ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Interim Report - REPORT_NO27, 1958

CASE_NUMBER 157 (Greece) - COMPLAINT_DATE: 14-DEZ-56 - Closed

DISPLAYINEnglish - Spanish

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 294. Une première plainte, en date du 14 décembre 1956, a été adressée directement à l'O.I.T par l'Association des employés de la Banque ionienne. Par la suite, conjointement ou séparément, toute une série de plaintes est parvenue au Bureau, contenant essentiellement les mêmes allégations. Ces plaintes émanaient des organisations suivantes : plainte en date du 14 décembre 1956 émanant conjointement de la Fédération du personnel des automobiles de Grèce et de la Fédération des mineurs de Grèce, plainte en date du 17 décembre 1956 émanant de l'Union des employés du commerce de Salonique et d'autres organisations, plainte en date du 12 janvier 1957 émanant de l'Association des employés de la Banque nationale de Grèce, plainte en date du 24 décembre 1956 émanant de la Fédération panhellénique d'électricité et d'entreprises d'utilité publique et d'autres organisations. Le nombre total des organisations plaignantes se montait à vingt-cinq.
  2. 295. Par une communication en date du 26 janvier 1957, la Fédération du personnel des automobiles de Grèce a présenté des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. De son côté, par deux communications datées également du mois de janvier 1957, l'Association des employés de la Banque ionienne a présenté des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. En outre, les 29 mai et 4 octobre 1957 (cette dernière date étant la date de réception au Bureau, la communication elle-même n'étant pas datée), M. Tsakiris, ancien secrétaire général de l'Association des employés de la Banque ionienne, a fourni des informations complémentaires à l'appui de la plainte de cette association.
  3. 296. Les diverses plaintes, ainsi que les informations complémentaires qui sont venues ultérieurement les appuyer portant essentiellement sur les mêmes faits allégués, il convient de les analyser conjointement.
    • Allégation relative au licenciement de M. Tsakiris, secrétaire général de l'Association des employés de la Banque ionienne
  4. 297. Les plaignants allèguent que, le 29 novembre 1956, à la suite d'une décision prise le 22 novembre de la même année par le Comité de loyalisme, institué par la loi no 516 de 1948, la Banque ionienne aurait congédié M. Evangelos Tsakiris, secrétaire général de l'Association des employés de la Banque ionienne. La notion de « loyalisme » n'aurait été utilisée en l'occurrence que comme prétexte et la véritable raison du licenciement de M. Tsakiris résiderait dans les activités syndicales déployées par ce dernier.
  5. 298. A l'appui de leur allégation, les plaignants relatent lés faits suivants le 27 juillet 1956, à la suite de longues délibérations et sous la menace d'une grève, la direction de la Banque ionienne aurait promis à son personnel de lui accorder un prêt égal aux appointements de quinze jours de travail. Le soir même, la Banque aurait obtenu de la Sûreté générale un document d'où il ressortirait que les activités syndicales de M. Tsakiris étaient « nettement dangereuses ». Le lendemain, la direction de la Banque aurait demandé au Comité de loyalisme de rendre une décision qui permettrait à ses employeurs de renvoyer M. Tsakiris.
  6. 299. De plus, aux dires des plaignants, le chef du personnel de la Banque ionienne aurait déclaré à M. Tsakiris que ses employeurs préféreraient lui payer ses appointements sans qu'il travaille plutôt que de le voir revenir à la Banque.
  7. 300. Les plaignants demandent à l'O.I.T d'intervenir en vue, d'une part, de faire révoquer le licenciement de M. Tsakiris, d'autre part, et plus généralement, d'amener le gouvernement à abroger la loi no 516 de 1948 que les plaignants considèrent comme étant anticonstitutionnelle et antidémocratique.
  8. 301. Dans une communication ultérieure contenant des informations complémentaires à l'appui des plaintes originairement présentées, les plaignants indiquent que M. Tsakiris a interjeté appel auprès du Comité de loyalisme de seconde instance contre la décision rendue à son endroit par le Comité de première instance. Le Comité de deuxième instance aurait refusé d'entendre les témoins cités par M. Tsakiris et - après avoir unanimement accepté la version des faits telle que M. Tsakiris l'a présentée - aurait néanmoins confirmé la décision prise par le Comité de première instance, lié qu'il était par « le papier de la Sûreté générale ». La destitution de M. Tsakiris de ses fonctions serait de cette façon devenue définitive.
  9. 302. Enfin, dans une communication reçue de M. Tsakiris le 4 octobre 1957, celui-ci déclare ce qui suit : « Le chef du personnel du ministère du Travail qui devait vous répondre après réception de vos lettres dans lesquelles vous demandiez des renseignements au sujet de mon cas s'est entendu avec le chef du personnel de la Banque ionienne et vous a écrit ce que ce dernier lui a suggéré. » M. Tsakiris déclare prendre la pleine responsabilité de sa dénonciation en toute conscience de sa gravité et précise qu'il est en mesure d'en prouver l'exactitude au moyen de témoignages.
    • Allégations relatives au licenciement de MM. Maléas et Alevras, respectivement employé de l'Organisme des téléphones et télégraphes de Grèce et président de l'Association des employés de la Banque de Grèce
  10. 303. Dans la communication de M. Tsakiris mentionnée au paragraphe précédent, son auteur indique que deux autres personnes auraient été licenciées des postes qu'elles occupaient sous le même prétexte que celui qui avait été invoqué pour son propre licenciement ; il s'agit de MM. E. Maléas et J. Alevras, respectivement employé de l'Organisme des téléphones et télégraphes de Grèce (O.T.E.) et président de l'Association des employés de la Banque de Grèce.
  11. 304. En ce qui concerne M. Maléas, il lui aurait été reproché, d'une part, d'avoir suscité la présentation d'assignations collectives contre l'O.T.E au sujet du retard de paiement des traitements dus, d'autre part, d'avoir dénoncé à la justice l'administration désignée de son association qui, aidée du représentant judiciaire, se serait efforcée de falsifier les élections pour le choix des représentants devant participer au Congres du Centre du travail d'Athènes.
  12. 305. Il ne s'agirait pas, dans le cas de M. Alevras, d'un véritable licenciement toutefois, celui-ci aurait été contraint de démissionner à la suite d'une intervention du Président du gouvernement. Plus précisément, le directeur du Bureau politique du Président du gouvernement, M. Kontas, aurait invité M. Paparodopoulo, secrétaire général de l'Association des employés de la Banque de Grèce, à exiger, en invoquant l'ordre du Président du gouvernement, la démission de M. Alevras, faute de quoi - aurait ajouté le porte-parole du gouvernement il ne serait donné suite à l'avenir à aucune des demandes de l'Association.
    • Allégations relatives aux mesures discriminatoires prises à l'encontre de la Fédération du personnel des automobiles de Grèce
  13. 306. L'un des plaignants - la Fédération du personnel des automobiles de Grèce - allègue que la Confédération générale du Travail de Grèce (C.G.T.G.) mettrait tout en rouvre pour que la direction de l'organisation plaignante démissionne et cède la place à une commission provisoire nommée par l'administration de la C.G.T.G. Le plaignant indique que la légalité de l'élection de la direction de la Fédération du personnel des automobiles de Grèce par le huitième Congrès panhellénique de 1955 a été consacrée par les tribunaux, qui ont rejeté le recours fait par la C.G.T.G contre sa validité.
  14. 307. Parmi les moyens de pression utilisés par la C.G.T.G en vue de faire céder la Fédération du personnel des automobiles de Grèce, des mesures auraient été prises tendant à priver cette fédération de ses ressources financières. Le plaignant déclare qu'aux termes d'une loi no 3239 de 1955 et à la suite de la signature d'une convention collective, une contribution syndicale en faveur des organisations professionnelles a été établie, qui consiste en la retenue annuelle du salaire de la journée du 1er mai de tous les travailleurs du pays, mais que l'Institut des assurances sociales (I.K.A.), qui est chargé d'encaisser et de répartir cette contribution parmi les organisations syndicales selon un pourcentage établi, aurait, sur l'intervention de la C.G.T.G, illégalement retenu le montant revenant à la Fédération plaignante. Malgré les interventions réitérées de cette dernière auprès du gouvernement et, notamment, du ministre du Travail, l'exclusive frappant la Fédération du personnel des automobiles se poursuivrait en raison de l'influence dont jouit la C.G.T.G au sein de la direction de l'Institut des assurances sociales dont elle fait partie.
  15. 308. En conclusion, l'organisation plaignante demande à l'O.I.T de prendre les mesures nécessaires pour contraindre la direction de la C.G.T.G à réviser la position qu'elle a adoptée.
  16. 309. Toutes les plaintes mentionnées ci-dessus, ainsi que les informations complémentaires qui les ont suivies ont été communiquées au gouvernement par des lettres en date des 3, 8, 18 et 25 janvier 1957, 11 février, 13 mars, 17 juin et 10 octobre 1957.
    • ANALYSE DES REPONSES
  17. 310. Le gouvernement a fait parvenir ses observations sur les plaintes qui lui avaient été communiquées par deux lettres en date des 29 janvier et 3 octobre 1957.
    • Analyse de la première réponse (Communication du 29 janvier 1957)
  18. 311. Le gouvernement reconnaît que M. Tsakiris a été éloigné de la banque où il était employé à la suite d'un avis du Comité de loyalisme correspondant à cette catégorie de travailleurs. Il précise que, lors de son engagement par la banque en novembre 1949, M. Tsakiris avait omis de fournir un certificat de loyalisme comme il aurait dû le faire.
  19. 312. Le gouvernement indique ensuite que la tâche et la composition des comités de loyalisme sont fixées par la loi no 516 de 1948 (Journal officiel, no 6, 8 janv. 1948, vol. A) relative au contrôle du loyalisme des fonctionnaires, des employés des organismes de droit public, du personnel des mairies, des employés de banques fonctionnant en tant que sociétés anonymes et du personnel des organismes subventionnés par l'Etat.
  20. 313. L'article 5 de ladite loi - ajoute le gouvernement - prévoit l'institution de comités de loyalisme du second degré composés de magistrats de haut grade et de hauts fonctionnaires et il précise que, conformément à cette disposition, M. Tsakiris a fait appel devant l'un de ces comités du second degré.
  21. 314. Après avoir indiqué son intention de faire connaître le résultat de la nouvelle procédure engagée dès que celui-ci sera connu, le gouvernement avait suggéré qu'en attendant, l'examen du cas soit ajourné.
    • Décisions antérieures du Comité
  22. 315. A ses seizième et dix-septième sessions (Genève, février et mai 1957), le Comité a décidé de suspendre l'examen du cas en attendant de connaître le résultat de la procédure d'appel engagée par M. Tsakiris.
    • Analyse de la deuxième réponse (Communication du 3 octobre 1957)
  23. 316. Dans sa deuxième réponse, le gouvernement commence par donner la composition du Comité de loyalisme du second degré devant lequel l'appel de M. Tsakiris a été porté. La composition de ce comité était la suivante : M. M. Pantelis, conseiller à la Cour de cassation (Aréopage), président ; M. D. Magioros, conseiller juridique au ministère des Transports et des Travaux publics, membre suppléant remplaçant M. J. Bizimis, conseiller juridique au ministère de la Justice, membre titulaire empêché ; M. Camberis, juge à la Cour d'appel, représentant M. A. Costiris, membre titulaire, promu président de la Cour d'appel ; M. N. Spyropoulos, directeur principal de la police, membre suppléant, le membre titulaire, M. N. Tsaoussis, directeur principal de la police, ayant été empêché ; M. L. Sperantzas, directeur général du ministère de la Justice, membre titulaire. Le gouvernement indique ensuite que le Comité de loyalisme du second degré, ainsi composé, s'est réuni le 11 avril 1957, en présence de son secrétaire, M. Germanos, greffier de l'Aréopage, afin de statuer sur l'appel de M. Tsakiris.
  24. 317. Par une décision portant le numéro 33/57, le Comité de loyalisme du second degré a rejeté l'appel de M. Tsakiris en se fondant sur le fait que tant ses anciennes activités que ses activités récentes faisaient de l'intéressé un citoyen non loyal. Aucune autre voie de recours n'étant ouverte, le gouvernement indique que le licenciement de M. Tsakiris est devenu définitif.
  25. 318. Le gouvernement rappelle ensuite que le Parti communiste grec, en vertu de la loi no 539 de 1947, a été proclamé illégal après qu'il eut fomenté une révolte armée contre le gouvernement en place, qu'il se fut livré à diverses activités antinationales et qu'il eut suscité dans le pays des troubles qui ont coûté la vie à des milliers de personnes. Il indique que, toutefois, la création d'un parti politique portant une étiquette différente mais abritant les personnes qui professent des idées communistes a été autorisée et que ce parti est représenté au Parlement grec. Il précise que ce n'est pas l'idéologie communiste en tant que telle qui est en fait interdite, mais bien la participation à des activités antinationales qui visent à faire revivre la politique révolutionnaire de l'ancien Parti communiste grec. Ce serait pour s'être livré à de semblables activités que M. Tsakiris aurait fait l'objet de sanctions et non pas - semble-t-il ressortir de la réponse gouvernementale - en raison de ses opinions politiques ou de son activité proprement syndicale.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 319. Etant donné le caractère distinct des diverses allégations présentées, elles seront traitées ci-dessous séparément.
    • Allégation relative au licenciement de M. Tsakiris, secrétaire général de l'Association des employés de la Banque ionienne
  2. 320. Les plaignants allèguent qu'à la suite de diverses revendications de l'association de son personnel, accompagnées de menaces de grève, la direction de la Banque ionienne aurait obtenu du Comité de loyalisme une décision selon laquelle M. Tsakiris, secrétaire général de l'Association des employés de la Banque, serait un citoyen « non loyal », décision qui aurait permis à ses employeurs de licencier M. Tsakiris. Ce licenciement serait, d'après les plaignants, la conséquence directe des activités syndicales déployées par celui qui en a fait l'objet. Le Comité de loyalisme du second degré, devant lequel l'intéressé avait interjeté appel, a confirmé la décision du Comité du premier degré.
  3. 321. Le gouvernement nie que la décision des comités de loyalisme des premier et second degrés ait pour origine les activités syndicales de M. Tsakiris ; il affirme au contraire qu'elle s'est fondée uniquement sur l'action antinationale dans laquelle s'était engagé l'intéressé.
  4. 322. La perte de son emploi comme employé de la Banque ionienne entraîne automatiquement pour M. Tsakiris l'obligation de renoncer à ses fonctions syndicales. Cette conséquence paraît découler de l'application du décret-loi no 3072 de 1954 (Journal officiel, 9 oct. 1954), qui contient une disposition prévoyant que les membres du conseil d'administration d'un syndicat perdent automatiquement cette qualité aussitôt qu'ils cessent d'exercer la fonction qu'ils représentent. Dans un cas antérieur, le Comité avait déjà eu l'occasion de commenter cette disposition de la loi, laquelle n'était encore à ce moment qu'à l'état de projet. A cette occasion, le Comité avait constaté que, si l'on rapproche la disposition en question des termes du décret no 2510 de 1953 abrogeant, en ce qui concerne certaines banques, les dispositions législatives protégeant les dirigeants syndicalistes des associations d'employés de banque contre le licenciement, il en résulte que le membre du conseil d'administration d'un syndicat qui serait licencié par la direction d'une des banques intéressées se trouverait privé non seulement de son emploi mais encore de son droit de participer à l'administration de son syndicat. Sur la recommandation du Comité, le Conseil avait signalé à l'attention du gouvernement de la Grèce que, si ce qui était alors encore un projet de loi était adopté, il aurait pour conséquence de permettre à la direction de certaines banques de faire obstacle au droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants, droit qui constitue l'un des aspects essentiels de la liberté syndicale.
  5. 323. Par une lettre en date du 10 février 1955, le gouvernement hellénique avait fait savoir que la disposition qui était en projet au moment du dépôt de la plainte examinée dans le cadre du cas cité plus haut avait été incorporée dans un décret-loi no 3072 de 1954, c'est-à-dire antérieurement à la décision du Conseil d'administration. Il ajoutait que cette disposition faisait l'objet d'un réexamen de la part du gouvernement. Dans une deuxième lettre en date du 30 avril 1955, le gouvernement précisait qu'il avait pris la décision de modifier dans un proche avenir ladite disposition et qu'il se proposait d'envoyer prochainement le nouveau texte législatif qui serait adopté sur la question.
  6. 324. Aucun texte de ce genre n'étant à ce jour parvenu au Bureau, il est permis d'en conclure que le décret-loi dont les conséquences fâcheuses possibles avaient été signalées par le Comité et le Conseil est toujours en vigueur. Dans ces conditions, le Comité tient à formuler à nouveau les observations qu'il avait présentées à l'occasion de son examen du cas cité plus haut et recommande au Conseil d'administration de faire à nouveau appel au gouvernement grec pour que celui-ci envisage d'amender dans un proche avenir sa législation en vue de la mettre sur ce point en harmonie avec le principe selon lequel il ne devrait pas être fait obstacle au droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants.
  7. 325. Le Comité a noté ensuite que la décision qui semble avoir rendu possible le licenciement de M. Tsakiris est le fait d'un organisme spécial, autre qu'un tribunal ordinaire. Les comités de loyalisme, en effet, ont été institués par la loi no 516 de 1948, qui peut être assimilée à une loi sur la sécurité de l'Etat. Dans les nombreux cas où il avait été saisi de plaintes concernant de prétendues atteintes portées à la liberté syndicale sous le régime de l'état de siège ou d'exception ou encore en vertu d'une loi sur la sécurité de l'Etat, le Comité, tout en indiquant qu'il n'était pas appelé à se prononcer sur la nécessité ou sur l'opportunité d'une telle législation, question d'ordre purement politique, a toujours estimé qu'il devait examiner les répercussions que cette législation pourrait avoir sur les droits syndicaux. Il n'est pas douteux que, dans le cas d'espèce, de telles répercussions aient existé. C'est en effet à la suite de la stigmatisation de M. Tsakiris comme citoyen « non loyal » par le Comité de loyalisme que la Banque ionienne, sur la base de cette décision, a pu licencier l'intéressé, qui a de ce fait perdu son emploi et le droit d'exercer ses importantes fonctions syndicales.
  8. 326. Les comités de loyalisme sont des instances administratives. Cette constatation ressort des réponses gouvernementales, qui donnent notamment la composition du comité de deuxième instance qui a été saisi de l'appel de M. Tsakiris. Ce comité comptait parmi ses membres un certain nombre de magistrats, dont le président, mais il comptait également une proportion importante de fonctionnaires de divers ministères et de la police. Le rôle des comités de loyalisme est, d'après le gouvernement, de contrôler le loyalisme des fonctionnaires, des employés des organismes de droit public, du personnel des mairies, des employés de banques fonctionnant en tant que sociétés anonymes et du personnel des organismes subventionnés par l'Etat.
  9. 327. Dans tous les cas où il était allégué que des syndicalistes avaient fait l'objet de mesures ou de décisions émanant d'organismes ayant un caractère spécial, le Comité a toujours rappelé l'importance qu'il attachait au principe selon lequel ces syndicalistes, comme toutes autres personnes, devaient bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière. Dans le cas d'espèce, le Comité note, d'une part, que la décision qui a frappé indirectement M. Tsakiris a été prise par une instance administrative, d'autre part, que s'il existe un recours, celui-ci ne peut être porté que devant une autre instance administrative ; dans ces conditions, considérant que le système décrit par le gouvernement est susceptible de ne pas s'accompagner des garanties juridiques appropriées, le Comité recommande au Conseil d'administration de charger le Directeur général d'obtenir du gouvernement grec toutes informations nécessaires sur la procédure appliquée par les comités de loyalisme du premier comme du second degré, ainsi que sur les garanties dont s'entoure cette procédure et notamment les moyens de défense accordés aux syndicalistes mis en cause, ainsi que sur le caractère motivé ou non des décisions de ces instances.
  10. 328. Par ailleurs, le Comité, dans plusieurs cas antérieurs, avait été appelé à se prononcer sur l'application de mesures qui, bien qu'étant de nature politique et n'ayant pas pour but de restreindre les droits syndicaux comme tels - ce que le gouvernement affirme être le cas en l'occurrence - pouvaient néanmoins affecter l'exercice de ces droits. Il estime que, puisque dans le cas d'espèce la personne intéressée assumait des responsabilités d'ordre syndical, la mesure qui l'a frappée était susceptible, même si tel n'était pas son but, d'affecter l'exercice des droits syndicaux et a en fait affecté cet exercice. Le Comité rappelle en outre que, si, dans certains cas, il avait conclu que des allégations relatives à des mesures prises à l'encontre de militants syndicalistes ne méritaient pas un examen plus approfondi, c'est après avoir pris connaissance des observations du gouvernement établissant de manière suffisamment précise et circonstanciée que ces mesures n'étaient nullement motivées par des activités d'ordre syndical, mais seulement par des actes dépassant le cadre syndical et qui étaient, soit préjudiciables à l'ordre public, soit de nature politique.
  11. 329. Dans le cas d'espèce, le gouvernement se borne à affirmer que M. Tsakiris a été déclaré « non loyal » par les comités de loyalisme des premier et second degrés en raison des activités antinationales auxquelles il se serait livré ; il ne précise pas toutefois quelles auraient été ces activités antinationales. Dans ces conditions et compte tenu du fait que la décision du comité de loyalisme et licenciement serait intervenue à un moment où l'association dont l'intéressé était secrétaire général avait présenté des revendications sous menace de grève, le Comité estime qu'il lui est nécessaire d'obtenir, pour pouvoir se former une opinion en connaissance de cause et avant de faire ses recommandations définitives au Conseil d'administration, des informations plus détaillées quant aux données précises qui ont motivé la décision du comité de loyalisme et quant aux activités spécifiques qui sont reprochées à M. Tsakiris. Le Comité recommande donc au Conseil d'administration de charger le Directeur général d'obtenir du gouvernement grec lesdites informations complémentaires.
    • Allégations relatives aux mesures prises à l'encontre de MM. Maléas et Alevras, respectivement employé de l'Organisme des téléphones et télégraphes de Grèce et président de l'Association des employés de la Banque de Grèce
  12. 330. Les plaignants allèguent, d'une part, que M. Maléas, employé de l'Organisme des téléphones et télégraphes aurait été licencié dans les mêmes conditions que M. Tsakiris et sous le même prétexte ; ils allèguent, d'autre part, qu'à la suite de pressions gouvernementales, M, Alevras, président de l'Association des employés de la Banque de Grèce, aurait été contraint de démissionner.
  13. 331. La communication contenant cet aspect du cas a été transmise au gouvernement tout récemment, et celui-ci n'a pas encore eu le temps matériel de présenter ses observations à son sujet. Dans ces conditions, le Comité estime qu'il est nécessaire d'attendre la réponse du gouvernement sur les questions soulevées par cet aspect du cas avant de formuler à leur sujet ses recommandations au Conseil d'administration.
    • Allégations relatives aux mesures discriminatoires prises à l'encontre de la Fédération du personnel des automobiles de Grèce
  14. 332. La Fédération du personnel des automobiles de Grèce serait l'objet de pressions de la part de la C.G.T.G, qui souhaiterait voir démissionner la direction de la Fédération pour la remplacer par une commission provisoire nommée par la C.G.T.G. Parmi les moyens de pression exercés, la C.G.T.G et l'Institut des assurances sociales, au conseil d'administration duquel la C.G.T.G jouerait un rôle important, auraient fait en sorte que la Fédération du personnel des automobiles de Grèce soit privée de ses ressources financières.
  15. 333. Le Comité note que, dans ses diverses réponses, le gouvernement s'est abstenu de présenter des observations sur cet aspect du cas. Dans ces conditions, le Comité, sans préjuger pour le moment la question de savoir si ces allégations sont recevables, recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de bien vouloir lui faire parvenir ses observations sur les questions soulevées par cet aspect du cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 334. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de souligner l'importance qu'il attache au principe selon lequel il ne devrait pas être fait obstacle au droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants, de signaler en conséquence au gouvernement grec que la législation en vigueur, et notamment le décret-loi no 3072 de 1954 pris en conjonction avec le décret no 2510 de 1953, risque de permettre à la direction de certaines banques de restreindre le droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants, droit qui constitue l'un des aspects essentiels de la liberté syndicale, et de faire appel au gouvernement pour que celui-ci prenne les mesures envisagées dans sa communication du 30 avril 1955, en vue de modifier sa législation afin de la mettre en harmonie avec le principe mentionné ci-dessus;
    • b) de rappeler l'importance qu'il attache à ce que les syndicalistes qui sont traduits devant un organisme autre qu'un tribunal ordinaire bénéficient, comme toutes autres personnes, des garanties d'une procédure judiciaire régulière et de demander au gouvernement grec toutes informations complémentaires nécessaires en ce qui concerne la procédure suivie devant les comités de loyalisme des premier et second degrés, sur les garanties dont s'entoure cette procédure, notamment les moyens de défense accordés aux syndicalistes mis en cause ainsi que sur le caractère motivé ou non des décisions de ces instances ;
    • c) de demander au gouvernement de la Grèce des informations complémentaires détaillées quant aux données précises qui ont motivé les décisions des comités de loyalisme des premier et second degrés - mesures qui ont été prises à un moment où l'Organisation dont M. Tsakiris était secrétaire général envisageait de déclencher une grève - et quant aux activités spécifiques qui sont reprochées à M. Tsakiris ;
    • d) de demander au gouvernement de la Grèce qu'il présente ses observations sur les allégations relatives aux mesures dont ont fait l'objet MM. Maléas et Alevras ;
    • e) sans préjuger la recevabilité des allégations relatives à la Fédération du personnel des automobiles de Grèce, de demander au gouvernement de faire parvenir ses observations sur la mesure de discrimination dont la Fédération ci-dessus aurait été victime ;
    • f) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu qu'il sera de nouveau saisi d'un rapport lorsque l'on disposera des informations sollicitées du gouvernement.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer