aurait été mis à l'utilisation de l'Ecole Clémenceau par le SYNELS pour la tenue de ses réunions.
- 58 Dans sa réponse, le gouvernement déclare qu'à chacune des occasions mentionnées par les plaignants, le ministre de l'Education nationale n'a été informé de l'intention du S.U.E.L de tenir des réunions que par voie de tracts diffusés. Jamais le S.U.E.L n'a demandé l'autorisation de tenir les réunions en question dans un local public. Dans ces conditions, le ministre se devait d'interdire leur tenue dans ledit local, interdiction qui a été notifiée aux intéressés, lesquels ont cependant tenté de passer outre.
- 59 Quant aux réunions du SYNELS dans ces mêmes locaux, le gouvernement déclare que si elles ont pu se tenir, c'est parce que cette organisation a toujours demandé et obtenu, dans les formes réglementaires, les autorisations nécessaires.
- 60 A l'occasion d'un cas antérieur intéressant également le Sénégal le Comité avait estimé que, de manière générale, la possibilité, pour un gouvernement, d'accorder la jouissance de locaux à une organisation déterminée à l'exclusion d'une autre risquait, même si tel n'était pas son but, d'aboutir à favoriser ou à défavoriser un syndicat par rapport aux autres et de constituer par là un acte de discrimination; plus précisément, déclarait le Comité, en favorisant ou en défavorisant une organisation donnée par rapport aux autres, un gouvernement pourra influencer le choix des travailleurs en ce qui concerne l'organisation à laquelle ils entendent appartenir; or, précisait le Comité, la liberté du choix des intéressés en la matière constitue un droit expressément consacré par l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
- 61 Dans le cas d'espèce, cependant, il n'apparaît pas qu'il y ait eu de la part du gouvernement une intention discriminatoire à l'encontre de l'organisation plaignante. La raison qui semble être à l'origine de l'interdiction est que le S.U.E.L, en s'abstenant de demander une autorisation, ne se serait pas conformé aux formalités nécessaires pour que puissent se tenir des réunions dans des locaux publics. Le droit de réunion syndicale ne peut pas être interprété comme dispensant le plaignant de se conformer à des formalités raisonnables lorsqu'il désire faire usage d'un local public. Par ailleurs, il ne paraît pas y avoir eu atteinte au droit de réunion, puisque, aussi bien, les réunions interdites ne devaient pas se dérouler dans un local syndical.
- 62 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à la dissolution de l'organisation plaignante
- 63 Les plaignants déclarent, enfin, que « dans certains milieux du gouvernement, on parle de prendre un arrêté portant dissolution du S.U.E.L avec reconnaissance officielle du SYNELS comme l'unique organisation des enseignants du Sénégal ».
- 64 Le gouvernement, dans sa réponse, s'abstient de faire allusion à cette déclaration.
- 65 Etant donné, toutefois, le caractère de cette déclaration - il ne s'agit pas à proprement parler d'une allégation, mais plutôt d'une rumeur dont les plaignants font état -, étant donné, d'autre part, que ladite rumeur n'a pas été confirmée - les plaignants auxquels a été donnée la possibilité de présenter des informations complémentaires à l'appui de leur plainte se sont abstenus d'en faire usage -, le Comité estime qu'il serait sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas et il recommande au Conseil d'administration de décider de ne lui donner aucune suite.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 66. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider qu'il n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.