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Interim Report - REPORT_NO44, 1960

CASE_NUMBER 202 (Thailand) - COMPLAINT_DATE: 08-JUN-59 - Closed

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  1. 126. La plainte formulée par la Confédération internationale des syndicats libres (C.I.S.L.) est contenue dans une communication en date du 8 juin 1959. Le gouvernement de la Thaïlande a envoyé ses observations au sujet de ladite plainte dans une communication en date du 20 octobre 1959.
  2. 127. La Thaïlande n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à la dissolution de syndicats et à l'interdiction de constituer des organisations professionnelles
    1. 128 La C.I.S.L allègue que, lorsque la loi martiale a été proclamée en raison des événements politiques des 20 et 21 octobre 1958, l'Assemblée nationale a été dissoute, tous les partis politiques furent supprimés, la loi de 1956 sur le travail a été abrogée et tous les syndicats dissous. Cette loi avait établi le droit des travailleurs à former les syndicats de leur choix, à faire la grève et à être protégés contre les actes inéquitables en matière de travail, et, pour leurs syndicats, le droit d'entamer des négociations collectives. Depuis lors, selon l'allégation de la C.I.S.L, bien qu'une assemblée constitutionnelle ait été nommée, la loi martiale a été maintenue en vigueur, les syndicats sont restés interdits et aucune autorisation de former de nouveaux syndicats n'a été donnée par le gouvernement, qui a également refusé le projet d'un groupe de dirigeants syndicaux authentiques (bona fide) de former une association de travailleurs habilités à entamer des négociations collectives avec les employeurs. Bien que le gouvernement ait annoncé son intention de promulguer une nouvelle loi sur le travail, les syndicats sont, selon le plaignant, toujours interdits et les travailleurs n'ont pas la possibilité de protéger leurs intérêts.
    2. 129 En dissolvant les syndicats existants, en abrogeant la loi sur le travail et en refusant la permission de former de nouveaux syndicats, le gouvernement, de l'avis du plaignant, a violé l'article 2 et, par voie de conséquence, les autres articles de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et a rendu inopérantes en Thaïlande les dispositions de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
    3. 130 Le gouvernement déclare que la Thaïlande a pour seule intention de conserver sa liberté et son mode de vie et qu'elle ne peut tolérer que des éléments subversifs tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du pays soient libres de saper et de renverser ses institutions. La décision d'abroger la loi de 1956 sur le travail et de dissoudre temporairement les syndicats et les fédérations trouve son origine dans le fait que des éléments subversifs se sont infiltrés en grand nombre dans ces associations et les ont même dominées. Le gouvernement poursuit en déclarant: « comme il a été indiqué ci-dessus, la dissolution des syndicats et fédérations est temporaire. Ces associations seront rétablies dès qu'une nouvelle législation du travail, garantissant les libertés, sera promulguée ». En attendant, déclare le gouvernement, aucune demande officielle n'a été présentée en vue de former une association de travailleurs par un groupe de dirigeants syndicaux authentiques (bona fide) ou par d'autres personnes, comme on l'allègue. Le gouvernement soutient qu'en l'absence d'une loi du travail, les travailleurs sont protégés comme auparavant par le ministère de l'Intérieur et bénéficient même, à certains égards, de garanties plus étendues que naguère. Le gouvernement déclare qu'à l'heure actuelle les travailleurs ont le droit de constituer une association pour favoriser le bien-être, conformément au Code civil et au Code commercial, et peuvent, selon la pratique, nommer leurs représentants pour mener des négociations collectives avec leurs employeurs. Mais le droit de former une association, selon l'ancienne structure syndicale, doit nécessairement dépendre d'une nouvelle loi du travail.
    4. 131 En ce qui concerne la nouvelle loi sur le travail, le gouvernement déclare ce qui suit: « Le département social a désigné un comité de rédaction qui remplit actuellement ses fonctions en rédigeant un projet de loi du travail qui sera soumis au gouvernement. Après avoir examiné ledit projet, le gouvernement le soumettra à l'approbation de l'Assemblée constituante, et le projet sera ensuite promulgué en tant que loi du travail. La future loi vise à remédier aux insuffisances et aux échappatoires de l'ancienne législation, à défendre la liberté et les intérêts du peuple et à garantir la sécurité de l'Etat. Aussi, le projet de loi doit-il être examiné avec soin et attention dans tous ses détails, travail qui requiert du temps.»
    5. 132 Le Comité observe que, dans sa plainte, la C.I.S.L soutient que, dans plusieurs cas, il a été porté atteinte aux droits syndicaux, à savoir lorsqu'il y eut refus d'autoriser la formation de nouveaux syndicats pouvant effectivement entamer des négociations collectives, suppression des garanties et de la protection qu'accordait aux travailleurs la loi de 1956 sur le travail, et interdiction de l'exercice du droit de grève. Toutefois, ces actes ne constituent pas des cas distincts qui, en l'occurrence, peuvent être examinés séparément; ils représentent les aspects différents, mais apparentés, d'une allégation essentielle, à savoir: que tous les syndicats ont été dissous à la suite d'une décision des autorités militaires. Le gouvernement n'accuse pas expressément les syndicats de s'être livrés en tant que tels à une activité condamnable avant leur dissolution, mais déclare qu'ils se sont laissé envahir et dominer par des éléments subversifs.
    6. 133 Le Comité, dans de nombreux cas antérieurs, a souligné l'importance qu'il attache à ce que soit observé le principe généralement admis, selon lequel les syndicats ne devraient pas pouvoir être suspendus ou dissous par voie administrative. Dans le présent cas, la décision des autorités militaires de suspendre les syndicats thaïlandais s'inscrit dans le cadre d'une série de mesures importantes telles que la dissolution de l'Assemblée nationale, l'abolition des partis politiques, qui, pour la plupart, n'avaient pas directement trait à l'exercice des droits syndicaux, mais ont été prises durant une période de crise politique aiguë au cours de laquelle l'armée a pris le pouvoir et proclamé la loi martiale. En tenant compte également de la déclaration du gouvernement selon laquelle des mesures sont actuellement prises en vue de promulguer une nouvelle loi sur le travail, le Comité pense, avant qu'il formule ses recommandations sur cet aspect du cas, devoir demander au gouvernement d'indiquer quand il estime que sera achevée l'élaboration du projet de la nouvelle loi sur le travail et si la nouvelle législation se propose de garantir et de protéger entièrement l'exercice du droit d'organisation et de formation syndicales et de fournir des informations quant à son intention de donner, en attendant, suite aux demandes que pourraient formuler les dirigeants syndicaux et les travailleurs en vue de former des syndicats pour protéger leurs intérêts au moyen de négociations collectives.
  • Allégations concernant la réglementation des relations professionnelles
    1. 134 L'organisation plaignante déclare que le gouvernement, après avoir abrogé la loi sur le travail, a édicté à la place des règlements sur les relations professionnelles, confiant le règlement des conflits entre travailleurs et employeurs à des fonctionnaires du département social du ministère de l'Intérieur et, en dernière instance, au directeur du département social. Ainsi, déclare la C.I.S.L, les conflits du travail sont réglés directement par le gouvernement, sans aucune négociation collective préalable entre les travailleurs et les employeurs et sans qu'il soit recouru à une procédure quelconque de négociation, le ministère de l'Intérieur ne peut pas répondre à toutes les demandes d'intervention dans les conflits du travail et il lui est impossible de remplir de la manière voulue une fonction qui, normalement, donne lieu à des négociations collectives.
    2. 135 Le gouvernement soutient que les procédures de négociation collective entre employeurs et travailleurs sont normalement entamées avant que le différend soit soumis aux autorités compétentes et que les règlements contre lesquels on s'élève régissent les procédures de conciliation et d'arbitrage grâce auxquelles les autorités compétentes s'efforceront de chercher les moyens permettant aux parties aux différends de parvenir à un accord. A défaut d'un accord, les autorités compétentes prendront une décision contre laquelle l'une ou l'autre partie peut en appeler au directeur général du département social, dont la décision, conformément aux textes des règlements communiqués par le gouvernement, est sans appel. Le gouvernement repousse l'allégation selon laquelle le ministère de l'Intérieur ne peut donner suite aux demandes d'intervention dans les cas de conflit du travail et déclare qu'en 1958, sur 144 cas de conflits du travail survenus dans les districts de Bangkok et de Dhonburi, 107 ont été réglés par voie de négociation et d'arbitrage et sept seulement ont été pris en charge par les autorités compétentes. Au cours de 1959, sur 152 cas de conflits du travail, 41 ont été réglés par voie de négociation et d'arbitrage, quatre seulement ont été examinés par les autorités compétentes, alors que pour les cas restants, les parties se sont désistées. De l'avis du gouvernement, il est incontestable, d'après les résultats obtenus par les procédures d'arbitrage et de négociation, que le ministère de l'Intérieur est en mesure de mener à bien sa tâche.
    3. 136 Il est évident, d'après la réponse du gouvernement, que les travailleurs ne peuvent plus désormais entamer des négociations collectives selon la procédure normale par l'intermédiaire de leurs syndicats. Mais le gouvernement soutient que les travailleurs ont le droit de constituer, selon le Code civil et le Code commercial, des associations en vue de mener des négociations collectives et qu'en pratique ils peuvent encore nommer leurs représentants pour mener des négociations.
    4. 137 Les présentes allégations sont si étroitement liées à celles qui concernent la dissolution des syndicats que le Comité a déjà examinées, que ce dernier estime - tout en soulignant l'importance qu'il a toujours attachée au fait que le droit de négocier librement les conditions de travail avec les employeurs constitue un élément essentiel de la liberté syndicale et au principe selon lequel les syndicats devraient avoir le droit, par voie de négociation collective ou par d'autres moyens licites, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent et que les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal» - qu'il doit attendre avant d'entreprendre un examen plus approfondi sur cet aspect du cas que le gouvernement lui fournisse les renseignements supplémentaires requis au paragraphe 133 ci-dessus. En agissant ainsi, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il y a de donner pleinement effet à ces principes dans le projet de nouvelle législation qui est actuellement à l'étude.
  • Allégations relatives à l'arrestation et à la détention de dirigeants syndicaux
    1. 138 La C.I.S.L allègue que, lorsque les syndicats ont été dissous en octobre 1958, plusieurs dirigeants syndicaux ont été arrêtés et que des dirigeants syndicaux sont encore emprisonnés sans qu'aucun chef d'accusation ait été prononcé contre eux.
    2. 139 Le gouvernement déclare que les dix-neuf dirigeants et militants syndicalistes qui ont été arrêtés ne le furent pas en tant que tels mais en raison de leur activité subversive interdite par la loi et que l'enquête a prouvé que l'une de ces personnes se livrait manifestement à des activités communistes. Ces personnes ont comparu devant le procureur pour répondre de leurs délits devant les tribunaux. Quant aux autres personnes qui ont été arrêtées, elles font l'objet d'une enquête en raison de leurs relations avec le Congrès des travailleurs de Thaïlande. Le gouvernement déclare qu'il est prouvé qu «elles avaient l'intention de renforcer leur action en se servant des travailleurs membres de cette organisation pour provoquer une révolution visant à renverser le régime en vigueur dans le pays ».
    3. 140 Le gouvernement déclare en conclusion que les mesures qui ont été prises en Thaïlande ont été dictées par la nécessité de préserver toute la nation thaïlandaise et que ces éléments subversifs qui visent à compromettre cette liberté ne peuvent, dans l'intérêt même de cette liberté, être autorisés à poursuivre leur action néfaste. A cet égard, conclut le gouvernement, il n'existe aucun rideau de fer ou autre qui empêcherait des observateurs impartiaux de vérifier les faits.
    4. 141 Dans un certain nombre de cas précédents, le Comité a souligné l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel il convient que dans tous les cas les décisions soient prises promptement et équitablement par une autorité judiciaire indépendante et impartiale, notamment lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou criminels que le gouvernement considère comme étant étrangers à leur activité syndicale. En outre, lorsque les gouvernements ont répondu aux allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs avaient été arrêtés pour activité syndicale, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le Comité a déjà eu l'occasion dans le passé de suivre la règle consistant à prier les gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible sur les arrestations et en particulier sur les procédures légales ou judiciaires suivies à la suite des arrestations et sur le résultat de ces procédures.
    5. 142 Le Comité a rappelé en outre que le Conseil d'administration a décidé, à sa 140ème session (Genève, 18-21 novembre 1958), d'établir dorénavant une distinction entre les cas urgents et ceux qui le sont moins. Un des critères que le Conseil a adoptés à cet égard était le suivant: seraient considérés comme urgents les cas mettant en cause la liberté de l'individu. Le Conseil d'administration a décidé, en de tels cas, que, lors de la communication de la plainte au gouvernement, l'attention de celui-ci serait tout particulièrement attirée sur le fait que le cas appartient à la catégorie des cas considérés comme urgents par le Conseil d'administration et qu'il serait invité, au nom du Conseil d'administration, à fournir, pour cette raison, une réponse particulièrement rapide en ce qui concerne les aspects urgents du cas.
    6. 143 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de fournir, d'urgence et compte tenu des principes énumérés au paragraphe 141, des renseignements supplémentaires sur les raisons de l'arrestation et de la détention des dirigeants syndicaux et sur la situation dans laquelle se trouvent actuellement les syndicalistes qui sont encore emprisonnés, ainsi que des informations sur les procédures légales et judiciaires suivies dans le cas de ces personnes et sur le résultat de telles procédures.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 144. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de demander au gouvernement d'indiquer quand il estime que sera achevée l'élaboration du projet de la nouvelle loi du travail et si le projet de législation se propose de garantir et de protéger entièrement l'exercice du droit d'organisation et de formation syndicales et de fournir des informations quant à son intention de donner, en attendant, suite aux demandes que pourraient formuler les dirigeants syndicaux et les travailleurs en vue de former des syndicats pour protéger leurs intérêts au moyen de négociations collectives;
    • b) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il y a à donner pleinement effet aux principes énoncés au paragraphe 137 ci-dessus dans le projet de nouvelle législation qui est actuellement à l'étude;
    • c) de demander au gouvernement de fournir d'urgence, compte tenu des principes énumérés au paragraphe 141 ci-dessus, des informations complémentaires sur les raisons de l'arrestation et de la détention de dirigeants syndicaux et sur la situation dans laquelle se trouvent actuellement les syndicalistes encore emprisonnés, ainsi que des informations sur les procédures légales et judiciaires suivies dans le cas de ces personnes et sur le résultat de ces procédures.
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