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- 121. La plainte de la Fédération syndicale mondiale est contenue dans une communication, en date du 30 juin 1958, adressée directement à l'O.I.T. Le gouvernement a présenté ses observations à son sujet par une lettre en date du 5 novembre 1958. A sa vingt et unième session (Genève, février 1959), le Comité a décidé de demander au gouvernement de fournir des informations complémentaires sur certains aspects du cas. Cette demande a été présentée au gouvernement par une lettre en date du 11 mars 1959; le gouvernement y a donné suite par une communication datée du 20 mars 1959.
A. Allégations relatives à une circulaire adressée aux employeurs
A. Allégations relatives à une circulaire adressée aux employeurs
- 122. Il est allégué que, le 23 avril 1958, le directeur des affaires non européennes du Conseil municipal de Benoni (Transvaal) aurait adressé une circulaire à tous les employeurs de main-d'oeuvre indigène, dans laquelle il était indiqué que des instructions auraient été reçues du Commissaire régional de l'emploi selon lesquelles, aux termes de l'avis gouvernemental n 2495 de 1952, tout travailleur indigène licencié pour avoir pris part à des grèves, à des manifestations, pour absentéisme, etc., ne devrait, en aucune circonstance, être placé dans un nouvel emploi sans l'autorisation expresse du commissaire régional de l'emploi. La circulaire - déclarent les plaignants - invitait ensuite les employeurs à établir des dossiers spéciaux comprenant tous renseignements jugés utiles sur les travailleurs indigènes en question et à fournir au bureau local de la main-d'oeuvre des indications complémentaires sur les cas de ce genre.
- 123. Après avoir réaffirmé sa position en ce qui concerne la question de la constitutionnalité de l'établissement du Comité de la liberté syndicale, le gouvernement, tout en maintenant cette position, présente ses observations sur le fond des allégations formulées dans sa lettre du 5 novembre 1958.
- 124. Le gouvernement déclare que la circulaire gouvernementale no 2495, de 1952, relative à l'établissement et au contrôle des bureaux de l'emploi indigène - qui sont chargés, en matière de main-d'oeuvre indigène, des fonctions normales des bureaux de l'emploi - ne contient aucune disposition concernant le licenciement ou le remploi conditionnel des travailleurs ayant participé à des grèves. Le gouvernement ajoute que «les autorités locales ont diffusé par inadvertance la circulaire en question, laquelle a été ultérieurement annulée sans qu'il ait été donné effet aux instructions qu'elle contenait ».
- 125. Le point essentiel de ces allégations réside dans le fait que les autorités locales compétentes ont émis une circulaire constituant une intervention des autorités visant à obliger les employeurs à causer un préjudice aux travailleurs indigènes susceptibles de prendre part à certaines activités syndicales, telles que des grèves, des manifestations, etc., de même qu'à certaines autres formes d'activité, comme l'absentéisme, ne constituant pas nécessairement des activités syndicales. Le Comité estime que l'émission de cette circulaire, si celle-ci n'avait pas été annulée, aurait pu constituer une intervention dans le droit des travailleurs de participer à une action concertée par l'intermédiaire de leurs syndicats et, en particulier, aurait impliqué une atteinte au principe généralement admis selon lequel les travailleurs doivent jouir d'une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale à l'emploi. Il semblerait toutefois que la circulaire incriminée ait été annulée. Dans ces conditions, le Comité, sous réserve des observations qui précèdent, recommande au Conseil d'administration de décider qu'un examen plus approfondi de cet aspect du cas serait sans objet.
- Allégations relatives à une grève à la Amato Textile Factory
- 126. Il est également allégué qu'en février 1958, après une grève dans l'usine textile Amato, le Département des affaires non européennes aurait contraint l'employeur à licencier tout son personnel et à passer par l'intermédiaire du Département des affaires indigènes pour réembaucher; des sanctions auraient ainsi frappé trois cent quarante travailleurs et, en particulier, tous les membres du comité d'entreprise et de la direction syndicale, qui n'ont pas été réembauchés par suite de cette intervention gouvernementale.
- 127. En ce qui concerne la grève dans l'usine textile Amato, le gouvernement déclarait, dans sa communication du 5 novembre 1958, que les fonctionnaires gouvernementaux avaient fait appel aux travailleurs et s'étaient efforcés sans succès de les persuader de reprendre le travail afin que le différend pût être traité conformément aux dispositions de la loi de 1953 sur la main-d'oeuvre indigène (règlement des différends); c'est le refus d'obtempérer de la part des travailleurs qui a mis un terme à leur emploi. Bien qu'indiquant que l'employeur avait réembauché la majorité des travailleurs, certains d'entre eux ne l'ayant cependant pas été, n'étant plus nécessaires à la suite d'une « réorganisation », le gouvernement ne répondait pas de manière spécifique aux allégations selon lesquelles, d'une part, le Département des affaires non européennes aurait contraint l'employeur à licencier tous les travailleurs, d'autre part, tous les membres du comité d'entreprise et de la direction du syndicat seraient parmi les travailleurs non rengagés. En conséquence, à sa réunion de février 1959, le Comité avait décidé de demander au gouvernement de bien vouloir lui fournir des informations sur ces deux points précis avant de formuler à leur endroit ses recommandations au Conseil d'administration.
- 128. Dans sa communication datée du 20 mars 1959, le gouvernement déclare qu'il ressort clairement de sa réponse antérieure qu'il n'existe aucun lien entre cet arrêt du travail et la circulaire mentionnée au paragraphe 124 ci-dessus, laquelle a été annulée avant qu'il y ait été donné effet. Le gouvernement ajoute que les bureaux de l'emploi se bornent à canaliser les besoins de main-d'oeuvre indigène et que les employeurs sont libres d'engager les travailleurs disponibles selon leurs besoins et leurs désirs.
- 129. Dans sa dernière réponse, le gouvernement ne tente pas non plus de réfuter l'allégation selon laquelle «tous les membres du comité d'entreprise et de la direction du syndicat» auraient été parmi les travailleurs ayant participé à la grève qui n'auraient pas été réembauchés. Par contre, il paraît nier - encore qu'implicitement et non spécifiquement - qu'il aurait contraint les employeurs à prendre les mesures qu'ils ont prises; le gouvernement déclare que les employeurs sont restés libres d'engager les travailleurs disponibles selon leurs besoins et leur désir.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 130. Le point précis de savoir dans quelle mesure les autorités ont ou n'ont pas influencé la décision des employeurs est une question sur laquelle le Comité, compte tenu des données contradictoires dont il dispose, estime se trouver dans l'impossibilité d'aboutir à une conclusion. Il n'en reste pas moins que le gouvernement ne nie pas le fait que la décision des employeurs de rengager la majorité des grévistes (mais, en raison d'une (i réorganisation», pas « tous») ait impliqué l'exclusion du rengagement de tous les membres du comité d'entreprise et de la direction du syndicat. Le Comité considère comme évident que le fait, pour les employeurs, lorsqu'ils ont réembauché la majorité des travailleurs, d'avoir inclus parmi ceux qu'ils ne réembauchaient pas tous les membres de deux organes distincts représentant les travailleurs intéressés ne saurait constituer une simple coïncidence et, qu'en conséquence, les données dont il dispose laissent à penser qu'il y aurait eu une discrimination exercée à l'encontre de personnes ayant participé à une activité syndicale, en l'occurrence, organisation d'une grève et participation à cette grève. En conséquence, la question qui se pose semblerait celle de savoir si, dans le cas d'espèce, la grève constituait une activité légitime à l'égard de laquelle les travailleurs auraient dû bénéficier d'une protection contre les actes de discrimination.
- 131. Dans le cas no 102 relatif à l'Union sud-africaine, le Comité avait déjà eu l'occasion d'examiner la situation des travailleurs africains en ce qui concerne l'exercice du droit de grève et du droit de représentation par leurs syndicats. Dans ce cas, tout en estimant qu'il n'était pas appelé à examiner dans quelle mesure le droit de grève en général devait être considéré comme un droit syndical, le Comité avait constaté, comme il l'avait fait dans plusieurs cas antérieurs, que le droit de grève était généralement accordé aux travailleurs et à leurs organisations comme faisant partie de leurs droits de défense des intérêts communs, et il poursuivait en exprimant l'opinion que, lorsque le droit de grève est reconnu aux travailleurs et à leurs organisations, il ne devrait exister aucune discrimination raciale quant aux bénéficiaires de ce droit. Après avoir examiné la situation respective des travailleurs européens (en vertu de la loi sur la conciliation dans l'industrie) et des travailleurs africains, en vertu de la loi de 1953 sur le travail indigène (règlement des différends), qui rend illégale toute grève des Africains sans prévoir (comme dans le cas des Européens) la participation de leurs syndicats aux procédures de règlement des conflits, le Comité avait conclu, dans le cas no 102, qu'il était de son devoir d'attirer l'attention sur l'existence d'une discrimination entre les travailleurs africains et les autres travailleurs en ce qui concerne les restrictions apportées au droit de grève.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 132. Dans le cas d'espèce, lorsque les travailleurs ont refusé de reprendre le travail, leurs contrats ont été considérés comme se terminant parce que les travailleurs avaient négligé de respecter des instructions leur enjoignant d'utiliser des procédures elles-mêmes discriminatoires en ce qui concerne les travailleurs africains. Il s'ensuivit que, bien que seule une minorité des travailleurs intéressés se soient vu refuser le rengagement, cette minorité semble avoir compris tous les membres du comité d'entreprise et de la direction du syndicat représentant ces travailleurs. Sur la base de ces données, le Comité estime que la seule conclusion raisonnable pour lui est de déclarer que les employeurs intéressés paraissent avoir commis un acte de discrimination antisyndicale à l'égard de l'emploi des travailleurs africains membres de ces deux organes de représentation et recommande au Conseil d'administration de faire sienne cette conclusion et d'attirer sur elle l'attention du gouvernement de l'Union sud-africaine.