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  1. 88. La plainte du Syndicat des employés locaux des forces armées (Aden) est contenue dans deux communications des 13 février et 1er avril 1960, celle de la F.S.M dans une communication du 5 septembre 1960, et celle de la C.I.S.L dans deux communications des 30 septembre et 7 novembre 1960. Dans une communication du 13 février 1961, le gouvernement a fait part de ses observations au sujet des plaintes déposées par la F.S.M et la C.I.S.L. Les observations du gouvernement au sujet de la plainte du Syndicat des employés locaux des forces armées sont contenues dans une communication du 13 avril 1961,
  2. 89. A sa vingt-huitième session (mai 1961), le Comité a présenté au Conseil d'administration ses recommandations définitives sur les allégations relatives à une grève des employés locaux des forces armées d'Aden et à la non-reconnaissance de leur syndicat. Pour ce qui est d'autres allégations, relatives à une grève générale et à l'ordonnance de 1960 sur les rapports de travail (conciliation et arbitrage) à Aden, et à la suppression d'un journal syndical, le Conseil d'administration, approuvant à sa 149ème session (juin 1961) les recommandations présentées par le Comité au paragraphe 96 de son cinquante-septième rapport, a décidé de demander au gouvernement certaines informations complémentaires. On se bornera ci-après à examiner ces dernières allégations.
  3. 90. Le gouvernement a fourni de nouveaux renseignements dans une lettre du 13 octobre 1961.
  4. 91. Le Royaume-Uni a ratifié la convention (ne 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, la convention (ne 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (ne 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Le gouvernement du Royaume-Uni a déclaré les dispositions de ces trois conventions applicables à Aden sans aucune modification.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à une grève générale et à l'ordonnance de 1960 sur les rapports de travail (conciliation et arbitrage) à Aden
    1. 92 La F.S.M déclare que l'ordonnance sur les rapports de travail (conciliation et arbitrage) a été promulguée le 15 août 1960 et qu'il s'agit d'une loi inique qui, entre autres choses, interdit les grèves. En guise de protestation, une grève générale fut ordonnée. Elle dura trois jours, après quoi cent cinquante travailleurs furent licenciés. Les plaignants estiment qu'il s'agit là d'une violation de la convention (ne 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (ne 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiées par le gouvernement du Royaume-Uni et déclarées applicables à Aden.
    2. 93 La C.I.S.L traite en détail ces mêmes questions. Elle allègue que cette ordonnance a créé un système d'arbitrage obligatoire par un tribunal du travail et qu'elle rend les grèves et lock-outs illégaux avant, pendant et après la procédure d'arbitrage, sauf lorsque celle-ci n'est pas applicable. Elle ne s'applique pas - déclare le plaignant - lorsqu'il existe, à la connaissance du président du tribunal du travail, un accord prévoyant des mesures satisfaisantes en vue du règlement de tout différend en matière de salaire et qu'un certificat de dispense est donc accordé, lorsque la Couronne est en cause et refuse tout arbitrage sur les questions litigieuses, lorsque le métier, la profession ou l'industrie relèvent d'un conseil des salaires, ou lorsque le tribunal refuse de connaître du conflit parce qu'il estime que l'employeur n'a pas négocié ou essayé de négocier de bonne foi.
    3. 94 L'ordonnance, votée par le Conseil législatif le 15 août 1960, a obtenu le lendemain l'agrément du gouverneur. Elle contient une clause disposant qu'elle prendrait effet à la date décidée par le gouverneur en Conseil et publiée dans la Gazette. La grève générale de protestation contre cette loi fut proclamée le 15 août 1960 par le Congrès des syndicats d'Aden. Le 17 août, des négociations furent engagées entre le gouverneur et le Congrès des syndicats d'Aden; ce dernier, ainsi qu'il est allégué, convint d'ordonner l'arrêt de la grève pour le 18 août, afin de contribuer à l'amélioration des rapports de travail, à la conclusion d'accords peur mettre sur pied des procédures applicables au règlement des litiges et pour créer son propre organisme directeur, qui conseillerait les syndicats affiliés au sujet des négociations collectives et qui collaborerait avec le commissaire au travail à une enquête sur les motifs de grève. Toutefois, les négociations furent rompues, ainsi qu'il est allégué, lorsque le gouverneur décida d'ajourner la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance en la faisant dépendre d'assurances selon lesquelles aucune autre grève ne serait proclamée pour protester contre la nouvelle loi, le Congrès des syndicats ne pouvant assumer de responsabilité pour des grèves qui pourraient être décidées sans qu'il en eût connaissance ou sans son accord, alors que le gouverneur ne voulait faire aucune déclaration concernant la protection des grévistes contre les licenciements ou autres mesures disciplinaires. En ce qui concerne ce dernier peint, les plaignants déclarent que de nombreux travailleurs furent licenciés le 15 août 19(0 pour avoir fait la grève et que d'autres furent réembauchés à un salaire inférieur. Ils soutiennent que, dans une lettre du 2 septembre envoyée par le secrétaire général au Congrès des syndicats d'Aden, il était dit que les mesures disciplinaires seraient maintenues, mais que toute possibilité d'emploi gouvernemental ultérieure ne serait pas supprimée pour les employés originaires d'Aden. Les plaignants condamnent cette décision, qu'ils estiment discriminatoire. L'ordonnance entra en vigueur le 18 août 1960. Le Congrès des syndicats arrêta la grève peur éviter des heurts avec la police.
    4. 95 Les plaignants soutiennent que les dispositions de l'ordonnance dont il est question au paragraphe 93 ci-dessus violent les droits syndicaux et que, lorsque les syndicats sont obligés de conclure des accords portant création de mécanismes de négociation satisfaisants ou sont menacés d'arbitrage obligataire et d'interdiction de grèves, il ne peut y avoir de négociation collective libre, une telle contrainte étant absolument incompatible avec la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et plus particulièrement avec l'article 4 de cette convention.
    5. 96 Les plaignants opposent la situation à Aden à celle qui règne dans certains pays où le principe de l'arbitrage obligatoire a été mis en vigueur avec l'accord des syndicats, déclarant qu'à Aden, les syndicats se sont opposés à la promulgation d'une telle loi et que la majorité des membres du Conseil législatif (qui se compose, d'une part, de membres élus et, de l'autre, de membres nommés par le gouvernement) désirait ajourner à quatre mois l'examen du projet de loi lorsqu'il fut déposé au Conseil. Les plaignants insistent sur le fait que, malgré la rupture des négociations, le Congrès des syndicats a mis sur pied l'organisme directeur dont il est question plus haut afin d'aider les syndicats affiliés à organiser par le moyen d'accords les mécanismes de négociation, mais que l'existence de cette ordonnance pourrait amener les employeurs à faire appel de préférence aux organes d'arbitrage obligatoire. Bien que l'ordonnance autorise le tribunal du travail à refuser de statuer sur les affaires dans lesquelles l'employeur n'a pas négocié de benne foi, il s'agit là d'un fait dont il est difficile d'apporter la preuve. De l'avis des plaignants, tel qu'il est exprimé dans leur communication du 30 septembre 1960, l'ordonnance encourage donc les employeurs à ignorer les mécanismes de négociation volontaire, contrairement aux dispositions de ladite convention (no 98). Dans leur communication du 7 novembre 1960, les plaignants soutiennent que cette crainte s'est déjà révélée justifiée et que les employeurs vont à l'encontre de la procédure de négociation collective en s'efforçant de soumettre les litiges au tribunal du travail. Citant le cas d'un accord qui aurait été signé si l'ordonnance n'avait été promulguée entre les Aden Airways et le Syndicat des employés de l'aviation civile, les plaignants soutiennent que cette ordonnance n'a pas stimulé les négociations collectives, mais qu'elle représente une entrave pour les rapports de travail. Ainsi, le but avoué de l'ordonnance n'a pas été atteint.
    6. 97 Dans sa réponse du 13 février 1961, le gouvernement du Royaume-Uni commençait par déclarer qu'il était heureux de profiter de cette occasion pour dissiper un certain nombre de malentendus relatifs à cette ordonnance. Ce gouvernement a envoyé la copie d'un Livre blanc du gouvernement d'Aden qui explique que le but essentiel de l'ordonnance est de stimuler le recours à la négociation collective volontaire et la fixation des conditions de travail et des salaires par voie de conventions collectives. Après avoir cité des dispositions de l'ordonnance dont il a déjà été question au paragraphe 93 ci-dessus, le gouvernement exprimait son désaccord quant à la situation telle que la dépeint la C.I.S.L et déclarait qu'au contraire, l'ordonnance satisfait précisément aux objectifs de l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Le gouvernement déclarait ne pas comprendre l'affirmation de la C.I.S.L selon laquelle l'ordonnance violerait la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, du fait qu'elle n'impose aucune restriction à la liberté syndicale et qu'elle protège expressément les travailleurs de tous actes de discrimination antisyndicale.
    7. 98 Se référant encore une fois au Livre blanc, le gouvernement déclarait que la situation qui a entraîné la promulgation de l'ordonnance était très trouble. Le Livre blanc lui-même fait la revue de la politique suivie au cours de ces dernières années pour encourager la création d'organismes paritaires de négociation. Il déclare que les grèves de 1959 et 1960 ont été déclenchées parce que les deux parties n'avaient pu s'entendre au sujet de conventions paritaires à ce propos, à quoi s'ajoutait le fait que les syndicats avaient refusé d'accepter tout arbitrage volontaire ou d'épuiser toutes les possibilités de négociation avant de proclamer la grève. Le Livre blanc, tout en considérant que les syndicats ont le droit de d'intéresser à la politique, affirme que le Congrès des syndicats d'Aden s'est trop occupé de questions politiques étrangères à l'action syndicale.
    8. 99 Le gouvernement poursuivait en déclarant qu'au cours des six mois qui ont suivi la promulgation de l'ordonnance, les rapports de travail s'étaient faits plus constructifs; le gouvernement estimait que le point de vue de la C.I.S.L au sujet de ce qui pourrait se passer après la promulgation de l'ordonnance (voir paragr. 96 ci-dessus) était d'un pessimisme non motivé. Plusieurs accords sur les conditions de travail avaient été conclus entre employeurs et syndicats, d'autres étaient en cours de négociation. Selon le gouvernement, les syndicats ne s'étaient plaints en aucun cas de ce que l'employeur n'aurait pas négocié de bonne foi. De l'avis du gouvernement, c'est aux syndicats et aux employeurs qu'il appartient de profiter de cette possibilité pour engager des pourparlers au sujet des accords volontaires prévus par l'ordonnance.
    9. 100 En ce qui concerne les licenciements de grévistes, le gouvernement donnait les renseignements suivants. Tous les employés de l'Etat avaient été prévenus que toute grève de protestation contre la nouvelle législation serait considérée comme incompatible avec leurs obligations de fonctionnaires et qu'elle les exposerait à être licenciés. Le 15 août 1960, premier jour de la grève générale, cent quatre-vingt-deux travailleurs, presque tous des auxiliaires rétribués à la journée, furent portés manquants et licenciés de ce fait. Soixante-six d'entre eux avaient été réembauchés depuis la date d'envoi (2 septembre) de la lettre du secrétaire général à laquelle se réfère la C.I.S.L.; le réembauchage des autres était à l'étude. Les « nationaux » d'Aden avaient, certes, bénéficié d'une priorité dans cette question de rembauchage, mais le gouvernement s'est refusé à voir là une discrimination étant donné « qu'aucun Etat ne peut être obligé de fournir un emploi à des citoyens étrangers».
    10. 101 Il semble, ainsi que le Comité l'a relevé à sa vingt-huitième session (mai 1961), que le gouvernement avait l'intention de promulguer une ordonnance rendant l'arbitrage obligatoire pour certains litiges et interdisant les grèves et lock-outs dans certaines circonstances, ordonnance qui, de l'avis des plaignants, viole certaines conventions que le Royaume-Uni a ratifiées pour Aden; qu'en guise de protestation, le Congrès des syndicats d'Aden avait déclaré une grève générale et qu'un certain nombre de grévistes furent licenciés; et que certains grévistes avaient été réembauchés, priorité ayant été donnée aux travailleurs originaires d'Aden.
    11. 102 L'ordonnance porte création d'un tribunal du travail chargé de régler les litiges professionnels. Le président, qui doit être nommé par le gouverneur « ... doit échapper à l'influence et à l'autorité de toute autre personne ou pouvoir » (art. 6, al. 2), étant entendu toutefois que les recours au sujet des points de droit intéressant les sentences arbitrales doivent être adressés à la Cour suprême. Le président peut nommer des assesseurs, dont les candidats sont présentés (en nombres égaux) par chacune des parties en cause (art. 7). La procédure suivie en vertu de cette ordonnance, qui sera examinée plus loin, n'est pas applicable dans les cas relevant de la juridiction d'un conseil des salaires (question qui échappe aux allégations) ou dans les cas où le président du tribunal accorde une dispense. Une dispense, selon toute apparence de nature générale et continue, d'application de la procédure, peut être accordée par le président sur demande de l'une ou l'autre des parties, lorsqu'un accord a été conclu entre le syndicat et l'employeur ou l'organisation ouvrière intéressée et qu'il contient des dispositions satisfaisantes en vue du règlement de tout litige professionnel pouvant les séparer (art. 8, al. 1). Cela étant posé, chacune des parties peut signaler tout litige professionnel au responsable de la main-d'oeuvre si le litige n'est pas réglé de quelque autre façon (art. 10, al. 1). Ce responsable entreprend alors une conciliation, mais il doit d'abord renvoyer le litige en vue de son règlement par tout moyen adéquat prévu dans le cadre de l'accord liant les parties, à moins qu'il n'ait pas été possible d'aboutir à un tel règlement par ce moyen (art. 11, al. 1). Si la conciliation n'aboutit pas, le responsable de la main-d'oeuvre renvoie l'affaire au tribunal du travail (art. 14, al. 1). Lorsque la Couronne est en cause, elle peut refuser tout arbitrage (art. 14, al. 2) - les conséquences en seront expliquées plus loin. Même alors, le tribunal peut accorder un délai supplémentaire pour la négociation (art. 14, al. 4) et peut, dans tous les cas, refuser de connaître du litige « si, de l'avis du tribunal, l'une des parties en cause, qu'il s'agisse d'un employeur ou d'une association d'employeurs, n'a pas engagé de pourparlers ou essayé d'engager des pourparlers de bonne foi » (art. 14, al. 5).
    12. 103 Viennent ensuite un certain nombre de dispositions relatives aux dépositions verbales faites devant le tribunal et aux sentences arbitrales rendues par celui-ci, qui n'ont de pouvoir obligatoire que pour deux ans au maximum. Les grèves et lock-outs sont interdits en vertu de l'article 24, à moins que: a) une dispense n'ait été accordée en vertu de l'article 8, alinéa 1, ainsi qu'il est expliqué plus haut; b) le tribunal ne refuse de connaître du litige en vertu de l'article 14; c) le litige ne relève de la juridiction d'un conseil des salaires, ou d) la Couronne ne refuse l'arbitrage. L'article 25 interdit les grèves en cas de rupture de contrat dans les services essentiels, question qui échappe aux allégations présentées.
    13. 104 Pour résumer la situation, le Comité déclarait qu'il semblerait que si deux parties instituent par voie d'accord un mécanisme de règlement des conflits, l'existence d'un tel mécanisme les fait immédiatement échapper aux dispositions de l'ordonnance et que la procédure est purement volontaire. Dans tout autre cas, l'une ou l'autre des parties (mais pas les autorités) doit signaler le litige au responsable de la main-d'oeuvre pour déclencher la procédure. Toutefois, même lorsqu'il n'y a pas d'organe d'arbitrage volontaire, il n'est pas exclu de faire appel à la procédure normale pour la négociation des accords collectifs. Le responsable de la main-d'oeuvre connaît du litige s'il n'est pas réglé de toute autre manière, c'est-à-dire par accord. Ensuite, avant que la question soit soumise au tribunal, tout est mis en oeuvre pour arriver à un règlement par voie de négociation. A ce point de vue, les dispositions relatives à la composition du tribunal semblent, de l'avis du Comité, propres à garantir qu'il est institué sur une base impartiale.
    14. 105 Le gouvernement du Royaume-Uni s'est engagé, conformément à l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, à prendre en cas de besoin « des mesures appropriées aux conditions nationales... pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler, par ce moyen, les conditions d'emploi ».
    15. 106 Bien qu'il existât entre le gouvernement et la C.I.S.L une divergence de vues en ce qui concerne la question de savoir si l'ordonnance encouragera la conclusion de conventions collectives ou si, au contraire, elle aura pour effet d'inciter les employeurs à recourir à l'arbitrage, dans l'espoir que cette procédure sera à leur avantage - point sur lequel le Comité estimait qu'il n'avait pas à donner une opinion -, le Comité a considéré que les dispositions de l'ordonnance examinée ci-dessus ne sont pas incompatibles avec l'article 4 de ladite convention.
    16. 107 Le Comité constatait ensuite que l'article 14, alinéa 2, de l'ordonnance permet à la Couronne de refuser ou d'accepter l'arbitrage. La Couronne est, à Aden, un employeur important. Selon le Livre blanc adressé par le gouvernement du Royaume-Uni, le gouvernement et l'armée de Sa Majesté emploient, à Aden, 11.640 personnes sur un effectif total de main-d'oeuvre s'élevant approximativement à 62.000 personnes. L'article 14, alinéa 2, de l'ordonnance donne à la Couronne la faculté de faire en sorte ou de permettre, en sa qualité d'employeur, qu'un conflit avec ses employés soit réglé par voie d'arbitrage, selon l'attitude qu'elle décide d'adopter à l'occasion d'un conflit donné. La loi lui donne ainsi, comme aux autres employeurs, le droit de signaler un conflit, évitant ainsi une grève, si elle le désire, mais elle peut, en outre, contrairement aux autres employeurs, décider ultérieurement, à l'issue de la période de conciliation, de refuser de recourir à l'arbitrage à un moment où les syndicats - qui ne sont alors plus liés par les dispositions de l'ordonnance prohibant le recours à la grève (sauf le cas où est prescrit un préavis de grève dans toutes les professions essentielles) - ne sont peut-être plus dans une position aussi forte pour se mettre en grève. En d'autres termes, la Couronne a, en ce qui concerne l'application des dispositions relatives à l'arbitrage obligatoire de l'ordonnance, une situation privilégiée comme employeur, à la fois par rapport à ses employés et par rapport aux autres employeurs.
    17. 108 On se trouve en réalité - relevait le Comité - en présence de deux allégations relatives au droit de grève; l'une concerne la grève générale décrétée, en signe de protestation contre l'ordonnance, le 15 août 1960, qui s'est terminée le 18 août 1960 - date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance - et les licenciements auxquels il a été procédé à la suite de cette grève; l'autre porte sur les dispositions de l'ordonnance restreignant l'exercice du droit de grève (dispositions qui n'ont naturellement rien à voir avec la légalité de la grève générale qui a précédé l'entrée en vigueur de l'ordonnance). Ces deux points doivent être examinés séparément.
    18. 109 La grève générale du 15 août 1960 a été décrétée en signe de protestation contre le vote d'une loi. Le Comité faisait remarquer que, selon un principe constamment appliqué par lui, les allégations relatives à l'exercice du droit de grève ne sont pas en dehors de sa compétence dans la mesure où elles se rapportent à l'exercice de droits syndicaux et il a recommandé au Conseil d'administration, en de nombreuses occasions, d'affirmer que le droit de grève des travailleurs et des organisations de travailleurs constitue un moyen essentiel d'obtenir et de protéger des avantages professionnels. Cependant, le Comité a repoussé les allégations relatives à des grèves dépourvues de caractère professionnel, ou qui avaient pour but d'exercer une pression sur le gouvernement dans un domaine, politique, ou qui étaient dirigées contre la politique du gouvernement et ne constituaient pas un « aspect d'un conflit du travail ». Dans le présent cas, la grève générale contre l'ordonnance était sans aucun doute une grève dirigée contre la politique du gouverne ment; il est toutefois moins sûr que les allégations formulées à son propos puissent être repoussées d'emblée, sous prétexte qu'elle ne constituait pas un aspect d'un conflit du travail les syndicats étant en conflit avec le gouvernement, en sa qualité d'employeur important, à la suite d'une mesure prise par lui dans le domaine des relations professionnelles, mesure qui, selon les syndicats, restreignait l'exercice des droits syndicaux. A cet égard, il sembla même au Comité que l'opinion était divisée au sein du Conseil législatif et que le gouvernement s'était demandé, à un certain moment, s'il ne conviendrait pas de retarder la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance au cas où certaines garanties pourraient être obtenues de la part des syndicats. Cependant, l'objet réel de la plainte n'avait pas trait à la grève générale en elle-même, mais au licenciement des grévistes. Il ressortait clairement de la réponse du gouvernement que ce dernier, après avoir adopté une position de principe très nette, ainsi qu'il ressort de la lettre du secrétaire général du 2 septembre 1960, a ensuite cédé au désir de provoquer une amélioration dans une situation caractérisée par une tension considérable des relations professionnelles, en laissant espérer le rappel ultérieur des grévistes licenciés. Le gouvernement déclara que soixante-six grévistes avaient été rappelés et qu'on étudiait la possibilité de rappeler les autres. Il semblait ressortir également de la réponse du gouvernement que la tension avait quelque peu diminué au cours de ces derniers mois.
    19. 110 Dans ces conditions, le Comité a, lors de sa vingt-huitième session (mai 1961), recommandé au Conseil d'administration de prendre acte de la déclaration du gouvernement du Royaume-Uni, qui indiquait que soixante-six des cent quatre-vingt-deux travailleurs licenciés pour avoir pris part à la grève générale du 15 août 1960 avaient été rappelés et qu'on envisageait de rappeler les autres et de prier le gouvernement du Royaume-Uni de continuer à tenir le Conseil d'administration au courant des progrès effectués dans la réintégration de nouveaux travailleurs. Le Conseil d'administration a approuvé cette recommandation à sa 149ème session (mai-juin 1961).
    20. 111 En ce qui concerne les dispositions relatives à la grève contenues dans l'ordonnance de 1960, il convient de se reporter à un principe important, mis en relief par le passé par le Conseil d'administration et le Comité. Ce dernier a déclaré que, tout en se rangeant aux principes généraux relatifs à la grève dont il est fait mention au paragraphe 109 ci-dessus, il avait souligné que, dans l'exercice du droit de grève, les travailleurs et leurs organisations doivent tenir compte des restrictions temporaires qui peuvent frapper ce droit, par exemple l'interruption de la grève pendant une procédure de conciliation et d'arbitrage à laquelle les parties peuvent prendre part à tout moment. Toutefois, le Comité a fait observer en même temps que, dans les cas où des restrictions de ce genre frappent l'exercice du droit de grève, la procédure de conciliation et d'arbitrage qui se déroule alors doit être « appropriée, impartiale et expéditive ».
    21. 112 Toutefois, le Comité a estimé, tenant compte de la situation privilégiée de la Couronne dans une procédure de cette nature en vertu des dispositions de l'article 14, alinéa 2, de l'ordonnance (voir paragr. 107 ci-dessus), que la procédure d'arbitrage ne satisfait pas complètement à ce critère.
    22. 113 Le Comité a relevé en outre que les effets de l'article 14, alinéa 2, de l'ordonnance ont également été examinés en mars 1961 par la Commission d'experts de l'O.I.T pour l'application des conventions et recommandations, qui a décidé d'adresser une demande directe au gouvernement du Royaume-Uni en ce qui concerne l'application de la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947.
    23. 114 Dans ces conditions, le Comité, lors de sa vingt-huitième session (mai 1961), a recommandé au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement du Royaume-Uni sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel il importe, au cas où l'exercice du droit de grève est soumis à des restrictions afin de permettre le recours à une procédure de conciliation et d'arbitrage, que cette procédure soit appropriée, impartiale et expéditive, et de demander au gouvernement, eu égard au principe et aux considérations exposés aux paragraphes 107, 109 et 111 à 113 ci-dessus, de fournir des informations quant aux raisons qui sont à l'origine de l'exception dont bénéficie la Couronne en vertu de l'article 14, alinéa 2, de l'ordonnance sur les relations professionnelles (conciliation et arbitrage), 1960. Le Conseil d'administration a approuvé cette recommandation à sa 149ème session (juin 1961).
    24. 115 Dans sa communication du 13 octobre 1961, le gouvernement indique que quarante-quatre des cent quatre-vingt-deux fonctionnaires gouvernementaux qui avaient été licenciés pour avoir participé à la grève générale du 15 août 1960 ont été réintégrés, de sorte qu'au total, cent dix des fonctionnaires en question ont retrouvé leur situation. Le gouvernement d'Aden s'est efforcé par tous les moyens de réintégrer les autres fonctionnaires non permanents, mais ceux-ci ne se sont pas présentés au bureau de placement pour demander leur réintégration à l'occasion des nombreuses vacances de poste annoncées. On pense qu'ils ont pris un autre emploi sans passer par le bureau de placement ou bien qu'ils ont quitté Aden, vu l'importance des mouvements de main-d'oeuvre entre Aden et l'arrière-pays.
    25. 116 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre acte de la déclaration du gouvernement selon laquelle quarante-quatre des cent quatre-vingt-deux fonctionnaires gouvernementaux qui avaient été licenciés pour avoir participé à la grève générale du 15 août 1960 ont été réintégrés, de sorte qu'au total cent dix fonctionnaires ont retrouvé leur situation et - les autres fonctionnaires n'ayant pas saisi la possibilité de réintégration qui leur était offerte - qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de cet aspect particulier de la question.
    26. 117 Le gouvernement déclare souscrire à l'opinion du Conseil d'administration selon laquelle, dans les cas où le droit de grève est soumis à des restrictions, la procédure de conciliation doit être appropriée, impartiale et expéditive, mais il éprouve quelque peine à suivre la suggestion selon laquelle la position de la Couronne à Aden s'écarte de ce critère. On a déclaré publiquement que la Couronne est normalement disposée à accepter l'arbitrage pour toute une série de questions (dont les émoluments, la durée hebdomadaire du travail et les congés, qui sont les questions les plus importantes dans les relations avec le personnel). Le gouvernement déclare qu'il ne semble pas que l'on ait contesté que la procédure d'arbitrage ait été appropriée, impartiale et expéditive dans les cas où la Couronne a accepté de la suivre. La question de savoir si la Couronne accepterait ou non l'arbitrage a généralement été tranchée au moment où, après qu'il se fut révélé impossible de régler un différend, soit par voie de négociation, soit par voie de conciliation, le chef du Service du travail en a saisi le tribunal du travail. Aux termes de l'article 14, alinéa 1, de l'ordonnance, la période de conciliation est soumise à un délai strict, qui, normalement, ne dépasse pas quatorze jours. L'intervalle qui doit s'écouler jusqu'au moment où les travailleurs peuvent exercer leur droit de grève, en ce qui concerne le nombre restreint de différends pour lesquels la Couronne peut ne pas être disposée à accepter l'arbitrage, ne semble pas, de l'avis du gouvernement, être assez long pour affaiblir sensiblement la position du syndicat qui déclenche la grève. Il y a plus d'une année que l'ordonnance a été promulguée, et le gouvernement n'a connaissance d'aucun cas où son application aurait suscité des plaintes sur ce point, qui - le gouvernement le constate d'ailleurs - ne semble par figurer parmi les motifs précis de plainte dont font état les communications soumises au Comité.
    27. 118 En ce qui concerne le dernier argument présenté par le gouvernement, le Comité a constaté que la C.I.S.L. (voir paragr. 93 ci-dessus) allègue expressément, entre autres choses, que la procédure d'arbitrage ne s'applique pas lorsque la Couronne est partie à un différend et refuse tout arbitrage sur les questions litigieuses.
    28. 119 Le gouvernement relève qu'on a déclaré publiquement que la Couronne est normalement disposée à accepter l'arbitrage pour toute une série de questions - dont les émoluments, la durée hebdomadaire du travail et les congés -, qu'en ce qui concerne le nombre restreint de différends pour lesquels la Couronne peut ne pas être disposée à accepter l'arbitrage, cette décision est prise généralement après l'échec de la procédure de conciliation qui, aux termes de l'article 14, alinéa 1, de l'ordonnance de 1960 sur les rapports de travail (conciliation et arbitrage), ne peut se prolonger au-delà d'un délai de quatorze jours, délai à l'expiration duquel les travailleurs recouvrent le droit de grève, et que le gouvernement n'a connaissance d'aucun cas où l'application de l'ordonnance ait suscité des plaintes sur ce point.
    29. 120 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre acte de cette déclaration du gouvernement.
  • Allégation relative à la suppression d'un journal syndical
    1. 121 La F.S.M et la C.I.S.L allèguent que la licence accordée au journal de la Confédération des syndicats d'Aden Al-Amel a été révoquée le 19 août 1960 et que, dans la lettre par laquelle il informait la confédération de sa décision, le secrétaire général du gouvernement d'Aden a déclaré que, si le mouvement syndical d'Aden désirait solliciter à l'avenir une licence pour la publication d'un journal « consacré exclusivement à des questions de travail », le gouverneur serait disposé à examiner cette requête et à déterminer dans quelles conditions une telle licence pourrait être accordée. La C.I.S.L déclare qu'une demande de licence a été présentée aussitôt, mais que, selon les informations dont elle dispose, cette licence n'a pas été accordée.
    2. 122 Le gouvernement a confirmé ces faits dans une communication du 13 février 1961. Depuis la date de la première demande - tendant à publier le même journal sous un nouveau titre -, aucune autre requête n'a été reçue. Le gouvernement ajoutait qu'au cas où une demande formelle lui parviendrait « celle-ci serait examinée avec bienveillance par le gouvernement d'Aden en fonction des circonstances qui se dégagent de l'expérience passée ».
    3. 123 Lors de sa vingt-huitième session (mai 1961), le Comité a rappelé qu'en d'autres occasions, il avait été d'avis que le droit d'exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement constitue certainement l'un des aspects essentiels des droits syndicaux. Il a estimé que les raisons exactes qui ont motivé la révocation de la licence du journal de la Confédération des syndicats d'Aden ne ressortaient pas clairement des plaintes reçues ni de la réponse du gouvernement, mais qu'à son avis, il était probable, qu'à dater de cette révocation - 19 août 1960 -, l'affaire était en relation avec les autres événements qui se sont déroulés à ce moment, en particulier la grève générale de protestation contre l'ordonnance de 1960, le licenciement des grévistes et l'entrée en vigueur de l'ordonnance.
    4. 124 Dans ces conditions, le Comité a recommandé aux Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement du Royaume-Uni sur l'importance qu'il a toujours attachée à la liberté de la presse syndicale, d'exprimer l'espoir, étant donné la déclaration du gouvernement du Royaume-Uni selon laquelle une requête de la Confédération des syndicats d'Aden en vue de la publication d'un journal serait examinée avec bienveillance par le gouvernement d'Aden, que la liberté de la presse syndicale à Aden serait bientôt de nouveau respectée, et que le gouvernement du Royaume-Uni continuerait à tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution ultérieure de la situation à cet égard. Le Conseil d'administration a approuvé cette recommandation à sa 149ème session (juin 1961).
    5. 125 Dans sa communication du 13 octobre 1961, le gouvernement déclare qu'une demande d'autorisation de faire paraître un journal lui a été soumise par le Congrès des syndicats d'Aden, qu'elle fait actuellement l'objet d'un examen et que, pour l'instant, le Congrès des syndicats dispose d'un nouvel hebdomadaire pour faire connaître ses vues.
    6. 126 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre acte de ce que le Congrès des syndicats d'Aden a demandé l'autorisation de faire paraître un journal et de prier le gouvernement de continuer à tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution ultérieure de la situation à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 127. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de prendre acte de la déclaration du gouvernement selon laquelle quarante-quatre des cent quatre-vingt-deux fonctionnaires gouvernementaux qui avaient été licenciés pour avoir participé à la grève générale du 15 août 1960 ont été réintégrés, de sorte qu'au total, cent dix des fonctionnaires en question ont retrouvé leur situation, et les autres fonctionnaires n'ayant pas saisi la possibilité de réintégration qui leur avait été faite, de décider qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de cet aspect particulier de la question;
    • b) de prendre acte des informations fournies par le gouvernement selon lesquelles il a été déclaré publiquement que la Couronne est normalement disposée à accepter l'arbitrage polir toute une série de questions, dont les émoluments, la durée hebdomadaire du travail et les congés, qu'en ce qui concerne le nombre restreint de différends pour lesquels la Couronne peut ne pas être disposée à accepter l'arbitrage, cette décision est prise généralement après l'échec de la procédure de conciliation, qui, aux termes de l'article 14, alinéa 1, de l'ordonnance de 1960 sur les rapports de travail (conciliation et arbitrage), ne peut se prolonger au-delà d'un délai de quatorze jours à l'expiration duquel les travailleurs recouvrent le droit de grève, et que le gouvernement n'a connaissance d'aucun cas où l'application de l'ordonnance aurait suscité des plaintes sur ce point;
    • c) de prendre acte de ce que le Congrès des syndicats d'Aden a présenté une demande d'autorisation de faire paraître un journal et de prier le gouvernement de continuer à tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution ultérieure de la situation à cet égard.
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