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Definitive Report - REPORT_NO44, 1960

CASE_NUMBER 200 (South Africa) - COMPLAINT_DATE: 10-JUN-59 - Closed

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  1. 149. Le cas dont il est question consiste en deux séries de plaintes distinctes. Une première série de plaintes, qui porte sur la situation générale du syndicalisme en Union sud-africaine, émane de l'Union internationale des syndicats des travailleurs de l'alimentation, du tabac et de la boisson, et des travailleurs des hôtels, cafés et restaurants (département professionnel de la F.S.M); ces plaintes comprennent un certain nombre d'allégations examinées plus bas, aux termes desquelles des atteintes diverses auraient été portées à l'exercice des droits syndicaux dans le pays mis en cause. Une seconde série de plaintes émane respectivement du Congrès des syndicats d'Afrique du Sud et de la Fédération syndicale mondiale; cette deuxième série de plaintes se réfère à une instance précise de violation de la liberté syndicale dont une personne nommément désignée aurait été victime. En raison de cette distinction, il convient de scinder le présent cas en deux parties principales.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Plaintes de l'Union internationale des syndicats des travailleurs de l'alimentation, du tabac et de la boisson, et des travailleurs des hôtels, cafés et restaurants
    1. 150 Les plaintes de l'organisation susmentionnée sont contenues dans deux communications des 10 juin et 17 septembre 1959. Bien que n'émanant pas d'une organisation internationale de travailleurs jouissant du statut consultatif auprès de l'O.I.T, ces plaintes doivent être considérées comme recevables aux termes de la procédure en vigueur, les plaignants ayant fait savoir au Directeur général par une lettre en date du 7 août 1959 que les organisations mentionnées dans leur plainte comptaient parmi leurs affiliés. Les communications de l'organisation plaignante ont été transmises au gouvernement de l'Union sud-africaine pour observations par une lettre en date du 3 novembre 1959. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse par une communication en date du 2 février 1960.
  • Allégations relatives au pillage de locaux syndicaux.
    1. 151 Les plaignants allèguent que des malfaiteurs, « ennemis du syndicalisme et du mouvement ouvrier », se seraient introduits, dans la nuit du 23 avril 1959, au siège du « Food and Canning Workers Union », au Cap, où ils auraient fait main basse sur le contenu du coffre-fort et auraient détruit le matériel et les dossiers se trouvant à l'intérieur des locaux. Sans préciser autrement sa pensée, l'organisation plaignante laisse entendre que le gouvernement ne serait pas étranger à l'affaire et déclare que le syndicat en question, de même qu'un autre syndicat, l'« African Food and Canning Workers Union » auraient fait l'objet de persécutions répétées de la part du gouvernement, sans d'ailleurs indiquer lesquelles.
    2. 152 Dans sa réponse, le gouvernement confirme qu'un cambriolage a été commis au siège du syndicat susmentionné à la date indiquée par les plaignants, déclare que la police effectue à cet égard une enquête comme elle le fait toujours en pareil cas et conteste qu'un tel cambriolage pose une question de liberté syndicale.
    3. 153 Le Comité estime qu'un cambriolage effectué au bureau d'un syndicat ne crée aucune présomption d'ingérence dans l'exercice de la liberté syndicale en l'absence de tout élément de preuve et que rien, dans les éléments dont il dispose, ne peut lui donner à penser qu'il y ait eu en l'espèce un lien entre le cambriolage dont il est question et l'exercice des droits syndicaux; il recommande pour cette raison au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
  • Allégations relatives au licenciement de dirigeants syndicaux.
    1. 154 Les plaignants allèguent que des militants et des dirigeants syndicaux - sans en préciser ni les noms ni le nombre - auraient été congédiés à Johannesburg, à Port-Elizabeth, à Wolseley, à Bonnievale, à Tulbagh, au Cap et à Paarl. Aux dires des plaignants, il s'agirait là d'une tentative de certains employeurs de détruire le « Food and Canning Workers Union ».
    2. 155 Dans sa réponse, le gouvernement déclare qu'en Union sud-africaine, les employeurs sont libres de licencier leurs employés, de même d'ailleurs que les employés sont libres de quitter le service de leur employeur, sous réserve, bien entendu, des termes du contrat d'emploi. Le gouvernement termine en affirmant qu'il n'intervient jamais dans de telles questions.
    3. 156 Il semblerait bien, en effet, qu'il n'y ait pas eu, dans le cas d'espèce, d'intervention du gouvernement. Non seulement les plaignants n'allèguent pas qu'il y ait eu intervention du gouvernement, mais la façon même dont la plainte est rédigée donne à penser tout le contraire; les plaignants se sont exprimés en effet sur ce point dans les termes suivants: « Quelques employeurs espéraient que le gouvernement nationaliste briserait le syndicat et comptaient sur lui pour accomplir cette tâche. »
    4. 157 Tout en constatant qu'il ne paraît pas y avoir eu, en l'occurrence, d'intervention du gouvernement dans les licenciements incriminés et en estimant que les termes de la plainte sont par ailleurs trop vagues pour lui permettre de conclure que lesdits licenciements aient effectivement constitué une atteinte à la liberté syndicale, le Comité rappelle, comme il l'a fait dans plusieurs cas antérieurs, qu'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi - licenciement, transfert et autres actes préjudiciables - et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les dirigeants syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent.
    5. 158 Dans ces conditions, pour les raisons indiquées aux paragraphes précédents et sous réserve des observations qui y sont contenues, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
  • Allégations relatives à l'arrestation de dirigeants syndicaux sous l'inculpation de trahison.
    1. 159 Les plaignants déclarent que « le gouvernement et les employeurs croyaient qu'une fois arrêtés les dirigeants syndicaux Ray Alexandre, Frank Marquard, S. V. Reddy, Gus Coe, Betty du Toit, Sarah Ventzel et Becky Lan, ainsi que de nombreux dirigeants inculpés de trahison, le syndicat, très affaibli, ne serait plus en mesure de défendre et de promouvoir les intérêts des travailleurs ».
    2. 160 En ce qui concerne cet aspect du cas, le gouvernement, dans sa réponse, se borne à renvoyer à des communications antérieures sur la question et déclare n'avoir aucune autre observation à présenter.
    3. 161 Dans un autre cas relatif à l'Union sud-africaine, il était également allégué que des dirigeants syndicaux se trouvaient parmi un certain nombre de personnes arrêtés et accusées de trahison. Des procédures ayant été engagées, le Conseil d'administration, sur la recommandation du Comité, avait demandé au gouvernement de bien vouloir lui faire connaître le résultat desdites procédures et de lui communiquer copie des jugements intervenus en ce qui concerne les syndicalistes mis en cause. Dans la réponse qu'il avait fournie alors, le gouvernement déclarait qu'il considérait la question du procès de certaines personnes accusées de haute trahison comme n'étant pas de la compétence du Bureau international du Travail et qu'il avait décidé de ne pas fournir d'informations sur cette question.
    4. 162 Dans le cas précité, le Conseil d'administration avait rejeté l'argumentation du gouvernement en indiquant que si, en tant que telle, une accusation de haute trahison était nettement hors de la compétence de l'O.I.T, le point de savoir si une telle accusation formulée sur la base de faits et d'allégations mettant en cause l'exercice des droits syndicaux doit être considérée comme une question de haute trahison ou comme une question relative à l'exercice des droits syndicaux ne saurait être tranché unilatéralement par le gouvernement intéressé de telle façon que le Conseil d'administration soit mis dans l'impossibilité de l'examiner plus avant. Lorsqu'il a adopté le rapport du Comité sur ce cas, à sa 138ème session (mars 1958), le Conseil d'administration a noté avec regret que le gouvernement n'était pas disposé à fournir des informations au Conseil quant au résultat des procédures engagées auprès des tribunaux d'Afrique du Sud et a réaffirmé l'importance qu'il attache au principe selon lequel, dans tous les cas, y compris dans les cas où des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de droit commun que le gouvernement considère comme étant étrangers à leurs activités syndicales, les personnes intéressées soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Dans le cas d'espèce, le Comité recommande au Conseil d'administration d'aboutir aux mêmes conclusions.
  • Allégations relatives aux recommandations du Conseil des salaires.
    1. 163 Les plaignants allèguent qu'au moment même où le Congrès des syndicats d'Afrique du Sud organisait une réunion pour demander une augmentation d'une livre par journée de travail, le Conseil des salaires aurait présenté « pour l'industrie de l'alimentation, des recommandations propres à aggraver les conditions de travail et à réduire les salaires». Les plaignants s'abstiennent, toutefois, de donner aucune autre précision.
    2. 164 Dans sa réponse, le gouvernement déclare que le Conseil des salaires, qui s'inspire de méthodes scientifiques, est un organisme statutaire indépendant institué en vertu de la loi de 1957 sur les salaires (Wage Act, 1957). Son rôle consiste, entre autres, à formuler des recommandations, après enquête et avis des parties intéressées, sur les salaires minima à appliquer à une industrie donnée en tenant compte de la rentabilité de ladite industrie. Les employeurs - ajoute le gouvernement - sont libres de payer des salaires supérieurs à ces taux minima.
    3. 165 Dans ces cas antérieurs, le Comité avait décidé qu'il ne lui appartenait pas d'examiner des questions relatives à la politique économique ou sociale des gouvernements et sans relation directe avec l'exercice de la liberté syndicale. Compte tenu de ce principe et considérant que la question soulevée est sans relation directe avec celle de la liberté syndicale, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider qu'il ne lui appartient pas de poursuivre plus avant l'examen de cet aspect du cas.
  • Allégations relatives à la discrimination raciale en matière syndicale
    1. 166 Aux dires de l'organisation plaignante, le gouvernement, non content d'avoir adopté la loi de 1950 sur la suppression du communisme, la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends) et la loi de 1956 sur la conciliation (Industrial Conciliation Act), « qui ont - disent les plaignants - entraîné la suppression des droits élémentaires des travailleurs d'organiser des syndicats et d'être représentés par des dirigeants de leur propre choix ainsi que du droit à la négociation collective et à la grève », le gouvernement, donc, aurait entrepris d'introduire des amendements à la loi sur la conciliation dans les conflits du travail. De l'avis des plaignants, ces amendements, s'ils étaient adoptés, auraient pour conséquence d'enlever aux travailleurs de couleur (Indiens et Africains), des emplois qu'ils détiennent depuis toujours et de détruire les quelques syndicats qui s'opposent encore à la politique du gouvernement.
    2. 167 La loi de 1956 sur la conciliation - déclarent les plaignants - obligeait les syndicats mixtes à former des branches distinctes pour leurs adhérents de race blanche et leurs adhérents de couleur, mais les autorisait à représenter ces deux catégories de membres. D'après les plaignants, selon un amendement qui serait apporté à l'article 7 de la loi, les syndicats enregistrés devront déclarer d'avance dans leurs statuts que, pour toute nouvelle région ou toute nouvelle question dont ils ont l'intention de s'occuper, ils exerceront leur activité en faveur soit de la population blanche, soit de la population de couleur, exclusivement. « En d'autres termes - poursuivent les plaignants - il sera interdit aux syndicats qui s'implantent dans de nouvelles zones ou s'occupent de nouvelles questions de recruter des adhérents de race blanche et de couleur, même pour former des branches séparées. »
    3. 168 Les plaignants allèguent ensuite qu'un amendement à l'article 8 de la loi aurait pour effet de renforcer les restrictions sur le mélange des races dans les syndicats. La loi de 1956 - déclarent les plaignants - obligeait les syndicats mixtes à tenir des réunions séparées pour les branches distinctes; il était néanmoins possible de tenir des conférences et des réunions mixtes quand il ne s'agissait pas de réunions syndicales proprement dites. Le nouvel amendement - allèguent les plaignants - stipule que la constitution des syndicats mixtes doit prévoir «la tenue de réunions séparées par les Blancs et par les personnes de couleur».
    4. 169 Les amendements prévus - poursuivent les plaignants - disposent en outre qu'un syndicat enregistré ne pourra désigner ou élire un Africain en qualité de dirigeant ou de fonctionnaire syndical; aucun Africain ne pourra être désigné comme représentant dans un conseil industriel ou dans un conseil de conciliation. Un autre amendement interdirait, en ce qui concerne les membres de syndicats africains, la retenue sur le salaire des cotisations syndicales.
    5. 170 Enfin, déclarent les plaignants, aux termes de la loi, certains emplois seraient uniquement réservés aux Blancs.
    6. 171 Sur ce dernier point, le gouvernement affirme que le système a pour seul but d'éviter la concurrence entre les races. En ce qui concerne les autres allégations, le gouvernement renvoie aux observations qu'il avait présentées dans le cadre d'un cas antérieur.
    7. 172 La question de la discrimination raciale en matière syndicale a déjà été examinée par le Comité à l'occasion de plusieurs affaires antérieures mettant en cause l'Union sud-africaine. La loi de 1956 sur la conciliation dans l'industrie, notamment, à laquelle les plaignants font allusion, a fait l'objet d'une étude approfondie de la part du Comité, qui a présenté à son sujet un certain nombre d'observations. Les amendements mentionnés dans le cas d'espèce par l'organisation plaignante auraient pour effet de renforcer encore le caractère discriminatoire de la loi déjà constaté par le Comité.
    8. 173 Lorsqu'il a adopté les conclusions du Comité sur des allégations similaires contenues au paragraphe 185 d) du quinzième rapport du Comité, le Conseil d'administration, à sa 128ème session (mars 1955), a noté que les dispositions de la législation sud-africaine impliquaient une discrimination à l'encontre des travailleurs africains incompatible avec le principe selon lequel d'une part, les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, devraient avoir le droit de créer et, à la seule condition de se conformer au statut de l'organisation intéressée, de s'affilier à des organisations de leur choix sans autorisation préalable; d'autre part, toutes les organisations de travailleurs devraient avoir le droit de négociation collective. Lorsqu'il a adopté les conclusions contenues au paragraphe 209 (2), (4) (5) du vingt-quatrième rapport du Comité, le Conseil d'administration, à sa 133ème session (novembre 1956), a noté que les dispositions de la loi de 1956 sur la conciliation dans l'industrie - ayant remplacé dans l'intervalle la loi de 1937 déjà examinée par le Comité - ne modifiaient pas la situation générale des travailleurs africains et a réaffirmé les conclusions auxquelles il avait précédemment abouti. A la même occasion, le Conseil d'administration a noté que les dispositions de l'article 8 de la loi de 1956 qui concernent l'organisation, dans les syndicats mixtes, enregistrés, de sections distinctes d'une part pour les Blancs, d'autre part, pour les personnes de couleur et la réunion d'assemblées distinctes dans les sections distinctes, étaient incompatibles avec le principe généralement admis que les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'établir leurs statuts et règlements et d'organiser leur administration et leurs activités et que les dispositions réservant aux Européens le droit de faire partie des comités exécutifs de ces syndicats étaient incompatibles avec le principe énoncé ci-dessus selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élire leurs représentants en pleine liberté. En outre, le Conseil d'administration a noté que les dispositions de la loi de 1956 interdisant de procéder à l'avenir à l'enregistrement de syndicats mixtes et celles relatives à l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat dont certains membres ont formé un nouveau syndicat en application de la loi, n'étaient pas compatibles avec le principe généralement admis que les travailleurs, sans aucune distinction, devraient avoir le droit d'établir des organisations de leur choix et, sous réserve seulement du règlement de l'organisation intéressée, d'en faire partie, sans autorisation préalable ou avec le principe que toutes les organisations de travailleurs doivent bénéficier du droit de négociation collective. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'aboutir, dans le cas d'espèce, aux mêmes conclusions.
    9. 174 Les allégations selon lesquelles certains emplois seraient réservés aux seuls Blancs en vertu de la loi ont, elles aussi, déjà été examinées par le Comité dans le cadre d'un cas antérieur.
    10. 175 Lorsque le Conseil d'administration a adopté le paragraphe 209 du vingt-quatrième rapport du Comité à sa 133ème session (novembre 1956), le Conseil d'administration répétant en substance les constatations contenues au paragraphe 185 (6) du quinzième rapport du Comité adopté par le Conseil d'administration à sa 128ème session (mars 1955) a noté que l'article 77 de la loi de 1956 sur la conciliation dans l'industrie tendrait - en ce qui concerne les travailleurs qui, en vertu des autres articles de la loi, ne peuvent devenir membres ou peuvent cesser d'être autorisés à devenir membres des syndicats enregistrés ou enregistrables en application de la loi - à empêcher la négociation, par voie de convention collective, de meilleures conditions d'emploi, notamment de conditions concernant l'accès à des emplois déterminés, et, de ce fait, à porter atteinte aux droits des travailleurs intéressés de négocier collectivement et d'améliorer leurs conditions de vie et de travail, qui sont généralement considérées comme des éléments essentiels de la liberté syndicale. Dans le cas d'espèce, le Comité recommande au Conseil d'administration d'aboutir aux mêmes conclusions.
  • Plaintes du Congrès des syndicats d'Afrique du Sud et de la Fédération syndicale mondiale
  • Allégations relatives à Mme Elizabeth Mafekeng
    1. 176 Les plaintes du Congrès des syndicats d'Afrique du Sud et de la Fédération syndicale mondiale sont contenues dans deux communications datées respectivement des 2 et 25 novembre 1959. Elles portent l'une et l'autre sur les mêmes faits.
    2. 177 Les plaignants allèguent que Me Elizabeth Mafekeng, présidente de l'« African Food and Canning Workers Union », aurait fait l'objet d'une mesure de bannissement à vie et aurait été exilée dans une ferme lointaine de la province de North Western Cape en étant contrainte de laisser à Paarl, où elle habitait, son mari et ses onze enfants, dont un en bas âge. Mme Mafekeng n'aurait fait l'objet d'aucune accusation et n'aurait été traduite devant aucun tribunal; elle n'aurait de plus aucun recours contre la mesure qui l'a frappée, mesure que les autorités auraient justifiée par le fait que « la présence à Paarl de Mme Mafekeng compromet l'ordre et la bonne administration des indigènes du secteur ». En réalité, déclarent les plaignants, la raison véritable de cette mesure gouvernementale est la lutte menée avec persévérance par l'intéressée pour l'amélioration des conditions de vie des travailleurs des conserveries.
    3. 178 A sa session de novembre 1959, le Comité a décidé que les allégations ci-dessus entraient dans la catégorie des questions mettant en cause la liberté d'individus, questions qu'à sa session de novembre 1958 le Conseil d'administration avait décidé qu'elles seraient considérées comme étant urgentes.
    4. 179 En conséquence, par deux lettres en date des 24 novembre 1959 et 10 décembre 1959, le Directeur général a transmis au gouvernement de l'Union sud-africaine les plaintes du Congrès des syndicats d'Afrique du Sud et de la Fédération syndicale mondiale en l'invitant à fournir d'urgence ses observations.
    5. 180 Le gouvernement a fait parvenir sa réponse par une lettre en date du 11 février 1960.
    6. 181 Dans sa réponse, le gouvernement indique que la mesure a été prise en vertu de l'article 5 du « Native Administration Act » de 1927, qui habilite le Gouverneur général à prendre de telles mesures lorsqu'il estime que l'ordre public l'exige. Il déclare ensuite que la mesure de bannissement incriminée a été prise pour des raisons absolument étrangères aux activités syndicales de Me Mafekeng, et il est clair - ajoute-t-il - que la plainte déposée à cet égard devant l'O.I.T a une origine politique qui n'entre pas dans la compétence de l'Organisation.
    7. 182 Si, dans certains cas antérieurs, le Comité avait conclu que des allégations relatives à des mesures prises à l'encontre de militants syndicalistes ne méritaient pas un examen plus approfondi, c'est après avoir pris connaissance des observations du gouvernement établissant de manière suffisamment précise et circonstanciée que ces mesures n'étaient pas motivées par des activités d'ordre syndical, mais seulement par des actes dépassant le cadre syndical et qui étaient soit préjudiciables à l'ordre public, soit de nature politique. Dans le cas d'espèce, le Comité note que le gouvernement s'est abstenu de préciser les activités qui ont provoqué la mesure dont l'intéressée a été l'objet.
    8. 183 Toutefois, d'après certaines informations parvenues au Bureau et, en particulier, aux termes mêmes de la plainte de la Fédération syndicale mondiale du 25 novembre 1959, il semblerait que Mme Mafekeng, avant que la mesure la frappant ait pu être exécutée, ait quitté le territoire de l'Union sud-africaine.
    9. 184 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
      • a) de prendre acte du fait que Mme Mafekeng semble avoir quitté le territoire de l'Union sud-africaine;
      • b) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou criminels que le gouvernement considère comme étant étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante;
      • c) d'indiquer qu'il estime que ce principe est violé dans le cas où un accusé ferait l'objet, sans procédure judiciaire, d'une mesure d'exil ou de bannissement à vie comme ce fut le cas en ce qui concerne Mme Mafekeng.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 185. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives au pillage de locaux syndicaux, au licenciement de dirigeants syndicaux et aux recommandations du Conseil des salaires, qu'elles n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) de réaffirmer, en ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation de dirigeants syndicaux accusés de trahison, et à la discrimination raciale en matière syndicale, les décisions prises par le Conseil d'administration en mars 1955, novembre 1956 et mars 1958, décisions qui sont rappelées aux paragraphes 162, 173 et 175 ci-dessus;
    • c) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à Mme Mafekeng:
    • i) de prendre acte du fait que Mme Mafekeng semble avoir quitté le territoire de l'Union sud-africaine;
    • ii) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délit criminel ou politique que le gouvernement estime être étranger à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante;
    • iii) d'indiquer qu'il estime que ce principe est violé dans le cas où un accusé fait l'objet, sans procédure judiciaire, d'une mesure d'exil ou de bannissement à vie, comme il en a été en ce qui concerne Mme Mafekeng.
      • Genève, 22 février 1960. (Signé) Roberto AGO, Président.
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